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fort grojfes pierres , on ne peut la traverfer à gué
qu’à vingt-cinq ou trente lieues de la coupure. La
largeur & la profondeur de cette brèche, & la
néceffité de s’ouvrir un paffage dans cet endroit ,
ont fait imaginer un pont de cordes faites d’écorces
d'arbres , lefquelles fervent à lier des traverfes de
bois de fix pieds de longueur 3 fur lefquelles on
palfe même avec les mulets chargés 3 mais non
fans crainte d’être précipité dans la rivière ; car,
vers le milieu de ce pont, les paffans éprouvent
un balancement capable de les étourdir. Au refie
nous infiftons fur ces détails, dans l’intention de
faire connoître les coupures énormes & multipliées
que les rivières, & toutes les eaux courantes
en général, fe font ouvertes dans ces contrées,
du Pérou, à travers les différentes chaînés de montagnes.
Nous renvoyons au refie aux articles C o r -
d é l iv r é s & P é r o u , pour prendre une idée générale
du travail des eaux courantes dans le genre
de ces coupures : on peut voir aufli l’article V iR - ’
gin ie & la carte de cette province, qui nous offre
un grand nombre de ces coupures par les rivières.
C ’eft furtout dans la partie montueufe du Pérou
, que les eaux courantes des rivières qui y
prennent leur fource, ont fait ces ouvertures fréquentes
, & fur lefquelles, ni les géographes ni les
naturalises n’ont fuivi aucune obfervation propre
à nous éclairer relativement à la première démarche
des eaux lorsqu’elles ont entamé ces chaînes,,
& qu’elles ont détruit ces maffes énormes qui occupaient
les larges brèches ou elles ont continué
de creufer leurs vallées, foit avant, foit après les
chaînes qu’elles ont ainfi coupées. (Voye^ E u p
h r a t e & T ig r e *. & la carte de cette partie de
FAfie, où les eaux courantes ont opéré.plufieurs.
de ces coupures. )
AQUEDUCS NATURELS ET SOUTERRAINS.'
C e font des galeries creufées dans les malfifs. des.
collines qui forment les bords efearpés de certaines
v a llé e s ,& qui fervent d'égouts& de déboù-.
chés aux eaux qui circulent & réfi.déntdans l ’intérieur
des terres. La première connoiffance de
ces galeries & de leurs effets nous a été fournie
par les Anciens, qui ont creufé de cette manière
les bords des vallées voiiines des murs d’Agri-
gente, pour fe procurer des fources d’eau que-
l’excavation des aqueducs dont il eftqueftiou,. fai-
jfoîr naître, dans certains fyftèmes,- de couches horizontales
compofées de pierres tendres & fpon,-
gieufeç, avec des intervalles marneux, .C ’eft par
ces moyens, employés dans toutes ces cirçonftan-. J
ces, que les ingénieurs d’Agrigente étoient parvenus
à groflîr le fleuve d’Agragas,. qui. traverfoit
cette ville célèbre & floriffante. .
De tous ces aqueducs 3 le plus merveilleux- eft
celui qui eft placé à trente ou quarante pieds au
de flous du Commet de la montagne où fut jadis Ja-
fortereffe de Cocale :■ la noche qui s'y trou ve, eft j
^lJèi».eAt fufcêptible. de fe prêter à. l ’irpbibitjoR
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de l’eau pluviale, qu’ au moyen de ces galeries
elle fournit, même en é té , l’eau néceffaire pour
approviiîonner, non-feulement la partie de la ville
de Girgenti qui eft voifine, mais encore le faubourg
appelé Kabba.ro.
Du côté du nord, la partie efcarpée de cette
même montagne donne en bien des endroits de
l ’eau, qu’elle contient en grande quantité , &
qu’elle rend abondamment à travers les terres qui,
du pied de la roche, offrent des pentes jufqu’au
fond du vallon, où elles fe réunifient : ceci eft
l’état purement naturel, qu’ on avoit amélioré au
moyen des galeries dont nous avons parlé ci-
devant.
Au deffus du lieu où fut l’étang qui fervoit de
vivier aux habitans de la ville d’Agrigente , on
trouve en différens endroits des. galeries fouter-
raines , creufées dans le maflif de la colline , &
tellement étroites, qu’ il n’ y peut pénétrer à la fois
qu’un feul homme. Ces galeries, s’étendant a fiez
profondément dans les couches de la montagne,
ont toutes fortes de diredtions : il y en a plu-
fieuES dans les rives du canal du fleuve de l’A.gra-
gas, en remontant ce fleuve au deiTous & Agrigen-
tino in Comicus 3 & dans d’autres parties de cette
ville, notamment,comme nous Lavons déjà remarqué
, au deffous de l’ancien pofte de la fortereffe
de Cocale, où l’ on trouve des efcarpemens dans
l’intérieur defquels les aqueducs fouterrains ont été
approfondis.
Ces galeries font dues primiti vement aux fentes
perpendiculaires des montagnes, dans l'intérieur
defquelles on les a creufées. Il eft vifible que ces
excavations ont été faites pour que les eaux s’y
raffemblaflent,& ne fuffent pas égarées ou perdues
dans le fein des roches, où l’eau pouvoir
s’évaporer par des fuintemens difperfés en petits
filets infenfibles.
On conçoit aifément que ces eaux, raffemblées
dans les fonds de ces galeries | fe rendoient vers
leurs embouchures en formant des fontaines plus
ou moins abondantes, mais toujours permanentes,
même dans les faifons les plus fèches..
Quelques-unes de ces fources faétiçes font tellement
abondantes, qu’elles paroi fient des e s pèces
de prodiges : telle eft celle qui fubfifte encore
fur le bord du chemin qui mène de h mer i
la ville de Girgerpti, à mi-ç&te & un peu au deffus
de l ’Agragas, près-.à‘ Agrigentino in Comicus. On y
voit un abreuvoir toujours rempli d’eau très-
bonne., & qui fert aux gens de la campagne , aux
voyageurs, à tous ceux qui vont du port à,la ville,
& de la ville au-port..
Ainfi les Anciens , en étudiant la nature avec:
foin,,ont trouvé qn’en creufant fuivant.ee fyftème
raifonné dans les* rochers à grain tendre & fpon-
gieux, ils- pouvoient fe procurer des fources factices,
& même des. ruiffeaux qui leur-fourniffoient.
de l’eau dans les lieux où ils en avoient befoin~
Cet aud.es. Anciens eft trop i g n o r é &. nous ue.
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pouvons trop infifter, d ’après l’artifte Houel, qui j
nous a fait connoître ces détails, fur les avanta- !
ges qu’on pourroit, dans plufieurs contrées de la 1
France, & même de l’Europe, retirer des gale- •
ries fouterraines qu’on creuferoit, fur le plan des '
habitans d’Agrigente, dans les maflifs des collines
à roche tendre & fpongieufe, pour en obtenir des ;
fontaines précieufes.
Je ne fuis pas étonné que les Anciens aient pro-
fité, comme je viens de le dire, des circonftances
ui ont été expofées ci-devant pour fe procurer
es eaux vives dans les lieux qui en manquoient;
car j’ai rencontré en France, & .particuliérement
en Angoumois,.plufieurs vallées dont les habitans
avoient tiré de même grand parti des épanche-
mens d’eau qui s’offroient le long des croupes
voifines des hameaux. Des galeries fouterraines
fervoient à raffembler & à conduire chez eux les
eaux qui réfidoient dans les parties fupérieures des
croupes, & qui couloietft en petits ruiffeaux à la
furface des fonds de cuve des vallées : outre cela,
lorfque ces fources avoient ceffé de donner, vers
la fin de mai, ils étoient parvenus à fe procurer
les produits des épanchemens des eaux réfidantes
fur les lits inférieurs des argiles, en creufant des
puits à certains niveaux dans les fonds de cuve,
de manière qu’ils verfoient les eaux par-deffus
leurs bords, fuivant les différentes faifons du prin-
tems, de l’été & de l’automne. Tout ceci me pa-
xoît avoir étendu, comme on vo it, la théorie des
galeries fouterraines par celle des puits.
Je pourrois joindre à cet exemple remarquable
des travaux des Anciens , qui fubfiftent encore,
les détails des procédés qui font en ufage dans tous
les environs de Limoges ; ils conftftent à faire des
excavations, foit à voie ouverte, foit fouterraines,
au milieu des maflifs de granits rayés ou gneiff :
c’eft ainfi que les habitans fe procurent, par les
épanchemens des eaux qui ont pénétré dans ces
maflifs, des fontaines très-abondantes; car ces
eaux fe ràffemblent au fond des galeries profondes
qui ont un débouché vers les diverfes habitations,,
.foit des fermiers , foit des propriétaires^
Je dois faire remarquer ici que ces maflifs de
granits rayés diffèrent beaucoup de ceux que nous
offrent les pays à couches de pierres calcaires,
tendres & fpongieufes quant à la nature des fubf-
tances qui entrent dans leur compofition j mais ils
fe rapprochent par deux eara&ères qu’on ne peut
fuivre avec trop deffoin : le premier eft cette dif-
pofition qu’ ont l’un & l’autre de ces maflifs de fe
pénétrer des eaux pluviales'à une certaine profonde
tir le fécond eft de fournir à des-épanche-
tnens d’eau confidérables à. la,fuite des gale ries..ou
coupures fouterraines , en conféquenee de leur or-
ganifaticn particulière, gu par lits, ou. par James.
Je puis renvoyer à :notre Atlas pour tous les
détails qui fe. trouveront figuré«: dans la egrte topographique
d’ un vallon, où toutes cesdi(portions
dans la circulation des- eaux. lé.tout offertes
a q u
à moi dans la ci-devant province d’Angoumois,
proche Verteuil. ( V^oyeç Agrigente, Pu it s ,
Fontaines artificielles des environs de L imogés
, &c. )
Je puis citer aufli les ouvertures de certaines
grottes qui verfent au dehors des ruiffeaux plus
ou moins abondans. Il eft facile de reconnoître,
en vifitant ces grottes, que les ruiffeaux qui en
fortent, font les réfultats des épanchemens d’eau
multipliés qui fe font continuellement par les parois
des galeries fouterraines que l’eau elle-même
s’ y eft creufées; car ces excavations naturelles ont
été ébauchées par les fentes perpendiculaires, &
agrandies infenfiblement à la fuite de ces épanehe-
mens qui ont donné lieu à des fources, & qui continuent
à les alimenter. Ainfi l ’on doit confidérer
les grottes comme ayant eu pour origine les fentes
perpendiculaires, lefquelles ont donné lieu aux
eaux d’agir & d’étendre les galeries : ce font ces
mêmes indications que les, hommes induftrieux
doivent fuivre pour imiter'le travail de la nature,
& creufer, à Limitation des anciens habitans d’A-
grigente , des aqueducs fouterrains.
Je vais plus loin encore, & je dis que ces fortes
d’excavations latérales pourroient pénétrer fo r t
avant dans les maflifs des bords efearpés de certaines
vallées , au pied defquels il fourciiie une grande
quantité de filets d’eau qui gâtent les prairies. Pour
remédier à ce grand mal, il n’y a pas de doute que
ces aqueducs 3 creufés ainfi. d’intervalle à autre, ne
defféchaffent une grande partie des prairies gâtées
par les eaux froides des petites fources, & ne for-
maffent des ruiffeaux qui les arroferoient utilement
; car il eft à croire que les eaux fouterraines
qui aboutiffent au pied des bords efearpés de ces
vallées, fe rendroient latéralement aux parois des
aqueducs, & formeroient des courans d’ eau affez-
confidérables pour parvenir au milieu des vallées ,.
& fe réunir aux ruiffeaux ou rivières qui y coulent.
L ’indication de ces effets rentre., comme op
voit , dans la théorie générale de la circulation
fouterraine de l’eau pluviale au milieu des parties-
de la furface de la terre, qui participent ïYimbibi-
tion. ( Voye£ cet article.') La connoiffance de cette
imbibition nous fournit les moyens de modifier la
circulation de l’e a u , qui en eft la fuite ; de manière
qu’elle cefie de nuire,, étant livrée à elle—
.même. C'eft; ainfi que Têtu de de la nature nous
mettra en poffefiion de tous les moyens qui peu-
.vejrit diriger les effets des eaux fouterraines, en
ftiDflituar\t fans grands efforts des. avantages aux
inconvéniens j; avantages d’autant plus eftimables,.
'qu’ils-feront, toujours'les réfultats de l’influence
de l’eau, dont.la circulation eit dirigée avec art.
Je terminerai cette difeuffion en confidérant qüe-
des eaux des fources ne fe montrent au dehors que:'
pai; les coupures .qui fe trouvënt. dans.toute 1 é-
.tendue des croupes de nos vallées,. & qu’elles s'y
montrent:, foit au pied, foit dans les parties fupér
ri.eur.es ou moyennes dé leurs pentes „ fuivant