
qui y font attachées : ce bâton eft toujours pré-
i'enté comme un gage d'amitié & un iigne de paix.
N’oublions pas leur étrange coutume de fe fendre
la lèvre inférieure j ce qui leur donne la monf-
trueufe apparence de deux bouches. Dans cette
fente*ils placent un morceau d’os ou de coquille
en forme d’ornement. Cette coutume s’étend jusqu'aux
Mofquites, très-éloignés d’eux, même jusqu’aux
Brésiliens} mais elle paroît inconnue dans
les autres contrées de l’Amérique.
ïl me refte à citer les différentes coutumes qui
peuvent nous conduire fur les traces & vers l’origine
de cette peuplade. Ils peignent , par exemple,
leur vifage, & pointillent ou tatouent leur peauj
ils font d’une propreté remarquable dans leur nourriture
& dans la manière de la prendre, comme
dans l’entretien de leurs vaiffelles : également
propres & décens fur leur perfonne, ils ne fe Salifient
ni de graiffe ni de couleur, & en cela ils
paroiffent faire une exception unique parmi toutes
les autres peuplades de la côte nord-oueft.
Ils ont deux fortes de bateaux : les uns larges,
ouverts & capables de contenir vingt hommes}
ils font faits de peaux d’animaux marins, tendues
fur des côtes de bois } comme les vitilta navigia
des Bretons-, ou Semblables au bateau de femme
des Groënlandais & des Efquimaux. Ces canots
font exactement conftruits comme ces derniers;
feulement ils ont plus de largeur : quelques-uns
ont deux ouvertures circulaires pour admettre
deux hommes qui fervent à ramer. Outre cela,
leurs armes pour laq>êche ou pour la chaffe des
quadrupèdes font parfaitement les mêmes que
celles des Groënlandais.
R i v i è r e de C o o k .
Du détroit du Prince Guillaume la côte fe dirige
au nord-oueft, & fe termine par deux promontoires
appelés le Cap Elifabeth & le CapBede. Ces
deux caps, avec le cap Banks fur le rivage op-
pofé, forment l'entrée dans la vafte embouchure
de la rivière de C o o k , au milieu de laquelle font
des îles nues , diftinguées par le nom de barren
(ftériles). En dedans, à l’oueft, eft une haute montagne
à deux fommets , appelée le Cap Douglas,
dans le fein de laquelle un volcan enflammé vo-
mifloit une fumée blanche à l'époque où cette
contrée fut vifitée : elle fait partie d’une chaîne
de montagnes- fort élevées. Dans le fond d’une
baie oppofée eft une île formée par une haute
montagne, à laquelle on a donné le nom de Mont
Saint -Augufiin. L’embouchure de la rivière de
Cook eft ici d’une grande largeur qu’elle doit
en partie à une baie qui, à l’oppofite du mont
Saint-Auguftin , s’enfonce profondément vers
l’eft.
L ’embouchure de la rivière de Cook eft d’une l
longueur & d’une étendue confidérable. La rivière |
commence entre la pointe de VAncre & le rivage
| oppofé, où elle a trente milles de large, avec un«
, profondeur confidérable & un jufant très-rapide,
i Fort loin, dans l’intérieur, le canal fe récrécit &
| n’a plus que quatre lieues, ouverture où fe préci-
, pite une marée prodigieufement forte, & agitép
| comme les vagues qui fe brifent contre les rochers.
La marée mon toit dans ce canal refferré à
| vingt-un pieds de hauteur. On l’a examinée juf-
! qu’à foixante-dix lieues de l'entrée, latitude 61
degrés 30 minutes, &: longitude 210 degrés, &
: l’on a trouvé fes bords plats, marécageux, avec
quelques bois clair-femés, jufqu’ à ce qu’ ils parviennent
au pied des hautes montagnes. Vers le
nord la rivière fe divife en deux grands bras}
celui qui eft à l’eft s’appelle Tum-Again ou la ri-
, vière Retournés ; la première eft large d’üne lieue,
& navigable par les plus grands vaiflfeaux jufqu’à
l'endroit où on l’ a remontée , l’eau continuant
d’être toujours très - faumâtre. On a fu depuis
qu’elle borne fon cours affez près de là , & qu’il
ne s’y fait aucune navigation, quoiqu’on ait trouvé
qu’ic i, comme dans le détroit du Prince Guil-r
laume, les Indiens poffédoient des grains de verre
& de grands couteaux de manufacture anglaife,
que la compagnie de la baie d’Hiidfon y envoie
annuellement en quantités confidérables, pour
fervir à l’échange des pelleteries avec les naturels >
qui partent de fort loin dans l’eft pour gagner les
etabliffemens anglais. La compagnie envoie aufli
des vafes de cuivre & d’airain : ce trafic fe fait
par les tribus intermédiaires.
Depuis la rivière Retournés jufqu’ à la partie la
plus voifine de la baie d’Hudfon y il y a 55 degrés
où feize cents milles. Mais de la partie occidentale
du lac Arapatefcow, qui eft intermédiaire, il
n’y a que 16 degrés ou environ fept cent cinquante
milles : il ne fë décharge d’autre eau de ce
vafte la c , que celles qui fe rendent dans la baie
d’Hudfon.
Les habitans des bords de la rivière de Cook
diffèrent très-peu de ceux du détroit du Prince
Guillaume. Us avoient des chiens, des loutres de
mer, des martres & des lièvres blancs, avec une
abondante provifion de faumons & d’holibuts.
A l A s C h K A.
Lorfqü’on quitte l’entrée de la rivière de Cook
on apperçoit le cap Saint-Hcrijiog'ene, découvert
par Bering, c’eft une île haute & dépouillée, d’environ
fix lieues de circuit, & féparée de la côte
par un canal large d’une lieue : il eft fitué à la
latitude de 58 degrés 15 minutes, devant la vafte
péninfule d’Alafchka, qui fe préfente entre l’embouchure
de la rivière de Cook & la baie de
Brifiol, laquelle borne fon ifthme. Sa pointe eft dirigée
au fud-oueft, & continue ie croiflant formé
par les îles Aleutianes , qui traverfent la mer
depuis Kamtchatka.
Alafchka eft le feul nom que les naturels aient
donné au continent de TAmériqUe. La terre à
l oueft de la rivière de Cook s’élève en montagnes,
dont les fommets, en cônes tronqués, font
très-ferrés enfemble. La côte eft fréquemment ef-
carpée, & les rochers s’en détachent brufquement
fous la forme de caps arrondis. Au devant s ©tendent
un groupe d’îles& des amas de petits rochers
à fleur d'eau. En un mot, la contrée Se le rivage
offrent l’image de plufieurs débris dont les caufes
font aifées à indiquer.
Parmi les îles, celles de Shoumagin font les plus
confidérables : elles ont reçu leur nom de là fépul-
ture qu’elles ont donnée à un homme de l'équipage
de Bering3 le premier qu’il eût perdu dans
ces mers. La principale eft la plus reculée vers
l'oueft, & fe nomme Kadjak : elle peut avoir cent
veilles de longueur, & depuis vingt jufqu’à trente
de largeur > & d’après la relation de plufieurs voyageurs
qui l’ont vifitée, elle eft fort peuplée. Les
habitans partaient un langage différent de ceux
d'Oonalashka : il a paru à ces voyageurs, qu’il étoit
une dialeCfce-du groënlandais. Ils nommoient leurs
boucliers de bois kuyaky 3 apparemment parce qu ils
refîèmbloient à un kaiak ou petit canot, mot groënlandais
qui défigne cette efpèce de bateau, & ils
fe donnoient le nom de Kanagifii, comme les autres
infulaires fe donnent celui de Karalit. Ils ont
aufli le bateau de femme, comme les habitans du
détroit du Prince Guillaume. Dans le fait, ils paroifient
être le même peuple, mais plus raffiné. Us
étoient armés de piques, d’arcs, de flèches & de
boucliers de bois. Leurs chemites étoient faites
de peaux d’ oifeaux ôc aufli de peaux de la mar-
mote fans oreilles, de renards, d’ours marins &
de quelques poi fions. On y à vu des chiens, des
ours, des loutres de l’efpèce commune, & des
hermines. Leurs logemens , faits de planches ,
avoient depuis quinze jufqu’à vingt braffes de longueur,
& étoient couverts de chaume & de gazon
féché au fojerl. L'intérieur étoit divifé par com-
partimens drftingués pour chaque famille, & cha- ;
que compartiment étoit tendu proprement par des 1
nattes. Le jour y étoit introduit par des ouvertures
pratiquées dans la toiture, & couvertes de chaflis
fur lefquels étoient étendues les membranes d’ in-
teftins féchés, & qui faifoient l’ office de vitraux.
Cette nation paroiffoit avoir été plus loin que fes
voifins dans .cette méthode d’ introduire le jour,
fans être expofée à FaCtion de l’ air froid dudehors.
Us cravailloient leur tapis par une méthode très-
curieufe : un des côtés étoit garni de poils de çaftor
très - ferrés v Les peaux de loutres de mer qu’ils ’j
offroient aux Rufies pour la vente étoient en quel- !
ques endroits tondues ras avec des pierres tranchantes,
en forte qu’ elles avoient acquis par-là un
certain luftre qui leur donnoit l ’éclat du velours.
L’ île eft compofée de collines mêlées de plaines
& de terres baffes : elle abonde en bulbes, en racines
& fruits fauvages, qui fervent de nourriture
aux habitans. Outre les arbuftes il y a dans
cette île des arbrés affez gros pour etre creufes
en canots capables de contenir trente/perfonnes.
Cette efpèce do bateau fait une différence entre
eux & les Groënlandais.
En face de i’extrém.té de la péninfule a A lafchku
eft l’île d’Holièut, latitude 54 degrés : elle s’ élève
en montagne pyramidale à une grande hauteur a
l’oppofite du détroit refierré & peu profond, qui,
eft entre l ’île d’ Ojnemaka &c Alafchka. On voit
fur le continent la chaîne dé montagnes s élever à
d’énormes hauteurs 3 couvertes de neige, & parmi
ces fommets plufieurs cônes tronqués & très-arrondis
: un d’eux vomifioit des tourbillons de fumée
-noire à une grande élévation, qu enfuite le
vent chaffoit devant lui, & qui formoit une queme
& une traînée d’ une vafte étendue. Ce volcan eft
à la latitude de 54 degrés 48 minutes j longitude
occidentale, 195 degrés 45 minutes.
L’extrémité à’Alafchka finit par fe trancher^ a
pic, & l'on voit en face de cet efcatpement l’i f
i appelée Oonemak ou Ùnmak, d une largeur a peu
près correfpondante, féparée d’elle par un canal
étroit & peu profond, fitué à la latitude de ƒ4 degrés
30 minutes, & conduifant à la baie de Brifiol.,
Ce canal n’eft acceflïble qu’ aux chaloupes ou aux
très-petits navires. L’île a cent verftes de longueur,
& fept à quinze de largeur : au milieu de fon fein
il y a un volcan enflammé. Dans les parties baffes,
environnantes, font plufieurs fontaines chaudes
& même jailliffantes. Les habitans des environs
en font ufage pour cuire leur poiflbn & leur viande
: ils aiment aufli à fe baigner dans celles dont
la chaleur eft tempérée.
A l’oueft font les petites îles à’ Oonella d’A -
coatan, & à une^très-petite diftance on voit Oona-
laska ou Agkoûm-Alaiska, nom qui a évidemment
rapport au continent. On donne à cette île vingt
verftes de longueur, & de dix à dix-huit verftes
de largeur. C ’eft la plus éloignée des colonies ruf-
fes, qui ont aujourd’hui des établiffemens dans la
plupart des îles fituées entre l ’Afîe & l’Amérique.
Le voyage depuis Ochotsk ou Kamtchatka dure
trois ou quatre ans, & on né l ’entreprend que
pour avoir des peaux de loutres de mer. Peut-être
d’autres raifons pourront, dans quelque teins, les
engager à établir des colonies dans le continent
de l’Amérique5 & les bois de charpente pour-
roient être un de ces motifs j car leurs Etats du
nord de l’Afie & leurs îles n’en produifent point.
A préfent ! .# naturels de ces îles n’ont que'des
\ canots couverts de peaux , & ils n’ en doivent
même les côtés ou flancs qu’ au hafard du bois
flotté. Ils reffemblent aux Efquimaux dans leurs
; habillemens & dans leurs armes, & leur langage
! eft un dialeéte de cette nation : ils font plutôt
! petits que grands, ils ont le cou court, le vifage
baCané & plein, les yeux noirs & de longs che^
j veux noirs & pendans. La mode de porter des
I plumes ou des morceaux de bois à leur nez eft en
i ufage dans Qonalaska. Hommes & femmes fe
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