
qui font reflés dans, les contrées voifines de la Mer
glaciale; en fécond lieu., ceux qui ont pénétré
plus avant jufqu’au Mexique ; & en troifième date,
les Mexicains difperfés & réfugiés fur la côte
après la deftru&ion de leur Empire. Mais fi Ton
peut en juger d'après les notions que nous avons
acquifes fur les parties de la côte du nord-oueft
les plus voifines du Mexique, la dernière claffe
d'hommes paroit dominer fur les deux premières.
Partout , eomme on l’a v u , fe montrent les traces
d'une ancienne civilifation; tout indique que les
hommes qu'on a rencontrés le long de la côte ont
appartenu à un grand Etat* & femblent être les
débris d'une grande fociété ; & cette grande fo-
eiété ne peut être que celle» formée par la-réunion
d’un nombre de hordes errantes d'abord , puis
raffjmblées ’fous un chef dans les plaines du
Mexique.
C ’eft d’après ces confidérations que M. de Fleu-
rieu a attaqué la folution de ce.problème, contre
lequel il n’a trouvé que deux fortes de difficultés
à réfoudre : la première eft la diverfité des langues
parlées fur la côte nord-oueft de l’Amérique , lesquelles,
quoiqu'à de très-petites diftances, diffèrent
absolument les unes des autres. Par exemple,
le langage deTcHiNKiTANÉ, comme nous l'avons
fait v oir , ne paraît avoir aucune affinité avec celui
de Ü^O0TKA:j qui en-eft peu diftant, ni même
avec celui des îles de? la Rbine-Ch a r lq t t e , qui
en font-encore^ moins éloignées ; & l’on pourroit
fe croire fo’ndé à conclure de cette différence,
qui en général eft un indice allez certain dé la
différence des ■ origines , que les peuplades qui
occupent ces trois points dfe la cô te , quoique très^
rapprochées aujourd'hui, ne doivent pas avoir eu
une origine commune.
Cependant je confidère d'abord que l'identité i
de langage peut bien prouver 1 identité d'origine,
mais que leur diverfité n'eft pas toujours une
preuve que l'origine des peuples n'eft pas commune.
Si l'on parcourt le golfe de Gafcogne 3 Ja
cote occidentale dé France, de Bnfta Bayonne,
ori entendra parler trois langues qui n'ont entr'elles
aucune fimilitudè , le bas-Sretofi 3 le français & le
bàfque. Voudwk-oîi en ^conclure que les habitans
de cette côte n’ont pas une dernière origine
commune ?
On ne peut donc pas conclure de ce que les
naturels de Tchink-itané, ceux des îles de la'Reine-
Charlotte' & ceux de Nootka parlent des langues
differentes, que tes hommes établis aujourd'hui
for ces trois points ns proviennent pas du Mexique
en de-rrvi èrê10 rfgi ne. - ■ » ’
Caron peut croire que les réfugiés du Mtxique,
à'ieu-p retour dans -leur-ancienne1 patrie, ont entrée
mêlé tes nouveaux?éÉàbliffemenS'qu'ils formoient;
avec d anciens’ .étâblififemènsi primitifs dè la cp-tè.
Ils orff- bièh^pü' n,,y 1rapportet aüCun'refteS-dé la
iangtfeprlfriitivëqui depuis Ibn-g^tciils â-voit?cëffé
d’être» la leur;1 On fait - qué les peuples »fa-uvages
ont une langue très-groffière, très-circonfcrite ,
& il eft naturel de fuppofer que les premiers Américains
du nord-oueft, qui venoient d’Afie 3 après
avoir établi un grand Empire dans le Mexique,
ont dû créer une langue & même plufieurs dia-
I Ieéles particuliers, dans lefquels les mots du premier
langage qui ont pu s'y incorporer, ont dû fe
défiguier à tel point, qu'ils font devenus méeon-
noiffables pour les habitans primitifs de la cô te ,
comme la langue primitive étoit devenue mécon-
noiflable pour les réfugiés du. Mexique, qui partaient
les nouvelles langues.
» ■ M. de Fleurieu va plus loin : en s'appuyant du
témoignage & de l ’autorité du favant Clavigero,
qui, dans fon Hiftoire du Mexique, nous dit que,
fur l'efpacé qu’occupoit l'Empire, on comptoit
trente-cinq idiômes absolument différens les uns des
autres, il foutienc que, même en fuppofant que
toutes les peuplades qui occupent actuellement la
côte nord-oueft jufqu’au coude, & au retour du
continent vers l'oueft, provînffent en dernier lieu
du Mexique, il ne feroit pas étonnant que ces
! peuplades parlaffent des langues, différentes; car la
tranfmigration a dû fe faire principalement des
; provinces les plus éloignées du centre de l’Em-
. pire, de celles du couchant, du nord, même.du
! mi di . Or , il eft vrai fernblable qu'au Mexique les
habitans des frontières ne partaient pas la langue
de la- capitale ; & comme il y avoit dans l ’Empire
trente-cinq idiômes abfolument différens, & qu'une
très-petite- éiftançe fuffit pour mettre une différence
entière entre-les langages de deux contrées
d'un même pays , on ne peut douter que la diverfité
des langages, fur la côte nord-oueft de l'Amérique,
ne foit plutôt une preuve en faveur de leur
origine mexicaine & commune , vqu'une obje&ion
contre cette conjecture.
C'eft ainfî qu’on peut expliquer naturellement
comment Nootka & Tchinkitané, quoique n'étant
éloignés l'un de l'autre que-d'environ cent quarante
lieues, ont pu avoir des idiômes abfolument
différens, & comment aux îles de la Reiner Charlotte,
quoique fituées entré ces deux points, &
n'étant féparées du continent quê par un bras'de
mer qui n .a- pas plus de vingt lieues de large, on
a pu parler une troifième langue qui ne reffemble
en rien, ni à celle de Nootka, ni à celle de Tchinkitané
i • '
On pourroit croire que les Afiatiqües tranfplan-
tés> qui dans l’origine ont pu s'établir dans les
îles i ont dû être moins portés à quitter la mer
pour fe-1 répandre dans l’intérieur du continent ,
que ceux qui erroient fur d’autres points de la
côté. C ’eftauflr dans une île , dans celle à laquelle
appatêèrit'NôbikâÇ quêl’on trouve le langage qui
pàtoïtavoir le plus d’affinité avec la langue mexicaine.
‘G’eft pâr céfreraifonqueNoc^aaconfervé
lÿ^nguè^i'mi'ifiv&dés' Affatico- Américains , &
qûè qüéf^ÿôs^iWû'ts ^en‘ ont: paffé: dans - la* langue
pr-incipale^du Mexique-.1 Aridèifon , qui a dreffé-le
vocabulaire de la langue de Nootka, dont le capitaine
Cook a enrichi le. journal de fon troifieme
Voyage, nous dit qu’en rapprochant les mots de
cette langue du petit nombre de termes mexicains
qu’ il a »pu recueillir, il a reconnu entre ies
uns & les autres la conformité la plus frappante.
Il r.éfuite de ce qui vient, d ’être dit, que li tes
diverfes peuplades diiféminées fur lai. côte nord-
oueft de l’Amérique ne parlent pas lameoie langue,
fi leurs langages n’offrent même aucune itmilitude;
on ne peut en.conclure que la plupart ne fontpas
venues du Mexique après la deitraidbioin de l Em-r
pire,, la différence des langages pouvant s expliquer
aifément dans, çette hypothèfe:, ipuifqu elle
fortifieroit plutôt quelle n’affoibliroit la.fuppofi-
tion de Ja tranfmigration du Mexique fur la côte.
On pourroit ajouter à ces moyens, ^ni expliquent
la diverfité des langues fur la cote nord-
les confïdérer enfemble fous les rapports de la
civilifation. t , ,
Quelques phi-Iofophes ont conclu de 1 état pny-
fiq.ue de l’une & L’autre Amérique, que la forma-
tian de ce continent, à quelque caufe qu elle doive,
être rapportée, était beaucoup moins ancienne*
que celle du continent que nous habitons. La de--
nomination de Nouveau-Monde leur a paru ,n o n -
•Ceulement indiquer le peu d’anciennete de fa dé-'
couverte, mais auffi s’appliquer à 1 époque ou plus
anciennement elle a pu devenir l.habiution de
l’homme. Comme j’ai combattu ci - deflus cette
hypothèfe 3 & que la connoiffance de l’hiftoire
naturelle la détruira fans doute par la fuite, je ue
m’attacherai pas à ce qui concerne cette partie du
phyfique de l ’une & l ’autre Amérique. Les notions
que nous avons acquifes fur .les peuples qui Y occupaient
oueft , d’autres moyens qu’on tireroit de la com- :
muni cation que les iiàfurels ont pu entretenir avec
les nations qui occupent l’intérieur du continent ;
en forte qu’on établirait une ligne de démarcation
qui a dû exifte.r, quoiqu’en partie effacée par le
tems, entre Les .'hommes d’Europe, qui dans les
fièdes anciens ont peuplé l’Amérique par l’orient,
& les hommes d’A fie , qui l’ont peuplée par. l’occident.
> • • . . ,
Après avoir -répondu z l ’objection qu on pou^
voit tirer de la diverfité des » langues contre^ là
tranfmigration des-réfugiés du Mexique fur la côte
occidentale de l’Amérique feptentrionale’, M. F leu-
rieu en préfente une autre qui pourrait paroître
•mieux fondée, mais qui à l’examen difparoitra
fort aifément. .
Comment, dira-t-on, les réfugiés- du Mexique,
habitués à jouir des avantages qui réfultent
de la formation des grandes fociétés , n’ont-ils pas
cherché à former un nouvel Empire des débris
du premier ? On répond que les peuples des frontières
de l’Empire du Mexique ayan t été ci vilifés j
•plus tard-que ceux qui en formoient le noyau, les j
Mexicains qui peuplent aujourd hui la cote , pro- ]
venus de la lifière, ont dû revenir plus tôt à l’état ;
iauvage. Dans cet état dans un pays »peu abon- ;
dant en fubfiftânces & en productions-animales, •-
les hommes ne cherchent point à fe réunir en
grands corps. Mais fi l’ homme fort difficilement ;
de l’état de fauvage ou de dilperfion ,il eft prompt.
:à- y revenir auffitôt que les liens de civilifation i
font rompus. Trois fiècles ont donc fuffi pourvue ;
-le Mexicain des frontières, lepouffé par une-ir- j
.ruption fubite-vers les forêts du nord-oueft} ait été
rendu à l’ état-primitif & naturel, d’bu une civili-1
fation à peine ébauchée commençoic à le faire I
forcir. v f ï . .
L’état où s’ eft montrée la cota occidentale de
.YAmérique du nord aux premiers voyageurs qui
nous l’ont fait connoître ^en ramenant nos pehfées
. fur le Nouveau-Monde, «nous conduit a jeté? un
coup d’oe il rapide fur les deux-'Amériques, -pour
quand nous y abordâmes pour la Première
fo is , ne me paroiffent pas appuyer 1 opmioft
qu’on s’eft formée fur -fon peu d’ancienneté, comparativement
avec celle que nous accordons à
notre continent ; car ce que nous favons fur 1 origine
de ces peuplades détruit tous ces raifonne-
mens hafardés.
ïe me bornerai donc ici à ce qui a pour objet
la civilifation de l’ un & l’autre Monde, en fui-
vant les vues générales que M. deÊleurieu a in-fé*
fées dans \e,cVoy.àge du capitaine Marchand, Ht qui
termineront agréablement, ce-que nous avons dit
fur la côte nord-oueft de L’Amerique feptentnonale:.
-........... . .. ....
Si l’on ne veut pas réeufer tous les témoignages
de l’antiquité, on ne peut pas fe refufer a croire
que Y Ancien-Monde , quant a la civilifation, a eu
fon enfance & fon adolefcence, & -qu’en l’obler-
vant dans fa marèhe progreffiye , on peut le conii-
dérer comme -étant parveuu à l’âge mûr. Le Nouveau
Monde 3 comme l’ancien, devoit avoir fes
périodes. L’Amérique, à l’époque de fa découv
erte, parut être dans l’enfance, fi nous la^ con-
fidét-ops fous le- rapport des peuplades qui 1 habi-
toîent.-La plupart de ces peuplades étoient encore
au point où nos ancêtres -&c ceux de toutes les
nations aujourd’hui policées fe troüvoient il y a
environ quatre-mille ans. Ce que les voyageurs &
les hiftoriens nous apprennent des habitans du
Nouveau-Monde nous ramène à l’état de l’enfance
où étoit l’homme de l’ancien. Dans les petites nations
éparfes on croit voir les premiers Egyptiens,
horhmes-féroces & faüvàges, ignorant les commodités
de,la vie &-iiiême l’ufage du feu; dans les
•Pécherais de la Terre de Feu3 les Gfecsffauvages &
vivant »défeuilles d’arbres & d’herbes avant-que
Pelafgùs eû.b-enfeigné’ à ces hommes à conftruire
des cabanes, a fe vêtir de la peau des animaux, a
fe nourrir de glands'; dans là plupart dés fàuvages
du Canada, les anciens Scythes enlevant la chevelure
de' leurs ennemis? vaincus; dans plufieurs des
nations du nord '& dû fud; 1 habitant-des Indes
orientales, ignorant la culture >-ne fe nourriffant
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