
Châteauneuf, fur une longueur de treize mille
toifes, huit chutes qui ont feulement donné dix
pieds trois pouces trois lignes.
Depuis le pont de Châteauneuf jufqu’au port
de Jarnac, fur une longueur de huit mille huit
cents toifes j quatre chutes qui ont donné fept
pieds cinq pouces iix lignes.
Depuis le port de Jarnac jufqu’au pont de C o gnac
, il y a fept mille huit cents toiles, mais aucune
chute.
Il réfui te de tout ce détail, que la longueur de
la Charente, depuis Civrai jufqu’à Cognac, eft de
quatre-vingt-douze mille quatre cents toifes , &
que la hauteur totale des chutes ou retenues d’eau,
en fuivant le canal de navigation , eft de cent
foixante-ueuf pieds huit pouces : à quoi , fi Ton
ajoute quatorze'pieds onze pouces cinqlignes pour
la hauteur des moulins de Vais, de Saint-Cibard,
de Châteauneuf, de Jarnac & de Cognac, on
aura cent quatre-vingt-quatre pieds fept pouces
cinq lignes de hauteur totale, qui repréfentera la
Comme totale des chutes formées par les digues
établies fur la Charente, depuis Civrai jufqu'à
Cognac i & lorfqu’on fait attention que les eaux
coulent avec une rapidité même affez confidéra-
b le , malgré ces retenues, furtout dans la batte
Charente , on n’aura pas de peine à croire que la
pente du vallon, & par conféquent du fleuve qui
y coiile, eft au moins de quatre lignes pour dix
toifes. Ainfi, une rivière auflî rapidé ne peut être
navigable que par le fecours de l’art, c’eft-à-dire,
en Soutenant fes eaux par des digues, & c’eft à quoi
l ’établiflement des moulins a déjà contribué.
Il fuit auflî que les moulins étant moins multipliés
entre le faubourg de Lhoumeau & Cognac,
je courant doit y être plus fo r t, & qu’en confé-
•qnence elle ne doit pas y déborder auflitôt & auflî
fréquemment que dans la haute Charente, c’eft-à-
dire entre le faubourg de Lhoumeau & Civrai,
où ces établifiémens font plus rapprochés : auflî,
dans la batte Charente on eft plus expofé à manquer
d’ eau dans les faifons fèches. Toute cette
théorie eft auflî conforme à l ’expérience.
On remarque dans le cours de cette rivière, que
les bancs de glaife font prefque partout fuivis
d ’une couche de pierrailles mêlées de fables, qui
annonce ordinairement le rocher à un pied & demi
ou deux pieds plus bas. Il eft à préfumer que la
Charente a roulé autrefois fes eaux fur le rocher
même , & que, depuis cette époque, les dépôts
de fables & de pierrailles, enfin de gravier & d’argile
fe font faits avec tous les autres qui forment
le fond des prairies voifines de fon lit , & qui font
encore plus confidérables. Une portion dé canal
qu’ on creufa fur la rive gauche de la rivière en
J dans une prairie vis-à-vis le parc de Jarnac,
a mis à découvert ces anciens dépôts : on retrouva
plufieurs troncs d’arbres couchés & enfevelis fous
des lits de terre & de limon, à une profondeur
de neuf à dix pieds. Nous rçnyoyons à l’article
Charente beaucoup d’autres details qui peuvent
concerner les formes du grand vallon.
L’examen des vallées de toutes les rivières de
YAngoumois eft fort inftruèW. On voit d abord
dans la Charente la forme des bords de fes qfcil-
lations, leur étendue croitTante depuis Civrai juf-
qu’ à Angouiême, & un peu au-delà. On peut s afin
rer que les angles faillans & rentrans ne font que
des plans inclinés, & des bords efcarpes très-fuivis
& très-réguliers j en fécond lieu, que.l’angle
Taillant eft un plan incliné qui commence aux fon>
mets des collines, & fe prolonge jufqu aux bords
de l’eau courante & aux dépôts aébuels, établis fur
le fond de cuve de la vallée > en troifième lieu ,
que les bords efcarpés font oppofés à ces plans
inclinés. J’ajouterai d’ailleurs que les faces des
bords efcarpés fuivent ces plans inclinés, & que
ce n’eft qu’à fon retour à Angouiême , que la Charente
rencontre les bords efcarpés les plus éleves,
parce que les collines, comme'celles qui forment
la partie intérieure du plateau d’Angouiême, ne
fe font pas-trouvées expofées à l’aétion des-eaux
courantes torrentielles qui ont ébauché, dans les
premiers teins, ht vallée de la Charente.
Il eft aifé de voir que le plateau & les collines
des environs d’Angouiême font le point le plus
élevé qui a terminé l’ofcillation la plus étendue
de cette côte, & formé un obitacle invincible ,
qui paroît avoir, arrêté la marche de 1 eau vers le
midi & l ’a déterminée vers l’oüeft, ou eile court
à la mer par des lignes fans ofcillation apres Sainte-
Barbe.
-Je ne puis quitter la Charente fans remarquer
encore qu’elle part de l’ancienne terre duTimo-
fin, ne court du fud au nord-oueft que jufqu a
Civrai, parce qu’elle y a rencontré une contre-
pente & un obitacle infurmontable, qui eft une
portion de la nouvelle te rre , adoffee a l’ancienne
terre du Bas-Poitou ; qu’enfui te , parvenue à An-
goulême, ville fituée fur un maifif adolfé de même
à l’ancienne terre du Limofin , la Charente a du
éprouver un détour vers l’oueft, qui lui offroit la
continuité d’une grande pente, jufqu à 1 Océan.
( Particle C harente , ou tous ces details
feront rapprochés comme il convient a la théorie
des eaux courantes, &c. & à la defcription & a
l’analyfe des cartes de cette rivière, dans notre
Atlas.) J’y démontrerai qu’on ne pouvoit écrire
fur la géographie-phyfique des eaux courantes,
fans connoître l’hiftoire naturelle d’ un pays > j a-
jouterai même enfin, que la Charente a fuivi en
petit une marche figurée, femblable à celle de
la Loire, 8cc.
De la Tardouère.
La Tardouère prend fa fource à une lieue de
Chalus en Limofin, patte à Culfac, à Mont-Bron ,
à la Rochefoucauld, au pont d’Agris , à la Roulette
£c à Coulgens. Sa confluence avec la Boivnieure
eft au deflous du bourg deSaint-Ciefs, d’où,
elles fe rendent enfemble dans la Charente, à une
demi-lieue avant Manfls.
La Tardouère continue fon cours jufqu a Mont-
Bron, limite de l’ancienne terre du-Limofin. On
trouve dans cette partie fupérieurede fon lit, des'
brochets du poids de huit à dix livres, de 1 anguille,
de la carpe, de la perche & des truites.
Depuis Mont-Bron, où elle rencontre les couches
calcaires de la nouvelle terre, la Tardouère
perd fes eaux dans des cavités & dans des fables
qui font le long de fon canal 5 en forte que, dans
fon état ordinaire, elle fe trouve réduite à la
moitié de fes eaux lorfqu’elle eft parvenue a la
Rochefoucauld , & elle ne parvient au pont d’A gris
qu’après des pluies abondantes, & il faut des
. pluies abondantes & foutenués pour que cette rivière
coule jufqu’à la Bonnieure.
Les gouffres dans lefquels fe perd la Tardouère
offrent quelquefois des ouvertures apparentes :
d’autres fois ils font recouverts par des amas de
fables, à travers lefquels les eaux filtrent, fe
diftribuent de là dans des cavités fouterraines,
formées par le dérangement des rochers. Le fo l,
depuis Mont-Bron jufqu’ au bourg de-Saint-Ciers,
& depuis la Rochefoucauld jûfqu’à la fortie de la
forêt de la Bracone (c e qui forme une étendue de
quatrç lieues de longueur fur deux de largeur )_,
paroît avoir été finguliérement tourmenté. Les
couches de rochers, foit pierres de taille -, foit
moèlons, qui étoient horizontales à une certaine
époque, ont été dérangées de maniéré que fou-
vent on les trouve entièrement déplacées dans
quelques trajets, & ailleurs inclinées en différens
fens. Souvent des raafies entières de couches^ horizontales
font tellement tranfpofées fur le côté ,
quelles'offrent les faces de bancs verticaux, où
leurs affemblages font reftés cependant parallèles.
Les grottes de Rancogne , fituées fur le bord
de la Tardouère, & à une lieue au deffus de Ja
Rochefoucauld, font des cavernes immenfes, qui
font creufées dans le fein de cette montagne. On
y trouve des filets d’eau qui femblent avoir autrefois,
dans le tems de certains accès, contribué à
l’excavation de ces cavités fouterraines, que l’infiltration
des eaux pluviales qui traverfent les voûtes
, ont garnies de ftala&ites attachées aux parois
des rochers.
- La coupe qui a été faite dans le coteau du village
de la Chabanne, à la fortie de la vallée de la
Tardouère à la Rochefoucauld, confirme lesbou-
teverfemens dont nous avons parlé. L’on y voit
des rochers culbutés en tous fens, & qui laiffent
appercevoir eotr’eux, .& à la furface du terrain,
des cavités plus ou moins confidérables.
Si l’on fe repréfente maintenant que les rochers
qui font à de grandes profondeurs au bas des cavités,
&,même des coteaux, font fitués à peu près
de la même manière que ceux qu’ on apperçoit à
la fuperficie, non-feulement on ne fera pas étonné-
que les eaux pluviales s’écoulent & fe perdent habituellement
dans les entrailles de la terre , mais
encore les eaux courantes des rivières, parce que
le fond de leurs vallées n’a pas plus de confiftance^
pour les retenir, furtout lorfque les gouffres ont
leurs ouvertures à la. hauteur des. eaux ordinaires.
Si les maffes énormes qui forment les voûtes
des cavités fouterraines & qui fe trouvent à la luite
des gouffres, fontféparéespar des veines de terre
que. les eaux minent & entraînent peu à peu , il
eft aifé d’imaginer que les rochers peuvent glilfer
les uns fur les autres, perdre leur aflîette & être
culbutés dans lesfouterrains, & entraîner d’autant
plus facilement dans leur chute & déplacement la
couche fupérièure qu’ ils foutiennent, qu’elle eft
continuellement travaillée par les crûes des hivers
pluvieux. C ’eft de là que fe font opérés les affaif-
femens confidérables que l’on rencontre dans 1 é-
tendue du fol des environs de la Rochefoucauld.
La folfe immenfe que l'on apperçoit fur le bord
de la route, du côté du parc du château de la
Rochefoucauld , en quittant le village de la Chabanne,
eft probablement l'effet d’une pareille fuite
de déplacemens ; elle eft plus profonde que le lit
de la Tardouère. Néanmoins les eaux de cette ri-
'vière n’ y communiquent que lors des crûes : les
eaux fe mettent alors à peu près de niveau des
deux côtés.
Il feroit difficile d’empêcher la perte totale des
eaux de la Tardouère} car comment remédier aux
infiltrations de fon canal, à celles qui fe font dans
la plaine ou par les gouffres qui font couverts. On
ne pourroit tout au plus combler ceux qui font
découverts. Ce travail d ailleurs feroit parfaitè»
ment inutile, le fol ayant fi peu de conuftance,
qu’il fe forme tous les ans de nouveaux gouffres.
Le pont établi fur la Tardouère annonçoit les.
talens du conftruéleur : l’hiver fuivant, 1 inonda*
tion fut confidérable > le terrain naturel s’affaitta
derrière la culée de la rive gauche , & le remblai
que l’on avoit apporté pour l’appuyer fut englouti.
L’effort s’étendit jufque fous la maçonnerie : la
plate-forme qui la foutenoit, plia dans le milieu
d’environ cinq pouces, tandis que fes deux extrémités
relièrent foutenues par un point d’appui trop
éloigné de raffaiffement pour en être ébranlé. Les
lits des différentes attifes de cette culée font concaves
au lieu d’être horizontaux, fuivant leur
conftruétion primitive.
La voûte de l’arche fut tellement tourmentée,
qu’une grande partie des vouffoirs caftèrent ou fe
aivifèrent par éclats. Depuis cet accident, les
fractures ont été réparées , le gouffre a été comblé
, & le pont fubfifte. Il eft vraifemblable que
les rochers qui ont été déplacés par-deffous, ont
acquis une aflîette fixe & folide j mais fi les terres
qui les recouvrent ou qui les féparent, font minées
infenfiblement par les eaux fouterraines, ils
i pourront encore éprouver quelque déplacement,