détrompé en vifîtant dans les environs une colline
entièrement formes de ces prifmes, placés verticalement
fur plufieurs rangées bien diltindtes les
unes des autres.
Il retrouva de même ces bafaltes prifmâtiques
près de Hadie , dans une grande partie des montagnes
où l’on cultive le café. On en voit des rangées
très-remarquables, qui garniffentla face des
rochers d'où il tombe des cafcades. On en détacha
plufieurs pour en faire des efcaliers & même des
terraffes qui fervent à foutenir les terrains cultivés.
En revenant de Sana à Mokka au pays d’Andf-
jir , M. Niebuhr trouva, page 347, tome II, que
les montagnes étoient compofées de pierres pentagones,
exactement femblables à celles qu’il avoit
vues àKahhama & près de Hadie. Il nous dit même
qu’on en voyoit beaucoup qui s’étoient détachées
des croupes de ces montagnes, au pied defquelles
il les avoit fuivies.
M. Niebuhr ajoute qu’à fon retour de Copenhague,
il avoit vu dans les manufcrits de M. Konig,
favant Danois, qu’il avoit pareillement obfervé en
ïflande des montagnes compofées de prifmes de
trois aunes à trois aunes & demie de hauteur , &
d’une demi-aune de diamètre ; qu’il avoit remarqué
de même que ces prifmes étoient dans une fituation
verticale, & très-ferrés les uns contre les autres,
& qu’ils formoienc plufieurs rangées les unes au
defius des autres. Il auroit été à defirer que M. Niebuhr
eût été prévenu fur ces bafaltes prifmati-
ques avant fon voyage en Arabie. Cependant il me
paroît que les notes qu’il nous a laiffées, font fi pré-
cifes, que l’on né peut nullement douter de l’exif-
tence de ces produits du feu en Arabie , & dans
plufieurs contrées de ce pays.
Végétaux►
Anciennement Y Arabie étoit très-célèbre par
fon encens j mais tout l’encens que l’Europe tiroit
de Y Arabie heureufe n’étoit pas du crû de cette province.
Àrrien & d’autres anciens auteurs nous apprennent
qu’on faifoit paffer de YHabbefch & de
l’Inde beaucoup de parfums en Arabie , &dejà
plus loin. Actuellement on ne cultive que fur la
côte fud- eft à!Arabie l’efpèce feule d’encens,
nommé Liban, ou oliban par les Arabes. Cette efpèce.
eft de mauvaife qualité, & en même tems ils
tirent beaucoup d’autres fortes d’encens de YHabbefch,
de Sumatra, de Siam, de Java, &c. & parmi
celles-là une forte qu’ils nomment java, &'les Anglais
benjoin, eft fort femblable à Y oliban. On en
Europe encens d'Arabie celui qui yenoit de YHabbefch
exporte une très-grande quantité en Turquie par
les golfes d’Arabie & de Perfe , & la moindre que
les négocians vendent, eft de meilleure qualité que
Y oliban d’Arabie. On peut conclure de là que l’on
a exporté anciennement beaucoup d’encens fous
le nom d’Arabie. , quoiqu’il fût de contrées plus j
éloignées , & yraifemblablement on appeloit en
& des Indes, par la meme raifon que nous
nommons café du Levant celui qui vient de 1 Yemen,
& que dans le Levant ou appelle café d'Europe celui
qui vient d’Amérique. Il paroît que les Arabes
eux-mêmes ne font pas grand cas de leur encens,
puifque les gens diltingués de Y Yemen fe fervent
le plus Couvent de l’encens des Indes, & emploient
en grande quantité lé maftic de l’île de Scio.
Varbre du cafétft. ce que Y'Arabie produit de plus
remarquable en végétaux. On le cultive particuliérement
à l’oueft des grandes montagnes qui
traverfent Y Yemen : on trouve beaucoup de caté
dans les provinces Hufchid u BekelKataba, & ^aI a>
mais il paroît que le climat des départemens Ud-
den, Kufma & Dsjebi lui eft plus favorable, car on
en tire le meilleur & en abondance. Les Arabes ont
défendu, fous des peines très-févères, d’exporter
cet arbre, & les Hollandais., les Français & les
Anglais ont cependant trouvé le moyen d’en^ introduire
dans leurs colonies > mais le café de 1 Yemen
conferve toujours la préférence | vrailembla-
blement parce que les Européens ne cultivent pas
le leur fous le même degré de température &c fur
des montagnes où la chaleur de l’atmofphère foit
aufli réglée que dans Y Yemen. Les Arabes prétendent
qu’ils ont tiré de YHabbefch l’arbre du café,
& quelques voyageurs, qui ont vifité ce pays, ont
affuré que non-feulement ils y avoient beaucoup
vu de ces arbres, mais que, dans plufieurs contrées
de YHabbefch, le café égaloit en qualité celui de
Y Yemen. . ' ' 1 "
L’arbre du baume de la Mecque croit en plufieurs
contrées de Y Yemen ; mais comme les habitans ne
connoififent peut-être pas les avantages de cet arbre
, les marchands de Mokka même-envoient des
pots dans les environs de Médine, ou on recueille
en abondance ce baume, & d’où on l’envoie fans
qu’il foit falfifié : celui qu’on achète à Dsjidda
l'eft fouvent.
Qn trouve encore à préfent de la manne en divers
éndroits de l’Orient : il y en a même aux environs
du Mont-S inaï, fameux par la manne des
Ifraélites. Elle s’attache à Merdin, comme une farine,
fur les feuilles de certains arbres du genre
des chênes , & l’on s’accorde allez généralement
à dire qu’entre Merdin & Diarbekir, on la receuilloit
fur les arbres qui produifent la noix de galle. La
récolte de la manne fe fait à Merdin au mois d’août
'& furtout en juillet , & l’on dit qu’elle eft plus
abondante après un certain brouillard fort épais ou
pendant un tems humide, que dans des jours fe-
reins. On ne foigne pas ces arbres aux environs de
Merdin ; mais lorfque la manne fe montre en dehors
, en ramalTe qui veut dans les bois. On la
recueille de trois manières différentes, fuivant lef-
; quelles la manne diffère de qualité. Quelques-uns
vont au bois avant le foleil levé, la ramaffer fur
r un linge, en fecouant les feuilles ; elle eft alors
toute blanche, & c’eft la première qualité. Quand
on ne laramaffe pas le matin, & qu’il furvient de
la chaleur, la manne fe fond aux rayons du foleil.
Elle n’tft pas perdue pour cela, car elle augmente
& s’épaiflït de jour en jour fur les feuilles. Pour
obtenir celle-là, on emporte à lamaifon autant de
feuilles que l’on peut, on les jette dans l’eau, & l’on
raffemble la manne qui fumage. On en recueille
aufli en Perfe , & furtout en abondance dans le
:Kurdiftan.
On fait que la manne, nommée tarands jubin,
Te recueille en grande quantité-dans les environs
d'Jfpahan, fur un petit buiffon épineux. Peut-être
elt-ce celle qui fervit de nourriture aux Juifs pendant
leur voyage. Dans le Kurdiflan , à Moful, a
Merdin, à Ifpakan, on ne fe fert que de manne
au lieu de fucre pour les pâtifferies & autres mets :
on en peut manger beaucoup fans qu’elle purge ,
furtout quand elle eft fraîche.
Outre les arbres dont on vient de parler, il y
en a encore beaucoup d’autresen Arabie. On y
trouve des noix de cocos, des pommes de grenade,
des abricots, des pêches, des amandes,
des poires, &c.
L’on trouve au refte dans Y Yemen & dans d’autres
contrées fertiles de Y Arabie, de beau froment,
du maïs, du petit millet, de l’orge, des
fèves, des lentilles, de la navette, des cannes à
fucré, du tabac, du coton , de la garance, de l’indigo
, du féné, &c.
On cultive affez bien la campagne dans Y Yemen
: le travail en eft très-pénible , parce qu’il
faut arrofer exa&ement & avec grand foin 3 ce ;
qui oblige d’ailleurs à fe procurer de l’eau par toutes
fortes de moyens . même par des puits très- ;
profonds.
Animaux domefiiques & autres,
Il y a en Arabie, des chevaux, des ânes, des mulets,
des chameaux, des dromadaires, des vaches,
des brebis , des chèvres & autres animaux :
domeftiques en abondance, & de belles races ,
ainfi que des lions, des gazelles, des renards &
des finges.
On fait que les Arabes font grand cas de leurs
chevaux : on pourroit dire qu’ils les divifênt en
deux efpèces. Ils, nomment l’une kadifchi, c’eft-à-
dire, chevaux de race inconnue ,-lefquels ne font
pas plus eftimés en Arabie, que les chevaux ordinaires
ne le font en Europe. Ils fervent à porter
les fardeaux & à tous les gros ouvrages. La fécondé
efpèce s’appelle kochlani, c’eft-à-dire ,
chevaux dont on connoîtla généalogie depuis deux
mille ans. On les vante comme fort propres à foutenir
les plus grandes fatigues, & à paffer des
journées entières fans nourriture. On leur attribue
de grandes qualités dans les batailles. Ils ne font
ni grands ni beaux, mais très-vîtes à la courfe ;
auffi les Arabes ne les eftiment que pour leur race
& leurs qualités, mais nullement pour la figure.
] D’ailleurs, ils,ne s’en fervent que pour les monter,
j & jamais pour aucun autre travail. Les kochlani
font principalement élevés par les Bédouins, entre
Bufra, Merdin & la Syrie : du moins les grands
feigneurs ne veulent point monter d’autres chevaux.
Toute cette race fe divife en plufieurs familles.
On ne parle pas de ces kochlani fur la côte
occidentale de Y Arabie, mais on croit qu’il y en a
furtout dans YHedsjat. Quelques-unes de ces familles
font préférées aux autres , &.quoique l’on
foit bien affuré que les kochlani font quelquefois
inférieurs à quelques kadifchi, on eftime beaucoup
plus les premiers, furtout les jumens, dans l’efpé-
rance qu’on a toujours d’en obtenir de belle race.
Les Arabes, malgré leurs prétentions, manquent
en général de tables généalogiques de quel-
ues centaines d’années , pour prouver la defcen-
ance de leurs kochlani. Cependant ils font affez
fûrs de leurs races, parce qu’ils font toujours couvrir
leurs jumens en préfence de témoins arabes.
Il n V a pas d’exemple qu’ils aient jamais figné une
fauffe déclaration touchant la naiffance d’un poulain,
parce qu’ils font perfuadés que la réputation
d’une famille feroit détruite s’ils étoient convaincus
d’avoir dépofé contre la vérité.
Quand un Chrétien a une jument de la race
kochlani, il eft obligé de faire appeler un Arabe
pour témoin lorfqu’il veut la faire couvrir par un
étalon kochlani. Cet Arabe refte vingt jours près
de la jument, pour être fur qu’un étalon du commun
ne la déshonore pas. Pendant ce tems elle ne
doit pas voir , même de loin, ni cheval entier ni
âne. Quand elle met bas, le même Arabe doit y
être préfent de nouveau , & le certificat de là
naiffance légitime du poulain eft expédié juridiquement
dans les premiers jours. On ne fait jamais
couvrir une jument kochlani par un étalon kadifchi.
Cependant les Arabes ne fe font aucun fcrupule
d’accoupler quelques-uns de ces étalons nobles
avec une jument de race commune 3 mais le poulain
de cette jument eft toujours réputé kadifchi.
Les T lires ne font cas de ces chevaux fameux
que lorfqu’ils peuvent les avoir pour rien. Les
Anglais , au contraire, achètent quelquefois à
Mokka de ces chevaux pour huit cents à mille
écus la pièce, & ils les vendent quelquefois Le
quadruple en Angleterre.
Il y a en Arabie deux fortes d’ânes. Les petits
& pareffeux font aufli peu eftimés en Orient qu’en
Europe 5 mais l’autre efpèce , des grands & courageux,
qui font plus commodes , pour voyager ,
que les chevaux, eft fort chère. On trcuve auffi
en Arabie diverfes. efpèces de chameaux : ceux du
pays de Ylman né font que d’une taille médiocre
& d’un brun-clair. Outre cela on y voit des chameaux
de Nerdsjeran , grands & lourds, & d’un
brun-foncé. Les dromadaires qu’on trouve en
Egypte & en Arabie,m’ont tous qu’une boffe fur
le dos* & ne peuvent être diilingués des chameaux
par ceux qui ne font pas accoutumés à voir