
AFFLUENCE fe dit d’une rivière qui fe jette
dans une autre ; & confluence, de deux rivières qui
fe réuni(fent. Il en eft de même des mots affluent
& confluent : ainfi l’on dit a. l'affluent de la Marne
dans la Seine & au confluent de la Seine & de la
Marne J Dans la navigation de l’intérieur des terres,
les mariniers s’arrêtent ou donnent rendez-vous à
l ’affluent de la Marne dans la Seine, de l’Yonne
dans la Seine, de l’Ourque dans la Marne, & c . :
l’on ne confidère pour lors que la forme du lit
d’ une rivière latérale qui fe jette dans une autre.
Au lieu que dans la fécondé circonftance où il
eft queftion du confluent, on confidère en même
tems les deux rivières & la forme des deux lits •
qui s’y réunifient.
La première circonftance dont nous ferons
mention dans les affluences, c’ eft celle de 1 angle
fous lequel la rivière la plus foible , que l’on confidère
aufli comme Yaffluente> fe réunit à la riviere
principale ; car dans le cas où l’angle eft aigu,
c’ eft une indication que' l’eau de la rivière coule
fur des terrains en pentes fort rapides ; au lieu
que lorfqu’ il eft obtus, ces terrains font fort plats,
& les eaux affluences n’onraucun cours précipité:
outre cela, dans les points de Y affluence, elles
éprouvent une grande dilatation &- un arrondiffe-
ment confidérable.
Lorfque l’angle à1 affluence eft droit, fouvent
l’eau qui afflue, descend le long d’une croupe très-
rapide, & gagne le pied d’ une montagne, contre
lequel coule la rivière principale.
Une fécondé circonftance qu'il importe de con-
fïdérer dans les affluences, eft celle des courbures
infiniment variées des croupes des deux vallées
qui s’ y réunifient. Je renvoie a ce fujet a notre
Atlas, où la totalité de ces formes variées fera
non-feulement décrite, mais encore figurée avec
tous les détails qui peuvent intéreffer l’hydrographie.
C ’eft furtout dans les affluences que fe font formées
les plus larges plaines, & que les vallees fe
font élargies confidérablement au deflus comme
au defious de la jon&ion des eaux courantes ; car
les vafés entraînées avec moins de rapidité, y ont
trouvé le plus fouvent des eaux mortes & des remous
, à- la faveur defquels elles fe font dépofées
fuivant la difpofition des lieux & la direction de
Chacune des affluences.
Ces dépôts ont affeété toutes fortes de figures
en les verra toutes à peu près repréfentées dans la
planche où feront toutes les formes des affluences
pofliblesqui fe rencontrent dans la nature, ainfi
que les courbures des croupes de chacune des
vallées particulières & les angles de leurs incidences
; car les moindres ruiffeaux comme les rivières
du fécond ordre, qui tombent dans celles
du premier ordre ou dans les grands fleuves, nous
offrent à peu près les mêmes phénomènes.
Quant à la difpofition des dépôts qui fe font
formés dans les affluencesy nous dirons qu.on la
rencontre prefque toujours dans la plus petite
vallée, parce que l’aétion des deux co.urans étant
inégale , le plus puifiant fait refluer fes vafes dans
le lit du plus petit : cependant les pentes rapides
de la vallée du plus petit ruiffeau, jointes à fa plus
grande viteffe, ont occafionné quelquefois de
grands changemens dans ces effets.
A f f l u e n c e . C ’eft un fyftème général que la
Nature paroît avoir adopté dans la diftribution'des
eaux courantes qui circulent à la furface de nos
continens. Je vois que ces affluences ont lieu particuliérement
pour la réunion de toutes les rivières
que renferment les différens baffins qui ont leur
débouché dans les mers quelconque s.
Les effets de ces affluences graduelles & fuccef-
fives dépendent furtout de la diftribution des
pentes du terrain , qui fe réunifient toutes à un
dernier niveau, lequel/fe rapproche plus ou moins
de celui du bafiin de la mer. Si l’on parcourt à par
exemple, tous les baflins des principales rivières
de France, l’on y trouvera ces fuites à"affluences
diôribuées le long de la tige qui en occupe la
partie la plus baffe & la plus encaiffée ; en forte
que le rang à*affluence y eft déterminé par le niveau
des baflins partiels dont les produits peuvent plus
facilement f e réunir à cette t<ge.
A f f l u e n c e . Ce n’ eft pas feulement aux eaux
courantes des continens que l’on doit faire 1 application
du fyftème dé l’ affluence generale, tel
que je viens de l’expofer ; je crois qu’il convient
également de faire envifager un autre, fyftème
d’affluence, au moyen duquel la Nature eft parvenue
à abreuver en partie la Méditerranée, les
golfes longs & étroits, les anfes d’ une certaine
forme peu étendue & un affez grand nombre de
lacs. C ’eft par cette diftribution que des ruiffeaux
& des rivières affluent affez fouvent à angles droits
aux .côtes & aux rivages des divers amas d eaux
dont je viens de faire mention. . ,
Pour donner une idée de cette partie de 1 hydrographie
terreftre, je crois devoir citer à ce fujet :
En Europe :
La Méditerranée. .
Puis la Baltique, & furtout 1 & golfe de Bothnie,
dont je donne un carte fous ce point de vue dans
Y Atlas.
Enfuite les lacs Ladoga, Onega, Llmen.
: En Afie : . , *
La mer de. Kamfchatka, la Mer-Noire, la mer
d* A i o h le lac Baikal, ceux du Vologda, de' Van,
d’ Ormia, de l'Afie mineure, de la Paleftine.
En Amérique feptentrionale :
Le fond du golfe du Mexique, la baie de Honduras,
l’embouchure du fleuve S aint-Laurent ; les
[ lacs Supérieur, Mkhigan, Ontario.
En Amérique méridionale :
La laguna de Maracaybo j les lacs Parirna, Ti-
ticaca, &c.
J’ai reconnu , par un grand nombre d oblerva-
tions, que les rivières principales qui prennent
naifiance dans les hautes montagnes, font, vers
leurs four ces, très-profondément encaiffées par
des arêtes ou chaînes fort élevées ; en forte que
leurs eaux, à ces points voifins du fommet général
du partage de ces eaux, ont été déterminées par
ces chaînes, à fuivre la direction qu’elles ontprrfes
d’abord; mais enfuite ces rivières, après avoir
parcouru leurs, vallées profondes & avoir raffem-
blé les eaux des ruiffeaux latéraux qui en fillon-
nentles croupes, ne fe font plus trouvées feparees
que par des plateaux ou par des arêtes très-peu ;
élevées. C ’eft pour cette raifon qu’elles fe font
rencontrées, parce qu’elles ont pu franchir les terrains
qui les féparoient, fe réunir dans une même
vallée, enfin couler dans un même canal; & ces
réunions ou affluences ont eu lieu a mefure que
les rivières, en fórtant des limites de l’ancienne
ou de la moyenne terre, ont gagné les vaftes
plaines de la nouvelle : telles font furtout la Loire
& l'Ailier. A leurs fources & dans les parties fu-
périeures de leurs vallées, elles font féparees par
de grands maffifs de l’ancienne terre graniteufe ;
mais après avoir parcouru ces contrées, & s étant
rapprochées de la limite de la nouvelle terre, elles
coulent,dans\de vaftes plaines à l’extrémité inférieure
defquelles fe fait aôtuellement leur affluence,
laquelle avoit lieu autrefois vers leur extrémité
fupérieure. Voye% les articles Loire & Allier,
•où toutes ces circonftanees de leurs cours feront
expofées en détail. Voye\ aufii Bec d’Allier.
Il en eft de même des rivières du ci-devant Li-
moufin & de la Marche, ou des départemens de
la Creufe & de la Haute-Vienne, qui, après un
cours .féparé & prolongé au milieu des montagnes
de l’ancienne terre & dans des vallees profondes,
ne commencent, à fe réunir, ou entr’e les, omavec
d-autrés rivières,du fécond ordre, que lorfqu elles
•ont gagné lès: plaines de la nouvelle terre du Berry
& du: Poitou * c’eft-à-dire, les départemens du
Cher-, de l’Indre, de la Vienne , de la Loire & du
Cher ; enfin, de l’Indre & Loire : telles font la
Creufe & la Gartampe, les rivières du Cher & de
.l’Indre, puis la Vienne, lefquelles ne fe réunifient,
•foitlentr’elles, foit avec d’autres d un ordre inferieur,
que dans les contrées de la nouvelle terre
au defious du niveau des montagnes granitiques.
-G’eft ainfi que l’on rencontre Y affluence, de la Bore'
au Cher au defious de Bourges, de la Gartampe a
la Creufe dans les plaines de Châteauroux, enfuite
Y affluence de ces deux-ci, réunies à la Vienne;
enfin, celle de l’ Indre au Cher. Je pourrois terminer
cette confidération en faifant envifager le?
Cher jtfl la Loire réunis, comme l’égoût général
xle toutes ces rivières. •
Quoique dans des circonftanees un peu différentes,
je vois que les trois rivières de Seine, de
Marne & d’Aube offrent, quant à leur affluence
entr’elles ou avec celles d’un rang inférieur, les
mêmes difpofitions générales que les précédentes ;
d’abord, vers leurs fources & à leur origine commune
au pied du plateau de Langres,elles coulent,
fort encaifiées, dans des vallées profondes & exactement
féparées entr’elles; enfuite leurs afflJ&ices,
foit entr’elles, foit avec les rivières d’un ordre
bien inférieur, ne fe montrent que dans des vallées
dont les bords font fort peu élevés, abaiffés
& dégradés par des pentes infehfibles depuis le
fommet de Langres.
Je dois faire remarquer ici que, dans l’examen
des rivières qui prennent leur naifiance fur les
plateaux des montagnes des départemens de la
Creufe & de la Haute-Vienne , j’aurois pu faire
aufii mention des affluences des ruiffeaux qui font
affujettis aux croupes de leurs vallées, ainfi que
de celles des embranchemens plus ou moins alon-
gés qui fe trouvent vers leurs fources. Je les ai
omifes, parce qu’elles dépendent des difpofitions
du fo l, totalement différentes de celles dont je
m’occupe dans cet article, & qui a pour but de
faire connoître le fyftème de la Nature dans la
diftribution des affluences des rivières principales
depuis le . fommet général du partage des «aux
jufqu’aux mers refpeftives.
On v o it, par les détails qui précèdent, que les
rivières du premier ordre ont leurs fources dans
les grandes montagnes, & qu’après avoir parcouru,
dans ces contrées élevées, les parties fupé-
rieures de leurs vallées, elles parviennent aux
chaînes de collines adoffées à ces grands maflifs ;
que pour lors les vallées s’ élargiffent ; que les
bords des vallées font abaiffés de manière q u e ,
dans les premiers tems, les eaux courantes font
parvenues à franchir les fommets aplatis des collines,
à s’y pratiquer différentes coupures par
lefquelles fe font opérées toutes les affluences des
rivières fecondaires avec les principales, & des
rivières fecondaires entr’ elles.
Lorfqu’ il eft queftion de rivières d’un ordre inférieur
dont le cours eft entièrement engagé dans
les pays de collines, on y rencontre pour lors de
fréquentes affluences, vu la facilite qu’ont eue les
eaux pluviales de fe frayer des routes à travers
les intervalles qui féparoient leurs lits des vallées
de toutes les rivières d’un ordre fupérieur.
Il eft évident, d’un autre c ô té , que ces coupures
n’ont pu fe faire, dans ces maffifs d’un ordre
inférieur, qu’autant que les eaux des lits fupé-
rieurs ont coulé dans un canal ébauché, dont le
fond s’eft trouvé au niveau du fommet des collines.
Cette correfpondance, dans les niveaux &
dans les pentes fuivies, a produit ces paffages des
eaux courantes d’un certain ordre de maffifs à un
mafiif d’ un ordre inférieur. Pour faire connoître
la marche de la. Nature dans ces différentes opérations,
nous indiquerons par la fuite., dans les