
feille > il accélère dans le premier cas la courfè des
vaiffeaux , autant qu'il la retarde dans le fécond.
Mais ce qui eft plus concluant encore, ce courant,
en entraînant les débris des vailîeaux-qui
font naufrage vers les embouchures du Rhône,
les jette toujours du côté du Languedoc, & jamais*
du côté de la Provence. C ’elt ce même courant
qui détourne des côtes de Provence le limon
8: le fable que le Rhône entraîne, & qui les rejette
fur celles du Languedoc, vers lefquelles il fe
porte. C ’eft par ce concours de circonftances que
fe font formés les atterrijfemens que nous avons
indiques, depuis l'embouchure du Rhône jüfqu’à
Agde & au-delà : c’eft là ce qui fait que la Provence
conferve fes ports, tandis que ceux 3u.Lan-
guedoc font détruits. On a remarqué depuis long-
tems ( i) que la côte de Languedoc n'a point de
ports ou en a peu, rari portas , & la remarqué eft
vraie j mais l'auteur qui l'a faite a tort d'ajouter
que cela vient de ce que cette côte eft expofée
aux vents du midi : cela pourroit empêcher àù plus
que les ports n'y fuffent fûrs contre ces vents }
mais cela n’empêcheroit pas que ces ports n’exif-
taffent. La véritable caufe qui l’empêche, eft donc
les atterrijfemens continuels qui s'y font : c'eft là
ce qui a comblé le port Sarrafin , par où fe faifoit
le commerce maritime de Montpellier î c’eft là ce
qui a comblé dans la fuite le port d'Aigues-Mortes
, où faint Louis s’étoit embarqué 5 c'eft là ce
qui a comblé, depuis la fin du dernier fiècle, le
port d’Agde, qu'on avoit fait fous Louis XIII,
vis-à-vis de Brefcou, à la faveur de deux jetées j
c'eft là ce qui a comblé le vieux port de C ette,
conftruit au pied de cette montagne, & connu,
fous le nom de vieux Môle y c’eft là enfin ce qui
comblera le nouveau port de Cette fi l’on fe relâche
du foin de le nétoyer & de le creufer continuellement.
( Voye.7^ V article L/.NGUEDOC (Côtes
de) , où nous donnerons de ces effets & de beaucoup
d'autres, des détails plus circonftanciés encore.
Voye^ aujfi Rhône, Pla g e s , Gr a u , Ma r
a i s , Etangs des bords de la mer. )
Atterrijfemens & Deltas formés par différentes
rivières de l ’Indoflan,
Les rivières Kiflna & Godavery, quoique fort
éloignées l'une de l'autre à leurs fources, s'approchent
à là diftance de quatre-vingts milles dans la
partie la plus baffe de leur cours, & renferment
un vâfte terrain, compofé d'un riche limon végéta
l, comme celui qu'on trouve ordinairement à
Tembouchure des grandes rivières. Nous pouvons
remarquer ic i, mais plus en p etit, la même économie
que nous obfervons dans l'aétion duNil &
du Gange pour la formation des Deltas de l’Egypte
& du-Bengale. Ceux qui ont été fur les lieux , &
(i) Pomponius Mêla, de fitu orbis.
qui raifonnent d’ après l'analogie, font fondés à
fuppofer que tou t, ou au moins la plus grande
partie de l’efpace renfermé encre Samulcotta &
Pettapolly (environ cent cinquante milles en longueur
le long des côtes de la mer, & de quarante
à cinquante milles en iargueiir ) eit réellement un
don des deux rivières Godavery Kiftna. On peut
obferver la mène chofe aux embouchures des rivières
Cattack sk Tanjore ; mais les deux premières
rivières ont raflèmblé une plus grande quantité de
limon pour former de nouvelles terres, en parcourant
une beaucoup plus grande étendue de
pays, c'eft-à-dire , depuis le 15e. degré de latitude
jufqu’ au 21e. Dans cette terre nouvellement formée,
& environ à légale diftance des rivières Godavery
& Kiftna , le fol forme un efpace,creux,
qui, dans fa partie la plus baffe, eft un lac dans
toutes les faifons : on l’appelle Lac CoLire. Son
origine doit être reportée à la même caufe que
celle qui a produit les lacs & les marais dés Deltas
de l’Égypte & du Bengale, c’êft-à-dire, au dépôt
du limon des deux rivières ou des deux branches
de la même. Lorfqu’elle déborde, ce dépôt fe fait
plus près des rivages j car plus l'inondation s'éloigne
de ces rivages , plus elle dépofe.de terrcj dans
fa route, & moins il en refte pour les parties plus
éloignées, qui conféquemment ne peuvent être
élevées au niveau des bonis de la rivière. Ainfi le
fol prend la forme d’ un plan incliné de chaque
rive aux parties intérieures du pays où il doit fe
trouver un efpace creux , puifque les deux rivières
ou les deux bras de la même rivière agiffent
à la fois & en fens contraire }. mais lorfque les rivières
auront élevé leurs bords & les terres adr
jacentes à la pius grande hauteur pofiible, qui eft
celle à laquelle le flot périodique s 'élève, les
inondations fuivantes des parties les plus’baffes
de la rivière empliront ces efpaces creux, & rempliront
de limon la partie du laç qui eft vers la
fource de la rivière} & comme de nouvelles terres
continuent à ufurper fur la mer, le lac doit def-
cendre en proportion, car le cours naturel des
chofes eft que les nouvelles.terres, qui font le
plus éloignées de la mer, foient élevées aufl] haut
que l'a&ion des eaux peut le permettre : la portion
du limon qui ne peut y être dépofée, eft einr
portée plus.bas pour élever d'autres terrains. C ’eft
ainfi que la déclivité régulière du canal eft conservée.
Toutes les terres fujètes à l'inondation doivent
continuer de s'élever, parce que l'eau de l’inondation
dépofe au moins quelque partie.des particules
terreftres qu’elle tient en fufpenfion > mais il
doit y avoir un certain point d’élévation, au-delà
duquel il.ne peut plus s elever ni bords ni Deltas,
car chaque pçint fucceffif dans le cours de la rivière
doit être plus bas que le précédent. .
Quant au Nil, fes bor,ds peuvent être élevés
dans tout le Saïd, ainfi que dans l’Égypte inférieure,
les catara&es étant beaucoup plus élevées
que la partie la plus baffe des bords du fleuve.
L'Égypte diffère au fil de l’Inde dans une autre particularité
: dans la première contrée il ne tombe
pas de pluies qui détachent les plus légères parties
du fol & les entraînent dans la rivière avant
l’ inondation, au lieu que dans le Bengale, les
pluies confidérables qui tombent avant cette époque
doivent diminuer la hauteur du fo l, élevé
par l'inondation précédente } de forte que le fol
a dû croître en Égypte beaucoup plus rapidement
que dans tous les autres pays inondés.
. 11 me paro'it que ceux qui ont parlé de l ’accroif-
fementdu Delta du Nil ont omis une circonftance
de quelque poids, puifqu’elle regarde la longueur
du rems pour former une certaine quantité de terre
ou pour élever l'ancien fol à un certain degré. On
remarque toujours fur le fommet aride dts montagnes,
que les pluies ont entraîné, pendant le
cours des fiècles, les terres qui les couvrpient,
o u , d'une autre manière, qu'il y a eu un mouvement
progreffif des terres, au fommet dans les vallées.
En admettant c e c i, vu que cette terre n'eft
pas inépu i fable, on voit que, plus les rivières
continuent de couler, moins elles doivent entraîner
de terre avec elles : c’eft pourquoi l’accroiffe-
mentdes Deltas & des autres alluvions des rivières
principales doit avoir été plus rapide dès le
commencement du monde, qu'à préfent.
Le Delta de l'Indus ou Sindus a environ cent
cinquante milles en longueur le long de la mer ,
& environ cent quinze milles en profondeur, depuis
l'endroit ou fe féparent îes branches fupe-
riïures de la rivière, jufqu’au point le plus faillant
de la côte. Arrien, après Néarque, compte pour
la première diftance mille huit cent ftades (1 ) , &
Pline deux cent vingt milles romains.
La partie baffe de ce Delta eft entre-coupée de
rivières & de ruiffeaux dans prefque toutes les.
dire&ions, comme le Delta du Gange > mais il
diffère de,celui-ci en ce qu'il n’y a point d'arbres.
Les endroits fecs font couverts de buiffons, & la
plus grande partie du terrain font des lacs & des
marais malfailans. On a placé un minaret à la bouche
de la rivi.ère Rîtchel pour marquer la route,
qu'on ne pourroit diftinguer fans ce fecours, à
caufe de l’égalité & de l ’uniformité apparente de
la côte.
C'eft une circonftance remarquable ’, que le flux
& le reflux ne font pas fenfibles dans cette rivière
Ritchel à une plus grande diftance de la mer, que
foixante ou foixante-cinq milles.
Il eft certain que l'Indus eft beaucoup moins
grand que le Gange. La vélocité de ion cours eft
eftimée quatre milles par heure dans la faifon fè-
che ; ce que je crois évalué trop fo r t, à moins
que la déclivité ne foit plus grande que je ne le
^ (1) Il paroît par Strabon, qu’Ariftobule ne comptoit que
mille ftades pour la bafe du Delta de l’Indus.
penfe (1 ). La province de Sindy r.fftemble à l ’Égypte
par plufieufs particularités du fo l, du climat
& de l'afpeét de fa iuiface. La partie inférieure'de
cette province eft compofée d'une terre
végétale fort riche, & s'étend en un vafte Delta,
tandis que fa partie fupérieure eft refferrée d'un
côté par une chaîné de montagnes, & de l'autre
par un défert de fable. L'Indus , égal pour le
moins au N i l , ferpente dans cette vallée unie, ôc
l’inonde annuellement.
Pendant une, grande partie dé la durée des môut
fons fud-oueft, ou au moins dans les mois de juillet
, d'août & partie de feptembre, qui font la
faifon des pluies dans prefque toutes les autres
parties de l'Inde, l ’atoeofphère y eft généralement
couverte j mais il n'y pleut point, excepté dans les
parties voifines de la mer. Le capitaine Hamiîton
dit q u e , quand il alla à Tatca, il n’y étoit pas
tombé de pluie depuis trois ans. Cette circonftance
, & le voifinage des défères de fable qui bornent
cette contrée à l’ eft & au nord-oueft, y rendent
les chaleurs fi fortes & les vents de ces quartiers
fi pernicieux, qu'on a imaginé, pour s’en
garantir, de donner de l’air aux maifons par la
partie fupérieure. Quand le vent chaud domine ,
on ferme exactement les fenêtres : la partie la plus
chaude du courant d'air eft exclue, & la partie la
plus fraîche, parce qu'elle eft plus élevée, defeend
dans la maifon par le tuyau de la cheminée. On
exclut auflî par ce moyen ces nuages de pouflîère,
dont l’entrée feule fuffiroit pour rendre les maifons
inhabitables. Peu de contrées font plus malfaines
pour les Européens, particuliérement la
partie inférieure du Delta.
Nous croyons devoir renvoyer à l'article Gange
tout ce que nous croyons devoir faire connoître
fur les atterrijfemens & le Delta dé ce fleuve , & à
l'article Oscillations des r iv ièr e s tout ce
qui nous occupera fur la marche des eaux du
Gange & du Buranpotter.
Atterrijfemens de la Guiane par les fleuves de la côte
voifine.
Sur les côtes de la Guiane les fleuves font fi
voifins les uns des autres, & en même tems fi
gonflés & fi rapides dans la faifon des pluies, qu’iW
entraînent & dépofent une quantité immenfe de
limons fur toutes les terres baffes, & même forment
, à une certaine diftance des côtes de la
mer, des fédimens vafeux fort étendus. Ainfi les
gros navires ne peuvent approcher de la rivière de
Cayenne fans toucher fur ce fond, & les vaiffeaux
de guerre font obligés de refter à deux ou trois
(1) Ce que fcmble prouver le peu d’éloighement où fe fait
fentir le flux; car il Ce remarque d’autant plus loin dans une
rivière, que ion cours a moins de pente, & que les détours
en font plus grands : ces deux circonftauces diminuent la
vitclfe, 8c conféquemment la force de l’eau.»