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de même fi Ton n'avoit foin d’en nétoyër le fond
du limon qui s'y accumule.
On doit juger j d'après l'attention & le foin
continuel qu'on apporte à ce travail, quelle doit
être l’aétiviré des caufes qui concourent à le combler
& à le remplir.
Pour terminer ce que nous nous propofons de
diré fur VArno, nous croyons devoir joindreici à ces
détails, i °. ce.qui concerne le Val d’Arno diSopra ;
2°. la plaine de ce fleuve aux environs de Florence j
3°. le Val d’Amo di Soto ou la plaine de ce fleuve,
aux, environs de Pife. Ces détails formeront un'
enfemble vraiment inftruétif fur l’état ancien &
moderne de YArno 3 & pourront fervir de modèle
aux naturaliftes qui feront à portée d'étudier, fous
les mêmes points de vue, quelques grandes rivières
ou quelque fleuve confidérable.
A r NQ (V a l d '). Le Val d’ Amo di Sopra eft une
plaine- agréable , un vallon arrofé par YArno , qui
n’a qu'une iffue v c s Rignano , où le fleuve fem-
ble s'être ouvert un chemin au travers de la montagne.
Toute cette partie de l'Italie offre des
indices de mines de fer , auffi bien que de vitriol,
de foufre & de charbons fofïiles. On y trouve
at fli des bois qui ont été changés en charbons.
Enfin les offemens d'animaux exotiques , d'hypo-
potanus & furtout d'éléphans , que l’on rencontre
fréquemment le long des bords de YArno. La
plupart des laboureurs affurent qu’en certains endroits
ils ne labourent jamais un champ fans que
la charrue n’amène quelques fragmens offeux. On
y trouve des défenfes d’éléphans de tout âge ; ce
qui femble indiquer qu’ils ont été anciennement
fauvages dans ce pays-là, puifque ces animaux ne
multiplient point dans l’efclavage. Ces offemens
d’éléphans fe trouvent là , comme en Amérique &
en Sibérie, mêlés avec des cailloux roulés, des
fables & des argiles qui ont été chariés & accumulés
par les eaux.
Plufieurs auteurs avoient attribué ces qfTemens
aux éléphans qu'Annibal cônduifit en Italie.
M. Targioni fait voir que cela ne peut (pas être,
& il montre par grand nombre d'autres exemples
tirés de toutes les parties de l’Europe, qu’ il faut
fuppofer que la race de ces animaux ait exifté autrefois
dans, ce pays. Ce n’eft pas le premier indice
queTobfervation nous a fourni des change-
mens prodigieux arrivés fur notre globe. Pendant
que les régions feptentrionales ont confervé quelque
chofe de leur ancienne chaleur , les éléphans
ont pu s’y multiplier ; mais dans la fuite ils ont
été forcés à fe retirer en À fie & en Afrique,
mais il en eft refté des indices dans le fein de la
terre.
I. Vallée fupêrieure de VArno , oU Val d1Amo di
Sopra.
Cette agréable & fertile province d§ la Tof-
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cane, que les Florentins nomment Val d’Arno di
Sopra, paroît, lorfqu’on la regarde du fommet de
quelque montagne voifine, comme un grand baffin
de figure prefqu’ovale , dont les bords font, d’ un
c ô té , les montagnes de Valembrofa., de Prato-
Magno, & d’autres qui tournent dans le Caferitino ;
de l'autre, les montagnes de YJncontro , des Cortt,
de San-Donato in collina, du Monte-Majfo , du
Monte-Scalari, de Lucolena, de Coltibuono bc d’autres
qui confinent avec le Chianti. Le fond de e.e
baffin eft une grande plaine couverte de fable,
par le milieu de laquelle court YArno, & de laquelle
s'élèvent d’innombrables collines , qui font
la plupart coupéés à pic, très-différentes par leur
figure, leur ftruéture & les fubftances dont elles
font compolées, des montagnes que nous avons
dit former les bords extérieurs de ce baffin ; car
ces montagnes , comme la plus grande partie des
autres, font compofées de grandes maffes de filons
dé pierre à chaux , ou de pierre fierene de différentes
épaiffeurs, & diverfement inclinées à l'horizon,
avec des lits de pierres plus tendres, fous
forme d’ intervalles terreux. Mais les collines qui,
du niveau de la plaine la plus balfe, s'élèvent toutes
à une même hauteur, font placées & adoffées
contre les pentes courbes & tortueufes des montagnes;
elles montrent à découvert les fubftances
dont elles font compofées , les argiles, les fables ,
les graviers & différens corps organifés, diftribués
en une multitude de couches diftin&es conf-
ramment parallèles à l’horizon. Toutes les cimes
les plus élevées de ces collines , en partie détachées
les unes des autres, en partie continues fur
une grande étendue, furtout dans les endroits où
elles ne font pas rongées par les torrens, font
parfaitement unies, & figur'ent fur une même ligne
horizontale; de forte que plufieurs de ces
hautes cimes font très-bien nommées plaines par
les habitans : c'eft ainfi qu’on dit la plaine de
Reggello3 de Cafcia, de Sco , de Travigne & plufieurs
autres femblables. Si du fommet élevé de
l’pnp de ces collines on porte fes regards de tous
cotés dans le Val d*Amo di Sopra, on verra avec
plaifir que cette belle partie, la plus élevée de la
vallée , forme une plaine immenfe & très-égale,
qui fuit fur le même niveau le contour des montagnes
qui l’environnent en amphithéâtre. La plus
grande largeur de la plaine inférieure & moderne
de YArno3 q ue, pour plus grande précifion, l’on
peut appeler plaine baffe, eft à peine dedeux milles ;
mais la plaine fupêrieure, qui s'étend par le fommet
des collines , peut avoir environ feize milles
d’étendue. Dans cette plaine élevée , & non dans
la plaine baffe, étoientfitués les anciens châteaux
du Val d’Arno , comme Viefca , Levane , Bucine ,
Montèvarchi, Figline , Incifa , &c. qui ont tous
été reconftruits poftérieurement dans la partie
baffe de la plaine moderne, excepté Viefca &
Bucine. Il eft utile d'obferver que la via Cafftas
une des plus fameufes voies militaires des Ro-
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mains, qui conduifoit de Rome dans lés Gaules,
parlaTofcane fupêrieure , traverfoit une partie
du Val d’Arno di Sopra , non par la plaine la plus
baffe & moderne du Val d'Arno, mais toujours
par les fommecs des collines, & particuliérement
par les parties où .elles confinent avec les pentes
des montagnes.
| Quand on dit que la plaine la plus élevée du
Val d’Arno eft partout horizontale, on ne doit
pas prendre cette expreffion dans toute la rigueur
mathématique, puisqu'il s’y trouve dans quelques
endroits des éminences remarquables, qui
ont pu être la fuite des premières eaux torrentielles.
On remarque aifément, en voyageant dans le ;
Val d’Arno, que les couches horizontales d’argile
, de fable , &c.,qui forment les collines, font
totalement différentes des filons compofant les ■
montagnes circonvoifines , & que ces couches
ont été produites très-poftérieurement à la formation
des montagnes, & par une caufe totalement
différente. En allant vers Figline on commence
à trouver les premières limites des dépôts '
de fable & d’argile, & dans une partie de la grande .
route., nommée la filce nuova, à l’endroit où elle
fe joint à la felce vecchia, on trouve , en allant du
côté d‘Arefâo , un torrent rapide qui, fe précipitant
des montagnes de Perticaia , a rongé la face
d'une montagne compofée de onze filons épais &
tortueux d’alberefe blanchâtre.-Sur le plus élevé
de ces filons on voit clairement le dépôt des couches
horizontales d’argile & de fable, qui forment
par leur élévation une colline -confidérable. C'eft
en faifant allufion à cette difpofition des chofes,
que Stenon difoit : Et hîc obiter notandum , colles
qui é flratis terreis componuntur ut plurimum pro
fundamento habere firatorum faxeorum majora fragmenta
, <[u& multis in locis tuentur, impofita fibi
terrea ftrata , ne à vicinorum fiuminum & torrentium
eluvie refolvantw. ( n°. 33 ï* folido intra foli-
dum. ) On trouve beaucoup de ces filons coupés
par des. torrens fur la route de Figline à Monte-
Scalari , lefquels font recouverts auffi de couches
de fable &r d’argile, qui y font .dépofées à une
grande hauteur. Le canal moderne de YArno, depuis
Incifa jufqu’au moulin delle Panche, eft crtufé
fur la pente d’ une maffe compofée d’alberèfe. Le
long de ces rives, qui font prefque verticales, on
découvre des filons d’alberefe, lefquels,quoiqu’in-
clinés, fe correfpondent vifiblement de l'un à l’autre
côté , & font voir qu’ils ont été entamés par
une grande force. Sur ces filons s'élève une grande
& haute maffe, compofée de couches horizontales
d'argile & de fable, qui diffère manifefte-
ment des croupes des montagnes fur lesquelles ces
couches font dépofées.
, On trouve de même à Monfoglio une démonstration
très-décifive , que l’argile & le fable ont
été poflérieurement dépofés en couches horizontales
fur les croupes à contours faillans & rentrans
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des montagnes qui exiftoient primitivement; car
en allant lur la voie aretina, environ un quart de
mille avant d’arriver à la ville d'Jitetino 3 l'argile
& le fable fur lefquels on avoit marche depuis
l’auberge de Trogki jufque-là , difparoiffent , &
l'on découvre un terrain d’une forme & d’une
nature totalement différentes, e'eft-à-dire, com-
pofé de fiions inclinés de pierre forte., En descendant
de Monfoglio , & dirigeant fa route vers
Arc^o , on perd de vue la pierre forte , & l'on
commence à retrouver le fable & l'argile , fur lesquels
on continue de marcher jufqu’au lac de Pé-
roufe. Ce phénomène fait voir que le fommet de
Monfoglio ell plus élevé que celui des collines qui
forment la plaine haute du Val d’Arno , & que
cette maffe, comme un grand écueil ou montagne
marine i s'élève au deffus d’une mer de fable &
d'argile.
Le baffin que nous venons de décrire, formé
par les montagnes qui entourent le Val d’Arno ,
n’a qu’une gorge ou un débouché à Rignano, par
où YAtno s’eft ouvert & creufé un lit dans une
maffe d’alberèfe. Ce baffin ou plaine ancienne de
YArno eft rongé d’ une manière étonnante par les
fleuves, les torrens & les ruiffèaux, dont les rives,
creufées prefque perpendiculairement, présentent
aux naturaliftes curieux le moyen de faire des ob-
fervaticns intéreffantes, parce que dans les cou-r
pures de leurs bords on diftingue facilement les
nombreufes & differentes couches qui les com-
pofent, ainfi que leur nature.
Sur lacoiline de Viefca on peut compter, dans
la hauteur de vingt-huit à trente braffes , vingt-
une couches. Depuis la première -, qui fe montre
à la furface de la terre , jufqu'au lit du petit
torrent de Viefca , & de là jufqu'au lit de YArno ,
il y en a fans doute un grand nombre qu'on ne
peut plus diftinguer, parce que le terrain eft rompu
par les travaux de la culture.
La vallée fupêrieure de YArno n'eft pas la feule
yallée qui ait la forme que nous venons de décrire.
L ’étroite vallée du Cafendno , la vafte vallée de
Chiana , ou la partie la plus baffe du territoire
d’Are^o, des Cortones & du Perugin, préfentent
des formes parfaitement femblables.
On peut remarquer que les collines à couches
horizontales & à pic de la vallée fupêrieure de
YArno font très - femblables à celles qu'on obferve
dans les autres parties du G lobe, & particuliérement
dans la vallée de Florence , à Signa , à Co-
meana, à Sainte-Momme, & dans la vallée inférieure
ou Val d’Arno di Sotto:, à la colline d eC a-
praia , de Montefalcone, de Montecavalio , &
dans toute la vallée du Serchio , de Lucques,
dans toutes les vallées de Pefa, d’Elfa , d’Evola ,
d’Era , de Fine, de Cecina & de Merfa, avec cette
feule différence que, dans les couches des collines
entre Capraia & la mer, on trouve des veftiges
manifeftes de la préfence de cet élément, c'eft-à-
dire, une quantité infinie de coquilles de teftacées