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a terre ne feront des faits eux-mêmes, des faits
analytiques que lorfque l'intervalle entre les faits
analogues, connus, & ce point d'hiftoire de la
terre feront remplis , & que la chaîne fera bien liée.
Telles font la retraite de la mer & la découverte
de nos continens : on n'a aucune obfervation qui
nous conduife aux caufes de ce grand événement j
mais elle fe conclut en comparant l'ancienne étendue
du baflîn qu'elle a occupé avec fes anciens
dépôts : on n’a aucun fait qui l'attelle comme un
événement dont on ait pu affigner la caufe & les
circonftances. On ne fait fi cette caufe aétive a eu
des reprifes & des retours, fi elle eft fubite ou
lente : on trouvera bien des faits qui établiffent
ces reprifes & ces retours , on affignera bien leurs
époques j mais on ne peut les lier avec l’ordre des
faits connus & iuivis, avec l'ordre qui exifte actuellement,
& dans tous ces cas il faut abandonner
Yanalyfe.
On peut pourtant porter l'analyfe autour de ce
point d’hiftoire' de la terre, & l'éclairer en ana-,
îyfant les faits voifins, qui ont quelques rapports
avec d'autres grands événemens j alors ce point
d'hifloire deviendra propre à fe lier & à former
chaînon dans l'analyfe qui a pour objet la marche
de la nature dans les retraites de l'Océan. Je puis
indiquer à ce fujet les v a l l o n s -g o l f e s & fur-
tout les événemens de cet ordre, qui ont eu lieu
dans les dépendances du vallon-golfe du Rhône,
qu'on peut obferver dan6 les anciens diocèfes
d 'Ufe^ & d’A lais.
On doit comprendre, dans ma méthode analytique
d’obfervarions, la manièrt d’apprécier toutes
les circonftances d'un fait, de telle forte qu'on
puiffe remonter jufqu’ à leur état primitif, diftin-
guer en même tems celles qui font fufceptibles
d'être altérées &r défigurées par des caufes pofté-
rieures, fuivre les nuances des dégradations de
ces caufes jufqu’ à la plus grande altération poffi-
ble des circonftances ; enfin, pouvoir retrouver les
productions de la nature malgré ces altérations.
Ceçi devient très-effentiel fi l'on veut faire de
l’obfervation une fource de découvertes, & du
réfultat des découvertes autant de principes liés,
qui canftituent une fci^nce , telle que l'hiftoire
naturelle. Sans cela on verra au hafard, on tirera
des eonféquences vagues & hardies, qui ne pourront
entrer dans le corps de la- fcieoee.
Je puis citer à cette occafîon les fcories 8c les
ponces qui accompagnent le$ courans de matières
fondues, & la continuité de ces courans jufqu'à
la bouche du volcan, comme des circonftances
primitives dont j'ai fait ufage pour décider l’état
des laves de la première époque des volons.. Mais
Faction de l'eau 8c de l'air pouvant faire difpa-
roître ces circonftances, que les, fcories pour lors
fe décampefent & fe réduifent en une, fubfhtnce.
noire, pulvérulente & un peu friable.;; que les
eaux entraînent ces terres en Iàiffant à découvert
Iss raaffifs fplides ds laves & les hafaltes, ces
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fécondés circonftances m’ont paru propres à ca-
raétérifer les courans de la fécondé époque. On voit
par-là que,pour reconnoître les produits des feux
fouterrains, il n'y a fouvent d'autres reffources
que de fuivre les nuances des dégradations des matières
fondues, fufceptibles de fe décompofer,
& d'en étudier les progrès pour en établir les
dates. Dans tous ces cas il eft très-elfentiel de re-
connoîcre les différens états par lefquels partent
les fcories & les terres cuites, les différens états
des laves plus ou moins compares > voir fi ces
chauffées de laves ont fait fuite d’un courant qui
aura été coupé par les eaux, ou fi elles font le produit
d'une fonte ou d'une éruption locale, &c.
Je le répète : on voit que, dans l’étude des
volcans, il faut s'attacher à remarquer le plus de
circonftances<pi'il eft poflible j noter la nature des
terrains qui fervent de lits aux courans, & tout
ce qui fe trouve dans ces maflifs énormes de matières
qui fe font déplacées. Voilà ce que la grande
étendue des opérations du feu m’a montré en Auvergne
: tels font auffi les objets principaux que
j’ai été obligé de comprendre dans l’étude que j’en
ai faite, pour ne rien laiffer au hafard de ce que
l’obfervation raifonnée pouvoir décider. Sans ees
reffources je n'euffe vu que des difficultés fi j’avois
pu parvenir à deviner quelques réfultats.
Lorfque j’aurai remis dans leur place , dans leur
fituation naturelle, les matériaux immenfes, dégradés
& voiturés par les eaux courantes des fleuves
& des rivières dont il a été queftion ci-devant;
que j'aurai comble tous les vallons des contrées
dont j'ai parlé, & qui ont été approfondis par cet
agent, je ferai pour lors parvenu à un certain état
qui me donnera la forme ancienne de la nouvelle
terre, telle qu'elle étoit après la retraite de la mer
& avant le travail de l’eau pluviale. En révélant
de cet état à celui-ci, voilà une époque de parcourue,
voilà un ordre d’événemens que je puis
eirconfcrire par des limites fixes, en notant toutefois
les différentes opérations de la nature, renfermées
dans ces limites. J'appelle cette époque la
première dans l'ordre analytique, & je parcourrai
de même les autres époques. ( Voye£ l’article
Epoque.)
On conçoit maintenant de quelle utilité peut
être le plan méthodique & analytique des révolutions
du globe, & l’on voit comment tous les
phénomènes fe llmplifient par cet ordre. L'un conduit
à l'autre, & jette du jour fur celui qui fuit.
Il eft évident pour lors que les obfervations ne fe
nuifent pas, comme quand on recueille tous les
faits fans choix, fans aucun cadre ; lorfqu'on les
voit, ai.nfi.que la nature nous les préfente,, comme
le réfultat d'un événement qui fe trouve placé à
côté du rélultat d’un autre événement qui eft défiguré
en partie par le fécond , il eft néct flaire que
l'on s attache aux événemens du même ordre ,
parce qu'on en; faifit plus facilement la fuite. Mass
li l'on paffé d’un ordre à un autjre, on court les
rifques
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ïifques de manquer la fuite des opérations de la
nature. La difficulté de tirer des eonféquences de
fes obfervations ne vient que de ce que l'on a pris
en gros les faits de différens ordres & de diverfes
époques j de ce que l'on n'a pas pour ainfi dire trie
ces faits ; enfin, de ce que l'ort n'en a pas affigne les
caraétères qui pouvoient déterminer à les ranger
fous telle ou telle claffe. Quand on a la clef des operations
de la nature, qu'on peut fe flatter d indiquer
la filiation des événemens, l'ordre des compofitions
& des décompofitions, & enfin l’ ordre des recom-
pofitions, on peut multiplier les obfervations,
& l’on eft fur d'arriver à des réfultats : fans cela,
plus on recueille de faits, plus.on rencontre de
contradictions dans les principaux points de la
théorie de la terre, qu'on fe propofe a'éclaircir.
Je pourrois faire une application de tous ces
principes aux vallons -golfes, que j'ai reconnus
& décrits dans plufieurs contrées de la terre, &
furtout aux vallées du Rhône , de la Loire & de
l ’Ailier j mais je me contenterai maintenant d’y
renvoyer.
Quelques naturaliftes, peu févères dans leur
marche & dans leurs principes, ont prétendu qu’il
falloir toujours recueillir des faits quand meme
on ne pourroit ni les difeuter ni les apprécier ;
mais ils n'ont pas fait attention que plufieurs de
ces faits- ne peuvent être obfervés avec les circonftances
intéreffantes , qui forment leur liaifon
avec d'autres faits. Je pourrois citer de longs
mémoires chargés de ces faits , lefquels n'ont
point avancé la fcience, par les raifons que j'ai
dites. Si l’on veut en tirer quelqu’avantage, il
faut recommencer à-les revoir dans toute leur
étendue, & avec des vues qui les rendent propres
à entrer dans un enfemble inftruétif. Combien de
ces naturaliftes pourroit-on citer, qui n’ont jamais
fenti quels avantages on devoit retirer des obfer-
-vations auxquelles préfidoit l’analyfe, faites par
conféquent de fuite & dans un petit cercle j & de
quelle importance il étoit qu'un ce rtain nombre
de phénomènes fuffent vus 8c décrits complètement
pour être raccordés comme il convenoit» &
pour en déduire une grande révolution 1 Sans ces
conditions , fi l'on raffemble des faits ifolés , on
fera forcé de les revoir, & d’écarter les fauffes
eonféquences qu'on a pu en déduire. Autant on
•retarde les progrès de l'hiftoire naturelle par des
efforts vagues & incertains, autant on les affure
par une étude foutenue & bornée à un objet cir-
confcrit dans des limites précifes. C'eft en fui-
vant cette marche qu'on peut parvenir à des réfultats
intéreffans, & bien propres à dédommager
des travaux longs & pénibles qu'exige cette étude.
-Les gens d’efprit, qui veulent qu'on raffemble
^toujours des oofervations, ont peu obfervé eux-
mêmes. D'ailleurs, ils ont la vue baffe, & dans ce
cas font très-^peu en état de fentir le prix d’une observation
raifonnée. L'efprit dépendant néceffaire-
ment des organes qu’ il peut employer, il n’eft pas
Géographie-Pkÿfique. Tome 11.
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étonnant qu’ils n’apprécient pas au jufte le mérite
des recherches par lefquelles on faifit en grand les
phénomènes comme la nature nous les préfente.
- Je le répète : un grand nombre de naturaliftes
n’ont jamais-fenti les défauts des'obfervations,
parce qu’ils n’ ont jamais connu les avantages ds
l’analyfe. Outre qu’ ils ont peu obférve de fuite ,
ils n’ont pas été à portée de fe convaincre de
quelle importance il étoit, dans 1 etude de diffe-
rens points de l’hiftoire de la terre, de réunir les
faits de plufieurs ordres , de les analyfer complètement
, & de les. raccorder dè manière à en tirer
des eonféquences affez lumineufes pour devenir
des principes propres à guider dans de nouvelles
recherches ', fur des points qui ont une certaine
dépendance avec les premiers.
Si l’on voit toujours fans mettre en ordre fes
obfervations, on fera forcé de revoir pour arriver
à des réfultats précis, ou de recommencer une infinité
de travaux imparfaits. ■ ,
Combien peu d’obfervateurs ont fait des etudes
fuivies de grands objets, 8c en s’y concentrant,
car je ne confidérerai jamais comme de grands
objets la multiplicité des obfervations qu’on raffemble
en parcourant de longs trajets , & en en-
vifageant rapidement un grand nombre de faits ,
dont chacun méritoit une étude longue & refléchie
! Cette marche qu’ont fuivie plufieurs naturaliftes
voyageurs, ne peut guère offrir des applications
de ma méthode analytique : ces défauts ,
& beaucoup d’autres , feront difeutés au refte a
l’ article O b se r v a t io n , & j’y renvoie, ainfi qu a
celui de Méthode.
ANÀPAVOMENE , nom d’ une fontaine de
Dodone dans la Moloffie, province d’Epire en
; Grèce , qui, fuiyant la dénomination grecque ,
étoit intermittente , c’eft-à-dire , qu’elle cejfoit'de
couler en certain tems. Pline nous apprend que
cette fontaine fufpendoit fon cours vers le midi,
& que c’étoit pour cela qu’elle avoit reçu le nom
d‘Anapavomene ; que fes eaux croiffoient depuis
midi jufqu'à minuit, & qu’ à-cette heure elles
commençoient à diminuer jufqu’ à l’ interruption
•parfaite de leur écoulement. Les phénomènes
femblables que nous préfentent d’autres fources ,
avec plufieurs variétés, nous autorifenty admettre
ce que Pline nous raconte des diminutions & des
augmentations périodiques de la fontaine de Do-
• donê. Au furplus , Pline le jeune, en nous décrivant
, dans le plus grand détail, les fingularités
de la fontaine de Corne , & ajoutant l’explication
de la caufe de fes effets, nous donne lieu
de penfer que les anciens étoient parfaitement
, inftruits fur lés fontaines intermittentes , périodiques
( Voyeç CoME. Voye% FONTAINES PÉ-
,R io diques- in te rm it ten t e s . ) j mais nous ne
.pouvons admettre en même tems les effets mer-
| veilleux qu’on raconte de la fontaine de Dodone,
I , qui, félon les anciens, éteignoit &c allumoit' les
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