
environne nos continens; car je crois, comme je
l’ai dit & répété plufieurs fois dans cet article, que
la géographie-phyfique doit également faire con-
noître ces deux fortes de caufes, dont nous pouvons
fuivre facilement l’aétivité.
Je ferai remarquer qu'à commencer au foixante-
troifième parallèle nord, & en defcendant jufqu’au
tropique du fud, c'eft-à-dire, fur un développement
de quatre-vingt-lïx degrés de latitude, la
côte orientale de l’Afie, principalement fur Ifefèf
pace renfermé entre les Tiopiques , a été brifée
& déchiquetée, dans la fucceflion des fîècles, par
le travail lent & combiné, tant de l'Océan que
des eaux courantes de l ’intérieur des terres. Toute
cette côte ne préfente que des débris, que des
enfoncemens plus ou moins profonds avec des
terres ifolées, une immenfe quantité d'iles de
toutes grandeurs , dont les bords offrent des dentelures,
des baflins plus ou moins vaftes, des dér
troits plus ou moins larges, plus ou moins alon-
gés ; des bras de mer, des banaux plus ou moins
tortueux & plus ou moins. relTerrés; des écueils
fans nombre, ou jetés ç i & là , ou raffemblés par
groupes & par th.iîne$, & formant des faites de
refcifs fi redoutables aux navigateurs ; enfin, les
courans, qui ont des direéfionsytrès-variées , en
conféquence des irrégularités du fond de la mer,
coupé par des montagnes foufmarines. Tous ces
phénomènes prouvent l'aétion des eaux en divers
fens. Je ferai connoître par la fuite les grands ré-
fultats de ces deftruétions, lorlque je m'occuperai
des détroits, des îles 8c de leurs formes ; enfin, des
coupures innombrables que les archipels m'offriront
dans ce nouvel examen.
S i, après avoir vifité les côtes orientales de
notre continent, nous portons nos regards fur les
côtes occidentales, celles de l'Afrique & celles
de l'Europe, nous n’y trouverons rien de fembla-
ble. Ces bords de l’ancien continent, compris,
comme nous l'avons v u , depuis le Cap de Bonne*
Efpérance jufqu'au Cap Nord ée la Lapponie, offrent
linelifière continue, baignée immédiatement par
lçs eaux de l'Océan atlantique, & dont la fuite
n’eft interrompue que par les embouchures des
fleuves : on y voit- auffî les détroits de Gibraltar
& du Sund, qui dérangent bien le fyftème de ceux
qui, quoiqu’ils confîdèrent l'état paifible de cette
cô te , n’en attribuent pas moins à l’Océan l'ouverture
de paffages étroits, par lefquels il fe feroit
porté fort avant dans les terres, & fie feroit développé
fur les terrains bas de l'intérieur ; cependant
ne pouvoit*on pas fuppofer un autre principe à la
diftribution des eaux qui occupent les baflîns de
ces méditerranées? & , ce qui revient au même, au
lieu de comjnencer rintrodu&ion des eaux de
l'Océan par les détroits de Gibraltar & du Sund,
n-'étbirUl pas. plus convenable de. faire creufer ces
baflîns par les mêmes agens qui les abreuvent main-
tenant ?
D'après ces vues on auroit attribue la formation
de la Méditerranée aux mêmes eaux courantes qui
ont creufé les baflîns de la mer d 'A zo f, de la Mer-
Noire, de la mer Egée & du dernier baflîn qui
vient à la fuite de ces premières mers, & dont les
eaux baignent les côtes d’Italie, de France, d'Efe
pagne 8c d'Afrique. Je pourrois raifonner de même
fur la Baltique ; mais je renvoie toutes ces confédérations
à fon article. Ainfi, ce que je viens de
propofer au fujet de ces deux grands golfes & fur
leur origine, pourroit rétablir Y Océan atlantique
dans 1 état paifible des côtes occidentales de l’Europe
, 8c dans l’impofîibilité où il femble avoir
toujours été d'ouvrir par fon irruption les bafjtns
de ces deux méditerranées.
On ne pourra pas fans doute m’oppofer les archipels
des Canaries & des îles du Cap Vert, trop
éloignés des côtes de l'Europe 8c de l'Afrique,
comme les réfultats d'un grand travail de l'eau , &
pour prouver que l’Océan atlantique a été le théâtre
de révolutions & de deftru&ions confidérabks.
Côtes du nouveau continent.
Traverfons maintenant cet Océan atlantique ,
& reportons-nous à la côte orientale de l'Amérique.
Nous reconnaîtrons que , depuis le foixante-
dixième parallèle nord jufqu'au deflous du tropique
du Cancer, la rupture des terres nous rappelle
ce que nous avons obfervé fur la bande
orientale de l'ancien continent. Dans le nord , les
baies de Bajfin 8c d'Hudfon , & le golfe du fleuve
Saint-Laurent avec les îles qui en dépendent, indiquent
une caufe a fiez violente, mais que je ne
puis me difpenfer de partager entre l’aétion des
eaux courantes de l'intérieur des terres, 8c les
flots de l'Atlantique. Je puis mettre fur la même
ligne les baies que j'ai indiquées à la fuite, & qui,
la plupart, font dépendantes en grande partie de
l’embouchure des fleuves.
Entre lè tropique & la ligne équinoxiale , des
fuites d'iles, diflribuées fous différentes directions,
peuvent fervir maintenant à la reconnoif-
fance des progrès de l'approfond j flement de la
mer des Antilles 8c de la forme des golfes qu'on y
v oit, lefquels annoncent un travail de l ’Océan ,
correfpondant à celui qui a creufé lç baffin de la
mer de Chine.
A la côte occidentale de l'Amérique on peut
dire que le littoral du continent, fur toute fa longueur
, fert de limite immédiatement au grand
Océan : feulement l'extrémité méridionale de ce
continent a été tourmentée & partagée en un grand
nombre d ’iles peu diftantes les unes des autres par
l’aélion de la mer, qui en a détaché l'Archipel de
la Terra de Feu, Si a formé le long & tortueux de-
troit de Magellan*.
Dans la partie feptentrionale de l’ancien continent,
où l'on voit les montagnes brûler fous \x
neige, lés explofions des feux fouterrains qui ont
féparé-l’Afie de l’Amérique, en ouvrant un palfage
à l'Océan par le baflîn 8c le détroit de Bering, ont |
réfervé la chaîne des Aleutiennes} mais les îles
qui bordent une partie de ces côtes du nord-oueft
de l'Amérique entre cinquante-deux & cinquante-
huit degrés de latitude , ainfi que celles qui font
répandues fur une étendue de dix degres, dans fa
partie auftrale, au deffus de la bouche orientale
du détroit de Magellan, tiennent à la grande terre,
dont elles ne font féparées que par des canaux
étroits. Je ne fuivrai pas plus loin Iaxomparaifon
des deux bandes orientale & occidentale du nouveau
continent.
Ainfi, dans le tableau général des deux conti-
nens, confidérés l'un 8c l'autre relativement aux
réfukats du travail des eaux, les côtes orientales,
du nouveau, comme celles de l ’ancien, préfen-
tent, fur de grandes parties de leur étendue, des
débris épars, fraclas ex aquore terras, fuivant 1 ex-
preffion d'Ovide, lefquels attellent que, d'une
pirt, les anciennes irruptions de l'Océan en ont
approfondi les côtes, 8c que, de l’autre, 1 aétion
continue de fes eaux, chalfées vers les côtes orientales
de l’un & l’autre continent par un mouvement
général 8c confiant de l'eft à l’oneft,.attaque
encore ces mêmes côtes , les dégrade, en difperfe
Es parties les plus faciles à décompofer, 8c ne
liifle fubfifter entières que les parties plus foli-
des, qui peuvent oppofer à fes efforts une plus
longue réfiftance. |
Sous un autre point de vu e , les côtes occidentales,
protégées par la mafle du continent, dont
elles forment les limites', fe maintiennent fans
grande detlru&ion , & dans certains cas s'accroif-
fent par les tranfports des terres que les eaux pluviales
abondantes 8c torrentielles entraînent a la
mer, dont elles exhaufient le fond, & qui , dans
certaines parties des côtes, ont déjà pu former
des aterriffemens fort apparens.
L'effet que doit produire des deux cotés l’action
continuelle des eaux contre les côtes orientales,
ne peut être qu’un effet tres-lent, 8c l'ob-
fervation de plufieurs fiée les ne fuffit pas pour
nous le rendre fenfible ; mais fi 1 on confiéere avec
attention les fuites de formes differentes que nous
préfentent les côtes oppofées des continens, on
ne peut pas plus méconnoître les caufes, qu’on ne
peut douter des effets.
Ce qui donne encore plus de probabilité a ces
confédérations, c ’ell que la deftruéhon des terres
eft beaucoup plus remarquable a la bande orientale
de l'A fie , qu'à celle de l’Amérique, & cette
différence doit exifter j car le grand Océan , par le
mouvement confiant 8c général des eaux de l’eft
à l'oueft, faifant de continuels efforts contre les
côtes de l’Afie, avec une mer qui a trois fois plus
de largeur, 8c qui conféqUemment, en fuppofant
les profondeurs proportionnelles aux largeurs , a
plus de maffe que celle avec laquelle Y Océan atlantique.
agit contre les côtes de l’Amérique. D'ailleurs
, nous avons vu que, des deux côtés, la plus
grande aélion avoit lieu, & que le plus grand effet
fe faifoit fe.ntir entre les deux tropiques, parce
que, dans ces parages, l'un & l'autre Bras de I O-
céan agifloit avec la plus grande mafle : aufli c eft
en général fur la bande équinoxiale que les côtes
orientales font le plus tourmentées 8c déchiquetées
, & que le plus grand effet fe manifefte fur les
portions de chaque Océan, où la largeur eft plus
grande, c'eft-à-dire, pour Y Océan atlantique, entre
les parallèles de cinq à vingt-cinq degrés nord,
où s'eft approfondie la mer des Antilles, 8c pour le
grand Océan , dans l'intervalle entier des deux tropiques
, parce que c'eft à l’équateur même qu'il a
.plus d'étendue. C'eft fur cette bande équinoxiale
qu'on voit ces îles fans nombre 8c de toutes grandeurs,
ou groupées en archipels, ou difpofées en
chaînes, ou bien éparfes & folitaires, lefquelles
forment, par leurs diftributions ou leurs aflembla-
ges, de vaftes baflîns de figures diverfes, qui fe
fuccèdent 8c fe communiquent, 8c qui font des mers
intérieures a plufieurs iffues. ( Voye* les obfervatioùs
de M. de Fleurieu fur la divifion hydrographique du
Globe , & fa carte générale à la fuite du Voya 'ge
autour du Monde par Etienne Marchand. )
ANSON. Je trouve dans le Voyage de Vamiral
Anfon des détails très-intéreflans fur la température
& les climats des côtes de l'Amérique méridionale,
ue cet habile marin a parcourues. C ’eft pour ren-
re hommage à ce bon obfervateur, que je place
ici fous fon nom le précis de ce qu'il nous apprend
fur une fuite de faits phyfiques très-importans,
qu'il a obfervés 8c rangés par ordre : c'eft ainfi
que les découvertes de tous genres doivent figurer
dans nos recueils avec les noms des hommes
célèbres qui les ont faites.
Température & climats des côtes de l'Amérique
méridionale.
C'eft une chofe fort remarquable, que, fur les
côtes orientales de l'Amérique méridionale, les
poiffons volans & les bonites s’étendent à une latitude
plus confidérable que fur les côtes occidentales
du même continent, car on ne les trouve
fur ce$ côtes que vers les huit degrés de latitude
méridionale. La caufe de cette différence vient
certainement, des différens degrés de chaleur qui
fe font fentir dans les mêmes latitudes des deux
côtes de ce continent.
A cette occafion il convient de difeuter ce qui
■ concerne le chaud 8c le froid des différens climats,
i 8c fur les variations qu’on éprouve a ces deux
égards en différens endroits iïtués fous fe même
degré de latitude.
Les Anciens crcyoient que , de cinq zones qui
comprennent tout le globe de la T e r re , il n’y en
avoit que deux d'habitables, dans la fuppofition
qu'il faifoit trop chaud entre les tropiques, &
qu’aux cercles polaires le froid commençoic à être
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