
parlé, n’eft pas des plus profondes > c’ eft pourquoi
la chaleur n’ y eft pas auffi grande que dans d'autres.
Le thermomètre, placé dans les appartenons,
y e ft, pendant les mois d’é té , à 11 degrés : il
monte jufqu’ à 12 & demi au plus chaud du jour;
ce qui fait une différence de 1 degré & demi. Dans
l’hiver il monte jufqu’ à 14 & 16 degrés, lefquels
peuvent être confidérés comme des points fixes
pour tous îles! ans! Qdoique cette température ne
foit pas fort différente de celle de Guancavelica,
elle produit des effets fort fenfibles fur les animaux
& les végétaux; de forte que, quand on
arrive'à la moitié de la côte, on s’apperçoit des
mouvemehs de la dilatation de l’ air fort lenfible-
ment. Toutes les parties de l’organifation ne fe
correfpondant pas avec une égale célérité : on
' éprouve quelque fuffocation plus ou moins confi-
dérable, qui s’annonce par des bourdonnemens
'd’oreilles, une dureté de l’ ouïe, une formication
aux extrémités du corps, & autres affeétions analogues.
O r , ces accidens viennent fans doute de
ce que le fang fe dilate avec promptitude, fans
que les vaiffeaux aient le tems de fe diftendre au'ffi-
tôt dans les mêmes rapports^. Les habits avec lefquels
on vient de l’autre climat font bientôt trop
pefans, incommodes, & l’on cro it, à cet égard,
être forti d’un hiver pour entrer fubitement dans
un printems. Ce changement a lieu dans un efpace
de huit lieues de diftance de l’une de ces contrées
à l’autre, & l ’on peut faire ce chemin en moins
d’heures & même en moins de tems. 11 ne faut,
comme on v o it, que ce tems-là pour paffer des
gelées à la chaleur , ou de l’hiver & des froids rigoureux
à un été dont les chaleurs réellement
modérées n'en font pas moins fenfibles pour ceux
qui fe trouvent habitués au froid climat de l’autre
contrée placée dans une fituation oppofée.
Les productions de la terre font, comme je l’ai
prouvé à l’article A b r i , le thermomètre & la j
règle de fes températures. Dans les contrées froi- j
des, comme à Guancavelica, il ne croît que des j
papas ou des pommes de terre. L’orge y vient, mais
feulement en herbe, fans produire de grain. Aucune
efpèce d’arbre fruitier n’y réuflit; mais l’orge produit
fon graih à Ifeüchaca. Le bléy vient auffi, fans
même excepter le maïs, qui demande plus de chaleur
que le blé : on y voit des faules, des cèdres
& autres: efpèees. d’arbres. Les croupes ou les
flancs de des collines font couverts d'arbriffeaux
qui ne fe voient point dans les terrains élevés.
La chaleur* augmente à proportion que les terrains
s’àbaiffent ; de forte qu’eliey devient fi con-
fiiérable , que la canne à fucre y croît très-bien.
O r , cette plante demande beaucoup de chaleur
pour parvenir à fa maturité. Les arbres des climats
chaüds y donnent toutes fortes de fruits.
Tels font les platanos, les pignas , \es.palias y les
guabas & toutes fortes de racines'& de légumes.
Les faifons fe trouvent diftinguées; dans ces]
profondeurs ou vallées, niais fans qu’ il y ait u n e£
grande différence enfr’elles j malgré cela l’air y
eft, le matin , avant le lever du foleil, plus froid
qu’il ne l’ ett ordinairement dans le rapport d’une
température du printems ; quelquefois même on
y voit geler en été ; ce qui" fuffit pour nuire aux
plantes, quoique ces gelées ne foient pas fortes.
On y éprouve donc, comme on voit, les quatre
températures de l’année dans le court efpace de
quelques lieues : ic i, ce' font les froids rigoureux
ae l’hiver 5 là, les délices du printems fans y fentir
les incommodités de l’automne; d’un autre côté,
ce font les chaleurs accablantes de l’été; enfin,
l’on y voit toutes les productions de la zone torride.
Mais les faifons font ici dans un ordre ren-
verfé : l’on y a l’été lorfque le foleil eft le plus
éloigné du zénith, comme nous l’avons déjà dit:
dès qu’ il s’en eft le plus rapproché, l’hiver fe fait
fentir. On doit conclure de là que la nature n’eft
pas alfujettie à des règles fans exception, & qu’elle
s’eft réfervé des moyens pour s’affranchir de ces
règles fans interrompre l’ordre néceffaire de tout
le fyftème.
; Nous voyons donc qu’ à une diftance de dix
lieues, efpace le plus grand qui fe trouve entre
les hauts & bas pays de l’Amérique méridionale,
les faifons font entièrement oppofées. Ce phénomène
eft fingulier fans doute, & l’on doit le con-
fidérer comme une des chofes les plus extraordinaires
de ces contrées. La différence de hauteur
& les profondeurs qui s’y trouvent renfermées,
& qui font à l’abri des courans d’air, peuvent bien
être la caufe du plus ou moins de froid & d’une
chaleur plus fenfible; mais l’ordre renverfé des
faifons eft un phénomène bien fingulier. L’hiver
dure, dans les terrains bas, depuis le mois de juin
jufqü’en novembre; ce qui correfpond au tems où
le loleil parcourt les lignes de l’hémilphère fep-
tentrional. Mais que, dans le même tems, l’été
règne dans les pays hauts fans qu’il y ait une plus
grande diftance que la pente rapide des monts fur
lefquels on peut fe rendre en fept ou huit heures ,
c'elt un phénomène auffi incompréhenfible qu’il
l’eft de faifir la raifon pour laquelle la nature a
diftingué ces deux contrées, au point qu’on n’y
voit rien de femblable. Les nuages continuels 6c
les bruines amènent l’hiver dans la partie baffe. Les
nuages, les pluies, les neiges le font auffi régner
dans la partie haute. Mais c ’eft tout le contraire
à l’égard de l’été.- Ainfi il réfulte de ceci que.,
quand l ’été eft clair en bas, il eft obfcur en haut,
6c de cette manière les faifons fe trouvent oppofées
les unes aux autres.
La foibleffe des vents du fud, & quelquefois
leur ceffation totale pendant plufieurs jours, donne
lieu à la formation du nuage qui couvre le foleil
dans la partie baffe. Comme il.11’y.a point de vent
qui en agite l’a ir, les vapeurs humides qui s’élè-
.vent de la terre s'arrêtent dans l’atmofpbère : ce
nuage, qui n’eft jamais auffi élevé que la partie
haute de la terre, Ce. tient à une hauteur moyenne.
déterminée. Les vents du fud, qui font continuels
dans ces mers ( on les appelle ainfi quoiqu’ils
foient fud-ouejl) , perdent leur force dans la région
baffe de l’atmofphère, & la confervent dans celle
qui eft plus ,élevée. Comme ils parcourent lin
efpace fupérieur aux nuages, ils1 fe trouvent au
niveau de la partie haute, & la- trayerlen.c fans
aucun obftacle : de cette manière ils empêchent ,
non-feulement qu’il ne s’y forme des nuages, mais
même ils les diffipent, parce qu’ils y font conftans
& qu’ils les pouffent vers la partie oppofée. Quand
au contraire il règne dans les bas pays, lés vents
fe portent avec force immédiatement à leur fu-
perficie, diffipent les nuages, de manière que le
ciel eft clair. Ces vents ne s’élèvent plus alors autant
qu’il faudroit pour balayer la partie haute.
Ceux de terre régnent pour lors de difterens cotés,
& permettent ainfi aux nuages de s’épaiffir & de
s’amaffer : d’où il réfulte des pluies. Mais comme :
l’air eft fort raréfié dans cette contrée, il en îé-
fuite le froid qui y eft ordinaire en tout tems; & ;
•de là vient que ce qui devroit tomber en eaun eft ;
quelquefois que de la grêle ou de la neige, fou-
vent de la grêle mêlée avec l’eau.
Les. vents du fud produifent, dans cette contrée
, les effets qui rélultent des vents du nord dans
l’hémifphère feptentrional : ils netoient 1 atmof-
phère , &c font froids, parce qu’ ils viennent des
parties méridionales, & que le foleil eft alors a la
plus grande diftance du zénith. Toutes ces eau fes
fe réunifient donc pour produire du froid. Voila
auffi pourquoi on fent du froid à l’ ombre, & de
la chaleur quand on eft au foleil. Les gelées y dur-
ciffent la terre en refferrant fes pores. La réfie chon
des rayons folaires doit être alors plus forte que
quand ils tombent fur une fuperficie dont les particules
font écartées. C ’ eft vifibiement à. cette
caufe qu’il faut rapporter la plus grande aéfivké
du foleil de punas : il y eft même plus infupportable
que dans les terrains tempérés ou chauds, fur lefquels
les corps font dilatés & plus poreux que dans
l’autre cas : outre cela, le froid refferrant pareillement
les pores des corps , les rayons folaires
n’excitent point de tranfpiration ; & l’effet de la
chaleur du foleil eft beaucoup .plus fenfible dans
les parties extérieures, qu’elle brûle & qu’elle
rô tit, que dans les zones qui font réellement
chaudes.
Une autre propriété du foleil de punas eft que,
dans le tems même qu’ il paroït briller & qu’il eft
impoifible d’en foutenir l’aébion fï l’on refte tranquille,
il ne fait pas fuer, même lorfqu’on s’agite
le corps. La caufe. naturelle de ces effets fingu-
liers eft le froid qui fe maintient dans l’air, & qui
refferre les pores au point de rendre la tranfpiration
très-difficile. Ainfi l’on fent en même tems
la chaleur que caufe la réfie&ion des rayons Tolai-
res, & le froid qui eft naturel à la légéreté de.cette
atmofphèije. Cette contrariété de température
dans le même tems met les corps dans un état
violent, 8c c’eft alors qu’on éprouve les accidens
dont nous avons parlé ci-deffus, 8c auxquels on
fentiroit du foulagement fi l’on pouvoit tranfpiter
comme dans les pays chauds.
ILparoît donc qu’ il ne faut pas chercher d’autres
caufes que les vents du fud & la manière dont
ils régnent dans ces contrées, pour rendre raifon
de l’ordre renverfé' des faifons de ce pays-là, &
des hivers froids qui fe font fentir au milieu de la
zone torride, entre l'équateur & le tropique du
capricorne; hivers qui ne devroient point s’y rencontrer
fi l'on ne confidéroit que la proximité du
foleil. Mais comme fen influence eft modérée par
d’autres caufes, la chaleur eft très-foible dans les
lieux où elle devroit être continuelle, relativement
à celle qu’on éprouve dans d'autres contrées.
Les differentes hauteurs des terrains 8c les abris
des quebradas ou vaftes vallées y font caufe de la
difparité des températures, quoique les faifons
n’ y paroiffent pas dans un ordre renverfé, comme
dans la partie baffe.
La température de la Louifiane eft beaucoup
plus chaude en été que celle des terrains bas du
Pérou & des quebradas de la partie haute; malgré
cela ce n’eft qu’avec difficulté que la canne à fucre
y croît, tandis qu’elle réuflit, comme nous l’avons
d it, dans ces autres contrées : cela vient de ce
qu’elle n’a pas, dans la Louifiane, le tems néce£
faire pour arriver à une maturité parfaite pendant
l’é té , qui y eft interrompu par les gelées & les
froids alternatifs de l'hiver. Elle ne fouffre pas ces
alternatives dans ces autres contrées; car il n’y a
pas tant de diffère nce entre l’été & l’hiver. Comme
il ne faut que trois ans. pour la faire arriver au
terme de maturité, la température d’hiver, qui
peut furvenir, n'y eft point préjudiciable. Il n’en
eft pas de"même dans la Louifiane ; car il y fur-
vient, entre deux étés, des gelées qui, féchant
cette plante, arrêtent les progrès de la végétation.
Ainfi cette plante ne peut prendre d’aecroif-
fement qu’en été.
La nature fuit toujours un certain ordre régulier
dans fes opérations, en employant des moyens
tout contraires, 3c femble rapprocher les uns des
, autres des climats fort éloignés. On éprouve alternativement
à la Louifiane des jours fi chauds en
hiver,qu’on pourvoit les regarder comme des parties
de l’été des autres contrées ; mais on n’y voit
pas en é t é ,ces jours alternatifs de gelée; car le
tems y e ft, comme je l’ai d it , dans une continuelle
viciflïtude de chaleur & de froid. Il arrive
la même chofe dans l’été de la partie haute du
Pérou ; les jours de gelée, qui y font ceux de l’été,
! fofit interrompus par des jours d’hiver, félon le
ftyle du pays ; car dès qu’ il ceffe de geler, on y
voit de la pluie, de la neige, de la grêle; ce qui
eft le caractère de l’hiver dans ce pays , & la température
y eft dans une alternative pareille à celle
dé ces autres contrées. Ce qu’il y a de particulier
ici n’eft pas qu’une température ceffe pour être