
& entraîner un jour la chute totale du pont. Cet
accident ayant donné lieu à un examen de cette '
polïtion & de l ’état des rochers des environs, &
en même tems à un deflin de ces rochers, je me
propofe de donner une defcription raifonnée^e
la aifpofition des lieux, & d’y joindre le defiin
dans notre Atlas. ( V o y t { i a r t i c l e f i e l a R o c h e f
o u c a u l d . )
Il eft à prefumer que la Tardouère étoit autrefois
beaucoup plus confidérable à la Rochefoucauld
& dans le refte de fon cours, qu’elle ne l’eft
aujourd’hui : fes dépôts & les matières pietreufes
quelle a tranfportées du Limofin, & la tradition
du pays, étabiifTent cettefuppofition. On a trouvé
àfîx pieds de profondeur, dans une fouille qui fut
faite en 1774, pour l’établifTement de l’arche fur
la Lifone, des maffes de granit voiture incontef-
tablement du Limofin. L’exhauffement^ du fond
de cuve de la vallée & la nature des dépôts prouvent
leur antiquité, & le volume des eaux de la
rivière. On a trouvé d’ailleurs à Coulgens une autre
maffe de granit du poids de neuf à dix livres,
qui étoit prefqu’ arrondie par le frottement qu’elle
a éprouvé ; mais on ne peut attribuer la difpofi-
tion de ce granit, & fa forme arrondie , au travail
des eaux de la Tardouère. On trouvera plus
de lumière fur ce travail dans l’examen de l ’excellent
fable que cette rivière voiture & qu’elle dé-
pofe dans fon l i t , & Fon pourra déterminer fon
origine par la quantité de mica pulvérifé qui s’y
trouve mêlé- .
La tradition du pays nous apprend que la Tardouère
avoit autrefois un cours moins interrompu
près des bourgs de la Rochette & de Coulgens:
les moulins qui y étoient établis confirment cet
ancien état de chofes:
La Tardouère ne parvient maintenant à ces lieux
qiFaprès que fes gouffres font remplis par des pluies
abondantes & continues j car elle ne peut y tranf-
mettre que l’excédent des eaux que ces gouffres
n’abforbent pas. Ainfi, la diminution des eaux
courantes de cette rivière n’a d’autre caufe que
l ’agrandifTement & la multiplication des gouffres
abforbans , & Ton peut préfumer que ces excavations
ont eu des progrès a fiez, rapides.
Du Bandiat.
On peut appliquer au Bandiat tout ce qu’ on a
dit de la Tardouère. Cette rivière prend fa fotirce
proche la chapelle Mont-Brandeix en Limofin , à
peu de diftance de Çhalus, paffe à Nontron, ville
de l’ancien Périgord, entre enfuite dans Y A n g o u -
i tr o is avant Mar ton, & fe réunit à la Tardouère ,
un peu au défias du pont d’Agris.
- Le Bandiat, quoique plus confidérable que cette
dernière rivière, fe perd au défias & au défions
de Marton , dans une infinité d’ entonnoirs : à
Pranfac il eft même réduit à un petit volume d’eau,
le celle qu'il eonferve eft encore abforbée dans les
gouffres voifîns du pont de la Bée a fie, & elle fe
diftribue en fi grande quantité dans la roche entrouverte
qui eft au fond du vallon, qu’il eft rare
quelle coule jufqu’au pont d’Agris.
Les gouffres ou entonnoirs du Bandiat font plus
apparens & mieux ouverts que ceux de la Tardouère
: on en trouve plufieurs en remontant le
vallon au deffus du pont de la Bécaffe. Le plus
confidérable eft celui qu’on peut voir à une demi-
lieue de diftance du village de Che^-Robi : ce gouffre
effrayant, dont le fond préfente un amas de
rochers écroulés, & entafles fans ordre les uns fur
les autres, engloutiroit toute la rivière fi elle
n’étoit retenue par une forte digue j mais cette
conftruétion n’ étant formée qu’avec des pierres
brutes, pofées fans mortier » laifle encore échapper
une grande quantité d’eau qui fe perd dans les
vides, entre les rochers qui forment l’ouverture
du gouffre. Lorfque les eaux font affez grofies
pour déborder & franchir la digue, elles s’y précipitent
avec un murmure femblable à celui des
plus hautes cafcades.;
Quelques écrivains ont propofé comme un travail
fort aifé à terminer, de foutenir le cours du
Bandiat, & de le conduire jufqu’ à la Charente par
des moyens affez peu folides j ils ont même imaginé
de rendre le Bandiat & la Tardouère navigables,
& n’ont à ce fujet que préfenté les avantages
qu’auroit l’exécution de ce projet.
D’un autre cô té , on a objeété qu’on ne pour-
roit retenir les eaux de la Tardouère & du Bandiat
fans diminuer beaucoup celles de la Touvre, qui,
félon la commune opinion, doit fon origine à ces
deux rivières, & furtout au Bandiat.
L ’on peut fe convaincre de la communication
fouterraine des eaux qui fe perdent avec la fource
de la Touvre, par une observation qu’on a fou-
vent occafion de faire. Il n’ eft pas rare de voir les
eaux'de la Touvre fe troubler dans la plus belle
laiton de l’année, fans qu’on fe foit apperçu dè la
moindre pluie. Ce phénomène n’a d’autre caufe
que les orages particuliers qui faliffent les eaux
du Bandiat, & les rranfmettent en plus grande
quantité dans les gouffres qui les abforbent.
Ceux qui prétendent que la belle fource de la
Touvre ne provient pas de ces deux rivières, allèguent
qu’ ils ne peuvent concilier fon cours uniforme
H confiant avec la diminution des eaux du
Bandiat & de la Tardouère pendant l’été i ils ob-
fervent aufii qu’elles font fujètes à des crues extraordinaires
qui couvrent les prairies voifines,
tandis que la Touvre ne franchit jamais les bords
de fon lit : d’où ils concluent qu’elle a une autre
origine.
I! fufSt de bien connoître la Tardouère & le
Bandiat pour refondre ces difficultés. Il eft notoire
d’abord que les gouffres fe rempliffent lors des
inondations , & que plufieurs de ces gouffres ne
peuvent aboutir qu’aux fources de la Touvre. Si
fa capacité des conduits fouterrains qui les tranfmettent
à la fource ne peut pas contenir plus d’eau
qu’elle n’en fournit, il eft naturel que cette rivière
ne franchiffe pas fes bords. En effet, les variations
de cette rivière ne font tout au plus que d’un pied -
& demi, & il eft à croire qu’elles n’ont d’autre
caufe qu’une plus grande rapidité dans le dégorgement
de ces conduits, occafîonnée par la pref-
fion des colonnes d’eau qui y répondent, & qui
font plus élevées lors des inondations. Cette vérité
eft établie par la hauteur du jet dans les fources
de la Touvre, plus forte en hiver.qu’en été.
En conféquence, le volume de cette rivière doit
diminuer en même raifon que la hauteur des eaux
accumulées dans les réfervoirs, jufqu’à ce qu’elle
acquière enfin un cours égal & conftamment fou-
,tenu, malgré les grandes féchereffes de l’été j ce
Iqui arrive vers la fin du printems, & dure jufqu’à
l’hiver fuivant. Le Bandiat & la Tardouère font,
chacune en particulier, plus fortes que la Touvre
lors des inondations, & elles ceffent de couler en
été lorfque le volume d’eau qu’elles contiennent,
eft allez, diminué pour que les gouffres puiffent
,1’abforber entièrement} mais quoique leur cours
foie interrompu à la furface de la terre, il n’eft
pas moins évident qu’on doit le regarder comme
continué conftamment dans les entrailles de la
terre, & qu’elles ne les quittent que dans un niveau
beaucoup plus bas que le niveau de leurs
vallées : d’où il réfulte définitivement-que la Touvre
n’eft réellement que la continuation fouterraine
du Bandiat & de la Tardouère.
Il eft donc très-probable que les bancs de pierres
de fable ont fervi à former des ftratam imperméables
à l’eau, & propres à tapiffer les réfervoirs
des fources' : telle eft la fource de la Tou vre, -&■
telle eft, dans de vaftes fouterrains, la conferva-
tion de la maffe d’eau que les pertes du Bandiat
& de la Tardouère y mettent en réfer ve chaque
jour.
Dans ces mêmes contrées il y a aufii beaucoup
de grottes fouterraines lorfque les voûtes ont été
affez lolides, malgré les vides & les excavations
profondes, opérés par les eaux qui ont pénétré
dans les coucnes faperficielles, & qui y ont trouvé
des débouchés : c’ eft ce que l’on peut obferVer à
Rancogne &: à Cubjac en Périgord. Dans ce dernier
lieu, le haut Vezère fe perd par des iffues
latérales qui communiquent à une longue grotte,
dont l ’excavation a fait tant de progrès, qu’elle
•traverfe toutes les collines qui féparent cette rivière
de la rivière de Fille : aufii, à l’extrémité de
ce fouterrain, remarque-t-on l’épanchement continuel
d’une eau courante dans la rivière de l’ Il-le,
& l’abondance de cette eau dépend de la hauteur
où font les eaux de la rivière de Vezère, & du
nombre d’ iffues latérales qui l’abforbent.
Je renvoie à l’ article l a R o c h e f o u c a u l d
léclairciffement de plufieurs queftions relatives à
la conftitution du foi de toutes les contrées où les
eaux fe perdent d’abord dans les grandes vallées
de la Tardouère & du Bandiat, enfuite dans les
vallons latéraux du Bandiat, qui font aux environs
de Graffac & de Charas, où le trouvent un grand
nombre de vallons fecs.
.J’ajoute les trois grandes ramifications de la
Lifone, q ui, après avoir fait tourner les moulins
de Mallerant, ceffent de couler à Marillac , de
ne donnent de l’eau à la Tardouère qu’après les
grandes pluies.
Enfin, la rivière de Taponnat, qui, après avoir
reçu fes eaux de l’ancienne terre par deux grands
ruiffeaux, fe perd aux Oulières, après avoir fait
tourner le moulin de Beauregard.
J’ai vu à Taponnat & à la Rochefoucauld les
couches de pierres calcaires avec des fentes multipliées,
que j’attribue plutôt à Finterpoiîtion du
principe terreux, qu’à l’effet dé la deflàccation :
ce font, la plupart du tems-, des maffes de pierres
formées par des corps marins d ’un volume très-
confidérable, & peu faciles à fe décompofer par
les Hors de la mer 5 mais comme le principe terreux
eft très-abondant, & qu’il a pu envelopper,
par exemple, les rognons de madrépores, les anaîfi
les s’en trouvent féparées en tous fens par ces intervalles.
Il y a peu de veftiges de lits & d’affifes,
quoiqu’ il y en ait d’affez fui vis lorfque les matières
des dépôts s’y font prêtées, de que les intervalles
terreux ont fait de belles féparations.
Il n’eft pas étonnant, après cela, que les dépôts
des environs de la Rochefoucauld étant interrompus
par des fentes verticales fort larges & profondes
, Feau pluviale ait pénétré Fort bas, & que les
rivières qui traverfenc un fol ainfi conftitué, fe
perdent entièrement par des ouvertures que Feau
a encore agrandies.
Ceci tient d’ailleurs vifiblement à la limite de
l’ancienne terre, qui eft très-peu diftante de la
Rochefoucauld & de Taponnat} car cette ancienne
terre fe montre à découvert àMont-JBron
Sc au pont de Sigoulent. Je fuis en conféquence
; très-porté à croire que ces excavations foutèrrai-
nes font dues en grande partie au brafier qui fert
de bafe aux pierres calcaires dont nous venons
d’expofer la conftitution mal li té e , & qui fe dé-
truifent facilement par des filets d’eau introduits
dans les fentes : de là ces trous, ces entonnoirs,
ces affaiffemens, ces vallons fans iffues , qui font
la fuite des affaiffemens prolongés fur une certaine
longueur.
En fuppofant des couches fuivies de brafier, ôn
voit aifément pourquoi ces eaux, qui difparoif-
fent dans les fouterrains, ne font pas entièrement
perdues, mais vont fe montrer à une certaine diftance,
fous la forme de grofies fources, & dans
des vallées à grands débouchés. .
Toutes ces vérités feront rendues très-fenfibles
dans une carte de notre Atlas, à laquelle nous
joindrons de nouvelles confidérations décifîves.