à 1a tête du pré ; il eft déjà quelquefois tout
formé par la Nature, & il n’ eft alors befoin que
d'une éclufe;, d'un batardeau ou arrêt pour donner
entrée à l'eau. Si le pré eft confidérable & que
l'eau ait un long trajet à parcourir , on garnira le
fond du canal de gravier > il tient l'eau fraîche &
pure, & non-feulement il l'empêche de fe charger
de parties terreufes, mais encore il l'en débar-
ïaffe. Cette précaution eft plus ou moins néceffaire
pour les maïtreïTes rigoles.
Le canal d’introdu&ion eft celui qui amène
l'eau dans l'intérieur du pré, & particuliérement
le long de la partie Supérieure, pour que de là
on puifle la conduire où l'on voudra , fuivant le
befoin, & fuivant le fyftème que l'on aura cru
-devoir adopter pour la diftribution générale des
eaux d'arrofement.
C e canal ne doit point déborder, à moins
qu’il ne ferve en fnême tems de rigole ou de canal
d'arrofement. Souvent il eft formé par la
difpofition naturelle du terrain 5 fouvent aufli ,
lorfque l'eau eft introduite dans le p ré , elle y
rencontre le canal de dérivation, qui s'abouche
au canal d'introduétion pour fournir de fuite
aux rigoles. Si la prairie n’eft pas trop large ,
le canal de dérivation borde la prairie du haut
en bas 5 fi elle a beaucoup de largeur , on mu P
tiplie les canaux de dérivation de manière que
la diftribution foit bien égale, bien entendu que,
fi la prairie a des pentes en plufîeurs fens, on
s’affujettit le plus qu’il eft poflible aux irrégularités
du terrain.
Si l’eau coule naturellement le long de la pente
générale de la prairie, comme cela a lieu fouvent,
on eft difpenfé de faire un canal de dérivation 5 les
canaux d’arroferrent fuffifent pour-lors.^
Le canal de- détente eft celui qui reçoit l'eau à
la fortie de l'étang, lorfqu’on lâche les eaux &
que la bonde eft ouverte.
Les rigoles font les ramifications qui partent du
canal de dérivation ou de celui qui en tient lieu.
Lorfque- le canal de dérivation occupe le milieu
du p ré , on conçoit aifément que les rigoles
font doubles, & verfent également à droite &
à gauche.
Ces rigoles ont tin^pouce & demi de profondeur
dans les terres fortes, & feulement un pouce
dans les terres légères} elles o n t, outre cela,
huit à neuf pouces de largeur vers leur embouch
u re , & vont en diminuant à mefure qu’elles
s ’éloignent du tronc. Elles font tirées au cordeau
à trente ou cinquante pieds de diftanee , fuivant
la légéretévOU la force du-terrain : dans les .terres
fortes , on ne leur donne prefque point de pente,
& en cela la Nature favori fe fouvent l’exécution
de ce principe, parcë que les terres fortes occupent
ordinairement les ; fonds des vallées, où
la . pente eft fort douce J au lieu que les te-res
légères dominent fur les croupes, où les pentes
/ontbien plus rapides. .
Lorfque le terrain a beaucoup de pente, on ne
fait prefque point d’ouvertures aux rigoles.
Un principe général qu'on doit inculquer aux
ouvriers chargés de préparer tout ce qui fert à la
diftribution des eaux, c'eft que toutes les tranchées
doivent être faites avec régularité, netteté
& précifion.
Pour former les rigoles, on.a des efpèces de
bêches fortes, pefantes, armées d'un long manche
, allez femblables aux haches dont les charpentiers
fe fervent pour parer les poutres ap-es
qu'ils les ont dégrofîies. Lorfque le gazon eft
tranché des deux côtés le long du cordeau, on
je détache avec une bêche garnie de f e r , que
l'ouvrier poufiè devant lui entre deux terres.
On fe fert aufli d’ un grand couteau avec deux
douilles, au moyen desquelles on y emmanche
deux perches : un ouvrier tire à lui celle qui eft
de fon c ô té , pendant que l'autre ouvrier tire
1. elle qui eft du lien. Le gazon fe-coupe ainfi le
long du cordeau, avec beaucoup de propreté 8c
de célérité j enfuite on le détache, comme nous
l'avons dit ci-deffus.
Le canal de décharge eft celui q u i, en tout tems,
reçoit le fuperflu des eaux , ou même !e ruiffeau
en entier, & par un canal direét lorfqu'il ne convient
pas d’arrofer. Ce canal a pour P o rdinaire une
éclufe pour mefurer ou pour écarter les eaux. Le
canal de dérivation lui-même, lorfqu'il a une iffue
commode dans fon origine, peut fervir de décharge
; quelquefois même , fuivant les circonf-
tances favorables de la forme du terrain, le canal
de conduite,ou d'introdu&ion en fait la fonction.
O.n voit par-là qu’il eft queftion de Amplifier,
autant qu’il eft poflible, la marche des eaux, pour
les rendre à leur "direction primitive. - -
Les canaux de repos font des foliés ou tranchées
qui coupent tranfverfalerhent le pré, &
qui ont un peu plus de largeur 8c de profondeur
que les rigoles ÿ ils fervent à porter furtout les
eaux fur des endroits trop élevés pour que les
rigoles puilfent y atteindre : on les emploie dans
les prairies qui offrent des pentes en plufieurs
fens, & on leur donne le moins de' courbure
qu’il eft poflible.
Les canaux■ de reprife font ceux qui partent des
canaux de repos. Leur diftribution dépend des
inflexions que peuvent avoir les canaux de re pos,
d’où., ils fortent „modifiés parles pentes du
terra’n.
Les canaux d'écoulement font des foffes plus ou
moins profonds, placés au deffous des prairies,
& -où le rendent les eaux après qu’elles ont fervi
aux arrofernens. Ils peuvent avoir une communication
plus ou moins intime avec les canaux de
defféchemenr dont on -a parlé plus haut.
L e s étangs fervent, dans l’irrigation, à raffem-
bler les eaux, à rompre leur impétuofité, à les
porter fur la hauteur d’un pré fort incliné, ou
même plus loin» à corriger, comme nous l'avons
expliqué ci-deffus, des eaux de mauvaife qualité,
& à y délayer des fumiers ; quelquefois il
eft plus commode de placer ces engrais le long
du canal de détente. L’eau fortant avec impétuo-
fité de l’étang, entraîne ces matières avec elle ,
pour peu qu’on favorife ce tranfport, en les remuant
à mefure.
Les étangs font indifpenfables lorfqu’on a des
eaux gralfes ou des égouts de fumier qui méritent
d’être diftribués avec la plus grande intelligence
& ménagement.
Les eaux qui fe partagent entre particuliers,
exigent aufli la conftruétion des étangs, tant pour
profiter en tout tems de fon droit, que pour en
augmenter le bénéfice.
Ils font aufli néeeffaires pour empêcher que
les eaux des grands chemins ou d’autres égouts
ne faiiffent l’herbe dans le tems que les prés font
en fleurs, & aufli pour retenir le limon qu’on a
loin de.répandre fur les endroits des prairies qui
en ont befoin.
Enfin, les étangs fervent à ramaffer les eaux
fucculentes qu’on charie au printems fur les prés,
dans, des tonneaux, où ces eaux ne peuvent être
conduites autrement. Pour conftruire ces retenues
d’eau ou étangs, on s’ y prend de cette
manière. : .
Le fond eft battu, glaife ou p a v é , fuivant les
lieux 5 le pourtour eft aufli glaifé.
Le pavé eft battu à plufieurs rofées 5 & à défaut
ou refus de demoifelle, on arrofe à chaque
fois.
Le corroi de glaife du fond ou des côtés doit
5V/vi Un i l i i d’épaiffeur. La glaife fera ferme ,
ductile , point fabloneufe ; elle doit- s’alonger
Iorfqu’on veut la rompre, & paroître huileufe
~~ 8raffe lorfqu’on la manie. C ’eft la terre dont
fe fervent les tuiliers, les briquetiers, les potiers,
8cc. Pour préparer la glaife , on la coupe
deux ou trois fois avec la bêche ou le tranchant
de la houe ; on la bat enfuite, & on la pétrit
avec la^ tête d’un outil. Pendant ces opérations,
on y-répand de tems en tems un peu d’eau, &
on 1 emploie en la foulant & la preffant à pieds
nus , lit par l i t , fans y laifler aucun intervalle.
-L a terre qui environne le corroi, aura une
epaifleur & un talus proportionnés à la preflion,
a-la largeur, a la hauteur de l’eau contenue dans
1 étang. L’angle doit être depuis quarante degrés
& au-deffous. Lorfqu’on en a la facilité, on fait fur
le devant un mur de maçonnerie en châux maigre.
Si 1 on manquoit de terre glaife, on pourroit faire
u-iage de bonne terre noire, mêlée de terre graffe
ordinaire & de fumier gras & conformité : ce
mélangé forme un corroi fort bon, & qui fe pétrit
tfes-bien. ^ r
korfqii on n’a en vue que l’drrofement, il faut
qne le baffin puifle fe remplir en douze ou en
vsngt-quatre heures au plus, & qu’on l’ouvre
à volonté. On a cherché à épargner cet affujet-
tiffement d’ouvrir & de fermer l’étang lorfqu’ il
eft plein , en faifant fervir l’eau même de l’étang
à cette opération.
L’étang n’ a ni bonde ni pâlie pour retenir les
eaux } mais au bout extérieur d’un tuyau de
fontaine qu’on place au fond pour les vider , on
adapte, avec une charnière, une foupape de bois
amincie, doublée de feutre ou de peau.
Cette foupape eft attachée à la partie inférieure
de l’orifice du tuyau, de manière que ,
Jorfqu’elle eft appliquée & prefiée contre le trou
du tuyau, elle le bouche exactement, fans laifler
paffer une feule goutte d’eau.
Pour tenir la foupape en cet é ta t, on place
vis-à-vis & à fa hauteur une bafcule de bois de
chêne, de trois à quatre pieds de longueur ,
pofée fur des pivots qui roulent fur deux pieux
folidement plantés en terre. A la partie antérieure
de cette bafcule, on fixe fur deux pivots
un rouleau de bois dur, de trois pouces de diamètre
& de quatre ou cinq pouces de longueur.
L’extrémité antérieure de cette bafcule eft creufée
en cuiller, & placée au point de la chute da
l’eau , q u i, lorfque l’étang eft plein , s’échappa
par un tuyau au deffus de la chauffée. Le cuille-
ron fe remplit alors , & baiffe ; la foupape n’étant
plus retenue , s’ouvre ; l’eau de l’étang fait
une preflion violente , & l’ouvre toujours davantage.
Dès que l’étang eft vide, ou qu’il n’y a
que peu d’eau , la bafcule reprend d’elle-mêma
fa fituation horizontale, & referme la foupape*
& le fermier, affuré d’ un fervice pareil , dirige
l ’arrofement en ouvrant ou fermant les rigoles
Pour empêcher que l’eau, en entrant dans l ’étang,
ne le creufe ou né le dégrade , on prend
la précaution de la faire tomber fur une plancha
qui en rompt l ’effort > & fi le baflin eft grand *
& qu’on craigne que le vent n’agite l’eau & ne
forme des ondes capables de dégrader la chauffée
de l’étang , il faut placer quelqu’abri, une toile
ou un filet pouf rompre les vagues. Malgré ces
précautions, il faut fouvent conftruire & réparer
les chauffées, les digues, les batardeaux, les arrêts
8c les éclufes.
Les batardeaux fe font fouvent à peu de frais 1
quelquefois on trouve fur les lieux de groffes
pierres, q u i, rangées à travers des ruiffeàux ,
fuffifent pour arrêter le cours de leurs eaux, 8c
les élever à une certaine hauteur. D’autres fois
il ne faut qu’ une pièce d’arbre qui les traverfe :
on peut aufli former un batardeau avec une grilla
de bois de chêne, dont les vides fe rempliffenc
avec de groffes pierres.
Enfin , une feule éclufe qiïioccupe le lit des
ruiffeaux, peut en retenir l'eau & en favorifer la
conduite, fuivant les differens befoins qu’on en a.
A ces éclufes il faut joindre celles que nous
avons appelées éclufes £ introduction. Ce font des
portes qu’on ouvre ou qu’on ferme au befoin ,