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Forment l'enceinte delà plaine fort largeà'AgnanU j
elles font pelées & incultes. L’afpeêt des coteaux
difperfés dans cette plaine annonce un pays riche
•& fertile, quos dives Agnania pafcit. Les oliviers,
les vignes, les prairies en font un payfage orné i
qui contraire avec les croupes du fond, qui ne font
peuplées que de foibles arbrilfeaux très-rares :1a
plaine eft coupée par les rivières de Valmontone
& de Caftelleto.
En montant fur la butte d’Agnani, nous trouvâmes
quelques fources qui fortoientde quelques-
unes des couches dont nous avons indiqué le détail
ci-deffus, mais les plus abondantes fortent au
deffous de quelques maffes de travertin affez étendues.
Je ne doute pas que ces eaux n'aient contribué
& ne contribuent encore à la formation de
ces dépôts.
La chauffure des hommes & des femmes à
Agnani eft en brodequins de cuirs affez mal tannés.
Les tabliers des femmes font des morceaux
de ferges fans aucuns plis, ainfi que les jupons.
C e qui nous a paru contribuer principalement
à la fertilité des coteaux d’Agnani, ce font les
débris de la décompofition du brafier ou de la
pierre de fable , mêlés avec les marnes} Ainfi la
terre végétale, n'étant formée que de ces principes,
doit être d’un bon produit.
Dans la plaine, c’ eft un mélange de terres cuites
avec celle des coteaux, dans certaines proportions
très-variables : d’où il réfulte un fol très-meuble
& propre à toutes les productions dont nous avons
fait mention.
Il eft affez étonnant que la plaine qui occupe
l’intervalle confidérable qu'on rencontre entre les
montagnes à couches inclinées de pierres calcaires,-
offre feule les produits du feu, & que le maffif
des matières fondues & cuites foie très-épais,
pendant que le feul coteau où eft établie la ville
d'Agnani, fait une exception au milieu de ces dépôts
immenfes. La difpofition horizontale qu'ont
prife toutes les matières volcanifées, peut avoir eu
pour principe, ou l'écoulement des matières en
fufion, ou les eaux torrentielles des rivières que
nous avons traverfées , ou celles de la mer, qui fe
feroient répandues dans cette plaine dont elles
auroient fait un golfe, ou ladiftribution primitive
des matériaux brûlés en place. Il paroît affez difficile
de concevoir l'écoulement des matières fondues
fur toute cette fuperficie, quoiqu'elles fe
trouvent placées au deffous des croupes de l’extrémité
orientale de la chaîne de Frefcati. En général
, le centre de ces courans de laves eft affez
difficile à trouver. SI les eaux torrentielles ont
fait ce travail, elles auront etifuite détruit leur
propre ouvrage en creufant les vallons dont nous
avons parlé 5 ce qui n'elt pas fans exemple.
D ’un autre c ô té , les couches horizontales calcaires
qui font près de Caftelleto, prouvent que
la mer a fait une invafion dans cette plaine, & y
a féjourné affez long-tems ppur avoir difperfé &
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| diftribué par couches, par lits , les matières cuites
& fondées. On voit au pied des couches calcaires
inclinées des dépôts qui annoncent bien cette dernière
invafion, & qui font pareilles à ceux de
Tivoli.
Au refte, la détermination de toutes ces cir-
conftances , qui ont chacune leur probabilité ,
comme je le ferai voir par la fuite, demanderait
un grand nombre d’obfervations , tant dans cette
contrée que dans d’autres. J’infifterai fur chacun
de ces moyens, fuivant que l’occafîon s'en préfen-
tera par la fuite de ce voyage.
A la hauteur de Lofteria de la Signa nous apper-
çûmes, le' 14 novembre, des amas de neigesfur
les fommets les plus élevés de la chaîne occidentale
de l'Appennin.
On parcourt, depuis Agnani jufqu'à Fioren-
tino, une plaine dont le fond eft un tuf calcaire
ouoftéocolle, mêlé de travertin en différens états :
ce fond eft recouvert d’une terre végétale calcaire,
fort meuble , mais très-peu épaiffe 5 cependant
elle m'a paru bien cultivée & d’un bon produit.
Le tuf préfente des couches qui occupent
certaines parties de la plaine à découvert : elles
font terminées & circonfcrites par des rebords
efearpés. Il y a même en tuf des efpèces de murs
qui coupent la plaine, & qui paroiffent plus ou
moins élevés au delfus de fon niveau : ce font
les anciens canaux où l’eau, chargée de tous ces
principes terreux , a coulé autrefois, & qu'elle a
revêtus de couches additives qui ont élevé fon
lit. Tout ceci annonce bien vifïblement fon ouvrage
& des dépôts de nouvelle formation, faits
par les fources qui s’échappoient des grandes montagnes
& qui s'extravafoient dans la plaine.
AGNANO Ç Lago £ ). Ce lac eft confédéré ,
ainfi que celui d'Averne , comme occupant le
cratère d’un ancien volcan : il a un demi-mille
de diamètre, & l’eau en bouillonne de tems en
teins en quelques endroits de fon rivage, fans
qu’elle foit chaude. 11 s’élève aux environs de ce
lac des vapeurs ardentes, qui dénotent la pré-
fence d’un foyer de chaleur fouterraine. Les étuves
de San-Germano font voifines de l’endroit où l’on
obferve le plus fréquemment des bouillons. Il eft
donc naturel que cette chaleur dilate l’ air & le
force à s'échapper à travers l’eau} *ce qu’il ne
peut faire fans-former des bulles. L'eau n'en acquiert
pas un certain degré de chaleur, parce que
le feu eft apparemment à une grande profondeur.
Il y a près du cap PaJ/ero3 en Sicile, un lac fulfur.
reux, dont les eaux froides bouillonnent comme
celles du lac Agnano. Il fuffit d'obfer.ver atténti-
vement les environs de ce lac & les différentes
maffes de laves fort élevées qui en forment l'enceinte
d'un côté, pour être convaincu qu'il n’oc-
çupe pas le cratère d’un ancien volcan ; car prefque
toutes ces maffes de laves qui y aboutiffent, entre
antres celle deffous laquelle fe trouve la grotte
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du Chien, font des courans qui viennent d'ailleurs,
& dont il feroit facile de reconnoître l’origine fi
l’on av.©it l'habitude d’apprécier les changemens
arrivés dans les maffes qui peuvent appartenir aux
différens centres d’éruption fort anciens} changemens
q u i, la plupart du tems, ont fait difpa-
roître les formes anciennes des cratères, comme
je l’ai expliqué aux articles Cratère , Epoques des
Volcans & Lacs.
Les environs de ce lac font infeétés de mauvais
air en été i auffi la plupart des habitans de ce can-
ton l’abandonnent-ils pour fe retirer alors vers la
montagne desCamaldules, & éviter dans ces lieux
élevés les effets de ce mauvais air.
C ’eft dans ce lac que l ’on jette les chiens qui
font afphixiés par les vapeurs de la grotte du
Chien} cette immerfion rétablit leur refpiration
interrompue par l’air fixe.
AGRAIRES ( Climats ) . , . ,
On n’a pas fait attention à cette grande vente ,
que les abris 3 joints à la nature des fols, ont décidé
, en France comme partout ailleurs, les différens
genres de cultures. Comme c’eft fur ce
fondement que j’ai fuivi & diftingué les climats
agraires, ;il fout montrer que j’ai trouve en cela le
fecret de la nature & celui de l ’art. ^ ^
Si nous tirons une ligne depuis Genes jufqu a
Saint-Sébaftien, dans la province de Guipuicoa
en, Efpagne, en traverfant les contrées méridionales
de la France, nous y trouverons cinq grands
climats différemment fitués fous le même degré de
latitude , & que nous diftinguerons ici par une fuite
de produ&ions très-remarquables par tout voyageur
qui parcourroit rapidement chacune de ces
contrées. _ , ,
Le premier de ces climats eft le pays des orangers
des oliviers & des vignes : il occupe toute
l’étendue de la rivière du Ponent, & depuis Genes
jufqu’ à Toulon on y voit les orangers en pleine
terre & l’on n’ en trouve plus dans le relte de la
Provence ni dans- le Languedoc. Comme cette
culture eft précieufe & lucrative , il eft a croire
que l’ on a fait plufieurs tentatives dans les lieux
voifins de ceux où elle eft établie, & que fi elle
n’y eft pas introduite, c’eft une preuve 311e le .
climat ne l’a pas permis & que les effais n y ont
pas réuffi. A Toulon, par exemple, les orangers
font cultivés dans les jardins ; mais les rigueurs de
l ’hiver leur feroient fouvent funeftes n on ne les ,
en garantiffoit avec foin par des abris artificiels.
Mais à Hières ,• qui' n’ en eft éloigné que de quelques
lieues, à Grafié, à V ence , à Cannette, a
Nice, à Monaco & en plufieurs endroits de la
rivière du Ponent jufqu’a Gênes, 1a culture des
orangers eftfolidement é tablie,& l’arbre natura-
lifé dans tout ce trajet. L’expofition de ce climat
eft au fud, le long du bord de la Méditerranée &
prefqu’ à fon niveau. Les montagnes qui fervent a
l'abriter & à le garantir uèsrcomplétement des
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vents du nord , font peu éloignées de la cote &
coupées prefquà pic 5 auffi d o it-on conuderer
toutes ces croupes comme faifatot fonction d espaliers
contre les ventlf du nord & les collateraux.
J’ajoute que ce premier climat n’occupô
qu’ une bordure d’une largeur fort peu étendue.
Je ne dirai pas ici que la nature de la
végétale contribue au iuccès de la culture d^$
orangers ; car elle change depuis Toulonjufqu A
Fréjus, où le fol offre un malfif de talcite vol-
canifé i enfuite il redevient calcaire, ainfi qu'avant
Toulon. Ainfi l'on ne peut attribuer un effet
confiant, à une caufe auffi variable.
Ce n'eft pas non plus parce que ces cantons
font plus au midi i car j’ai obfervé qu a .Rome
même les orangers ne. réufliffent pas en pleine
terre , comme à Nice & aux environs d’Hieres,
Je le répète : la circonftance qui me paroît la
plus favorable eft la manière dont ces contrées
font abritées contre les vents froids. ^On voit
aifément que cette longue lifière de cotes a la
mer au midi ; mais outre cela elle eft immédiatement
adoffée contre des montagnes efearpees,
qui non-feulement y concentrent la chaleur, mais
encore la garantirent des vents du nord. Ce pays,
comme je l’ ai déjà d it, doit être confidéré comme
un efpalier exporë au midi.
Il eft bon d'obferver d’ ailleurs que, dans cette
lifière abritée , il eft des endroits qui jouiffent
plus que lés autres des avantages de l'efpalier, &
que ce font ces points favorifés du ciel ou 1 oranger
profpère. Il y en a quatre au plus en Provence
, que j'ai déjà indiqués : ce font les environs
d’Hières, cèux de Cannette, de Craffe
& de Vence. L’on v o it, en examinant bien ces
pays à orangers, que ce ne font pas de vaftes
plaines couvertes de cet arbre, mais des parties
de plaines les mieux abritées, non-feulement des
vents du nord, par des montagnes élevées qui les
entourent.de tous côtés & les garantirent du nord
& du nord-oueft par des prolongemens de collines
collatérales. Ce font là les lieux privilégiés
où l’on plante les orangers en pleine terre.
Le fecond climat eft le. pays-des oliviers & des
vignes, fans orangers. Tout le fol qu’il-occupe
eft également expofé au m idi, & s abaiffe vers la
Méditerranée : il diffère du premier en ce que les
hauteurs qui l’abritent contre le nord, font plus
éloignées de la cô te , & que le terrain où fe trou- .
vent ces cultures a beaucoup plus de largeur &r
offre des plaines affez étendues.. Je l’ai fuivi en
Provence, .depuis -Toulon & Marfeille jufqu’au
Rhône, & depuis le Rhône jufqu'à Carcaffonne,
Ainfi la même température tègne dans tout c»
pays qui-eft couvert d’oliviers. Il ne s‘en trouve
plus après Carcaffonne , & même ceux qui font
dans fon voifinage y réufliffent fort mal. De même,
fi l’on parcourt ce pays dans l’intérieur des terres,
on lui trouve dans la vallée du Rhêne 1* ville d»
MonteUmai t pour limite.