
D'abord on fit des alliances & des traités, au
moyen defquels les Vénitiens donnoient feulement
leur favoir faire, & recevoient en échange, dans
la Romagne, des bois, des chanvres, des toiles5
dans la Poléfine, des toiles, des draps ; dans les
marches Trévifanes & le Frioul, des mâts, des p
bois de conftruêtlon & du fer ; dans l ’Iftrie & la
Dalmatie, outre les mêmes productions en très-
grande abondance, des comeftibles de toute ef-
p è c e , des marins en quantité, un afyle fur dans
les meilleurs ports du Monde j de tous côtés, des
•grains de la meilleure qualité : avec ces moyens,
Venife s'empara du commerce de la Méditerranée ; .
& comme la feule communication de l’Afie avec
l'Europe avoir lieu par le port d'Alexandrie & le
C a ire , elle en ufurpa le privilège exclufif. Ses
alliés devinrent bientôt fa conquête. Elle eut de
grandes forces navales, & s'empara des îles qui
pouvoient affûter fa domination, & de toutes les
provinces limitrophes de l’Adriatique, dans lef-
quelles tous les élémens néceffaires à l'entretien
•d'une marine militaire & commerciale fe trou-
voient réunis avec affez d'abondance pour qu'on
p û t , au moyen d'une fage adminiftration, fe promettre
de ne les épuifer jamais.
T e l étoit l'état phyfique de Venife au moment
de fa plus grande fplendenr, tel il étoit encore à
l'époque de la révolution françoife; mais fon état
politique avoit fubi de terribles changemens. La
découverte du paffage aux Indes par le Cap de
Bonne-Efpérance, lui avoit enlevé le commerce
de l'Orient. Quatre puiffances politiques s’étoïent
formées fur l'Océan, & fucceffivement une ou
plufieurs d’entr’elles avoient dominé dans la M é diterranée.
La marine vénitienne reftoit cachée j
dans les lagunes, quand toutes les mers voyoient
flotter tant de pavillons européens ; quand toutes '
les mers, foumifes à l'empire de quelques hommes
du nord , étoient quelquefois le théâtre de leur
gloire, & prefque toujours celui dès entreprifes
qu'entraîne une cupidité fans bornes.
Cependant le commerce de Venife avoit repris
©u confervé une grande partie de fon activité. Je
parle ici de Venife elle-même & de quelques
autres villes des lagunes ,• car cette profpérité ne
s'étendit pas jufqu'aux poffeflîons continentales.
La ville dominante la devoit d'abord à fa fitua-
tion., q ui, en lui donnant exclufivement le droit
d'approvifionner le midi de l'Allemagne, lui fai-
foit partager avec Gênes celui d'approvifionner
l'Italie 5 il la devoit enfuite à la fagene & à la pusillanimité
du gouvernement. Lefénat, convaincu
de fa nullité, n'entretenoit une marine militaire
que par luxe, & des forces de terre que pour
contenir les provinces continentales. Son arfenal
fl fameux ne devoit fa grande célébrité qu'au myf-
tère impénétrable dont le defpotifme oligarchique
l’entouroit. Venife avoit pour remparts fes lagunes,
& furtout fon peu d'importance dans la
balance politique. L'art des gouvernans fe réduis
loit à oblerver unejeligieufe neutralité dans toutes
les guerres, & le commerçant, fous la protection
d'un pavillon refpeété par les nations belligéranT
tes, trouvoit, dans les fléaux qui les défoloient,
la fource de grands bénéfices. Pour compléter ce
que je viens d'expofèr fuccinétement fur la marine 1
& le commerce vénitien, je renvoie à l'article
Lagune, où toute la conftitution du golfe Adriatique
fe trouvera expofée de manière à faire con-
noître la forme des côtes & des îles qui en éta-
oliffent la bordure la plus importante.
Je dois rappeler ici la différence qui fe trouve
entre les côtes de la mer Adriatique orientales 8c
occidentales, différence qui confifte non-feulement
dans la nature & dans la conftitution des
rivages, mais encore dans la partie du badin de
la mer qui les baigne. Les côtes occidentales font
baffes, & reçoivent outre cela des envafemens
confidérables par les fleuves qui y ont leurs embouchures;
d’un autre côté, les côtes orientales
font non-feulement élevées, mais encore efcar-
pées, & dominent fur une mer profonde. '
Ces differens états font dus à l’ aClion des vents,
lefquels ajoutent aux dépôts des fleuves, des vafes
qui forment un banc-très-remarquable fitud.à une
ceitaine diftance des côtes occidentales. Il eft
aifé de diftinguer les effets de ces deux caufes ,
tant par leur nature que par leur pofition. Le dernier
dépôt eft fenfib'ement modifié par la direction
des vents, & furtout par celle du fud-eft.
Lorfqu'on parcourt, fur la carte d'Albe ou fur
"celle de notre Atlas, les différentes embouchures
des fleuves, depuis le Pô jufqu'au Tagliamento ,
il eft aifé d'y reconnoître les aterriffemens qui s’y
font formés 5 car les différentes formes des côtes
& des îles nous les montrent de manière à nous
en indiquer les origines, qui font d’autant plus
remarquables, que, vers le fond du g o lfe , les
terres fe refferrent davantage, & préfentent tin
front qui n'a que très-peu d'étendue.
En s'occupant de l’étendue & de la forme des
envafemens qui ont été dépofés le long des côtes
occidentale^, il eft important d'infifter également
fur la nature, l'état 8c la pofition des matériaux
qui les compofent. O r , pour peu qu’on obferve
ce que le P ô , l’Adige, la Brenta, le Zéro, le
S ile , la Piave, la Livenza, le Limone &~le T a gliamento
ont dépofé à leurs embouchures, on
voit que ces envafemens participent des matières
primitives dont leurs eaux ont cnarié les débris ,
fuivant qu’elles ont traverfé, ou les pays de couches
calcaires horizontales ou inclinées, ou leis
contrées graniteufes, ou fchifteufes, ou fablon-
neufes.
Périple du golfe Adriatique, où l'on trouve non-feulement
f indication des pays qui en occupent les côtes 3
mais encore celle de toutes les îles qui font diftri-
buées le long des mêmes rivages.
i° . Pays qui occupent les côtes de ce golfe.
L’Albanie, \
La Dalmatie, > dans la Turquie d’Europe.
Là Croatie, )
L'Iftrie, dans l'Etat de Venife.
La Carniole, dans le cercle d'Autriche.
L'Etat de Venife.
Le département de Bologne..
L'Etat de l'Eglife.
Le royaume de Naples;
20. Les principales îles de ce golfe font :
Fanu, à l’entrée*.
Merlère, de même.
Pelagofa,
Meleda,
Agufta,
Curzola, ,
C az zola,
C az za,
Saint-André,
Liffa,
Lefina,
> dans la mer de Dalmatie.
v Brada,
Bua,
Solra,
Groffa,
Melada,
Scardo,
Pago,
A rbe ,
Offero ,
Cherfo ,
dans le golfe de Guarnero.
Veg lia ,
l Grado, âu fond du golfe.
Les îles où Venife eft bâtie.
. Les îles de Tremiti.
Nota. Je rappellerai la plupart de ces îles dans
des articles particuliers, lorfqu’ellës m’offriront
quelques détails intéreffans concernant la géogra-
phie-phyfique. -
30. Plufieurs petits golfes qui s'y trouvent/
' Drin. - '
Cattaro.
Narenza. *
Guarnero.
Triefte.
Manfredonia.
4°. Plufieurs bras de mer qui prennent leur
Bomdes côtes voifines.
( d'Albanie,
de Dalmatie.
de Guarnero.
d'Iftrie.
de Puglia.
Ceux de •
Telles font
les mers
50. Les principales villes ou forts établis fur
les côtes du golfe.
Venife, prefque au fond du golfe.
Chioza, dans une petite île près des lagunes.
Pola, dans l'Iftrie.
Spalatro, dans l'Etat de Venife.
Curzola, dans l'île de ce nom.
Zara, dans la Dalmatie vénitienne.
Antivari, entre les golfes de Drin & de Cattaro.
Budua, dans la Dalmatie vénitienne.
Cattaro, au fond du golfe de ce nom.
Trau, en Dalmatie vénitienne.
Sebenico, en Dalmatie.
Caftel-Nuovo, en Dalmatie, fur le golfe de
Cattaro.
Ragufe, dans les Etats de cette république.
Docigno, dans !'Albanie.
Caftelli del Porto di Mala-Mocco, en l'île du
même nom.
i Segna, dans la Morlaquie en Croatie.
Lefina, dans l'île de ce nom.
Ancône, port, dans la marche d’Ancône, Etat
de l’Egüfe.
Fanô, dans l’île du même nom.
Marano, dans le Frioul, dépendant de l’Etat
de Venife.
Sinigaglia, dans le duché d'Urbin»
Caftel del Porto di San-Nicolo, dans M e de
ce nom.
Ravenne, dans le département de Bologne.
6°. Des principaux fleuves qui fe jettent dans
ce golfe.
En commençant par le nord Sc le fond du golfe ,
St fuivant à l’oueft, on trouve le fleuve Lifon^o,
qui réunit quatre embranchemens confidérables
I aifperfés dans les terres.
Enfuite viennent les rivières des environs à‘A -
quilêe.
Puis le Stale, qui a fon embouchure près de
Marano.
Enfin, le Tagliamento, fleuve important.
Plus au lud on trouve Limène, la Livenza & le
Zen^oniy puis le Sile & le Zéh j qui fe jettent
dans les lagunes de Venife avec le Taglîo-Nuovo
Sc la Brenta.
En fuivant toujours la même côte ,b n rencontre
plufieurs des divifions de l'embouchure de YAdige ,
puis les diverfes branches du Pô M enfin toutes
les rivières du Bolonois, qui fe réunifient au Por-
to-P rimaro.
Je-ne préfenterai pas en détail les rivières de la
Romagne, du duché d'Urbin, de la marche d'Ancône;
de Fermo, des Abruzzes, du comtat de
Molife & de la Capitanate, attendu qii'elies font
peu confidérables, ne parcourant qu’ iinë très-*
petite étendue depuis l'Appenin jufqu’au golfe.
Au refte, je dois faire remarquer ici que ce golfé
n’eft guère abreuvé que des rivières qui s'y rerident
des parties d e l'oue ft; car il y vient fi peu
d’ eau de k Carniole St de l'Iftrie> que je n'indK