
par Ton tempérament ,~ qu’on devenoit fufcéptible
d’en être affeété, en y comprenant cependant toujours
les modifications qu'y .apporte le mouvement
oi^ le repos j mais , en même tems on ne fau-
roit douter que ce ne foit l’état de l’ air qui détermine
particuliérement le. moment où la fatigue
a de pareilles fuites , puifqu’ à une certaine élévation
, le plus long repos ne fauroit rendre la fa-
çulté de faire de grands efforts , faculté que l ’on
ne retrouve que plus bas , & après avoir ajouté
à la fatigue de monter la fatigue de defcendre.
Bien des personnes qui, çnt atteint fans incommodité
le pic du Midi, peuvent être du nombre de
celles à qui de pareilles hauteurs caufent, en certains
cas , de très-fortes angoiffes , & n’imaginent
pas dans quel état elles y auroient été fi par
exemple , au lieu d’y trouver du repos , elles y
avoient trouvé la néceffité de fe mouvoir avec
quelque force & quelque continuité.
Quoi qu’il en foit , ces incommodités ne pa-
roilîent point s’être jamais manifeftées au deffiis
de mille toifes d’élévation abfolue > & 'c eu x qui
les attribuent à la feule raréfaction de l’air 3 ont le
droit de s’appuyer de ce fait 5 mais auffi, nulle per-
fonne , nul montagnard n’en a été exempt 3 en
Europe 3 au deffus de deux mille toifes. On a été
fortement incommodé, non-feulement au fommet
du Mont-Blanc 3 le baromètre ÿ étant à feize pouces
une ligne j mais à quatre cent cinquante-fix toifes
au deffous, le baromètre n’y étant qu’à dix-fept
pouces onze lignes, & même à quatre-vingt-quinze
toifes plus bas.
O r , les académiciens françois envoyés au Pérou
font parvenus, eux & leur fuite, fans nulle incommodité
quelconque £ au fommet du Pinckinca, où
le-baromètre ne fe foutenoit qu’ à feize pouces 5
& au fommet du Çorapon, où il descendit deux
lignes plus bas , le premier, inférieur de vingt
toifes au Mont-Blanc 5 l’autre., plus élevé de la
même quantité : & ce n’ eft pas to u t , ils ont habité
vingt-quatre jours à une petite diftance au
deffous du Pinckinca.
Quelque pouvoir que nous devions donc attribuer
à la raréfaCtion de l’air* pouvoir qui a été
reconnu dans l’afcenfiôn au Mont-Blanc, a des caractères
qui ne font point équivoques, les académiciens
françois n’ ayant point éprouvé au;Pérou
les mêmes effets à la même hauteur il faut ., à
cette circonftance, en ajputer une autre qui puiffe
fatisfaire à tous les phénomènes..Ëten effet, quand
on fonge que la fréquence de la rëfpiration dont
en s’ eft plaint fur le Mont-Blanc , n’a été reffcntie
en aucune manière par les fàyaùs qui ont gravi au
fommet du Corafon 3 & quand on confidère que
cette fréquence provenant directement de ce que
la nourriture propre au poumon eft rare ,i & que
le befoin d’en reprendre fe renouvelle fouvent, &
ne provient qu’ indirectement de ce que l’air lui-
même eft raréfié 3 puifque ce n’ eft pas l’air tout
qmier ,, mais une feule;de fes portions, qui le
nourrit, & que cette portion doit diminuer de
quantité fuivant des lois différentes de celles que
1 air obferve dans fa raréfaction , on conçoit aifé-
ment que les effets conftans de la raréfaction de
l’air fur l’économie animale doivent être modifiés
par les effets variables de fa compofition , &
qu’il faut comprendre dans l ’explication des incommodités
fingulières que l’ on éprouve fur quelques
montagnes, les di ver fes proportions qu’af-
feCtent, à différentes hauteurs, en différens tems,
en différens lieux , les ingrédiens du mixte que
nous refpirons ; proportions qui influent immédiatement
fur l’organe qui le digère par lui fur
le fang , fur la chaleur vitale , fur tous les organes
& fur la difpofition générale à reffentir les effets
mêmes de la raréfaCtion de l’air. O r , l’air vital ,
celui qui forme feul notre aliment , & qui feul entretient
la combuftion comme la v ie , eft, dans les
compofans de l ’a ir , l’un des plus lourds & des
moins capables de fe foutenir dans les régions fu-
périeures. Il fe préfente donc une nouvelle donnée
à faire entrer dans l’explication générale du phénomène
, & il elt facile d’ entrevoir qu’ elle pourra
bien n’avoir pas une modification auffi uniforme
que la raréfaCtion de l ’air. Quand on ajoute à ces
confidérations , que l’air vital feroit le produit de
la décompofition de l’ eau par les organes des végétaux,
dès-lors toutes les variétés du phénomène
femblent expliquées. D’une part, la hauteur où
; l’exiftence fera gênée , fera celle où l’air viral
ceffe de former un tiers de l ’air atmôfphérique.
De l’autre , cette hauteur, confidéréf en général ;•
fera placée au deffus du terme le plus élevé du
terme de la végétation , de toute la quantité dont
l’air vital peut s’ élever en une dofe fuffifante pour
rendre l’air refpirable. Confidérée en particulier,
cette hauteur obéira d’abord aux ex-tenfions &r aux
pertes des zones de glace , aux anticipations &
aux retraites des végétaux $ elle obéira enfui te aux
faifons j car en hiver, tandis q\e les créatures jr e f-
pirantes uferont les provifions d’air vital que les
trois faifons de la végétation leur ont préparées',
& que les rayons du foleil n’en développent qu’une
petite quantité, les hautes régions s’en dépouilleront
en faveur des couches inférieures de l ’at-
mofphère j enfin elle variera félon les lieux , par
mille accidens que l’ on ne peut décrire en détail,
& dont les courans d’air & les afpeCts font les
; principaux. L’air vital , porté d’un fommerlivré
à la végétation, fur un fommet qui en eft dénué ,
retardera fur ce dernier l’ inftant où fon atmof-
phère n’ eft plus refpirable, & cet atmofphère cef-
fera d’ être refpirable, prefqu’au milieu de la végétation,
fur une montagne qui partage fes vivifiantes
émanations avec des montagnes-'arides qui
l ’environnent. Mais toutes chofes égales d’ ailleurs,
& tous acçidenv ç.ompenfés, l’air demeurera refpirable
un peu plus haut .dans les Pyrénées que
dans les Alpes j & les académiciens qui montèrent
fur le CoraçQn , ne s’y trouvant qu’à cent toifes au.
deffus de la végétation , purent n’éprouver en aucune
manière les incommodités que l'on a fouf-
fertes au Mont-Blanc, depuis huit cents jufqu’à
treize cents toifes au deffus des limites générales
des végétaux.
Ainfi la hauteur où l’hommeeeffe d'exifter commodément
eft celle où finit l’empire des faifons &
où commence celui du froid confiant, & les hauteurs
accidentelles font variées à la fois par les
accidens fimples & très-faciles à détailler que fu-
bit la zone glaciale, par les accidens plus compofés
& plus nombreux que fubitlà zone végétale $ &
enfin par les accidens compliqués que la vie aniri
male apporte dans l ’Univers avec fon aptitude à
en modifier les'effets.
Rempli de l ’idée des fecours mutuels, que fe
prête ne, comme on yoit, toutes les parties de LUnk
vers, on ne peut douter qu’ il n’y ait un commerce
d’émanations plus ou moins favorables aux êtres
qui y participent \ que l’air des hauteurs moyennes
n’acquière pas le tribut ique lui portent des .vé-i
gétaux d’ élite, des animaux fains, cette heureufe
combinaifon de fluides qui le rend le plus propre
à la rëfpiration, & que le meilleur air ne foit
celui où les échanges des>diverfes émanations font
maintenus dans la meilleure proportion qui convienne
à tous les êtres qui le refpirent.
Toute la terre fe partage 3 avec plus ou moins
d’égalité , ce mélange vivifiant des émanations
des trois règnes. Le fouffle des vents contribue
infiniment à ces mélanges, en tranfportant fans
ceffe les émanations de certaines contrées favori-
fées d’un hémifphère à l’autre. G^’eft ainfi que l ’ air
doux & pur de l’Arabie heureufe & fertile va ranimer
la caravanne. qui traverfe lentement l’aride
étendue du défert couvert de fable.
Mais ces échanges que les diftânees les plus
lointaines ne bornent point , ne peuvent s’opérer
entre les émanations ae la furface de la terre &
les hauteurs où, dans un air plus rare, les principes
conftituans fe mêlent moins intimement. De la
région fupérieure à la région inférieure, ce n’eft
plus ce .mélange dont l’égalité fail'oit la bafe, &
qui étoit propre aux êtres vivans : les décompofi-
tions dont les fommets des montagnes font témoins^
ayant d’autres caufes,ont auffi un autre but.
Là doit fe faire la féparation des fluides qui font
confondus à la furface de la terre. D’autres corn-
binaifons remplacent fur les hauteurs celles qui
font détruites. Il s’ agit, dans ces;laboratoires éle-
v.és, de la formation & de la diffolution des nuages
; il s’agit du régime des faifons & de la diftri-
bution de l’abondance ou de la ftérilité, & c’eft
par les météores que l’hiver & l’été fuccèdent
l ’un à l’autre.
Les lieux où s’opèrent ces grands travaux ne
peuvent pas être long-tems le féjour de l’homme:
l’air qu’il?y refpire eft trop dépouillé des émanations
de la terre habitable : fes forces , que la
fatigue épuife, ne peuvent lui être rendues dans
une régîon qui fouffre avec peine ce qui'eft vivant
&. fenltble. Il faut donc qu’il retrouve non-feulement
fes forces, mais encore fon bien-être dans
l’ air qu’ il refaite & dans tout ce qui l’environne,
& qui e(V fait,pour fatisfaire à les befoinsfans
ceffe renaiffans.
A ir des hautes cimes au Pérou. Quoiqu i! fe, paffe
peu de jours fans pluie pendant l'hiver des hauts
pays du Pérou, l’air y eft iec en tout tems. Les
murs des maifons font couvert? d’eau; qui s'intro-
duit.par la porphté des lmatériaux;,,&de fol eft
très-humide -pendant les pluies , fans qu il en reluire
aucune incommodité pour la fante. Il en eft
tout autrement dans les balles contrées . les pluies
y font très - fines & forment à peine quelques
gouttes fenfibles. Cependant l’air y eft très-humide
i le fe r , l’acier, y font promptement attaqués
de la rouille, & tout y eft à proportion imprégné
de cette,humidité.
Cette différence qu'il y a entre cette contrée 8c
le haut pays ne vient que de la différente denficé
de l’a ir , qui a toujours plus de.difpofition à dif-
foudre les particules aqueufes à proportion de ce
qu’il eft plus épais, 8c qui les iaiffe échapper iorf-
qu’il fe trouve plus léger & plus rare, O r , ceci
vient de ce que l'air n’ayant pas allez de corps
pour retenir les molécules flottantes, elles fe précipitent
fous forme de pluie 8c lalffent ainfi 1 air
libre. Outre cela, comme la chaleur du foleil fe
fait fentir dans ces contrées élevées tout autre-
■ ment que dans les pays bas, de même le froid s’y
fait fentir d’une manière différente que dans les
climats naturellement froids, à caufe de l’obliquité
des rayons folaires. Des qu on a quitte les contrées
baffes pour fe rendre aux pays élevés , on éprouve
■ une fenfation plus pénible que le froid meme.
Aucun.abri ne peut en garantir ni en modérer
l’impreflion. Le feu n’y procure non plus aucun
adouciffement. Le lit le mieux préparé 8c le plus
mollet n'eft d’aucun foulagement. Cette pénible
fenfation, qui dure plufieurs jours, jufqu a ce que
le corps commence à s’acclimater , eft beaucoup
plus grande pendant la nuit que pendant le jour.
; Le fentiment du froid qu’on éprouve , malgré
tous les moyens poflibles de fe réchauffer , pénètre,
tout l'intérieur du corps,-de même que le froid
. qui fe fait fentir dans l’accès d’une fièvre tierce.
La raifon de ce fentiment pénible riè peut être
que le partage fubit d’ une température modérée à
. un climat froid. Les pores n’ayant pas eu le tems
de fe refferrer dans une proportion convenable,
les particules de cet air froid s’y introduifent fort
librement , affe&ent les fibres délicates des muf-
cles 8c des nerfs., 8c y.caufent une fenfation d’où
il réfulte l’état pénible de tout le corps. VoUà
pourquoi aucune précaution, aucune chaleur ni
même le mouvement ne peuvent en garantir.
Cette incommodité dure vingt à trente jours,
jufqu'à ce que le corps foit fait au climat; car alors