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1*Adriatique, cette chaîne conferve une Semblable
largeur, en forçant la confcription des deux
principautés ultérieure & citérieure , lefquelles fe
trouvent reflerrées à peu près dans les mèmès
limites que la terre de Labour. C ’eft dans cette ligne
que VApennin fe divife en deux branches bien
marquées : Tune fe prolonge entre la terre de Bari
& la ter e de Lecce, & parcourt je milieu de l'éperon
de la botte dans toute l'on étendue j l’autre
femble ofcillèr entre les deux Calabres. La première
partie fuivant le bord de la mer de Sicile entre les
golfes de Policafiro &i de Sainte-Eupkémie, & l’autre
partie, également affujettie aux bords méridionaux
de la même mer, règne depuis le golfe
de Squilace jufqu’ à Spartivcnto i où elle termine fa
marche, fans avoir rien de commun avec le détroit
de Meffine.
^ U Apennin eft compofe de plufieurs maffifs de
différente nature. Le centre ou noyau eft un granit
micacé : à côté font des pierres calcaires en couches
inclinées j plus bas encore font des couches
calcaires à gros débris de coquilles marines, &
des p'ierres de fable, le tout renfermé dans des
collines diftribuéês le long de fes bords.
' Dans l’examen de toutes ces matières, il eft aifé
de diftinguer les montagnes des collines. 11 y a trois
ordres de matières dans la chaîné : i° . lé noyau de
granit micacé j i° . les couches inclinées, composées
de pierres de fable ou de pierres calcaires à
grain fin j $°. les couches horizontales de pierres
coquillières, d’argiles, de mélanges de fables marins
& de coquilles, ou entières ou en débris j
4°. j ’ajouterois volontiers les rempliflages des anciens
lacs qui fe trouvent à tous les niveaux, &
dont les baffins font fort étendus.
Les collines font en général, ou voifînes des:
bords de la mer, ou établies au milieu des maffifs
du troifième ordre. On y découvre des couches
nombreufes de pierres coquillières , avec des lits
d’argiles, des bancs de coquillès bien confervées,
de pierres de fable, de cailloux roulés en différens
états, & furtout liés en poudingues par des ci-
mens fàbloneux, ferrugineux ou calcaires : il y en
a de grands amas au milieu de fables qui n’ont aucune
liaifon.
• Les rempliflages dès lacs, au contraire, ne renferment
que des animaux terreftres, des débris de
granit, des cailloux roulés de toutes fortes de nature
, des vafes , des fables lavés^_des coquilles
fluviatiles & terreftres , mais aucune coquille
marine.
• Une obfervation générale qu’on peut faire fur
toute l’étendue de l’Apennin, c’eft que cette chaîne
eft accompagnée, fur les deux côtés, de collines
plus ou moins hautes, plus ou moins nombreufes,
toutes tompofées de débris de la chaîne intérieure,
de mélanges d’argiles, de coquilles, ou en débris
ou entières, & de cailloux roulés lorfqu’ elles
fe trouvent limées fur les bords de l’ancienne
mer*
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Je puis citer ici les collines qu’on rencontre
I depuis Turin jufqu’à Tortone, celles qu’ on voit
dans,les environs d’Alexandrie jufqu’à Boulogne,
& dont on peut fuivre la compofition en entrant
dans Y Apennin, & enfuite lorfqu’on retrouve les
correfpondantes entre l’Apennin & Florence. Celles
du Siennois, qui bordent Y Apennin, font aulïi
compofées de. femblables matériaux : il faut excepter
cependant les différentes ramifications du
noyau de l’Apennin, qui fe prolongent jufque, fur
les côtes des deux mers, & forment certains baf-
fins où font raffemblées ces collines. On peut y
ajouter les produits des volcans, qui fe trouvent
en générai éloignés de la chaîne : ils ont changé la
forme & la nature des terrains qui l’accompagnent
à une certaine diftance.
Au refté, ces mêmes bordures s’obfervent le
long de toutes les chaînes de montagnes femblables
à celle des Apennins : telles font les Alpes,
les Pyrénées, les monts Krapach, &c.
On doit cependant diftinguer Ces chaînes de
montagnes en plufieurs claffes : les unes, dont les
noyaux font compofés de granits & de fchiftes
graniteux ; les autres, qui n’offrent que des fubftances
calcaires ou des pierres de fable nqçacées,
diftribuéês par couches fuivies, horizontales ou
inclinées. En traverfant les Apennins & lés Jura,
foit de Franche-Comté, foit du Dauphiné , les
parties les plus élevées de ces deux chaînes font,
ou des maffifs calcaires, ou des fchiftes argileux
par couches diftindtes. Dans les Alpes, dans les
Pyrénées,-dans les monts Krapaeh, la maffe du
centre , celle qui fe montre vers le fommet,.eft
toute compofée de granits, de fchiftes graniteux,
fui montés de couches calcaires.
Une autre différence remarquable entre YApen-*
nin 8z les chaînes dont je viens de parler, eft celle
de leur élévation. Les plus hautes fommitésues
Alpes font trois fois plus élevées que les plus hautes
des Apennins. On ne peut pas attribuer cette
différence de niveau à ce qu’il n’y a pas dans la
chaîne de Y Apennin une baie granitenfe, comme
elle fe trouve dans les Alpes & dans les Pyrénées ;
car il y a des parties de Y Apennin qui renferment
des granits & des fchiftes graniteux , & d’ailleurs
certaines îles de là Méditerranée, ainfi que des
mafles montueufes de l’Europe, dont les fommets
font encore, plus bas que ceux de Y Apennin, renferment
des granits &des fchiftes graniteux.
Que de détails relatifs à l’ hiftoire de la^erre
nous offrent les deux bordures de terrains qui ac-
compagnent Y Apennin le long des rivages des deux
mers ! détails qui annoncent des opérations de la
mer très-remarquables^ & qui appartiennent in-
conteftablement à des époques poftérieures à l ’état
ancien ^ primitif de Y Apennin , furtout après
la retraite de la mer, dans le baffin de laquelle fe
font organifés les dépôts qui accompagnent le
noyau de Y Apennin.
J’ ai Élit connoître une grande partie de ces fortes
de
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ce dépôts qu*on peut obferver en Tofcane, dans
la Notice de Targioni , où j’ai expolë les differens
caraélères qui fervent à diftinguer les collines,
ainfi que les époques fucceffives auxquelles ces
dépôts peuvent appartenir, ( Toyq; T argioni
parmi les notices , & l’article de la M a r c h e
d’A ncône.) J’ai montré de même les époques des
différens dépôts de la mer Adriatique, à la fuite
des difpofitions primitives des couches compofant
le noyau de Y Apennin. C ’eft là furtout que je me
fuis attaché à faire voir les difpofitions différentes
des inégalités de la furface de la terre, dépenyiam
tes du travail des eaux courantes dans des tems
poftérieurs à la retraite de la mer, qui a mis à
découvert ces terrains qu’elle avoit organifés.
( Voyei A ncône. )
Je dois outre cela faire mention d’une pierre
particulière, & qui me paroït une production propre
à Y Apennin > c’ eft le travertin , forte de dépôt
formé à différentes époques par las eaux,qui for-
tent des'flancs de Y Apennin : ce font furtout des
eaux qui ont un certain degré de chaleur. Cette
pierre eft très-remarquable comme ftaia&ite à tiflu
ferré, & d’un bianc-mat ; elle a fervi très-utilement
à des conftruCtions confidérables à Rome :
c’eft là & dans les carrières d’ où l ’on a tiré cette
pierre , aux environs de cette v ille , qu’on peut en
reconnoître l’organifation fingulière. Je renvoie
ici à l’article T r a v e r t in , où tout ce qui concerne
fa formation & fes carrières fera expofé plus
en détail.
Je reprends maintenant, 8z je réfume les différens
traits par lefquels j’ai cru devoir faire connoître
Y Apennin. Cette chaîne, que l’on peut con-
fidérer comme un rameau des Alpes, fe détache
de celles-ci, comme nous l'avons déjà d it , entre
Gênes & Turin, enfuite fe prolonge à l’e ft, juf-
u’au Boulonnois : c ’eft là où elle fléchit fa direction
u nord au fud pour defcendre jufqu’à l ’extrémité
méridionale de la péninfule, où nous l’avons déjà
fuivi. En changeant fa marche, cette chaîne fe
range plus près de la côte orientale que de l’occidentale.
Elle e ft, comme les différentes mafles des Alpes
, bordée de collines compofées de fables &
d’autres fubftances que nous ferons connoître^.ou
par couches fuivies ou en débris, mais moins
abondantes & d’un moins grand volume que celles
des Alpes..
Les montagnes de Y Apennin font prefque toutes
calcaires, ojlaires, fchiûeufes ? cependant le granit
perce quelquefois à travers ces fubftances de formation
fecondaire.
On peut regarder comme une dépendance de
Y Apennin les'collines du Montferrat, qui commencent
dans la plaine de Turin , paffent à l’oueft
de Parme & de Plaifânce, & vont fe réunir à Y A-
pennin dans le Modçnois. La nature de ces matériaux
eft en général la même que ces diverfes fubftances
qui accompagnent la chaîne de 1 Apennin t
Géo^raphie-Pkyjique. Tome IL
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& Fon y trouve même, comme dans les Alpes,
des mines & des marbres.
Dans toutes ces montagnes & ces collines on
rencontre en grande abondance un genre de pierre
que le nature a diftribuée partout dans Y Apennin ,
& plus que partout ailleurs en Italie : c’eft la fer-
pentine ou pierre oltaire , connue en Italie, & fur-
tout en Tofcane, fous -les noms de gnbbro, ga-
bretto y &c. Cette pierre 1 fe trouve, ou pure ou
mélangée avec la pierre calcaire. Les variétés que
j’y ai remarquées font en.grand nombre, St pour
la couleur, Sc pour la dureté: il y en a qui eft dure
comme le jade , ôc d’autre qui eft molle comme
certaines argiles.
Les beaux marbres fe trouvent auffi fréquemment
dans Y Apennin . ceux de Carrare , de Sera-
vezza & de Sienne méritent la célébrité dont iis
jouiffent. Enfin, l’on trouve dans la Tofcane Sc
dans les collines du Montferrat, des jafpes, des
agates, des calcédoines peu intérieures aux orientales.
L’Apennin même ne montre aucun veftige de
volcans dans le voifînage des Alpes, car les pierres
noirâtres du paffage de la Bochetta, fur la route
de Tortone à Gênes, Sc que l’on a indiquées.com-
me volcaniques, font des pierres ©flaires qui n’on.t
jamais été touchées par le feu. Il en eft de même
de ces prétendus veftiges de volcans que l’on- nous
a annoncés comme exiftans dans Y Apennin 3 fur le
mont Traverfo, entre Boulogne & Florence, & qui
font des pierres noires d’ une toute autre nature.
Les véritables veftiges des anciens volcans ne fe
rencontrent qu’à Radicofani, Acqua-Pendente 6c
Bolfena : le lac même, dont cette dernière ville
porte le nom, eft entièrement entouré de laves 8c
de bafaltes prifmatiques.
La température de l’ Italie, fur les fommets de
Y Apennin 3 diffère .beaucoup de celle des plaines
qui accompagnent partout cette chaîne de montagnes
: c’eft ce qui change prefqu’ entîérement les
cultures dans Y Apennin, dont la neige couvre la
plus grande partie des cimes, dont quélques-unes
offrent des glaciers qui s’étendent uni peu fur fes
croupes, pendant que, dans d'autres endroits, on
trouve les veftiges remarquables de leur difparu-
tion totale.
Toutes les, plaines & les collines qui accompagnent
Y Apennin ont été recouvertes par les eaux
de la mer dans des tems antérieurs à tous les îm -
numens hiftoriques, mais pourtant poftérieurs à
la formation des montagnes & à l’approfondiffe-
ment de la vallée du Pô. C ’eft ce qu’attefte l ’im-
menfe quantité de coquillages marins parfaitement
confervés, & qui font même encore colorés : on
les trouve épars dans les plaines de la Lombardie
& de 1a Tofcane, jufque fur h s collines du Montferrat
, & fur les baffes montagnes rie Y Apennin.
Outre cela, on voit en plufieurs endroits du
Piémont, de la Lombardie, de la Tofcane , des
champs absolument blanchis par les coquilles doue
S s1 s s