
De l'embouchure du Jenifei, l'immenfe promontoire
de Taimura s'étend très-loin au nord
•de toute cette région dans la mer Glaciale , affez
.près de la latitude de 78 degrés. A l’eft de ce
cap j la Chatunga , T Anabara & Y Olenek, rivières
.peu connues, fe jettent dans la mer, 8c ont chacune
à leur embouchure une large baie. On a fait
rdes obfeivations fur la hauteur de la marée, qui
~a lieu dans la Chatunga à la pleine 8c nouvelle,
lune, & l'on a trouvé qu'elle ne s'élevoit que de
•deux pieds, & dans les autres tems beaucoup
.moins. On peut en conclure que f i la marée ne
-s’élève pas plus haut dans ce lieu refferré & dans
-le golfe de Kara, fan élévation doit être bien
foible fur les rivages libres 8c étendus de la mer
-Glaciale. La mer le long des cotes eft en général
bien peu profonde 5 ce qui a fait la fureté des
^petits navires qui ont navigué fur cette mer. Ce
peu de profondeur les a. préfervés de ces glaces
-montagneufes, q u i, touchant le fond, s'y fixent
avant d'arriver jufqu’à la côte.
Au-delà de l 'Olenek, la Lena, qui prend (a fource
-près du lac de Baikal, après un doux & libre cours
iur un fond de fable 8c de gravier, fe décharge
-dans la mer Glaciale par cinq grandes bouches ,
dont la plus orientale & la plus occidentale laif-
ient entr'elles un. grand intervalle. Celle du milieu
ou la plus avancée vers le nord eft à la latitud
e de 73 deg. 2b.min. Pour donner une idée de
Ja largeur de cette rivière, il faut remarquer qu'à
Jakutsk, à la latitude de 61 deg. & à 12 deg. de
Ton embouchure, elle a près de trois lieues d'ér
jtendue. Au-delà de cette rivière, la terre fe ré'?-
.trécit, & eft bornée au fud par le gol■ fed'Ochotç. §
Les rivières Jana 3 Indigirska 8c Kolima, comparées
à la Lena , n'ont qu'un cours fort peu
étendu. LaiCo/iwueft la plus orientale des grandes
civières qui tombent dans la mer Giaciale. Au-
delà eft un trajet fans bois, qui termine le féjour
des caftors, des .écureuils, 8c de beaucoup d’autres
animaux à qui les arbres font néceffaires pour
•leur manière d’exifter. Il paraît qu’ il ne peut exif-
-ter au nord de forêts plus loin qu’ à la latitude de
68 degrés, car à peine les buiffons & les brouf-
iailles peuvent-ils croître 8c fubfifter à 70 degrés.
Tout ce qui eft compris enrdeçà de la latitude 68,
forme les plateaux arBiques ? retraite d’é té des
oifeaux de mer, trilles efpaces d’une bruyère nue,
de landes & de marais mêlés de montagnes com-
pofées de rochers. Au-delà du fleuve Anadyry qui,
a la latitude de 65 degrés , tombe dans la mer de
Kamtzchatka , le refte du pays emr’elle & la mer
Glaciale n offre pas un féal arbre*’
■ Pour ach-ver de donner une connoiflance plus
détaillée de cette partie d e YAfiei ilconvient de
pafler en revue la vafte étendue des. rivages qui
bordent la mer Glaciale. La côte dq Jouratçkajne y
qui" eft entre les embouchures de l’Oby & du
J.enifei, eft haute , quoique fans montagnes : elle :
eft prefq.u'entiérement çompofée de graviers & de
fables. En plufieurs endroits la mer offre des bas-
fonds.
Ce n'eft pas feulement dans les bas-fonds, mais
fur les terres des bords les plus élevées, que l’on
rencontre de grands .tronçons de bois, 8c fou vent
des arbres entiers , tous de‘la même efpèce 5 des
arbres réfineux, tels que le fapin, le melèfe, le
pin, tous verts & frais. Dans d'autres endroits,
également au deffus du niveau de là mer & de la
portée des vagues, on rencontre également de
grands amas de bois flottés vieux, fecs Sc pourris.
Ce n’ eft pas là l'unique fait que certains obfer-
vateurs nous ont donné comme une preuve de la
diminution de l’eau dans la mer Glaciale, ainfi que
dans les autres mers j ils ont encore cité une forte
de glaîfe ou dé limon appelé par les Rufles i l y
qu’on trouve dans ces mêmes endroits , & qui èft
exaélement femblable à l’argile que dépofent les
-eaux : elle y forme partout la couche Supérieure
du terrain fur une épaifleur de huit à dix pouces.
En avançant toujours à l’e ft, le terrain devient
montagneux, couvert de pierres, 8c renferme plaideurs
filons de charbon de terre. Sur le fommet
de la chaîne montuenfe qui règne dans cette contrée
à l’eft de Simovie-Ketchinoïe, eft un lit fur-
prenant de petites moules d’ une efpèce qui n’a
pas été obfervée dans la mer voifine 8c inférieure.
Quelques naturaliftes ont penlë que ces dépouilles
des animaux marins avoient été laifïees. -là par les
oifeaux de mer,qui y avoient tranfporté les moules
pour les manger à loifir, 8c qu’ il n’eft pas étonnant
qu’ on n’ait pas découvert les coquillages
analogues dans la mer Glaciale. Au refte, ceci
s'expliqueroit plus facilement, comme tant d'autres
faits., en .attribuant ce dépôt Sc les autres à
l’ancienne mer.
Plus loin on trouve plusieurs bas-fonds } mais
dans la plus grande -partie du rivage la côte eft
-hériffée de rochers pointus. Il en eit de même de
la côte qui environne le cap de Tfchutski, qui eft
l’extrémité la plus orientale de Y Afie;~e\le eft dans
quelques parties remplie de rochers> en d’autres,
elle offre des glacis couverts de terres & ver-
doyans } mais dans l’intérieur des terres la côte
s’élève en un double rang de hautes montagnes.
A commencer dès la fin d'août il n'y a point de
jours où la mer Glaciale ne puiffe geler ; mais
en général elle ne tarde pas à fe couvrir de glaces
permanentes 8c fédentaires au - delà du premier
octobre. { V.oye\ 9 pour ce qui concerne ces glacés,
l’article de h M e r G l a c i a l e . C ’eft aufli
dans cet article qu'on trouvera fhiftoire fuccinéle
des tentatives que l’on a faites, en différens tems,
• pour arriver, à travers la mer Glaciale , au détroit
de Béring. )
Le v.ent qui paffe fur la glace de cette mer polaire
rend, la Sibérie la plus froide des contrées
habitées. Ses effets pourroient même s'étendre
beaucoup plus loin. A Chamnanning , dans le Thi*
ber, latitude 30 deg. 44 min., on a trouvé pendant
l'hiver
l’hiver le thermomètre à 29 degrés au deffous
du point de la congélation dans les chambres, 8c
au milieu d’avril les eaux ftagnantés étoient toutes
glacées , 8c il tomboit en même tems une neige
preffée 8c continuelle. On eft expofé aux glaces à
Patna même, à 25 deg. 35 min. de latitude, 8c
quelques Cipayes qui avoient dormi fur la terre
ont été trouvés engourdis 8c tranfis par le froid.
Près du fort d’Argun, à la latitude de 52 degrés,
la terre eft continuellement gelée, 8c dégèle
rarement en été plus bas qu’à trois pieds 8c demi.
A Jakutsh , latitude de 62 degrés , la terre ne. dégèle
pas même en été à la profondeur de trois
pieds. Un habitant de ce pays,qui, par le travail
de deux étés, avoit creufé un puits à quatre-
vingt-onze pieds de profondeur, perdit fes peines,
8c trouva fes plus profondes fouilles glacées;
Les oifeaux tombent à terre tués par le froid , 8c
l ’on y voit jufqu’aux bêtes fauvages périr quelquefois
par Je froid. L'air même y eft gelé, 8c pré-
fente la plus trifte apparence.
L'aarore boréale eft aufli commune ici qu’en
Europe , 8c préfente ordinairement toutes les
nuances 8c les variations d’un pareil fpeétaele : il
y;en a furtout d'une forme fingulière, qui paroît
régulièrement entre le nord-eft 8c l’eft comme un
are-en-ciel lumineifx, avec nombre de colonnes
rayonnantes. Sous la courbure de l'arc eft un fond
fombre, à travers, lequel cependant les étoiles
brillent avec un certain éclat.
Il en eft d’une autre forme. Elle commence par
certains rayons ifolés, dont les uns partent du
nord, 8c les autres du nordrcft. Us augmentent
peu à peu , jufqu'à ce qu’ enfin ils retnpliffent tout
le c ie l, 8c jettent une fplendeur de riches couleurs
d’or, d’émeraudes 8c de rubis j mais les phénomènes
qui accompagnent ces apparences frappent
d’horreur tous les fpeétateurs par les cra-
quemens, les éclairs , les iîfflemens qui imitent le
bruit d’un vafte feu d’ artifice. Cette defcription
porte tellement les apparences d’uné caufe électrique
, qu’il ne peut guère refter de doute fur la
véritable origine de ces aurores. Les habitans, les
animaux, fontfrappés de terreur à la vue de ces
phénomènes î les chiens des chaffeurs, faifis d’ épouvante
, fe jettent ventre à terre, 8c y relient
fans mouvement jufqu’à ce que la caufe de leur
effroi ceffe.
On eft allez peu inftruit fur les différentes efpè-
ces de poiflons qu’on pêche dans la mer Glaciale
8c dans les rivières de la Sibérie. On ne connoît
bien que les efpèces anadromes, celles q u i, dans
certaines faifons j vont des rivières' à la mer, ou
qui remontent de la mer dans les rivières dont
nous avons parlé. L’Oby 8c beaucoup d’autres
rivières font vifitées par la baleine , béluga, l’ef-
turgeon commun, le fterlet ou acipenfer ruthcnus.
Quelques naturaliftes foutiennent que ces rivières
ifont ni carpes , ni brèmes , ni barbeaux, ni anguilles,
ni fil ures, ni perches, ni brochets, ni
Géographie-Phyjique. Tome II.
la t r u it é c om m u n e , pen d an t q u e to u t e s c e s e fp è c
e s fe t r o u v e n t dans YAmur 8c d ans les au tre s
r iv iè r e s q u i fe d é c h a rg e n t dans l ’O c é a n o r i e n t a l ,
8c fuir tout n o tr e é c r e v i f te com m u n e .
En revanche les rivières de Sibérie poffèdent
beaucoup de variétés de l’efpèce de faumon, même
plufieurs qui nous font inconnues en Europe,
8c qui fë plaifent dans les eaux glaciales de ces
j régions. Le faumon commun y eft le plus rare. Ces
? différentes variétés font : i°: le faumon ndma, qui
' eft une grande'efpèce, laquelle croît jufqu’ à la longueur
de trois pieds. La tête eft confidérablement
*alongée} la mâchoire inferieure eft la plus longue.
fSa couleur eft d’ un blanc d’argent. Les écailles en
• font ovales , 8c la queue bifoiirchue. 2°. Le fau^
•mon caïman : il groffit jufqu’à peler de dix a quinze
livres, 8c acquiert en même tems la longueur de
trois pieds & demi. La couleur; du dos eft noirâtre
} le ventre eft couleur d’argent blanc, avec
des taches brunes fur le derrière : la nageoire de
l’anus eft d’un rouge-foncé , la queue bifourcnu»
8c la chair blanche. 3®. Le faumon Lavaret. 40. La
faumon albula. y°. Le faumon fckokur. Cette eipèce ,
a environ deux pieds de lon g, 8c eft allez femblable
au lavaret. C ’eft un faumon à petites dents.
6°. Le faumon pidfikian , long- d’environ deux
■ ;empans, plus large que le.lavaret, avec une bolle ;
fur le dos. 70. Le faumon -wimba 8c le faumon
nafus font très-communs dans l’Oby ; le nafus eft .
de l'efpèce des faumons à petites dents. Les autres •
faumons évitent cette rivière tranquille, 8c cher- ,
chent le Jenifei 8c les autres fleuves d’un cours.
rapide 8c à fond pierreux. Tels font, 8°. le fau-
mon lenok ,\q faumon automnal ou o-nul} Yoxyrhyn- _
eus, qui tous les ans s’ouvrent un palfage de la .
mer, à la latitude de 73 deg, jufqu’à y 1 deg. ,dans
le lie Baikal3 dillance de plus de vingt-un degrés
ou de treize cents milles à„peu près. Uomul traverse
le la c , 8c remonte en août jufque dans la
rivière Selinga, où il eft pris en grande quantité-
par les habitans des bords de cette rivière , 8c
confervé pour leur provifîon annuelle» Après avoir .
dépofé fon frai fur les lits pierreux de la rivière, r
il retourne à la mer. 90. Le faumon arctique 8c 1©
faumon thymallus ou l’ombre peuvent s'ajouter,
encore aux poifions- des rivières de Sibérie. 10°. Le
faumon cylindraceus ou walok des Ruflès eft un
poiflon fort menu 8c prefque cylindrique , avec
une très-petite bouche, de grandes écailles ar-,
géntées , 8c des nageoires inférieures rouges. On,
ne le trouve que dans la Lena 3 la Kolyma 8c. 17«-
digirska.
Je dois ajouter ici que Gmelin 8c l ’abbé Chappe ,
affurent, contre l'aflertion des naturaliftes qui pré-:
cèdent, 8c d’après lefquels on a parlé de la diftri-
bution des poiflon s dans les rivières de la Sibérie.,,
qu’on y trouve, 8c furtout dans l’O b y , la carpe ,
la perche, le brochet, Je fuff, la b iên e , la tanche
, le crueian , le rouget, l’able.Sc le goujon.
Le faumoii kundsha abonie dans les golfes de la
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