
être que la fuite des opérations de la nature par les
éaux courantes , il s'enfuit que le Bofphore de
Thrace & celui des Dardanelles doivent être rangés
parmi ces opérations. Ce ne font donc pas
dés accidens , mais des effets réguliers du même
ordre, que l ’approfondiffement lent de nos vallées.
C ’eft donc fans aucune raifon qu’on confidére-
roît un débordement du Pont-Euxin, qui n’a pu
être que la fuite de l’ouverture fucceflive du Bofphore
, comme ayant été capable d’opérer bruf-
quement cette ouverture.
Il en eft de même de ces déluges de Grèce, qui
font placés dans des contrées traverféçs par d’anciennes
vallées, & auxquels on a cm pouvoir attribuer
l’ouverture & l’approfondiffement de ces
vallées. Ainfi, je crois que la vallée du fleuve Pêhéê
en Theflalie, a été ouverte, ainfi que celle de
Tempé, entre les monts Pélio & ÔflTa, bien avant
le déluge de Deücalion, qui , confidéré comme un
fimple débordement d’un fleuve , n’a jamais été
capable d’ouvrir fubitemertt cette vallée 3 & de
féparer les fommets de Pélion & d’Offa. La nature,
pour opérer de pareils approfbndiffemens fuivis &
réguliers, y a mis partout une longue fuite de fiè-
c le s , & elle nous montre encore, dans certaines
contrées, la continuation de ce même travail, de
maniéré à nous en faire cortnoître la marche & les
progrès. Pourquoi nous faire illufion à ce fujer?
11 n’eft pas étonnant qu’à lâ fuite d’ une inondation
qui âvoit fait quelques ravages , on aitimaginé
que l’eau débordée avoit ouvert des vallées qui
ëtoient d’une date beaucoup plus ancienne, parce
qu’on ne connoiffoit pas les inégalités de la fur-
facé de la terre dans ce pays j mais, en tout cas,
jamais déluge n’ a pu faire une vallée, même celle
de la Theflfalié. Jamais déluge n’ a ouvert le Bofphore
de Thrace ; mais les inondations ont pu
régner fur fes bords comme à fes embouchures,
& avoir laiffé , dans l’efprit des peuples , l’idée
d’un déluge.
Une fois qu’il feroit décidé que le Bofphore de
Thrace a été ouvert comme une vallée ordinaire,
je confens à ce que les inondations aient pu avoir
lieu , puifque toutes les eaux dont le Pont-Euxin
fut alors accru, pouvoient venir des fommets de
l’Afie & de l’Europe. D ’ailleurs , les pentes des
montagnes de l’Arménie, qui pouvoiént verfer
leurs eaux en Europe & en  fie , ont dû aufli y
caufer des inondations. Peut-être même la mer
Cafpienne fe joignit-elle alors pour un temS àvec-
le Pont-Euxin, & , fe dégorgeant par le Volga &
JeTanaïs, contribua-1-elle à augmenter la maffe
des eaux qui, fuivant les anciens hiftoriens, firent
tant de ravages én Europe, en les pouffant avec
plus d’énergie & d’accélération fur la Grèce que
fur l'Afie mineure, la première en ayant reçu dé
grands dommages. Il femble, fuivant Toütnefort,
que lâ mer ait emporté peu à peu le plat-payé dont
le fond étoit mobile, & que les noyaux des montagnes
aient feu 1$ réfifté à tes vagues.
ÏVaprès cés mêmes conjectures fort vraifembla-
blés, les îles de l’Archipel font les reftes de ces
défaftres, qui ne doivent pas fe borner à un feul
débordement 3 à un feul déluge, mais qui font
les effets de plufieurs. L’Afie mineure, au contraire,
n’ayant point été expofée aux atteintes des
eaux courantes, & n’ayant été couverte que par
des eaux mortes, s’eft trouvée avoir gagné , après
la retraite de ces eaux, par les dépôts qui font
venus s’y fixer, & c’eft à cés dépôts qu’on attribue
la fertilité de la terre en Afie.
C ’ eft donc avec vraisemblance que les inondations
du Pont-Euxin par les Bofphores de Thrace
& des Dardanelles, les déluges d’Ogyges &
dé Deücalion, datoient du même terris, puifque
les pluies en ont été la caufe générale, & que
leurs produits fe font raffemblés dans les mêmes
Contrées, qu’on doit confidérer comme étant l’é-
goût général de ces eaux.
Je finirai par conclure, de tous ces détails, que
la Méditerranée s’ eft véritablement formée dé
la réunion des eaux courantes fournies par toutes
les pentes de fon bafïin terreftré> qui s’y font portées,
d’abord dans la mer d’A z o f , puis dans
le Pont-Euxin, enfuite dans les autres golfes, à
la formation & à l’entretien defquels les rivières
qui s’y déchargent, ont contribue & contribuent
chaque jour.
J’en conclus enfuite que toute l’ étendue de la
Méditerranée, depuis la mer d’A zo f jufqu’à l’Océan
atlantique3 a reçu, dans les premiers tems,
Une continuité d’eaux courantes comme une vallée
entièrement ouverte, & à travers les détroits dé
Conftantinople , des Dardanelles & même de Gibraltar
, attendu que l’ouverture de ces détroits'
n’auroit pu fe faire fi les maflifs qui les remplir*«
foient primitivement n’euffent pas été creufés &
approfondis de la même manière que lés maffifs
qui rempliflbient les vallées des grands fleuves
qui y affluent. ( Vôyeç T ournefort , premier
volume, & Bosphore , dans ce Didtionnaire. )
A necjdote de la nature' , fur une tradition des prêtres
égyptiens , conservée par Hérodote & d'autres anciens
écrivains.
Je crois devoir rappeler ici cette tradition, en
développer les diverfes circonftances, & furtout en
faire une application précife à certains phénomènes
généraux du globe,ptéfumant que d’une tradition,
bizàfe d’abord en apparence, il pourra en réfultet
le défioûment d’une des plus importantes obfer*
Vations de géographie^hyfique. Je l’ ai déjà dit î
je ne cofifidère ces anecdotes que comme des faits
ifolés qui ne tiennent à aucun ordre de chofes,
& qui ne font conftatés que par des rnonumêhs
naturels plus ou moins multipliés &plus ou moins
remarquables à la furface de la terre j c’eft aufli
d’après ces vues que je les cite ici.
Lés grandes révolutions qui font arrivées à la
terre, & la multitude d’ animaux & de plantes
étrangères à nos climats, que nous y trouvons en-
fevelis en mille endroits différens, on fait foup-
çonner, depuis que l’on étudie le monde phy-
fique, que toutes les contrées de notre globe
avoient fubi de grands déplacemens, & avoient
pu changer d’afpeét p v rappor-t au c ie l, foit par
les différentes inclinaisons de l’axe de la terre,
foit parce que les contrées qui font vers les pôles,
n’ y ont pas toujours été invariablement fixées.
Ce ne font pas feulement ces corps déplacés
qui nous rappellent ces changemens, ce font aufli
des traditions trouvées chez plufieurs peuples.
Les anciens habitans de la Sibérie, dont le climat
eft extrêmement froid, foutiennent qu’ il a été fort
chaud, & qu’ il avoit nourri des animaux dont en
effet on rencontre chez eux une multitude d’offe-
mens & de cadavres.
L’ inclinaifon de notre axe, qui n’ eft pas abfolu-
ment aufli confiante qu’on le penfoit autrefois,
a pu produire en ce pays & partout ailleurs ,
comme dans l’Amérique feptentrionale, une vicif-
fitude aufli étrange. M. de Louville croyoit qu’en
cooféquence de la variation qu'on venoit de découvrir,
l’éclyptique, au bout d’ un certain tems, fe
confondroit avec l’équateur ; qu’ alors toutes les
contrées de la terre jouiroient enfembîe, pendant
un grand nombre d ’années, d’un équinoxe perpétuel,
& qu’enfuite l’éclyptique tourneroit au midi,
■ au-delà de l’équateur. Il y a même dans fon calcu
l, une fingulière correspondance avec les plus
anciennes époques des Babyloniens. Nous fommes
•aufli redevables, aux Egyptiens, de traditions fort
fingulières fur les changemens de cetre nature.
Hérodote, Pline, Diogène de Laërce & Plutarque
nous rapportent que, félon les prêtres de l’Egypte,
le foleil, dans I’efpace de 11,340 années de 365
jours, s’étoit levé où il fe couche, & s’étoit couché
où il fe lève , par deux fois différentes, fans que
néanmoins il fût arrivé de changement dans le climat
de l’Egypte, malgré cette variation apparente
ducoursdu foleil. Yoflîus, dans Gon Traité de l'ido-
latrie3 dit qu’il n’ y a rien de plus abfurde que cette
tradition des prêtres égyptiens > mais M. de Voltaire
, dans fes Elémens de la philofopkie de Newton,
n’en penfe pas de même ; mais comme il explique
ce grand phénomène par la révolution infenfible
des pôles vers l’équateur, laquelle auroit fait
tourner, fuivant fa façon de penfer, notre globe
fucceflivement à l’orient, au midi, à l’occident &
au feptentrion , il n’admet point que l’Egypte ait
pu conferver le même climat, & que le nombre
d’années défignées par les prêtres égyptiens ait
pu fuffire pour que ce phénomène ait paru deux
fois j ce qui demande à la vérité deux périodes
bien plus grandes , fi cet événement n’eft arrivé
de la forte qu’infenfiblement.
Comme cettè remarque eft fort jufte, & que
cependant, des circonftances aufli fingulières ne
font pas de nature à fe préfenter facilement à i’imagînatîon
des hommes, pour qu’ oft puifle ne
les regarder que comme des fables, je ferois porte
à croire qu’elles peuvent avoir rapport à quelque
tranfpofition de la terre. Effectivement, 1 hémif-
phère maritime a pu prendre quelquefois la place
de l’hémifphère terreftre, les contrées boréales
prendre aufli la place des contrées auftrales, en
changeant pôle pour p ô le , fans qu il foit arrive
aucun changement dans le ciel. Ainfi la rotation
de la terre, qui, malgré les changemens de toutes
les parties de la furface, dans ce qui concerne
leur fituation refpeêtive v is - à - v is les diverfes
régions du c ie l, doit toujours être déterminée,
pour elle comme pour toutes les autres planètes
de l’occident, vers l’orient, aura fait voir aux
Egyptiens, le foleil fe levant du côté d® la Ly-
b ie , où ils l’avoient vu fe coucher auparavant,
& fe couchant du côté de l’Arabie, où il fe le-
voit ci-devant. Pour eux, ce mouvement de notre
planète, qui ne demande qu’une demi-révolution
des pôles dans un méridien quelconque ,
c ’eft-à-dire, douze heures de tems, aura porté le
pôle auftral de la terre fous le pôle boréal du ciel,
& le pôle boréal de la terre fous le pôle auftral
du c ie l, & par conféquent les régions occidentales
à l’orient , & les orientales à i’occident. C e
n’eft que par cet échange, entre les contrées po<-
laires, qu’on peut le mieux expliquer pourquoi il
n’y eut point de changement dans le climat d’E=-
gyptej car l’ éqùateur refta toujours le même, à 1&
différence , pour l’Egypte, qu’elle fe trouva pour
lors dans l’hémifphère feptentrional, au lieu qu’elle
étoit auparavant dans le méridional.
Dans tous les continens, j’ai reconnu que les
points de partage des eaux étoient beaucoup plus
près des mers de l’oueft que des mers d e l ’e ft,
-& qu’ en conféquence les pentes des fleuves de ces
continens m’avoientparu beaucoup alqngées verç
l'eft, & toujours fort raccourcies à l’oueft. J’ai vu
d’ailleurs que le6 mers occidentales étoient plus
profondes & moins peuplées d'iles que les mers
qui baignoient les côtes orientales. J’ ai penfe que
tous ces faits & ces circonftances r.epréfentoient,
fur la furface de la terre, les traces d'un écoule-r
ment général des mers d’occident en orient , 1er
quel a raccourci les pentes de nos terrains contre
lefquels il s’eft porté, pendant qu’ il a laiffé lés
autres pentes qui n’ étoient pgs expofées à £bn
action, dans leur alongement primitif : j’ ajoute
ici que ces empreintes fe font retrouvées égale-
lement dans les îles ; qu’ainfi, par cet écoulement
dirigé de l'occident à l’orient, toutes les lies de
l’ Afie ont été efearpées à leur couchant, de manière
que leurs côtes étoient canftamment hautes
& hardies à l’oueft., courtes âci>affes à l’eft, en
même .tems qu’ elles .fe prolongeoient dans des
mers peu profondes. Dans la plupart des îles orientales
au continent de T Amérique; feptentrionale ,
ce phénomène fe diftingue de la même manière.
Dans le Voyage a la baie d'Hudfon par Eilis , on