
général au deffous de b taille moyenne, gras ’&
charnus, fans être mufculeux ; leur vifage eft rond,
plein, avec des joues proéminentes : au deffus des
joues , la face fe rétrécit & fe comprime d'une
tampe à l'autre. Les narines font larges, & le nez
plat, avec une pointe arrondie. Au travers de la
cloifon des narines, plulieurs des individus infèrent
un anneau de fer, d'airain ou de cuivre. Ils
ont les yeux petits, noirs, languiffans ; la bouche
ronde, les lèvres groffes & larges5 la chevelure
épaiffe, forte, noire, longue & droite ; les poils
des fourcils fort rares, le cou gros & court, les
membres petits & mal faits, la peau d’un blanc
pâle lorfqu’on pèut la voir fans faleté & fans peinture.
Les femmes ont à peu près la même forme
& la même taille que les hommes, & il eft im-
poffible de reconnoître en elles cette phyfiono-
mie délicate & tendre , & ces traits plus vdoux
qui doivent diftinguer le fexe. La plupart des vieillards
ont de longues barbet & même des mouf-
taches ; mais les jeunes gens, en général, pa-
roiffent s’être arraché le poil, à la réferve d'une
petite touffe qu’ ils portent au bout du menton.
Leur habillement confifte en manteaux & fur-
touts fort bien manufacturés chez eux, & qui
font fabriqués , ou en laine, ou en joncs ou ro-
feaux, ou même , en matières qui reffemblent
beaucoup au chanvre. Par-deffus leurs vêtemens
les hommes jettent fréquemment une peau de
quelque bête fauyage, qui leur fert de grand
manteau : ils fe couvrent la tête d’un bonnet fait
de joncs en forme de cône tronqué-, dont le fom-
met eft orné d’un pommeau pointu ou rond, ou
d’ un faifceau de rubans de cuirs tannés. Tout leur
corps eft couvert de peintures ou de craftè, &
ç ’ejt une d e s ta ce s , & les plus mal-propres, &
le^plus dégoûtantes de toute la côte occidentale;
Sombres, phlegmatiques & exceffivement paref-
feux , la moindre contradiction les irrite jufqu’à
la fureur, comme un rien les appaife-aulfitôtl Les
hommes font abfolument fans pudeur , pendant
que les femmes font extrêmement modeftes, &
même d’ une timidité ingénue.
Cette nation poffède une infinie variété de maf-
ques hideux , dont les hommes font foux. On n’a
as pu décider d’abord fi ces mafques avoient un
ut religieux, ou s’ils ne fervoient qu’à des maf-
carades; mais M. Bartram prouve que l’ufage de
ces mafques.s’étend jufqu’à la côce orientale du
continent , & qu’ ils font deftinés pour des parties
de plaifir. Il fut vexé prefque toute une nuit
par les bouffonneries d’un de ces arlequins, qui
s’infinua dans fa maifon, & q u i , après avoir joué
mille niches & fait mille tours, difparut, de manière
à faire croire que fon intention étoit d’être
pris pour un lutin ou un revenant. L^s Oftiaques
ont aufli la même coutume de mafques.
C e peuple a fait quelques progrès dans les arts
d’imitation : outre cette habileté qu'ils ont à fculp-
ter fupérieurement leurs mafques, qu’ ils caillent en
forme de tête d’animaux 8c d’oifeaux de diverfes
efpèces, ils font capables de peindre avec une
exactitude & une correction paffiblesc.Souvent ils
repréfentent fur leurs bonnets tout l’appareil & le
progrès d’une pêche de baleine. Nous avons v u ,
en Europe, de petits arcs faits d’o s , ' fur lefquels
étoit gravé très-diftinétement chaque objet d’une
chaffe : on peut mettre de ce nombre le terrible
tomahawk. La, partie offenfive eft une pierre Taillante,
qui fort d’ une bouche en bois fculpté, de
figure humaine, avec des dents d’homme ou de
tout autre animal, qui y font enchâflees. De longs
faifeeaux de chevelure font attachés à plufieurs
parties de la tê te , & , agités dans la main du fau-
vage, ils offrent un afpeCl effrayant. On diftingue
très-aifément dans les fculptures l’élan, le renne,
le daim de Virginie & le chien, enfin des oifeaux
qui paroiffent être de l’efpèce des oies, & dans
la pêche de la baleine, les chevaux & les veaux
marins. On voit par-là avec quelle facilité on
pourroit éclairer & civilifer un peuple doué par la
nature de fi belles difp.ofitions pour les arts.
D É T R O I T DU P R I N C E G U I L L A U M E .
, Depuis la latitude de y y degrés 20 minutes vers
le nord, le pays s’élève encore davantage, fur-
tout en avançant dans les terres, où l’on voit une
chaîne de très-hautes montagnes, la plupart couvertes
de neige : elle eft parallèle à la côte, &
c’eft une ramification de celles qui ont été décrites
ci-deffus. Au deffus de la latitude f é , la côte fe
brife en baies & en havres. Ce: fut dans ces parages
que le capitaine Tfchirikow, compagnon du
grand navigateur Bering, & qu’une tempête avoit
féparé de Ton commandant-, eut le malheur de
toucher une partie ouverte & rafe de la côte vers
la latitude y y , où il mouilla dans une fituation
dangereufe & au milieu des rochers.
Une vafte montagne, de figure conique, appelée
Edgecumbe par le capitaine Cook , s’élève & domine
au deffus de toutes les autres ; elle eft fituée
fous la latitude de s i degrés 3 minutes, longitude
2.2s degrés 7 minutes. Non lôin de là eft la baie
des îles , la même que le port de Los Remedios,
voifin du nee plus ultra de l’expédition efpagnole
de i77y. Ces navigateurs fe contentèrent d’avoir
pouffé jufqu’au 58e. degré, & atteint la plus haute
latitude ou l’on fait jamais arriyé dans ces mers.
Cette côte continuoit, comme les autres qui pré-
cèdent, d être couverte de bois.
Un pic fort élevé , le mont de Beautems, & la
petite crique appelée le détroit .de la Croix (Croff
Sound) , viennent après. Le premier fommet eft
le plus haut d’une chaîne de montagnes couvertes
de neige, qui. font à environ.cinq lieues, dans les
terres, latitude de 58 degrés,y2 minutes $ la terre
qui eft entr’elles & la mer étoit fi baffe, que les
arbres fembloient à l’oeil fortir des eaux. Plufieurs
oifeaux de mer , avec un cercle noir au tour de la
tê te ,
tê te , le bout de la queue 8c le deffus des ailes
marqués de noir; le corps bleu en deffus, blanc
en deffous, fe montrèrent dans l’air, & fur l eau
nageoit un canard brun, ayant la tete noire ou
d’un bleu foncé.
A la latitude de y? degrés 18 minutes eft une
baie avec une île boifée : devant fa pointe méridionale,
nomme; Bering par le capitaine C o o k ,
en mémoire de l ’iliuftre Danois qui découvrit le
premier cette partie de l’Amérique , & qui ,
comme on l’a préfumé, mouilla quelque tems dans
cette île , l’afpeft de la contrée étoit effrayant;
il offroit de hautes montagnes couvertes de neige
au milieu de ju ille t, & la chaîne interrompue
près dexe port par une plaine de quelques milles
d’étendue.
Il n’eut pas le tems de faire des obfervations;
il donna feulement à un cap qui s’avançoit dans
la mer, le nom dé Cap Elie, qu’on ne connoït
plus > feulement il eft refté à une montagne tres-
remarquable, qui étoit dans les terres au nord-
oueft de la baie, à la latitude de 60 degrés iy
minutes.
Bering, durant le court féjour qu il fit fur la
c ô te , envoya fa chaloupe au rivage. Le grand na-
turalifteSteiler faille cette occafion pour defeendre
à terre. Il lui fut accordé fix heures, pendant lesquelles
il recueillit quelques plantes dont nous ne
donnerons pas ici la lifte, quelqu’ intéreffinte.qu elle
foit pour nos botaniftes. ■ ^ v r
Dans le voifinage, à la latitude de^ y<? degres
49 minutes, vers l’île de Kaye , le capitaine Cook
obferva divers oifeaux : on diftingua parmi eux
quelques albatros, les mouettes de neige 8c le
cormoran commun ; 8c dans les bois chétifs qui
entourent l’île comme une ceinture , on vit une
corneille , l’aigle à tête blanche , & 1 aigle_ au
Ventre blanc. r '
Après avoir doublé un cap appelé Hinchinbroke,
Cook jera l’ancre dans un vafte détroit qu’ il
nomma détroit du Prince Guillaume, a .la latitude
de 61 degrés 30 minutes, à 1 abri d une longue
île appelée île de Montague , qui s’étend obliquement,
& le tràverfe du nord-eft au fud-oueft. Autour
de ce havre la terre s’ élevoit a une hauteur
confidérable, 8c étoit couverte d’une neige épaiffe.
La végétation paroiffoit diminuer & fe rallentir
dans ces contrées. Les principaux arbres étoietit
le fapin 8c la fapinette du Canada, & quelques-
uns étoient d’une médiocre groùeur.
Outre les quadrupèdes qu’on trouve à Nootka,
il y a dans ces contrées plus feptentrionales une
variété d’ours d’une couleur blanche : on ne lui
donnera pas ici le nom d‘ours, polaire s parce que
celui-ci n’habite que les climats les plus rigou- j
reux , ceux où il peut trouver des louterrains en- |
foncés fous la neige, 8ç des îles de glace. On y ;
voit aufli une efpèce d hermine bariolée de brun, I
avec la queue lég rement teinte de noir. Il y a auffi t
Géographie-P hyfique. Tome i/.
des blaireaux d’une couleur très-brillante, 8c enfin
la marmotp fans oreilles, qui y étoit très-commune.
Parmi les oifeaux étoient les pies de nier noires
a bec rougey obfervées auparavant dans la terre de
Van-Diemên & dans la Nouvelle-Zélande : des
canards particuliers & les fucè-miels, qui probablement
émigrent à cette haute latitude, voloienc
en troupes autour des navires.
LJefpèce humaine offre ici quelques variétés &
des différences avec celle décrite ci-devant. Les
naturels font en général au deffus de la taille commune
; mais plufieurs reftenc au deffous : ils font
fortement charpentés , avec une large poitrine.
Leurs têtes font d’une largeur qui fort des proportions;
leur face eft plate 8c tort large; leur
corps eft épais 8c court;.les yeux font petits en
comparaifon de la vafte largeur du vifage. Le nez
fe termine en pointe arrondie 8c relevée par le
bout. Les cheveux longs, noirs, épais 8c for ts {
la barbe, ou fort claire, ou épilée. Plufieurs vieillards
avoient la barbe large, épaiffe, mais à poils
droits. Leur phyjïonomie eft en général pleine de
vivacité, & annonce un bon naturel & de la fran-
chife, à peu près comme, les Criftinaux, nation
qui vit fort avant dans; l’intérieur des terres de
l’Amérique, entre le grand & le petit lac Quine-
pique. Au contraire, les habitans de Nootka, dans
leur ftupide indolence , reffemb'ent aux AJJini-
bouels, qui font établis dansjes parties occidentales
} & il y a quelqu’apparence que ces deux
peuplades proviennent d’une fouene commune
avec les tribus maritimes que nous avons occafion
de citer & de décrire. Ces habitans ont la-.peau
bafanée, peut-être parce.qu’ ils font tout nus; cat
plufieurs femmes & enfans l’ont blanche , mais
d’un blanc pâle. Ici on diftingupit plufieurs des
femmes à la déiiçateffe de leurs traits, en quoi elles
différoi&nt notablement des,femmes dë Nootka.
En ces contrées, fur un trajet de 10 degrés,
on trouve un changement remarquable dans les
vêtemens & dans les manières. Le fur tout & le
manteau font ici remplacés par un juftaucorps fait
de la peau de différens animaux, ordinairement le
poil tourné en dehors, ou de peaux d’oifeaux,
auxquel eson ne laiffeque le duvet. Quelqües-uns
ont un bonnet; d’ autres, un capuchon; & en tems
de pluie ils portent, par-deffus leur vêtement ordinaire,
un furtout femblable à la cappte ou bloufe
de.nos charretiers, avec de larges,:manches.ôf un
bordé fort ferré autour du çou : il eft fait de
boyaux qui font aufti fins que La feuille d’ un batteur
d’or. Us portent toujours à leurs mains des
mitaines faites avec la peau des pattes d’ours. Les
jambes font couvertes d’ un bas qui monte jufqu’ à
la moitié de la cuiffe, Leur tête eft en général nue;
mais ceux qui la couvrent, portent le haut bonnet
de forme conique, femblable à celui,dès ha4
bitans de Nootk*. C ’ eft ici la feule contrée où l’on
ait obfervé le calumet, bâçpu de trois pieds de
long, avec de larges plumes ou des ailes d.oifeau,
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