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eft eau. La fuperficie de cette immenfe folitude
ne fera guère interrompue que par des fragmens
de terres, fi Ton embrafle tout l’efpace compris
entre le pôle & le tropique du Capricorne. On peut
donc dire que l’hémifphère auftral eft le vrai domaine
de l'Océan } car en partant du cercle polaire
antarâique, & de là s’élevant j ufqu’au pôle, on ne
voit plus qu’une Calotte de glace, qui pourroit tout
au plus, comme nous le verrons par la fuite, enfermer
quelque petite terre où la nature eft morte j
car on fait que les courfes répétées du capitaine
Cook autour de ce pôle ont démontré aux plus
incrédules j que ce prétendu grand continent aufiraly
que long-tems on s’eft obftiné à regarder comme
néceffaire à i’équipondération du Globe pour balancer
les grandes terres de l’hémifphère boréal ,
n’exiftoit plus que dans des hypothèfes oubliées :
& fans doute la nature a d’autres moyens pour
maintenir l’équilibre de notre planète pendant
qu’elle recommence & achève fa révolution annuelle
autour du foleil.
Antarctique (Pô le). ( Ses g la c e s f a température.
) Le pôle antarctique a offert à plufieurs
navigateurs des amas confidérables de glaces , &
particuliérement au célèbre capitaine Cook dans
fes deux voyages} le premier en 1769 & 1770, &
le fécond en 17 73 ,1774 8c 1775 : il en réfulte que
le froid eft plus grand dans les régions auftrales
que dans les boréales ; que la portion de fphère ,
depuis le pôle antarctique jufqu’ à 18 & 20 degrés,
n’eft qu’une région glacée, une calotte de glace
folide & continue, à quelques interruptions près}
car ce navigateur, ayant fait le tour prefqu’ en-
tier de cette zone auftrale, a trouvé partout des
glaces, & n’a pu pénétrer nulle part au-delà du
71e. degré. Les appendices de cette immenfe glacière
du pôle antarctique s’étendent même juf-
qq’au 60e. degré en plufieurs points de la circonférence,
& les énormes glaçons qui s’en détachent
, voyagent jufqu’au yoe. & même jufqu’au
48e. degré de latitude en certains endroits. Effectivement,
on a toujours remarqué que les glaces
qui fe portoient plus avant vers l’équateur , fe
trouvoient vis-à-vis les mers les plus etendues 6c
les terres les plus éloignées du pôle ; car on en a
rencontré aux 48e. , 49e. , 50e. 8c y i e. degrés de
latitude, fur une étendue de dix degrés en longitude
à l’oueft du méridien de Paris, & de 3y degrés
de longitude à l’eft. D’ailleurs, tout l’efpace
entre le 50e. & le 60e. degré de latitude s’eft
trouvé rempli de glaçons brifés, dont quelques
fragmens' formeient des îles d’une grandeur con-
fidérable. On a vu qu’à ces mêmes longitudes les
glaces devenoient encore plus fréquentes, & pref-
que continues aux 60e. & 61e. degrés de latitude}
enfin , que tout paffage étoit fermé , par la continuité
des glaçons, aux 66e. & 67®. degrés, où
M. Cook a fait une fécondé pointe , & s’eft vu
forcé de changer de route 5 en forte que la* mafte
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continue de ces glaces folides qui couvroit le pôle
auftral & toute la zone environnante, s’étendoic
dans ces parages jufqu’au-delà du 6 6e. degré de
latitude.
On a trouvé de même des îles & des plaines de
glaces dès le 49e. degré de latitude , à 60 degrés
de longitude à l’eft du méridien de Paris, & en
- plus grand nombre à 80 & 90 degrés de longitude
fous la latitude de y8 degrés , & même en plus
grand nombre fous les 60e. & 61e. degrés, de latitude
dans tout l’efpace compris depuis le 90e.
jufqu’ au 145e. degré de longitude eft.
De l’autre cô té , c ’eft-à-dire, à 30 degrés environ
de longitude oueft, M. Cook a fait la découverte
de la terre de Sandwich à y9 degrés de latitude,
& de l’île Géorgie fous le yy°., 8c il a reconnu
des glaces dans une étendue de dix ou douze
degrés de longitude oueft avant d’arriver à la terre
de Sandwich, qu’on pourroit confidérer comme
le Spitzberg des régions auftrales, ç’eft-à-dire,
comme la terre la plus avancée vers le pôle antarctique
} il a trouvé de pareilles glaces en beaucoup
plus grand nombre aux 60e. & 61e. degrés de latitude,
depuis le 29e. degré de longitude oueft,
jufqu’au y Ie. , & le capitaine Furneaux en a trouvé
fous le 63e. degré, à 6y & 70'degrésde longitude
oueft.
On ne doit pas omettre de faire mention des
glaces fédentaires 8c immobiles que Davis a vues
fous les 6ye. & 6 6 e. degrés de latitude, vis-à-vis
le Cap Horn, & celles au milieu defquelles le
capitaine Cook a fait une pointe jufqu’au 7 1 e. degré
de latitude : ces glaces s’étendent depuis le
110e. degré de longitude oueft, jufqu’au 120e.}
enfuite on voit les glaces flottantes depuis le 1 30e.
degré de longitude oueft, jufqu’au 170e. fous les
latitudes de 60 à 70 degrés } en forte que , dans
toute l’étendue de la circonférence de cette grande
zone polaire antarctique, il n’ y a qu’environ 40 ou
4y degrés en longitude, dont l’efpace n’ait pas été
reconnu quant à l’état des glaces; ce qui ne fait
pas la huitième partie de cette immenfe calotte de
glaces. Tout le refte de ce circuit a été vu 8c bien
reconnu par le capitaine C o o k , dont on ne pourra
jamais affez'louer l’intelligence & le courage, car
le fuccès d’ une pareille entreprife fuppofe toutes
ces qualités réunies.
Nous avons remarqué ci-devant que les glaces les
plus avancées vers l’équateur, dans les régions auftrales,
fe trouvoient fur les mers les plus éloignées
des terres, comme dans la mer des grandes Indes ,
vis-à-vis la mer Atlantique & le grand Océan ,
entre les deux pointes de l’Amérique & de l’Afrique
, & qu’au contraire les giaces les moins avancées
fe- rencontroient dans les parties correfpon-
dantes aux terres, comme à la pointe de l ’Amérique,
à celle du Cap de Bonne-Efpérance & à la
Nouvelle-Hollande. Ainfi, la partie la moins froide
de cette grande zone antarctique eft vis-à-vis l’ex-
.tr-émité de l’Amérique 8c celle de l'Afrique, tandis
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que U partie la plus froide de cette même zone eft
vers la mer de l'Inde, où il n’y a point de terre,
& vers la mer Atlantique & le grand Océan.
De toutes les reconnoiffances faites par le capitaine
C o o k , on doit inférer que la portion du
Globe, couverte par les glaces, depuis le pôle antarctique
jufqu’à la circonférence de ces régions
glacées, eft en fuperficie au moins cinq ou fix fois
plus étendue que l’efpace occupé par les glaces
autour du pôle arétique; ce qui provient de deux
caufes affez évidentes. La première eft le féjour
du foleil, plus court dans l’hémifphère auftral que
dans le boréa’ ; la fécondé 8c plus puiffante eft la
quantité de terre , infiniment plus grande dans |
cette portion de l’hémifphère boréal, que dans la
portion égale 8c correfpondante de l’hémifphère
auftral.} car les continens de l’Europe , de l’Afie
& de l’Amérique s’étendent jufqu’au 70e. degré
& au-delà vers le pôle arétique, tandis que, dans
les régions auftrales, il n’exifte aucune terre depuis
le yoe. ou même le 45*. degré , que celle de
la pointe de l ’Amérique, qui ne s’étend qu’ au y6e.
avec les îles de Falkland, la petite île Géorgie ou
de Saint-Pierre, & celle de Sandwich , qui eft
moitié terre & moitié glace } en forte que cette
grande zone auftrale étant entièrement aqueufe 8c
maritime, & la boréale plus terreftre, il n’eft pas
étonnant que le froid y foit plus grand, & que les
glaces occupent une plus grande étendue dans ces
régions auftrales que dans les boréales.
J’ajoute ici que la Nouvelle-Zélande, la pointe
de la Nouvelle-Hollande &' céïles des terres ma-
gellaniques, doivent être confidérées comme les
leules & dernières habitables dans cet hémifphère
auftral.
Toutes ces reconnoiffancej des mers auftrales
ont été faites dans les mois de novembre, décembre,
janvier & février, c’eft-à-dire , dans là faifon
d’été de cet hémifphère auftral. Quoique ces glaces
ne foient pas toutes ftationnaires, & qu’elles
voyagent félon qu’elles font entraînées par les cou-
rans ou pouffées par les vents, il eft néanmoins
certain que, comme elles ont été vues dans cette
faifon d’é té , elles s’y trouveroient de même & en
bien plus grande quantité dans les autres faifons, &
par conféquent on doit les regarder comme permanentes
en grande partie. Au refte, il eft indifférent
qu’il y ait des terres ou non dans cette région,
puifqu’elle eft couverte de glaces depuis le 60*. de-^
gré de latitude jufqu’au pôle, Se l’on peut concevoir
aifément que les vapeurs aqueufés qui forment
les brumes & les neiges, feconvertiilent en glaces,
& qu’elles fe gèlent & s’accumulent, fur la furface
de la mer comme fur celle de la terre. Rien ne
peut s’oppofer à la formation ni même -à l’augmentation
de ces glacières polaires : au contraire, tout
s’oppofei ce qu’ on puiffe arriver à l ’un ou l’autre
pôle par des mers ouvertes.
Antarctiques- (Peuples). Si.nous paffons
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desliabitans des terres ar&iques â ceuy qui, dans
l ’autre hémifphère, font les moins éloignés du
cercle polaire antarctique, nous trouverons q ue,
fous la latitude de yo à y y degrés, le froid eft aufii
grand, & les hommes encore plus mi fe r ab] es que
les Groënlandois ou les Lappons, qui néanmoins
font de 20 degrés, c’eft-à-dire, de fix cents lieues
plus près de leur pôle.
Les habitans de laTerre de Feu, fuivant M. Cook;
logent dans des cabanes faites groftîérement avec
des pieux plantés' en terre, inclinés les uns vers
les autres par leurs fommets, & formant une ef-
pèce de cône femblable à nos ruches ; elles font
recouvertes, du côté du vent, par quelques branchages
& par des bottes de foin. Du côté qui eft
fous lè v en t , il y a une ouverture qui comprend
environ la huitième partie du cercle , & qui ferc
de porte & de cheminée : un peu de foin répandu
par terre fert tout à la fois de lièges & de lits.
Tous leurs meubles confiftent en un panier qui fe
porte à la main, en un fac qui pend fur le dos , &
en une veille qui fert à contenir de l’eau.
Ils font d’une couleur approchante de la rouil’e
de fer; ils ont de longs cheveux noirs. Les hom-
mt s font gros & mal faits ; Jeur ftature eft de cinq
pieds huit à dix pouces. Les femmes font plus petites,
& ne paffent guère cinq pieds. Toute leur
parure confifte dans une peau de lama ou de veau
marin, jetée fur leurs épaules au même état où
elle a été tirée de defîus l ’animal. Un morceau de
la même peau, qui leur enveloppe les pieds 8c qui
fe ferme comme une bourfe au deffiis de la cheville,
&'un petit tablier tient lieu aux femmes de
la feuille de figuier. Les hommes portent leur manteau
ouvert} les femmes le lient autour de la ce inature
avec une courroie} mais quoiqu’elles foient
à peu près nues, elles ont un grand defir de pa-
'roîtrê belles} elles peignent leur vifage & les parties
voifines des yeux communément en blanc, &
le refte en lignes horizontales, rouges 8c noires;
mais tous les vifages font peints différemment.
Les hommes & les femmes portent des bracelets
de grains, tels qu’ ils peuvent les faire avec de pe-
| tites coquilles & des : les femmes en ont un au
poignet, & un autre au bas de la jambe : les hommes,
au poignet feulement.
Il paroît qu’ils fe nourriffent de coquillages :
leurs côtes font néanmoins abondantes en veaux
marins} mais ils n’ont point d’inftrument pour les
prendre. Leurs armes confiftent en un arc & des
flèches, qui font d'un bois bien p oli, 8c dont la
pointe eft de caillou.
Ce peuple paroît être errant, car on a trouvé
dans certaines parties de la Terré de Feu , des huttes
abandonnées. D'ailleurs, les coquillages étant
une fois épuifés dans Un endroit de l a c ô te , ils
font obligés d’ aller s’établir ailleurs; de plus, ils
n?ont ni bateaux ni canots, ni rien de -femblable.
En tou t, ces hommes lont les plus miférables &
les plus bornés qu’il y ait fur la terre : leur climat