
bien des pierres détachées, compofées des mêmes
fubftances que ces terres , mais plus atténuées 8c
mieux liées, fans être plus difficiles à reconnoître
au coup-d’oeil.
Les terres des îles Antilles, propres à la culture,
font de différentes couleurs. On en voit de
grifes , mêlées de petites pierres-ponce?. Comme
il s'en trouve abondamment aux quartiers du fort
Saint-Pierre , du Carb et, du Prêcheur 8c de la
Baffe-Pointe à la Martinique', les terres rouges du
Morne, des Caffeaux,, à- la Cabefterre de la même
î l e , étant lavées par les pluies, préfentent à l’oeil
une multitude de paillettes noires très-brillantes,
qui ne font autre chofe que du fer tout formé 8c
attirable à l’aimant. Les Mornes-Rouges & de
Cambala, dans l île de la Grenade-, contiennent
beaucoup de terres femblables, mais dont les paillettes
font moins apparentes. La même forte de
terre ne manque pas à la Guadeloupe 5 elle durcit
beaucoup en fe féchant, 8c fe divife pour lors en
groffes maffes parallelipipèdes ou a peu près cubiques
lorfqu elle a été érendue par couches d’environ
un pied d’épaiffeur.
Certaines terres brunes , mêlées de taches jaunes
, contiennent beaucoup dè fer.. On en voit de
cette nature dans l’île de la Grenade, au quartier
des Sauteurs , près dé Lèvera, au pied d’ un gros
rocher, dont les éclats brillent comme dé Parier
poli. Cette mine de fer eft aigre & entre difficilement
en fufion ; elle a befoin d’ une grande quantité
de caftine pour fe réduire en fonte.
Les terres blanchâtres & fèches fe réduifent
facilement en pouffière, '& font moins propres à
la culture que les précédentes. Les meilleures de
toutes font les terres brunes moyennement graffes,
& on en trouve beaucoup de cette forte , tant à
la Martinique qu’à la Guadeloupe , à Sainte-Lucie,
à Saint-Vincent, à la Grenade, & dans prefque
toutes les îles un peu confidérables.
Plufieurs cantons fourniffent de la terre propre
à blanchir le fucïe. C ’eft une argile femblable à
celle de Rouen, dont on fait des pipes $ elle eft
blanche, & ne fait point effervefcence avec les
acides.
Les terres à potier & celles dont on peut faire
de la brique, font affez communes dans plufieurs
endroits des îles.
Aux environs de la rivière Simon, près de la
grande rivière dans l’île de la Grenade, on trouve,
fur le bord de la mer , un fable noir très-brillant
& fort pefant. Celui de PAnce-Noire, à la baffe
terre de la même île eft un peu moins éclatant,
mais il renferme , ainfi que le précédent, beaucoup
de fer attirable à l’aimant. On trouve de
femblable fer en paillettes en Auvergne, & dans
plufieurs cantons ae l’Italie, qui ont été volcanifés. \
Ainfi peut-être ces paillettes de fer dans les Antilles
tiendroient-elles à la même caufe\ mais on
en voit de pareils amas fur les côtes de Bretagne,
©ù. il n’y a aucune trace des produits du feu* /
Dans plufieurs montagnes de la Martinique '8c
ailleurs ,v pn rencontre de petits amas de terre:
couleur de cendre-blanchâtre , fine , compacte,
ayant quelque rapport à la marne, mais plus dure j
elle fe broie 8c craque fous la dent fans être fa-
bloneufe ni pâteufe, à peu près comme de la
terre à pipe cuite. Les Nègres la mangent avec
une forte d’appétit qui dégénère en paffion fi violente
, qu’ ils ne peuvent fe vaincre malgré les
dangers auxquels l’ufage de cette terre les ex-
pofe j ils perdent le goût des nourritures faines ,
deviennent bouffis & périlfent en peu de teins.
On a vu.plufieurs hommes blancs poffédés de la
manie de cette terre nommée taoüa ; on a même
vu de jeunes filles, en qui le defir de confèrver
leurs grâces fe trouvoit contrebalancé par l’appétit
de ce funefte poifon, dont un des moindres
effets eft de détruire l’embonpoint & de défigurer
les traits du vifage.
Le remède le plus efficace qu’on ait trouvé juf-
qu’ à préfent, eft de faire prendre au malade deux
ou trois cuillerées d’ huile ae ricin ou palma-chrifti,
tirée à froid, & d’ en faire continuer Lufage tous
les matins jufqu’ à ce que les évacuations aient
emporté la caufe. du mal.
Nous devons faire mention ici des falines des
îles Antilles : ce font des étangs d’eau de mer, formés
par la nature au milieu des fables, dans des
lieux fecs 8c arides, entourés de rochers 8c de
petites collines : on les trouve, prefque toujours
; dans les parties méridionales de ces îles. Ces étangs
; font expofés à être inondés par les pluies abon-
; dantes de l‘hivernage ; mais on n y fait pas le fel
j en cette faifon : on attendra faifon fèche, vers les
mois de janvier 8c de février, pour travailler à la
formation du fel. L ’eau de la mer étant alors trè%
tranquille & très-baffe, & celle des étangs n’étanc
pas renouvelée, il s’en fait une fi prodigieufe
évaporation par l’exceffive chaleur du foleil, que
le fel marin fe précipite abondamment au fond 8c
fur les bords des étangs en beaux çriftaux cubi-*
ques très-gros-, un.peu tranfparens & d’une grande
netteté. J1 fe rencontre des .cantons où. l’atmof-
phère environnante des étangs eft fi chargée de
molécules falines,qu’un bâton,planté.dans le fable,
à peu de diftance du bord des étangs * fe trouve
en vingt - quatre heures totalement couvert de
petits çriftaux brillans fort adhérens enfemble ;
c’eft ce'qui a fait imaginer de former des croix de
bois &. d’autres bafes régulières pour (es faire
recouvrir en fèl marin.
Les îles de Sâint-Jean ,d e Porto-Rico, de Saint-
Chriftophe, 1a grande terre de la Guadeloupe, la.
Martinique & la Grenade, ont de très-belles falines,
dont quelques-unes pourroient fournir la
cargaifon de plufieurs vaiffeaux. Le fel qu’elles
produifent, eft d'un ufage journalier dans la cui-
fine, mais il n’elt pas proprë aux falaifons des
viandes qu’ on veut conferver long-tems.
Les'îles Antilles font extrêmement peuplées &
très-bien- cultivées. Les habitans y jouiffent- du
plus beau ciel : on n’y éprouve ni les froids ni les
frimats de l’hiver i, on a même remarqué que,
depuis les defrichemens des forêts qui cccafion-
noient les pluies longues & abondantes dont nous
avons parlé, Patmofphère.fe trouvoit moins remplie
de vapeurs dans la faifon de Y hivernage, 8c
qu’en général les habitans des Antilles, qui étoient
fort incommodés par une humidité mal - faine ,
jouiffent, au milieu des terrains débarra (Tés d’ arbres,
d’un ciel plus pur 8c moins chargé de
nuages.
Les montagnes, en tout tems, font couvertes
de verdure, 8c les vallées fontarrofées par des
rivières & des ruiffeaiix d’une eau très-bonne à
boire' dans un grand nombre d ’endroits. Les bef-
tiaux y multiplient beaucoup. La terre y produit
des arbres d’une énorme groffeur, dont le bois,
incorruptible s’emploie aux ouvrages de charpente,
de menuiferie & de marqueterie 5 d’autres
font propres à la teinture : un affez grand nombre
d’efpèces produifent d’extellens fruits. Les bananes,
les patates, le manioc & plufieurs autres;
racines font la principale nourriture des habitans
, qui cultivent 8c recueillent aufli beaucoup
de riz 8c de maïs. Les plantes, tant potagères que
médicinales naturelles aux île s , y croiffent en
abondance, & les exotiques s’y naturalifent avec
une grande facilité & un grand avantage.
Autour des petites îles défertes 8c dans les anfes
& baies, la mer fournit des tortues 8c beaucoup
de bons poifforis, dont les efpèces. font inconnues
en Europe. C ’eft là aufli qu’on trouve .ces rochers
de coraux, ces cruftacçes, dont la pêche 8c l’étude
peuvent fervir à augmenter nos connoifiances dans
ces parties d’hiftoire naturelle.
Les vaiffeaux qui font le commerce des Antilles
en rapportent beaucoup de fucre, du c a fé , du
coton, de la caffe, du caret ou écaille de tortue,
du cacao, de l’indigo, du coucou, & quelque
jour ils en rapporteront de .la cochenille. ( Voye1
les articles, de ces îles différentes. )
Dâfcription particulière de la Guadeloupe.
L’île de la, Guadeloupe eft formée de deux grandes
parties de te r re sq u i ne font féparées que par
un canal fort étroit, ouvert dans des terrains bas,
couverts de mangliers 8c de palétuviers. Ce canal,
uniquement alimenté par l’ eau dé la mer , a par
cette raifon reçu le nom de Riviere-Salée. Dd.ni
la plus grande partie de fon cours, cette rivière,
n’a pas plus.de deux liepes, fur environ vingt;
tpifes de largeur.
Ces deux fragmens dè la même île font aifés à
diftinguer entr’eux, tant par la nature des terres,
que par les formes du terrain & leurs afpeéfs.
La partie qui eft fituée le plus au fud-oueft, fe
nomme la Guadeloupe, 8c l’autre , dans le pays,eft
appelée la Grande-Terre. Celle-ci a deux embranchemens
affez prolongés, l’un vers le nord, 8c
l’autre vers l’ eft. Cette dernière extrémité orien-
rale de la Grande-Terre te termine en une langue
de terre, qui diminue'de largeur à mefure qu’elle
fe prolonge vers - l’ eft jufqu’à une pointe de rochers
que l’on nomme Pointe-des-Châteaux, 8c qui
ont des formes pyramidales affez remarquables.
Vis-à-vis de cette pointe, 8c aufli dans Peft, eft
la petite île de la Dtfirad'e , féparée de la Grande-
Terre par un canal d’environ deux lieues 8c demie.,
L’île de Marie- Galante, autre dépendance de
la Guadeloupe 3 eft fituéè entre la Pointe-des-Châteaux
8c la Dominique. Elle eft féparée de l’une 8c
de l’autre par deux canaux de plufieurs lieues de
traverfée.
Au fyd de la P ointe-des-Châteaux , à environ
deux lieues, entre la Grande-Terre 8c Marie-Galante
y eft un îlet bas 8c inhabité, appelé Petite-
Terre, ou croiffent naturellement les mancen.il-
liers , quelques arbriffeaux , & où fe trouvent
quelques arides pâturages. L'afpeét de cette Petite-
Terre & la nature de fon fol annoncent de grandes
conformités avec les terrains qui avoiflnent la
P ointe- des-Châteaux à l'extrémité de la Grande-
Terre.
Marie-Galante a environ quatre lieues de longueur
du nord au fud, fur une. largeur beaucoup
moindre de l’ eft à l’oueft.
Vis-à-vis la pointe la plus îhéridionale de Ja
Guadeloupe, dans l’eft & un peu au fud, eft fitué
le groupe d’îles appelées les Saintes, compofé. de
deux principales île s , l’une nommée la-Terre-de-
Haut, & l’autre la Terre-de-Bas, & d’une troi-
fième d'une moindre grandeur, avec plufieurs au.-*’
tres petits îiets 8c rochers.
Les trois principales îles préfentent entr’elles.
un excellent mouillage pour les vaiffeaux de toutes,
grandeurs.
Ce groupe des Saintes n’eft féparé de la Guadeloupe
que par un canal d’environ deux lieues de
largeur.
La Guadeloupe , la Grande-Terre 8c cet affem-
blage d’îles 8c. d’ïlets > en un mot, ce petit archipel
dont nous venons de faire l’indication qui,
forme la dépendance de la Guadeloupe, eft fitué
entré les 16e. & 17e. degrés de latitude, 8c entre
63 deg. 45 min. 8c 6 4 deg. 45 min. de longitude
occidentale du méridien de Paris.
De la Guadeloupe proprement dite.
L’île de la Guadeloupe proprement dite eft fier,
forme ovale, dont le grand diamètre eft difpofé
nord 8c fud. Sa plus grande largeur eft vers le
nord, & fa partie la plus étroite eft vers lè fud.
La forme ovale eft échanerée, dans la partie
du nord-eft, par l’ enfoncement d’une baie affezr
grande, parfemée d'îiets & de bas-fonds, mais
laiffant d’ailleurs de belles étendues propres ait
mouillage des plus gros vaiffeaux.C’eft entre cette