
grés, & même qu’ une fois , dans le même mois,
il fut, pendant une heure ou deux, à 103 degrés.
Quant au froid, le vif-argent commence à fe congeler
lorfqu’il eft abaiffé au delTous de 40 degrés :
ceci eft arrivé au fort du Prince-de-Galles, à 58
degrés 5 y minutes de latitude. Cette fituatio-n cor -
refpond à la partie méridionale des Orcades; mais
ces îles font entourées 3 ë tous côtés par la mer,
au lieu que la baie d’Hudfon tient, du côté de
l’oueft, à une étendué de continent qui a plus de
trente-cinq degrés de largeur, laquelle eit couverte
de neige durant l’hiver entier, & qu’au nord
elle a un climat encore plus rigoureux, puifque
c ’eft une mer perpétuellement comblée par les
glaces : de forte que, l'oit que le vent vienne du
côté de l’oueft ou du nord, on eft fur qu’à fa fuite
il amène les froids les plus rigoureux.
Depuis la province de New-Yorck jufqu’à la
baie d’Hudfon, le fol demeure couvert,de neige
la plus grande partie de l’hiver, & s’en couvre
plus tôt ou plus tard, félon que les pays approchent
plus ou moins de l ’équateur. Les vents qui régnent
le plus en Amérique viennent de l’oueu : ils fouf-
flent plus des trois quarts de l’ année ; mais on ob-
jfèrve que ce font ceux du nord ou dunord-eftqui
amènent la neige, & que ce font ceux du noid-
oueft qui amènent le froid le plus violent.
Les provinces du milieu de l’ Amérique fepten-
trionale font remarquables par l’ inconftance de leur
température ou les paffages rapides du chaud au
froid. Il tombe, par exemple, en Virginie, une
grande quantité de neige; mais elle n’y couvre pas
la terre au-delà d’un jour ou deux : de même il eft
arrivé qu’après un jour où il avoit fait doux &
même chaud, la rivière Patowmack a été entièrement
prife en une feule nuit, & aflèz fortement
pour qu’on put la paffer à pied dans des endroits
où elle avoit deux milles de large : il en eft arrivé
de même à la rivière James, dans ceux où elle étoi t
large de trois milles. Ces changemens fi brufques
font dus à la caufe dont on vient de parler, à l’arrivée
foudaine des vents,glacés du nord-oueft.
La Caroline méridionale & la Floride font fu-
jètes à de grandes chaleurs, à de furieux tourbillons
de vent. Dans un des mois de l’é té , le thermomètre
monte, en.Géorgie , à 105 degrés,
chaleur qui paffe fi fort celle du corps humain,
même dans ce climat ; car le thermomètre, appliqué
fur le corps des hommes, ne s ’élève pas au
deflus de 97 degrés : on l’a v u , le 10 décembre,
à 8y degrés, & , le lendemain, tomber à 33.
On ne peut mieux donner une idée des effets
qui réfultent des coups de vent & du tonnerre
dans ces climats , qu’en décrivant ceux d’un ouragan
qu’ on a efluyé dans la Caroline. Les nuages, fui-
vis du tonnerre ainfi que des coups de vent, ont
lieu dans tous les tems de l’ année, & particulié- ■
rement en été; mais on éprouve des ouragans de
1 » plus grande force & de la plus grande violehce
dans le printems & dans l’automne : ils s’annon-1
cént en général entre l’oueft & le nord , &
s’avancent par degrés en groflîftant de plus en plus
toujours dans une direction contraire auvent, qui
fe fortifie à mefure que le tourbillon- approche,
& qu’il s'élève dans l’atmofphère où il produit une
obfcurité lugubre d'où fortent avec vivacité de
longs & fréquens éclairs. Cependant les coups de
vent augmentent, les tourbillons entraînent la
pouffière, les feuilles, les branches d’arbres, tous
les corps légers qui fe trouvant fur leur route, de
forte qu'on eft dans les ténèbres ju (qu'au moment
où la nuée finit par crever en fe réfolvant en
pluie. Pendant cés orages lès moiffons font ravagées
, & les arbres les plus forts, brifés & mis en
pièces. A peine tous ce s phénomènes ont ce fie,
que le foleil recommence à briller, & que le tems.
-redevient calme & tranquille. Ces coups de vent
arrivent généralement dans l’après-midi1 & vers le
foir.M
ais ce qui eft entièrement indépendant des ouragans
accompagnés de tonnerre, c’eft qu’il s’élève
des trombes de divérfes efpèces dans différentes
parties du pays : elles traverfent les campagnes,
tantôt en fe dirigeant en ligne droite, tantôt enfui-
vant une ligne oblique & irrégulière. Lorfqu’elles
font très-fortes & très-violentes, elles tracent
leur marche en formant, à travers les bois, des
avenues plus ou moinsj larges, à proportion de
leur diamètre, & dans lefquelles tous les arbres &
les bâtimens, s’ il s’en rencontre, font arrachés,
renverfés, brifés, jufqu’ à ce qu’enfin ces colonnes
tournoyantes, ou s’ élèvent foudain, ou fe diflipent
dans les airs. Les petites trombes font fréquentes
lorfqu'il fait chaud; celles d’une foi ce considérable
le font beaucoup moins, & éclatent moins
fouvent; mais on en peut fuivre, dans les bois,
des traces qui fe prolongent pendant plufieurs
milles.
Un très-violent tourbillon de cette dernière
efpèce, plus connu en général fous le nom de
typhonparut au bas de la rivière Ashley, & tomba
avec tant de véhémence fur lés vaiffeaux qui fe
trouvoient dans la baie de Rébellion, qu’il menaça
d’ une deftruCtion totale une nombreuse flotte qui
s’y trouvoit. Un grand nombre d’habitans de
Charles-Town virent ce terrible phénomène descendre
la crique de Wappoo ; il avoit la forme
d’une groffe colonne de vapeurs & de fumée :
fon mouvement étoit très-irrégulier & tumultueux,
ainfi que celui des nuages voifins, qui pa-
roiffoient Suivre la même direction ; car ils venoient
du Sud-oueft, & avec une extrême rapidité. La
quantité de vapeurs qui compofoit cette impétueuse
colonne, & Sa viteffe prodigieuSe, lui
donnèrent un effet bien étonnant; ce fut d’épuifer
jufqu’au fond la rivière Ashley 3 & de lai fier voir
le fond de fon lit à Sec : enfuite elle fit un fi grand
bruit en descendant la rivière Ashley, qu’on le prit
pour celui d'un tonnerre roulant. On jugea pour
lors que Son diamètre étoit d’environ fix cents
A M E
toifes : fa hauteur parut être d’environ quarante-
cinq, degrés. Au refte, elle ne fît que croître en
hauteur &c en diamètre pendant qu’elle s’avançoit
vers la rade de Rébellion. Comme elle pafîbit à
peu près vers le confluent des rivières Cooper &
Ashley, elle fut jointe par une autre colonne du
même genre, mais non de la même grandeur, qui
defeendoit la rivière Cooper. Quoique cette dernière
n’égalât pas l’autre en force & en rapidité,
cependant les agitations tumultueufes de 1 air parurent
beaucoup augmentées lorfqu’ elles fe rencontrèrent,
au point que les eaux, Souleyees par
les côtés de cette épouvantable colonne de deflus
la rivière en forme de vapeurs, paroiffoient jetées
à la hauteur dè trente-cinq à quarante degrés vers
le milieu, pendant que les nuages qui en ce moment
accoüroient vers .ce même point dans toutes
les directions, parurent tout à coup réunis & englobés
dans le tourbillon, & participèrent au mouvement
de rotation avec une viteffe incroyable ;
ce fut dans cet état que la colonne fondit fur les
vaiffeaux de la rade; & quoique celle-ci fut à
près de deux lieues de diftance du confluent des
deux rivières, le typhon mit à peine trois minutes
à parcourir cet intervalle. Cinq vaiffeaux furent
fur le champ coulés à fond. Le vaiffeau du ro i,
le Dauphin, qui fe trouvoit placé a 1 ancre, de
manière à être rafé par le bord de la colonne, &
tous ceux qui fe trouvèrent dans la meme pofi-
tion, perdirent leurs mâts; mais comme les cinq
navires dont on a parlé étoient directement fur fa
route, ils furent engloutis à l’ inftant.
Cet épouvantable phénomène fut apperçu a plus
de trente milles au fud^pueft dè Charles-Town,
& il éclata vers deux heures & demie de l’après-
midi , s’ouvrant dans fa courfe une route d une
grande largeur, arrachant les arbres» les maifons |
& généralement tout ce qui fe rencontroit fur fon j
paffage. On vit une grande quantité de feuilles &
de branches d’arbres, dont quelques-unes étoient
■ très-fortes, qui jouoient dans le corps de la colonne
, Sc qui participoient a fon mouvement de
tourbillon à mefure qu’elle fuivoit fa marche.
Xorfqu’elle eut paffé la rade de Rébellion , elle
s ’avança Sur l’Océan, quelle couvrit d’arbres, de
branches, &c. l’efpace de plufieurs milles,comme
on l’apprit par des vaiffeaux qui arrivoient du .coté
,;du nord. '
Le ciel fut couvert toute la matinée : vers une
heure de l’après-midi il commença à tonner ; ce j
qui continua avec plus ou moins de violence jufqu’à
trois heures. Vers quatre heures le vent étoit
tout-à-fait tombé , le foleil reparut, & le ciel fut
pur & ferein. Il ne. refta d’autre veftige de l’effrayante
fcène qu’ on venoit de voir , que les vaiffeaux
démâtés & dépouillés de leurs agrès dans
la rade de Rébellion, & , dans la campagne, les
arbres arrachés & les maifons abattues. Nous devons
faire obferver ici que la colonne ne biffa
précipiter dans la mer les différens corps qu elle
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avoit entraînés, que lp.fque fon mouvement de
rotation fe ralientit & diminua confiderablement
Ce fut alors que toutes les vapeurs difparurent
& fe diflipèrent.
J'ajouterai ici plufieurs détails affez curieux lut
quelques provinces des Etats-Unis, tant du nota
qULa grande différence de latitude en produit une
proportionnée dans les climats des differens Etats.
La neige couvre le Vermont & la province de
Main pendant cinq ou fix mois de 1 année , oe
l'hiver y en dure fept, tandis que 1 nivern exi
prefque pas dans la Caroline du fud, & m°"?s
encore en Géorgie, & que, quand par
neige y tombe, elle ne refte pas deux jours lur
I La variation fubite dans la température eft un
; caractère commun au climat des dinerens kta
II n’eft pas rare de voir le thermomètre delcenare
ou s’élever, en vingt-quatre heures, dp vingt-cinq
degrés, félon la graduation de Farenheit; équivalant
à 11 degrés & demi de Réaumur. On l a
vu plufieurs fo is , en avril 175)6, defeendre, en
douze heures, du 20e. degré de Réaumur au J -
Le froid eft d’ailleurs incomparablement plus tort
& plus durable en Amérique qu’en Europe, dans
les mêmes latitudes, & la chaleur plus brillante,
plus accablante & moins fypportable.
Il eft même à remarquer que, dans les differentes
latitudes du même continent, la chaleur
diffère plus par fa durée que par fa c r
Cette grande variabilité du climat affecte i e n -
blement la fanté des habitans des Etats-Unis. Ua
devient en Amérique plus tôt vieux qu’en Europe,
.& les vieillards d’un âge avancé y font beaucoup
plus rares, furtout dans les Etats plus méridionaux
qu’ à la Nouvelle-Angleterre.
L’ influence du climat eft encore plus feniioie
fur les femmes. Jeunes, elles font généralement
jolies, & le font plus particuliérement a Philadelphie
; mais dès vingt ans elles commencent fou-
vent à perdre de leur fraîcheur : à vingt-cinq,
beaucoup d’entr’elles feroient prifes pour des Européennes
de quarante. Si elles ont été plus tôt
mères, leur changement eft encore plus prématuré.
Le nombre des enfans qui périffent en bas
âge eft encore dans une proportion beaucoup plus
grande qu’en Europe. . ,
On lit prefque partout que les efpèces indigènes
, hommes & animaux , font plus petits en
Amérique que dans l’ancien continent. Effectivement,
les ours, les loups, les renards, & c . ont
paru en général moins grands que ceux de la même
efpèce dans l’ancien Monde.
Les animaux domeftiques, importés d’Europe,
ne perdent rien defeurs dimenfions s’ ils trouvent
la même nourriture & les mêmes foins que dans
leur pays natal. Les vaches, dans la Nouvelle-Angleterre
& dans plufieurs contrées des Etats-Unis,
font aufli belles qu’en tout autre pays ; mais elles
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