
les rappeler ic i, en y ajoutant de nouvelles obfer-
vations qui rentrent,dans les mêmes vues.
Vitruve d it, i° . que les bonnes eaux ne font
point de tache fur le cuivre >
2°. Qu’ elles font propres à cuire promptement
les légumes, les pois, les fèves & les lentilles.
3°. La légèreté de l’eau eft un indice de fa
bonté & de fa falubrité.
4°. Les eaux qui diffolvent bien le favon, qui
's’incorporent plus intimement avec lui, qui le
font écumer davantage , & qui par fon mélangé
deviennent fort blanches , font auffi celles qui
font les plus pures, les plus légères , & meilleures
que celles dans lefquelles les grumeaux de
favon nagènt fans fe diffoudre.
y®. Toutes ces eaux font non-feulement bonnes
à boire & à blanchir le linge, mais encore à l’ irrigation
des prés.
6°. Les fources qui fortent du cul-de-fac des
vallées, &£ qui coulent fur leur fond de cuv e,
font très- légères & très-bonnes à boire j celles
qui fortent des lits de fables, de gravier, font
aufli d’ une qualité fupérieure. -~
7°. Les eaux qui s’épanchent par les fentes des
lits de grès , dé pierre de fable, ne font pas tou-
• jours bonnes ni à boire ni aux arrofemens, parce
qu’ elles fe-chargent fouvent de principes terreux
& ferrugineux^—_
8°. Les bonnes eaux n’ont ni faveur ni odeur,
& on doit les rejeter fi elles font amères, fades,
faumâtres, &c.
5>°. Les bonnes eaux prennent aifément la couleur,
le goût & l’odeur qu’on veut leur donner.
ig®. Les bonnes eaux font naturellement fraîches
en é t é , chaudes & fumantes en hiver. Il
en eft de même des eaux donjt le cours ne gèle
que très-difficilement, & q ui, dans les diverfes
faifons, n’éprouvent que très-peu de variation.
; ii®. Les bonnes eaux fe chauffent facilement
au feu , & fe refroidiffent facilement à l ’air.
i i ° . Elles font bonnes fi l’on voit le long de
leur cours un gazon vert & frais.
1 3°. Elles font bonnes lorfqu’ elles produifent
du creffon, du becabunga & le fouci aquatique;
fi les pierres fur lefquelles elles coulent, pren- ,
nent un enduit brun, gras, doux au toucher.
14°. Elles font mauvaifes lorfqu’ elles couvrent
le s cailloux d’une efpèce de rouille jaune, & très-
bonnes lorfqu’elles les couvrent d’une moufle
chevelue, longue, épaifle, & d’ ün vert brun.
iy ° . Les eaux des ruiffeaux poiffonneux font
bonnes > & celles où les poiffons & les écreviffes
ne profpèrent pas , font de màuvaife qualité.
16°. Enfin, les eaux font excellentes pour
l’arrofement lorfque, dans leur cours & dans les
baffins où elles paffent , 'on voit de longs fila-
mens verts, qui ne font qu’une forte de mouffe
aquatique , ou des plantes qui vivent dans l’eau}
mais on connaîtra encore beaucoup mieux les
bonnes eaux quand on faura les -diftinguer des
mauvaifes ou de celles qui font d’une médiocre
qualité.
Eaux de mauvaife qualité. 1°. Ce font les eauX
ferrugineufes & vitrioliques, qui font fans contredit
les plus mauvaifes pour l’irrigation des
prairies j ce font celles qui dans ieur cours ont rencontré
des particules martiales combinées avec
l’acide vitriolique , & qui par cet intermède fe
mêlent &: s’ incorporent à l’eau. Ces eaux martiales
nuifent aux prairies, à moins qu’en même tems
elles ne foient chargées d’un limon gras , qui
eft très-propre à fertilifer les prairies.
i Q. Les eaux vitrioliques font toujours nuifibles
: on les reconnoît en y jetant de la noix de
galle pilée. Le mélange noircit fur le champ.
3°. Il n’eft pas rare de voir un ruiffeau qui
fournit de très-bonne eau en certain tems , 8e de
très-nuifible dans d’autres. Cet état différent vient
de ce qu’il s’y mêle , après de grandes pluies,
des eaux étrangères , chargées de matières étran-
i gères & de mauvaife qualité.
! 4^. Les eaux féléniteufes, topheufes ou pé-
| trifiantes font funeftes aux prairies ; chargées
de lues lapidifiques abondans, d’un fable glu-
tineux très-fin ou de fubftances topheufes, elles
les dépofent fur les lieux qu’elles arrofent , &
les rendent ftériles en les couvrant d’ineufta-
tions plus ou moins marquées. Les eaux maréca-
geufes font ordinairement de mauvaife qualité :
on appelle de ce nom, non-feulement les eaux
qui croupiffent & féjournent dans les marais &
les terrains bas fans aucun débouché , mais encore
les eaux des fources & des ruiffeaux, qui,
arrêtées dans leur cours fur des terres de maù-
vaife qualité , s’y corrompent dans le repos. On
ne peut faire ufage de ces eaux pour l'irrigation ,
à moins qu’elles ne foient purifiées par un écoulement
bien ménagé.
y®. Les eaux chargées de parties féléniteufes
ou, vifqueufes pèchent par ces mélanges. C ’eft un
défaut très-ordinaire aux eaux de puits & à celles
qui coulent fur les terres blanches, lourdes 8c
argileufes. Ces terres abforbent & retiennent les
eaux comme autant d’éponges, & ne les rendent
qu’après leur avoir communiqué une vifeofité très-
nuifible aux plantes.
Pour découvrir cet état de vifeofité dans les
eaux , on prend une éponge bien nette , fur laquelle
on fait tomber pendant quelque tems
l’eau 'qu’on veut éprouver j fi elte dépofe une
matière huileufè & graiffeufe , qui n’eft autre
chofe que du limon fin, produit de la deftruc-
tion des végétaux J ces eaux peuvent fervir aux
arrofemens ; mais les eaux nuifibles y laiffent
une vifeofité épaiffe , gluante, qui infenfible-
ment durcit le terrain, en ferme les pores, &
en détruit infenfiblement la fertilité. Ces eaux
font furtout pernicieufes aux terres fortes> mais
les terres fabloneufes peuvent en profiter à un
certain point.
On peut remarquer en général que tant que
îes eaux coulent fur un lit de gravier, de fable ,
de cailloux, elles font de bonne qualité, & ne
contractent aucun vice , ou bien elles le perdent
fi elles en o'nt un , pourvu qu’elles parcourent
ainfi un certain trajet.
6°. Les eaux crayeufes font en mauvaife réputation
parmi les cultivateurs. Les eaux fatiguées
font celles q u i, après avoir été fournies par de
bonnes fources , ont épuifé leurs qualités en parcourant
de longs trajets, qui y ont acquis un
certain degré de chaleur, ou fe font chargées
de parties glutineufes , vitrioliques ou ferrugineuses.
Les eaux crayeufes font bonnes pour l’ irrigation
, pourvu qu’elles ne foient chargées que du
principe crayeux pur , qui convient très-bien aux
terres argileufes & compactes, & en général
fur les fols qui ont befoin de mélange qui les
ouvre & les ameubliffe.
' 7°. Les eaux crues ou froides à l’excès font
nuifibles : elles proviennent des neiges & des
glaces fondues , & paffent par des lieux couverts
j-profonds , où les rayons du foleil ne peuvent
pénétrer. Il faut en détourner le cours de
dessus les prés & les terres cultivées, car elles
refroidiffent le fol. & arrêtent la sève au prin-
tems & même en é té , & contribuent par cet
état de fraîcheur permanent, à la production des
moufles.
8°. C ’eft par cette même raifon que les' eaux
qui gèlent profondément en certains tems , ou
même certains fols, méritent quelques foins ,
foit pour changer la nature du terrain , foit pour
remédier à fen expofition.
$)°. Les eaux limoneufes doivent être^ employées
avec un grand difeernement, relativement
aux fubftances dont elles font chargées, &
à la nature des terres qu’elles doivent abreuver.
Un limon vifqueux ne peut nuire aux terres fabloneufes
, mais il augmente la ténacité des
terres argileufes. En général , on peut dire que
les eaux qui charient des matières d’une nature
femblable à celle des terres qu’elles doivent
abreuver , réufliffent rarement fur ces terres j
mais celles qui charient des matières hétérogènes
, ou qui peuvent utilement s’affocier a
leurs fonds , produifent de bons effets. C ’eft
fuivant ce fyftèmè d’amélioration , que des eaux
chargées de principes argileux ou marneux ,
donnent aux prés dont le fol eft fabloneux ,
une confiftance qui favorifê fa fertilité j et réciproquement
les eaux qui tranfportent des matières
calcaires ou fabloneufes fur les fonds
argileux ou. fehifteux, les échauffent en les
rendant plus meubles.
Les eaux qui découlent immédiatement des
montagnes dans le tems de la fonte des neiges ,
Èj font toujours troubles ôc limoneufes , mais trèsfroid
es, par conféqlient on doit les écarter des
prairies qui commencent à. pouffer ; c’eft à quoi
les habitans des montagnes ont la plus grande
attention. On a de plus remarqué que les eaux
des torrens qui découlent des montagnes, font
quelquefois très-bonnes pour les prairies , au
commencement de la végétation $ mais elles de-r
viennent fouvent en été d’une qualité trèsr
nuifible.
Nous avons déjà obfervc qu’on empêche les
eaux de contracter de mauvaifes qualités , en
changeant leur cours , en les détournant des
fonds où elles pourroient fe charger de principes,
vifqueux, topheux , ferrugineux, vitrioliques, en
ouvrant à ces eaux des conduits ou des tranchées
dont le fond foit garni d’un lit de fable ou de
gravier.
11 eft queftion. maintenant de s ’occuper du
mélange des eaux de qualité différente. Lorf-
qu’on trouve une bonne eau qui n’eft pas affez
abondante pour exécuter une irrigation fuffi-
fante, on peut la mêler avec celle d’une qualité
inférieure, pourvu que celle-ci ne domine
pas : ainfi, en faifant paffer des eaux chargées
de principes vifqueux & ferrugineux fur les eaux
qui font les égouts d’un fumier, on opérera un
arrofement fort utile. De même, fi l’on recueille
les fources de qualités différentes , cette réunion
rendra les eaux propres à tous les principes
d’irrigation dont nous avons fait mention.
Cependant il y a certaines circonftances où il
peut être utile de faire la féparation des eaux
qu’on a réunies j car il y a telle faifon où les eaux
d’une médiocre qualité doivent être détournées ,
lorfque celles de première qualité ne font pas
affez abondantes ou manquent totalement pour
les détourner.
On corrige fouvent les eaux en les raffemblant
dans les étangs : c’eft là furtout que les eaux froides
s’échauffent à un certain point, furtout lorfque
les étangs font expofés au midi. Si l’eau eft
chargée de tu f , on la laiffe féjourner affez long-
tems & fucceflivement dans des étangs , pour
qu’elle puiffe former des dépôts qui s’attachent
au fond & fur les bords ; enfuite on la fait paffer
dans un dernièr étang , où l’on jette du
fumier.
Les mauvaifes eaux peuvent être corrigées en
général par quelques mouvemens violens : c’eft
ainfi qlu’on en dégage le tu f & les autres principes
terreux j car plus l’ eau eft battue, plus
elle eft utile à plufieurs ufages. Pour corriger
les eaux , on peut employer la filtration. Il n’eft
pas douteux que f i, en imitant la Nature, on
faifoit paffer fes eaux vifqueufes , crues , froides,
pétrifiantes , peut-être même les eaux fer-
.rugineufes & vitrioliques , au travers d'un banc
fort épais de fable , on,ne leur enlevât, en tout
ou en partie , leurs qualités nuifibles. Les avantages
qui réfultent de ces moyens de rendre fa