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Ces obfervateurs, voyant enfin que la plupart j
des rameaux de ces vallons nJaboutirent qu’à des
culs-de-facs profonds, qui ne font furmontes d’aucune
plaine confidérable, reftent tous les trois
perfuadé's que les eaux qui ont dégradé ces trois
vallées, n’ont pu avoir leur principale & première
origine que dans ce plateau où font les pendans
des eaux.
D’ailleurs, ils y ont vu que lorfque les directions
des eaux courantes ont varié, l'afpeâ & la
déclinaifon des côtes ont varié en même raifon.
Ainfi, celles dont la pente eft au midi, comme la
T ille , la Venelle, la Vingeanne, le Saulon, Si plus
bas la Saône & le Rhône, ont tous leurs bords
efcarpés , tournés vers les foramets de Lan grès,
& préfentent leur afpeâ vers le nord. Ceux dont
la pente eft vers le nord, comme le Rognon, la
Suize , l’Aniou, & la Marne avec la Seine dans
la partie fupérièure de leurs cours, préfentent
de même à l’ eft leurs côtes dégradées, & regardent
les mêmes fommets de Lan grès ; enfin tous
les bords déchirés de h vallée de la Manche font
tournés vers le même plateau de Langres & regardent
le midi. Je vais plus loin , & je dis que
les différens ruiifeaux-qui fe jettent dans ces vallées
, Si qui coulent vers le levant ou vers le
co u ch a n to n t toutes leurs côtes efcarpées, fi-
tuées à l’oppofite des courans d’eau, & fous l’ afpeâ:
du fommet particulier d’où les eaux defcèn-
dent j que non-feulement tous les afpeâs varient
comme les direâions du cours des eaux, mais
que dans chaque direâion ils font toujours les
mêmes j en forte que cette variété confiante & régulière
d'expofition fe fait remarquer depuis les
fommets généraux & fecondaires qu’ on peut parcourir,
dans ces vues, en France & dans les pays
étrangers.
Je conclus, de tous ces faits, que les eaux des
pluies font le principe aâif, foit par les fources, fo it ;
par les torrens, qui a imprimé une figure Si un
^apport régulier à toutes les côtes qui bordent les
vallées de nos fleuves Si de nos rivières, & que
c e r agent continue encore, dans bien des cir-
conftances, ce même travail, t’émoins les inondations
qui couvrent nos vallées, &c.
A mefure qu’on aura examiné plus en détail
toute cette économie de la diftribucion des eaux
courantes à la furface de la terre, & qu'on aura
fuivi la régularité de leurs effets ,* on trouvera
que dans les premiers te ms il y a eu des pentes
primitives,qui ont déterminé la marche des eaux,
& qu’en même tems des efpèces de barrière l’ont
çirconfcrite : on reconnoîtra que les eaux qui ont
formé les vallées des fleuves & des rivières qui
coulent au nord, ont trouvé leur point de partage
au midi ; que la nature y a fixé l’origine de leur
mouvement j qu’il en eft de même des eaux des
rivières & des fleuves qui ont leur direâion au
midi: le principe de leur marche fera au nord ,
à un fommet au-delà duquel ces eaux n’ont pu fe
porter , Si fur le revers méridional duquel leur
marche a été primitivement déterminée.
Ces différentes barrières, qui ont décidé du
cours des eaux, fe trouvent indiquées fur toutes
les cartes où eft tracé le cours des fleuves & des
rivières à la furface des continens, dont l'hydrographie
eft bien connue, Si furtout fur les cartes de
France,où ces beaux détails fe trouvent figurés avec
une grande exaâitude. Pour connoître la route des
anciens torrens, il ne faut confulter que la forme
des terrains à découvert aujourd’hui. Ainfi , l'on
ne peut admettre le fyftème de ceux qui, à une
certaine époque fort ancienne, ont cru pouvoir
châtier, par des courans imaginaires , dii fond des
Indes orientales, les coquillages, les animaux Si
les plantes étrangères que nous trouvons maintenant
enfevelis dans les couches de la terre, en
différentes contrées de 1 Europe. Ainfi , les courans
qui ont fillon.é lès vallées du Bourbonnois,
du Berry, de la Touraine, n’ont pu venir de l’Ef-
pagne : on voit de même que ceux qui ont creufé
!a vallée du Danube n’ont pu venir de l’Arménie
ni de la Perfe ; mais comme c’eft dans les
fommets des Alpes qu’il faut chercher l’origine
des fources du Danube, c’eft aufli dans le V elay ,
dans l’Auvergne, la Marche, Si dans le Limou-
fin, qu’il faut chercher la vraie Si la feule origine
des eaux courantes du Bourbonnois, du Berry Si
de la Touraine. On voit que, dans ces premiers
teins, les eaux defeendoient des fommets élevés
comme elles en defeendent encore aujourd'hui,
Si que les eaux courantes qui en réfultoient, pro-
> duifoienr partout, comme dans notre tems, des.
démolitions confidérables : peut-être qqe dans ces
tems anciens l’état de l’atmofphère comportoic
des pluies plus abondantes, & des eaux courantes
d’une plus grande force & d’une plus grande énergies
mais l’état ancien, qui a précédé l ’état aâuel,
ne paroit pas exiger la fuppofition d’autres cau-
fes extraordinaires, feulement des agens, comme
je l’ai d it, d’une certaine force. Il a pu régner
de plus fréquentes inondations à la fuite des va-?
peurs qui s’amonceloient dans l’atmofphère, Si
dès-lors nos vallées ont pu s'ébaucher Si s’approfondir
plus promptement, parce que les eaux
concentrées dans des lits fixes Si déterminés ont
attaqué les coteaux avec plus d’avantage, & les
ont efcarpés par des progrès plus accélérés j mais
l’on doit toujours fuppofer que ces eaux ont trouvé
la fuperficie de la terre à peu près comme elle
eft aujourd'hui; que les points de partage du mouvement
de ces eaux étoierit les mêmes qu’ils font
maintenant ; qu’ ils avoient la même fuite, la même
\ liaifon & direâion qu’ ils ont encore; que les b at
fins où les eaux fe jetoient, quoique moins décidés
& moins creufés qu’ils ne font, avoient à peu
près les mêmes limites ; en un mot, qu’ ils étoient
dans la même poûtion, à l’égard des points de
partage, puifque la route que ces eaux courantes
ont fui vie pour fe porter des lieux hauts dans les
lieux inférieurs, eft la même à peu près que fui-
vent encore aujourd’hui nos fleuves & nos rivières.
Et enfin, puifque toutes les démolitions Si les
deftruâions ont vifiblement des rapports inconte
fiables avec la diftribution des eaux courantes
& avec la difpofition des fommets, telle qu’elle
fe préfente à la furface de nos continens , il s’enfuit
que ce n’eft point dans le baiïin de la mer
que ces vallées ont été creufées, comme le pen-,
fent quelques phyficiens ; que quand les fonds des
anciennes mers font devenus nos continens fecs,
ce n’a pu être que par des accidens & des mou-
vemens dans la ma fie totale du globe; en forte
que les mafiifs des anciens dépôts foufmarins ont
dû, après la retraite des eaux de l’Océan, pré-
fenter les pentes & les niveaux primitifs de leur
formation, comme nous l’avons dit d’abord, car
la pofition des couches horizontales nous prouve
que ces dépôts ont confervé le niveau de leur
formation.
Revenons maintenant aux formes régulières que
les eaux courantes ont produites dans toutes nos
vallées. Si difcutons-les encore plus en détail.
Si l’on fuit une de ces vallées comme je l’ai fait
moi-même, & que l’on examine le cours d’une
des grandes rivières de France, depuis fa fource
jufqu’àfon embouchure, on remarquera que, dans
toutes les finuofités Si les replis que forment les :
deux chaînes de côtes qui la bornent, les revers
les plus efcarpés font toujours expofés à fon cours
d ire â ; qu’ils font déchirés Si dépouillés, non-
feulement au pied où peut couler aujourd’hui la
rivière, mais cent, deux cents & trois cents toifes
au deffus du niveau des eaux courantes aâuelles ,
Si du point où arrivent les plus grandes crues aux-
quelles elles peuvent être fujètes. On remarquera
de même que les revers oppofés ou plans inclines
de cette même fuite de côtes , & tous les terrains
qui n’ont pas été expofés de front, au courant
des eaux, font partout couverts de bonne
terre ou de terre femblable à celle des dépôts
de la rivière, parce que le fil de l’eau courante,
en tombant de front fur une rive qu’il démolif-
fo it, alloit dépofer plus loin les débris qu'il en-
traînoit : c’eft dans ces endroits où les eaux ont
le moins d’agitation & dé cours, que les vafes
& les matières légères, chariées par les courans,
fe portent continuellement, & qu’elles augmentent
fans ceffe les lits de terre dont ces plans inclinés
font recouverts. Jamais ces fortes de revers
ne font rudes & efcarpés, mais toujours
alongés en* pente très-douce, & arrondie circu-
lairement par leur bafè. Leur fertilité augmente
à mefure qu’ ils fe trouvent plus éloignés du El de
l’eau, Si diminue infenfiblement lorfque la vallée
change de direâion : les terres d’ailleurs font plus
ou moins légères, plus ou moins fabloneufes, plus
ou moins pierreufes ou graveleufes, fuivant que les
lieux qui ont reçu ces dépôts, ont été plus éloignés
du courant. Cette difpofition refpeâive des lieux
fertiles ou infertiles eft la même dans les hauteurs
comme dans les bas, parce que les eaux courantes,
à quelques niveaux qu’elles fe trouvaient dans les
vallées, ont toujours agi contre les bords efcarpés
d’un cô té , pendant qu’elles dépofoient de l’autre
fur les extrémités des plans inclinés.
Il eft aifé de reconnoître que les eaux courantes
, tant dans leur plus grande énergie que dans
leur cours aâuel, ont eu la même marche que nos
moindres ruiflèaux. En faifant reculer un bord
efearpé au pied duquel le courant couloit avec
force, il abandonnoit le plan incliné oppofé, en-
fuite il fe portoitconrre le bord efearpé de l’autre
bord, Si pendant qu’il le démoliffoit, il dépofoit
les débris fur le revers incliné de l’autre rive.
C ’eft ainfi qu’en o (cillant d’une rive à l ’autre, le
courant détruifoit alternativement le bord efearpé,
Si augmentoit le bord incliné. ( Voye^ dans
/’Atlas la figure des angles faillans & rentrans.') Te l
a été le travail uniforme de ces eaux courantes, &
c’eft par cette marche fuivie Si confiante, qu’elles
ont formé dans toutes les contrées de la terre ,
& furtout dans les pays de montagnes & de collines
élevées, ces amphithéâtres de rochers coupés
à pic fur plufieurs centaines de toifes de hauteur,
& tous vis-à-vis des plans inclinés, couverts
de terre, qui fouvent n’annoncent que la fertilité
& l’abondance.
C ’eft furtout aux confluens des rivières que fe
font formées les plaines les plus grades, aux dépens
des terrains fupérieurs. Les vallées s’élargif-
fant toujours au deffous de la jonâ ion des rivières,
les vafes, pour lors entraînées avec moins de
rapidité, y ont trouvé des eaux mortes Si des re-
moux, à la faveur defquels elles fe font dépofées ;
| Si fuivant la difpofition des lieux Si la direâion
des eaux courantes, ces dépôts ont affeâé toutes
les differentes figures repréfentées dans la planche
de l ’Atlas y où font deflinées les différentes com-
binaifons des confluences poffibles qui fe rencontrent
dans la nature, fuivant les contours des différens
bords des vallées & les angles de leur incidence.
Les moindres ruiffeaux qui tombent dans
nos grands fleuves, ont produit suffi des phénomènes
de formes afféz. femblabîes ; mais en général
les ’dépôts de ce genre, que j’ai eu occafîon
d’obferver, ont prefque toujours été placés dans
la plus petite vallée, parce que lés forces des
deux courans étant inégales , le plus puiffant fai-
foi t refluer les vafes Si les fables dans celui d’une
moindre force. Il faut dire cependant que les
pentes rapides du plus petit ruiffeau ont fouvent
changé ces réfultats ; mais voyez l’article C o n f
l u e n c e , où toutes ces circonftances feront ex-
pofées dans le plus grand détail.
Maintenant il fuffit de reconnoître ainfi les bords
efcarpés des vallées Si des canaux quelconques,
pour s’affurer qu’il n’y a eu que des eaux courantes
qui aient produit toutes les inégalités de la furface