
ment à ce que nous avons dit fur les eaux courantes
, & qui comprennent ce que nous favons
fur les cours de TEuphrate & du Tigre. Ces fleuves
, qui fe je ttent dans le golfe Perlïque, peuvent
être préfentés ici comme une preuve du fyftème
qui admet pour feuls agens des inégalités de la
l'urface du globe, les eaux courantes auxquelles
nos fleuves ont fuccédé. Ces fleuves fi célèbres,
qui arrofent & vivifient une fi grande étendue de
l'Afie , ont exifié de tout têtus fur ces parties du
continent, mais non pas dans Tétât où ils font aujourd’
hui > cependant on ne peut douter que, dans
les premiers tems qui ont fuivi la retraite des
eaux de la mer, ils n’aient ébauché leurs canaux ,
& ne les aient prolongés, en fuivant les pentes naturelles,
jufqu’à l ’Océan. Les fources des ruif-
feaux & des rivières qui les alimentent, ont été
bientôt contenues dans des baffins particuliers ,
circonfcrits par les pentes qui fubfiftent encore
d’une manière plus décidée depuis que ces lits ont
été plus approfondis..
Le T ig re , comme quelques autres fleuves, offre
dans fa marche cela de particulier, qu’il paffe à
travers la chaîne du mont Taurus. Ayant trouvé
fous cette malle des iffues fouterraines, il n’a rien
détruit de cette chaîne, & paffe par-deffous pour
reparoître enfuite dans la Méfopotamiè.
Il n’en eft pas de même de TEuphrate, qui a
rompu les obftacles qui le retenoient 5 en iorte
qu’ il ne refte plus de ces digues, que les débris que
Ton peut reconnoître à trois journées au deffous
d’Erzerum j où fon lit & fa vallée font tellement
embarra.ffés par une multitude de rochers culbutés,
que la navigation qui fe fait dans la partie fupé-
rieuredu fleuve, devient en cet endroit tout-à-fait
impraticable. C ’eft par ce travail des eaux courantes
que la Méfopotamiè, qui eft une contrée extrêmement
unie St baffe, eft devenue très-peuplée,
parce que les deux fleuves l’ont débarraffee de
la furabondance de fes eaux en fe déchargeant dans
le golfe Perfique. Ce golfe eft une mer ouverte &
une embouchure élargie, tant par les eaux des fleuves,
que par les flots de la mer, qui y éprouvent un
remoux très-violent par la marée. 11 n’eft dorrc pas
étonnant que le golfe Perfique foit devenu une
mer fort large, parce que fes eaux ont été fuccef-
livement expofées à Taélion de deux forces actives
qui fe fuccédoient chaque jour à plufieurs
reprifes. { V o y e % l e s a r t i c l e s E u p h r a t e , T i g r e ,
G o l f e P e r s i q u e . )
N°. III. A n e c d o t e s f u r d i f f é r e n s é t a t s d e s m a t é r
i a u x d e n o s c o u c h e s , a v e c l a f u i t e d e s d a t e s d e
l e u r s c o n ftr u c lio n s .
Toutes les révolutions que nous venonsde découvrir
ayant dû être éloignées les unes des autres de
plufieurs milliers d’années, à en juger feulement par
la diftance du tems où nous fommes, au tems de
la dernière révolution connue, la profondeur des
teins où notre efprit eft obligé de fe plonger,
paroît fi immenfe, fi peu affortie à notre façon
de penfer, qu’il n’ eft pas étonnant que le plus
grand nombre des hommes foit peu difpofé à
croire à ces révolutions dont nous avons cité les
témoins authentiques, & qu’ ils foient naturellement
portés à rechercher tous les moyens d’écarter
ces obfervations & d’en éluder les confé-
quences.
Je dois dire que plufieurs de nos érudits m ont
paru décidés à ne trouver, dans Thiftoire de la
terre, que la révolution unique du déluge j mais
il m’a été facile de reconnoître, i° . que les terrains
dont les bancs couvroient régulièrement
la plus grande partie du globe, & qui y confti-
tuoient le folidè continu de ce que nous connoif-
fons de fa-maffe, étoient d’ une époque bien antérieure
à l’apprôfondiffement des vallées, qui en
ont creufé & filloné la fuperficie 5 20. que dans
. tous les corps qui en contiennent d'autres, com-
pofés eux-mêmes de matières diverfes, on devoir
diftinguer autant d’époques que de parties
; élémentaires ; $°. qu’ il y a deux dates bien dif-
tin&es, Tune pour la deftru&ion de ce qui manque
à nos terrains, & l’autre pour la conftru&ion de
ce qui en refte, & dont les parties les plus en-
! tières ne préfentent aucun Çyftème d’unité & de
fimplicité : d’où je crois qu’on doit fentir la ne-
: ceflîté de renoncer à l ’unité de révolution, & de
| la combattre.
S i, par un fyftème différent de celui qui a été
conftammment adopté par la nature, les lits de
la terre eulfent été rapidement conftruits & accumulés
les uns fur les .autres, & que les montagnes
& les vallées s’ y fuffent formées en même
tems par les dépôts des nuages du déluge, chargés
d’une fubftance laiteufe d’ élémens pierreux, ainfi
que l’imagine le Père de Lignac ( Lewe cinquième
\ à un Américain ) , ces montagnes & ces vallées
auroient eu une difpoiïtion dans leurs formes extérieures
& dans leur maffe intérieure, entièrement
différentes de celles que nous y obfervons j
nous n’y verrions aucun de ces efearpemens extérieurs
que préfentent nos vallées, & dans leur
maffe intérieure aucune fratture, parce que tout
n’auroit été produit que par l’écoulement d’une
fubftance encore molle & liquides en forte qu’il
n’en feroit réfulté , tant au dedans qu’au dehors
des maffes, que l’empreinte de leur moljeffe dans
; le tems de cette unique & fubite révolution.
D ’ailleurs, comment ces nuages affaiffés auroient-
ils formé des bancs diftititts ? Comment une pluie
de montagnes les auroit - elle répandus fur la
terre , de façon qu’ ils fe correfpondiffent tous
régulièrement ? Il feroit honteux de revenir à
l ’unité de révolution par de tels moyens, car
d’ailleurs lJobfervation les détruit chaque jour
fous nos yeux.
Il eft donc évident & démontré par toutes les
dégradations fuperficielles que Ton rencontre à
là furface du globe, que les continens, après la
retraite de TOcéan, & dans l’âge des eaux courantes
qui ont fuccédé à cette retraite, étoient
capables de réfiftance, & aufli folides qu’ ils le font
aujourd’hui, car fi ces eaux euffent couru à travers
de vafes mtilles & de terrains fraîchement
conftruits, elles les euffent entraînés avec elles,
& les euffent portés dans les baffins des mers :
tout auroit été applani j nous n’aurions point’dans
nos vallées, & furtout dans les parties de ces vallées
que les eaux ont frappées de front, nous
n’aurions point de rochers fufpendus & des revers
d’une coupe effrayante. On obferveroit à
tous les coudes, à tous les détours des vallées,
ces étroites lifières de terrains, qui font refferrées
entre les bafes des côtes efearpées & le cours actuel
des rivières, furtout dans les trajets montagneux,
gênés & remplis d’obftacles par les quartiers
énormes de rochers que les eaux torrentielles
ont autrefois détachés des parties fupérieures des
croupes, & qu’elles n’ont détachés que dans ces
détroits. J’ai reconnu même que fouvent ces démolitions
immenfes rempliffoient en partie les cuves
des vallées > qu’elles étoient entaffées fous le
lit même des rivières, où on les trouvoit quand
ôn avoir occafion d’y faire des fouilles pour quelques
travaux, & particuliérement pour la conf-
tru&ion de quelques ponts, gués, digues, &c.
On ne verroit pas çà & là , fur les hauteurs & aii
milieu des plaines, des maffes & des blocs de rochers
d’une nature étrangère à ceux du pays, &
d’autres p i e t r i s p e r d u e s & égarées, rragmens de
collines ruinées par les eaux 5 on ne verroit point
enfin, au milieu des provinces & même fur les
bords de la mer, s’élever des monts ifolés & dés
pics innacceflïbles, où Ton remarqué l’extrémité
de tous les bancs & de toutes les aflifes tranchées
comme dans un rempart démoli.
Si le torrent du Rhin n’eùt pas trouvé, à côté
d’Huningue, une barrière invincible qui a déterminé
fon cours vers le nord, s’ il n’eût pas rencontré
un obftacle fupérieur à fes efforts, nous le verrions
aujourd’hui paffer à travers la France, où fa
dire&ion le portoit j il ifauroit pas fait non plus
tant de circuits en fortant de fes fources, & Ton
ne rencontreroit pas, fur les montagnes des environs
de Bâle &c d’Huningue , les terrains tranchés
& les côtes efearpées qu’il a formés, & qu’ il n’a
abandonnés qu’après y avoir laiffé les traces les
plus frappantes de la violence & de Timpétuofité
de fa marche. On ne vefroit pas, dans la Franche-
Comté , le Doubs fe replier fur lui-même , courir
au nord en quittant fes fources, fautant de cataractes
en cataraCtes, & , après avoir menacé de fe
jeter en Alface, tourner tout à coup & changer
fubitement fon cours pour traverfer les provinces
orientales de la France. C ’eft là qu’on peut voir
écrits, fur tous les efearpemens, les veftiges de la
réfiftance des terrains fous l’aCtion des anciennes
eaux.
Ce n’eft pas lorfque les continens de l’Arménie
& de la Méfopotamiè n’étoient qu’une vafe
molle,que le Tigre courant, voifin de TEuphrate,
a ébauché fon l i t , & s’eft creufé fous la chaîne du
mont Taurus un canal fouterrain : il en eft de
même fans doute de tant d’autres fleuvés & rivières
qui dérobent une partie de leurs cours
dans des cavernes, & qui reparoiffent & fe cachent
quelquefois à plufieurs reprifes. Il eft vifible
que tous ces accidens des cours de nos fleuves, &
que nos fleuves mêmes ne peuvent être que bien,
poftérieurs à la. conftruCtion des contrées & des
chaînes dé montagnes qu’ils traVerfent.
On peut citer un grand nombre de monumens
qui atteftent la même vérité dans les quatre parties
du monde, & la terre entière nous prouve
de toutes parts, par la roideur des côtes , par la
hauteur des efearpemens, par les découpures des
détroits, par les défordres que Ton rencontre affez
fouvent dans la difpofition des bancs, enfin par
toutes lès formes régulières & irrrégulières, tant
de la fuperficie que de l’ intérieur, que dans lés premiers
tems dès eaux courantes torrentielles, les terrains
qui borderit nos vallées, & qui forment leurs
côtes 8t leurs enceintes montueufes, étoient dès-
; lors des terrains folidés, dont la coriftruélion étoic
très-ancienne, & faite èllé-même aux dépens
d’autres maffes encore plus anciennes, & produite
fur des fyftèmes d’organifation différens & avec
des matériaux d’ une toute autre nature.
Je ne fuis pas le feul qui ait analyfé lés obfer-
vatidns d’ après ces vues, & qui en ait tiré ces con-
féquencés, car les écrits des naturaliftes qui fa-.
I vent voir avec méthode, n’ont pas d’autres voies ;
c’eft celle de la raifon exempte de préjugés. 11
eft naturel de penfer que les dérangemens arrivés
aux montagnes compofées de bancs & de lits font
d’une date bien poflérieure aux agens & aux cir-
conftances qui ont concouru à la conftruélion de
ces bancs > que ces dérangemens ne fe font opérés
que lorfque les bancs & les rochers des montagnes
avoient déjà une grande confiftance.
D’ailleurs-, puifqu’il s’agit de dates , nous ajouterons
ici les coquillages pétrifiés, ainfi que tous
les autres foffiles du genre animal & végétal, qui
font les monumens d’après lëfquels on peut déterminer
les époques de ces différentes révolutions î
ils dépofent furtout bien clairement, i° . que la
formation des montagnes ne remonte pas jufqu’ à
l’antiquité la plus reculée -, i° . que tous, les bancs
compofés de? coquillês ou de leurs débris ont
été formés d’un limon & d’une pâte molle primitivement
, puifquè lés coquillages s’y font mêlés}
30. que les bancs des collines & des mon-
tagries fe font élevés à raefure que s’opéroit la
génération dés coquillages qu’ ils renferment }
40. enfin, que les mélanges & l’ intime union des
coquillages avec les rochers bouleverfés prouvent
que les uns & les autres ont été expofés
, aux mêmes accidens, foit par rapport à-leùr com