
defcend dans la Sologne par le nord ou par l'e ft,
on lorfque l’on va à Blois ou à Tours par Vendôme
ou par le Mans. A la place de tous les terrains
emportés * le fond a été rempli & recouvert de
plufîeurs lits de fables & de grèves qui forment
des plaines fort étendues , furtout le long des
lits aétuels dü Cher & de la Loire, dans lefquels
ces fleuves n'ont aujourd'hui que des canaux in-
conftàns & peu Axes. Ailleurs -, furtout dans la
vallée de la Loire, il s'eft amafle de profonds lits
de fables, de vafes & de limons , qui, après avoir
été de vaftes marais , font devenus par le travail
des hommes qui les ont defféchés, des contrées
fort ftériles.
On peut remarquer ici en paffant, q u e , dans
toutes les contrées où le travail des nommes a
tenté de donner des lois à la nature, ce ne peut
guère être que pour un tems. Les fociétés & les
intérêts des fociétés politiques changent , mais la
nature eft à peu près toujours la même. Son cours
peut être gêné pour un tems, mais à la fin elle
rentre dans fes droits. Il me fembleroit que ce
feroit par une fuite de cette connoiffancë tacite,
■ que peut provenir une tradition de la Touraine,
que Tours ne périra jamais que par les eaux.
En effet, on peut, fans être prophète, prédire
prefqu'à coup fû r , que toutes les villes fituées
dans des pays bas environnés de rivières , de canaux,
d’éclüfes & d e levées, où il faut un perpétuel
travail pour fe mettre à couvert des crues.,
■ des fables & des limons, ne pourront fubfifter
toujours; que dans bien des circonftances la nature
aura le deffus & rendra aux eaux un terrain
que les habitations des hommes n'ont fait qu’u-
lurper. Une pareille prédi&ion auroit paru mer-
veilleufe au vulgaire dans l'antiquité ; elle ne provient
cependant que de quelques connoiffances
des lois de la nature.
L'on voit de même, dans cette planche , que
tout le terrain qui porte fes eaux à la Mofe.llë, .a
été expofé aux mêmes accidens ; car les eaux
courantes qui fe précipitoient des Vo fge s, ve-
noient toutes attaquer les fommets de cette vallée
, mitoyens avec ceux de la Me-ufe.
Le Rhin , dégagé du baffin de la Suifle, s’eft
jeté suffi fur les Vofges, à côté defquelies il a
creufé rimtrienfe ravine où eft aujourd'hui toute
l'Alface. L'oppofition confiante &c invincible de
ce maflif a rompu la direction de fon cours, & l’a
rejeté vers le nord; & tandis que ces eaux attâ-
quoient les fommets de la Forêt-Noire & les cô-
toyoient derrière Çolmav & ' Scheleftat , - elles
depofoient, conjointement avec les rivières latérales
des deux rives, toutes les vafes qui forment
le fol fertile du Brifgav/. Ces mêmes eaux chariè-
rènt encore plus loin de femblables limons, qui ,
iréunis à ceux qu’aménoient les eaux torrentielles
-du Neckre & du Mein, ont formé cet excellent
•fol du Palatinat; fitué au confluent de ces trois
rivières.
Les eaux courantes qui ont creufé la vallée dô-
la Meufe, ne fe font pas trouvées dans la même
pofition que toutes les autres, & elles ont pris
une direction qui leur eft particulière. Toutes les
eaux latérales ont refferré celles-ci dans des limites
fort étroites. Celles qui occupoient les parties
voifînes à l'occident, ont eu une marche au midi,
au couchant ; & celles qui circuioient dans les
contrées orientales ont été dirigées du midi a
l'orient ; ce qui prouve que ces eaux courantes
ont occupé une forte de plateau alongé &
toyen entre les contrées de l’Aifne & de la-Mo-
felle, voifînes & limitrophes, & qu'elles n ont
point trouvé d’obftacles pareils à ceux qui ont fait
fléchir tous les autres courans & leur ont fait perdre
leur première direction naturelle. Aujourd'hui
encore, tout ce plateau long & fort étroit qui
porte fes eaux à la Meufe & qui lui fert de lit,
doit être regardé comme un Commet commun &
fupérieur au fol voifin de la Lorraine & de la
Champagne. Le lit même de la Meufe, quoiqu enfoncé
dans fa vallée, eft au deflus du lit des rivières
des deux provinces que je viens de citer.
C'eft ce qu'on apperçoit très-aifément aux environs
de Vaucouleurs , lorfqu'on eft placé fur le
I Commet qui fépare cette vallée de celle de la Mo-
felle : il faut defcendre bien plus du côté.de Toul
que du côté de Vaucouleurs, & de.même, par
rapport à la Marne, vers Joinville.
La même difpofition fe rencontre dans le revers
méridional du Commet général de la France. Les
eaux de la Saône, augmentées de celles du Doubs,
du Rhône, de l'Ifère , de la Drôme & de la Dur-
rance , ont toujours côtoyé & miné les rives occidentales
de cette grande vallée, contre lefqueb
les toutes ces eaux, la plupart du tems torrentielles,
tomboient dans tout leur cours.
C'eft de cette forte queles vallées particulières
des différentes contrées de nos continens ont été
non-feulement creufées , mais encore élargies ou
même détournées de leurs premières directions:, &
qu'une multitude d'autres formes ont été produites
, & j'aurai foin d'en indiquer les caufes & les
circonftances dans la defcription particulière du
cours des différens fleuves & rivières dè'France ,
qu’on trouvera à leurs articles dans le Dictionnaire;
‘ n . • '
En attendant, je dois faire envifager ce qui a du
r é fu t a lorfque les eaux courantes, venant-de
fommets différens & oppofés , ont été déterminées
par la pente des terrains , comme ce qui a du
avoir lieu fur les limites de l'Europe & de FA fie ,
par les torrens du Don & du Volga. Si les fom-
mets qui féparent encore ces deux fleuves, ne font
pas entièrement détruits, peur-être l’auroient-ils
été û les torrens. de ces deux fleuves euffent été
plus forts & plus vigoureux, qu'ils ëuffent fubfiüé
plus long-teiws, ou quelles matériaux qui com-
po-foient les fommets mitoyens, eu lient eu moins
de confiftance. On peut juger ; par T'infpeetion
des cartes , que les fommets qui reftent, font extrêmement
affoiblis par le double choc des eaux
torrentielles des deux parts, & qu’ils ont facilite
là communication des deux fleuves. Il n en eft pas
de même des torrens de l'Amazone^& de 1 Ore-
noque : les fommets qui lés .ont du féparer par
l’endroit où ils fe joignent préfentement, n exif-
tént plus ; ils ont été entièrement ouverts. Cette
jonCtion fe fait, au refte, par le Rio-Nigro, qui
s'unit d'un côté à l’Orénoque, & fe jette enfuite
dans l’Amazone ; mais il faut attendre de plus
grands éclairciffemêns fur la formation de ces baf-
fins. Ainfi , c'eft par cette rivière confùérable
qu’eft formée la plus grande île de toute la terre:
nous en avons préfènté les circonftances à 1 article
de YArriérique méridionale.
La chute & la rencontre des e^ux courantes les
unes dans les autres, avec des degrés différens de
viteffe & de force, auront produit beaucoup d irrégularités.
Les lits de tant de torrens inégaux én
grandeur'& en rapidité, ne pouvant rencontrer
partout d'autres lits de niveau entr’ eux ou favorablement
difpofës par le cours dè leurs eaux ,
les plus forts, qui fe feront ouverts des paffages à
côté des plus foibles, auront formé des lits inférieurs
& plus profonds à côté des lits fimplement
ébauchés, & de là, dans plufîeurs cas, ces chutes,
ces cataraCtes, &c. auront eu lieu.
v Reconnoiffons feulement ici que le fommet général
de l’Europe, ainfi que l’examen des fommets
particuliers de la France, nous montre par tes
différentes directions les caufes de ces mêmes
changemens de cours ; il nous fait voir les traces
dès eaux torrentielles qui ont couru en maflfes
plus ou moins confidérables, & à plufîeurs re-
prifes fur toutes ces grandes régions ; car un
feul paffage de ces eaux n’auroit certainement pas
été capable de laiffêr des empreintes fi fortes &
d'une auffi grande étendue. Les eaux courantes
ont trouvé, dans tous les tems, des voies préparées
par celles qui Us avoient précédées : cèlles-
é\ par des torrens plus anciens, & ceux qui ont lieu
de nos jours continuent le meme travail. Nous
voyons même dans beaucoup d’occafions, que les
eaux ne Font que continuer fous nos yeux ce qui
à été l’ouvrage de plufîeurs fîècles, qu'agrandir&
multiplier toutes ces excavations, tous ces dépôts
que nous avons eu lieu d’obferyer partout, & de
rêconnoïtre par des traits fort aifés à apprécier.
• Ce font des faits (impies, répétés à la furface
de la terre , & qui nous ont fait appercevoir par
leur étendue & leur grandeur, un enfemble merveilleux
dans des phénomènes que l’on avoit con-
fidérés jufqu’ à préfent comme les plus bizarres, &
ces faits nous ont appris, d’une manière incontef-
table , quelle a été la caufe de toutes les inégalités
de laTüperficie de notre globe.
Cette origine: des montagnes & des vallées a
été inconnue jufqu’à nos jours , ou pour ainfi dire
oubliée depuis des fiècles fi elle a été connue. Au
Géographie-Phyfîque. Tome IL
refte, elle aéré diverfement expliquée par toutes
les nations, fuivant leur génie 8e leurs connoil-
(ancès, mais aucune n‘ a jamais rencontre les vraies
caufes. Quelques phyficiens de notre fiecle ont
commencé à les entrevoir ; mais en général, dans
la plus haute antiquité comme dans cet âge moderne,
les peuples .ont réellement regarde la formation
des montagnes, l ’approfondiffement des
vallées comme un feul & même fait avec la formation
du globe; erreur qu’il taffitd indiquer pour
la réfuter. . , -
Rétamons ce que nous avons dit ci-devant, oc
dirons que s’il y a ici un continent 8c la une mer
ou un golfe, là une plaine 8c une valiee immenfe,
8c pins loin une énorme montagne ; qu enluite U
■ l’ on trouve des conftuens de rivières a quelque dit-,
tance d’ un point de partage des eaux ; fi nous
voyons au fond d’une vallée de belles prairies, oc
tout auprès des terres propres au labour ; f i , en.
parcourant les vallons, de grands depots de vafc
fuccèdent à d'autres dépôts de fable ; s i l y a au
monde une Arabie Pétrée à coté d’une Arabie O f ferte
, 8c ces deux conftitutions-de fol au deltas
d’une Arabie Heureufe ; fi les fommets de 1 Euphrate
, comme ceux du Rhin , font hernies de
montagnes ; fi au contraire fou confluent avec le
Tigre a toujours été un pays riche 8c ferti e , 8c ett
encore ; comme autrefois , ie paradis de 1 Afie ; Il
enfin toutes les montagnes qui bordent ces larges
vallées, préfentent des formes circulaires oc-
tronquées, comme tous les autres rivages des vallées
du Danube, 8cc. ce ne font point des ouvrages
fubits qui datent de la formation primitive de 1 U-
nivers? Je ne puis dire , comme Pluche 8c tant
d’autres écrivains, qu’à fon ordre les collines s e-
lèvent 8c que les vallées s’abaiffent. C ’eft dans ces
mêmes vues qu’Ovide fait conftruirè les montagnes
, 8c creufer les vallées pat un ordre de Jupiter
:
Jujfit & etendi campos, fubfidere vallcs ,
Fronde legi fi.lv aslapidofos furgere montes.
Tous ceux qui , comme Ovide en cet endroit,
n’ ont expliqué les phénomènes de la nature qu'en
fe livrant aux faillies de leur imagination, rfont
putronner que dans des écarts auffi abfurdes. 11
n’en eft pas de même lorfque l'on ne confulte que
la nature fur les ouvrages de la nature, 8c qu’on
s’en tient à des faits bien précis. Ovide eft bien
plus digne de foi lorfqu’ ii nous préfente l’ appro-
fondiffement des vallées à la tarface des plaines,
par l’aûion des eaux courantes :
'' Quodque fuit campus , vallem decurfus aquarum
Fecit.
■ C ’eft ainfi queles poètes mêmes doivent s’attacher,
dans leurs deferiptions, aux feuls monumens
naturels que tout le monde peut reconnoitre : iis
ne font bien énergiques que quand ils font vrais.
J’ ajoute ici des details qui fuccèdent naturelle