
granits fecondaires, des roches de comportions
fingulières , des poudings, des brèches, le tout
difperfé dans certains baffins & au pied des hautes
montagnes qui avoient fourni, par leurs deftruc-
tions , une grande partie de ces matériaux.
Tels fon t, je le répète, les produits du travail
de la nature intermédiaire entre ceux de Yancienne
6c de la nouvelle terre , que Rouelle a voit difcutés
avec foin , 6c dont il aimoit furtout à s'entretenir
avec quelques-uns defes difciples qui pouvoientlui
rendre des comptes très-précis de leurs obferva-
tions. C ’eft dans cet intervalle de tems qu’il trou-
voit la folution d’un grand nombre de difficultés
dont il n’avoit pas cru devoir s'occuper en établif-
fant cette belle diftinétion des deux terres , ancienne
& nouvelle\ ou qui ne s’étoient pas préfen-
tées à fon efprit} auffi faififfoit-il avec plaifir tout
ce que fes difciples déjà cités lui offroient fur ces
différens points , dont quelques-uns même ne font
encore ni entièrement éclaircis ni décidés.
Plus il trouvoit d’objets intéreffans dans cet intervalle
dè tems, & dont quelques-uns ne lui
étoient pas bien connus, ou qu’il n’avoit pas bien
analyfés, plus il fentoit le befoin & les avantages
des deux fyftèmes de'maffifs qu’il avoit adoptés 6c
annoncés à fes difciples, 6c qui l’avoient toujours
frappé finguliérement, tant par la nature des matériaux
qu’ ils renfermoient, que par leur difpofition
intérieure , & furtout par la précifion des limites
qu’ils offroient aux naturalises obfervateurs.
Avant de nous expofer ainfi fon opinion fur la
criftailifatïon des granits 6c des gneifs, Rouelle
avouqit bien franchement qu’il n’avoit pas pu Ce
perfuader qu’un compofé tel que le granit fut le
produit de la fufion , comme Buffon vouloit nous
lé faire croire. Il penfoit donc que le .fe u , dont
les chimiftes faifoient ufage ,’ pouvoit décider la
queftion qui n’en étoit plus une depuis que cette
pierre compofée, foumife par Rouelle à l’aétion
du feu ordinaire, s’étoit réduite en une maffe brute,
en un culot qui offroit une matière homogène,
comme la lave compacte ; il lui paroiffoit impof-
lïble que le premier état de fufion eût donné pour
léfidu une affociation de trois principes diftinéts,
tels qu’ils font criftallifés dans le granit, & tels
qu’ ils ne peuvent être que les produits d’une crif-
tallifation quelconque.
Il ne me refte plus maintenant qu’à rappeler ici
ce qui concerne les différens caractères de Y ancienne
terre » que Rouelle nous expofoit avec cette
chaleur qui n’ a été bien appréciée que par fes difciples,
6c dont il confidéroit la connoiffance comme
une de fes plus belles découvertes, parce qu’en fe
guidant fur ces caractères, les obfervateurs pouvaient
être dirigés fûrement dans l’examen des
grands traftus ou maffifs que la terre leur offroit à
fa furface. Il nous avoit tellement convaincus de
ces avantages , & l’obfervation nous avoit tellement
confirmé dans le cas qu’on devoit en faire,
que quand même on feroit parvenu à nous perj
^uader que Y ancienne terré étoit la réfu’tat du tra-
| ivail de la mer , nous étions bien difpofés à croire
que les diltinCtions entre Y ancienne & la nouvelle
terre dévoient être toujours confervées > que les
limites que nous avions été à portée d’én recon-
noître au centre de la France, autour du Limou-
fin , de l’Auvergne, des Cévenes 6c du Vélay ,
étoient de nature à être déterminées 6c tracées
avec précifion, & que cette bafe du plus beau
travail qu’on pût faire à la furface du globe devoir
être maintenue comme Rouelle nous l’avoit
présentée. Il a fi peu cru qu’ en admettant cette crif-
tallifation des fubftances qu’on rencontre dans la
compofition de Yancienne terre, il détruifoit les
caractères qu’il nous en avoit donnés , qu’il ne fai—
foit aucune difficulté, lorfqu’il traitoit des montagnes
, de les rappeler de nouveau , comme fer-
vant merveiUeufement à diftinguer les montagnes
primitives des montagnes fecondaires > ceft ainfi
qu’on faura toujours conferver les mêmes principes
lorfqu’ on les aura déduits de l’obfervation
févère des opérations de la nature.
Effectivement, depuis que Rouelle nous a fait
connoître Y ancienne terre, aucune obfervation n’a
démenti ni les caractères qu’il nous en a affignés ,
ni les conféquences qu’il en avoit tirées. On a
reconnu partout, foit en France, foit dans d’autres
contrées de l’ Europe, toujours en partant de
la conftitution phyfique qu’il avoit donnée à Y ancienne
terre , que les plus hautes montagnes du
globe qui formoient les différentes chaînes connues,
étoient compofées de cette roche que nous
avons nommée granit, dont la bafe eft toujours un
quartz mêlé de feld-fpath, de mica 6c de petites
lames de fchorl, éparfes fans ordre & par frag-
mens irréguliers & en différentes proportions,
autant que des obfervations faitfes à la furface de
la terre, & que les fouilles des mines & des puits
ont pu nous donner une idée de la compofition de
ce maffif. Cette vieille roche forme donc la bafe
des continens en Afie comme en Europe, en Afrique
comme dans l’Amérique feptentrionale & méridionale.
C ’eft auffi le granit qu’on rencontre au
-deflous des plus profondes couches des montagnes
, & fouvent dans les plaines les plus baffes,
où les bancs fuperficiels ont été enlevés ou entamés
, foit par les inondations intérieures , foit
par les flots de la mer. C ’eft le granit qui forme
les plus grandes bofles,les plateaux & même les
noyaux dés plus grandes Alpes de l’Univers \ de
forte qu’il conftitue très - vraifemblablement le
principal ingrédient de l’intérieur du globe. C ’eft
par une fuite de ces mêmes confédérations qu’il a
• été reconnu, dans toutes les contrées où les natü-
raliftes éclairés ont pénétré, que cette roche n’of-
j froit jamais aucune forme de bancs ou de cou-
j ches, qu’elle fe trouvoit par blocs ou maffes en-
j taffées les unes fur les autres, & ne contenoit pas
1 le moindre veftige de pétrifications ou de corps
j organifés fous quelque forme que ce fût. Par
conféquent ces fortes de maffifs doivent être con-
fidérés, ainfi que nous l’avons déjà d it , comme
étant antérieurs, dans l ’ordre des tems, a toute
la nature organifée. C ’eft à la fuite de cet état
que les plus hautes cimes formées par le granit,
ioit en plateaux, foit en grouppes de montagnes
ou pics efcarpés 6c ifolés, ne font jamais recouvertes
par des couches argileufes ou calcaires ,
mais femblent avoir été conftàmment, fuivant la
conftitution actuelle & la plus moderne du globe,
au defitis des eaux de l’Océan. En conféquence on
n’a dû rencontrer nulle part les maffifs de granit
difpofés par couches, telles qu’elles fe préfentent
partout où les eaux ont fait des dépôts. En vain
croiroit - on y diftinguer des bancs de plufieurs
pieds: les fentes d’ailleurs qui ont divifé cette
roche en maffes parallépipèdes ou trapézoïdales,
démontrent qu’elle n’eft pas le réfultac de dépôts
fuceeffifs : il fuffit de voir les gros blocs difperfés
aux pieds des montagnes compofées de la même
roche, & les fentes diftribuées en tous fens dans
les maffifs des montagnes elles-mêmes , pour en
conclure qu’il n’y a jamais eu de couches dans les
granits.
A N C I E N N E T E R R E .
A la fuite des vues générales que je viens d’ex-
pofer fur Y ancienne terre d’ap;ès les principes de
Rouelle, je vais joindre ici plufieurs confidérations
, tant fur cette ancienne terre, que fui fes rapports
avec la moyenne & la nouvelle, 6c particuliérement
fur les différentes difpofitions des matériaux
que j’ai rencontrés dans la ligne de leurs limites
ou dans le voifînage de cette ligne, confidérations
que je dois à mes propres recherches , relativement
à la conftitution phyfique de ces trois
maffifs.
P r e m i è r e c o n s i d é r a t i o n fur l'étude de la confii- \
tution phyfique de Y ancienne terre.
Il eft à croire que Y ancienne terre, qui renferme
• les matières vitrefcibles 6c les minéraux, ne doit
paroître, à la furface du globe, que dans des contrées
fort peu étendues ; car le refte a été couv
e r t , d’abord par les fchiftes , par les couches
horizontales ou inclinées de pierres calcaires à
grain fin, puis à grain groflier, enfin par les grès.
Effectivement, pour peu qu’on ait obfervé dans
ces vues, on a pu reconnoïtre Y ancienne terre fous
ces dépôts divers à une certaine diftance des limi- :
te s , des maffifs qui fe montrent à découvert. C ’eft
furtout au fond de certaines vallées où les eaux
courantes ont enlevé & détruit deux ou trois
cents toifes de ces dépôts, que cette ancienne terre
fe retrouve.
Au refte, lorfqu’on examine les montagnes de
Y ancienne terre, qui font fituées à différens degrés
de latitude, on n y trouve aucune différence, foit
quant à la nature des matériaux, foit quant à leur
affemblage intérieur.
Ce n’eft pas, au refte , fur ces circonftances
qu’on peut établir la diftribution des filons qui
appartiennent aux différens métaux : j’en excepte
ceux qu’ on obferve dans les mines fecon-
daires.
Il eft donc très-intéreflant de faire figurer la
topographie du globe relativement à Yancienne
terre 6c aux maffifs qui l’accompagnent, foit comme
bordures, foit comme enveloppes : nous connoif-
fons trop bien les cara&ères de Yancienne terre pour
nous y méprendre, 6c pour ne pas retrouver les
maffifs-qui font les témoins de l’ancien état de ces
contrées primitives. C e feroit donc, comme je l’ai
dit, un travail bien intéreflant que celui qui nous
oftriroit une énumération exaCte de ces fyftèmes
d’éminences. On ne peut pas fe procurer cette
connoiffance par de fimples conjectures en s’attachant
aux montagnes les plus hautes ÿ car il eft
prouvé, par l’obfervation que l’on a pu faire de
quelques - unes des chaînes les plus élevées qui
traverfent la France, que toutes ces montagnes
n’appartiennent pas à Yancienne terre. L’obfervation
feule de chacun de ces maffifs peut déterminer
la nature des fubftances qui le compofent ,
ainfi que leurs limites.
La géographie-phyfique, éclairée par ces faits,
pourra les conftater, d’une manière immuable, fur
des cartes auffi exaCtes que détaillées. Ces grandes
& importantes circonfcriptions ne feront bien connues
que par le double travail de l’obfervation Sc
de la géographie.
Les maffes primitives du globe font compofées,
depuis leurs Commets jufqu’ à leur bafe 6c dans leur
intérieur, de fuEftances vitrefcibles. Toutes tiennent
à la roche qui forme le noyau du glo b e , lequel
eft de même nature : plufieurs autres maffes
élevées font auffi de matières vitrefcibles, 6c fe
trouvent réunies aux granits, aux gneifs 6c aux
talcites.
Celles de ces maffes qui ne s’élevoient qu’ à des
hauteurs médiocres, ont été recouvertes par les
fédimens des eaux', qui les ont environnées jufqu-à
d’affez grandes hauteurs. C ’eft pour cette raifon
que nous n’avons d’autres témoins apparens de ce
premier état de la terre, que les maffes compofées
de matières graniteufes, dont il nous importe tanc
de circonfcrire l’étendue & de déterminer la po-
fition. Dès que ces témoins auront été reconnus ,
ils pourront être confidérés comme fuffifans pour
nous donner une idée de ce premier état : de la
comparaifon de ces parties découvertes avec celles
qui ont été couvertes , on pourra conclure que les
unes ont été furmontées par les eaux, 6c ont formé
les bords de l ’ancienne mer, car on n’y trouve, dans
toutes les matières qui forment leur conftitution
phyfique , aucune production marine, pas même
en débris. On ne,.peut donc pas douter que ces
maffifs ne forent d'une époque antérieure à ceux