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L île à'Atooi produit du fruit à pain, plufieurs
efpèees de bananes & différens végétaux. On y
trouve des cocotiers, des ignames, des arbres di-^
vers, entr’autres celui qu’on appelle dooe-dooc, fi
utile à Otaïti , parce qu’il donne des noix hui-
1 eûtes, qu on embroche' a une efpèce de baguette,
& qui tiennent lieu de chandelles. Les infulajres
des îles Sandwich en font le même ufage. On y
apperçoit de plus des. plantes utiles, d'autres qui
font odoriférantes, & quelques-unes Qu’o n n a -
voit point encore rencontrées dans les différentes
terres de 1 Océan pacifique. Les plantations font
bien entretenues ƒ celles où l’on cultive le mûrier-
étoffe font foignées avec une propreté extrême.
Les oifeaux. égalent en beauté tous ceux que
1 on ccnnoit dans les terres de la mer du Sud :
leurs efpèees. ne font pas très-variées j mais on
n entrera dans aucun détail fur cette agréable
production de la nature.
Les poiffons que la.mer procure font peu diver-
fifiés, & ne méritent aucune defeription particulière.'
Les cochons, les chiens, les volailles, font les
feuls animaux domeftiques, & font de la même
efpèce que fur les îles de la mer Pacifique.
La taille des naturels du pays eft moyenne , &
leur flature rebufte ; en général, ils ne font pas
remarquables par la beauté de leurs formes ou par
le caractère de leur phylîonomie. Leurs traits annoncent
de la franchifé & de la bonté, plutôt que
de la vivacité & de rintelligence : leur vil'age ,
furtout celui des femmes, eft fouvent rond ; mais
il eft aulfi fréquemment alongé, & on ne peut pas
dire qu’une coupe particulière dans la face diilin-
gue la peuplade. Leur teint eft prefque d’un brun
de noix ; & cette couleur ayant des nuances di-
verles, il eft difficile d ’employer une comparaison
plus exaéte : celui de quelques individus eft plus
Foncé. Les femmes présentent des formes plus délicates
que les hommes. Au refte, en admettant
un petit nombre d’exceptions, elles ont peu de
ces avantages de figures qui les diftinguent dans
les autres pays. Les deux fexes fe reflemblent plus
i c i , en effet, par la taille, le teint & la mine, que
fur la plupart des terres où l ’on aborde dans ces
parages. Les infulaires àé Atooi néanmoins font
bien éloignés de la laideur, & l’on rencontre peu
de difformités naturelles parmi eux. Leur peau
n’eft ni douce ni luifante, peut-être parce qu’ils
ne la frottent pas d’huile de cocos, comme les
habitans des îles méridionales : la chevelure de la
plupart eft lifte, mais quelquefois bouclée. On
voit peu d’ individus qui aient de la corpulence,
& l’on trouve plus fouvent de l’embonpoint parmi
les femmes que parmi les hommes : c’eft furtout
chez quelques-uns de ces derniers qu’on remarque
quelques difformités corporelles , & les individus
qui offrent une forte de beauté font de la
clafte des jeunes-gens.
Iis paroiftent doués d’un caractère franc &
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joyeux, & fi l’on veut établir des comparaifons,
on dira qu’ils n ont ni la légère té inconftante des
Otaïtiens, ni la gravité tranquille des habitans de
Tongataboo, On juge qu’ils vivent entr’eux d’une
.manière très Sociable , & excepté la difpofition
au v o l, qui femble naturelle à la plupart des insulaires
d..- l’Océan pacifique, ils prodiguèrent à
l ’illuftre Cook les marques de la plus grande amitié.
Leur étonnement à lafpeCt du vaiffeau du célèbre
navigateur, leur admiration fur tout ce qui
frappoit lturs regards, leur furprife à la vue des
diverfes marchandises, éclatoient également dans
leurs phyfionomies & leurs geftes, & prouvoient
qu’ils n’avoient reçu la vifite d’aucun Européen >
ce qui donne une bonne opinion de leur intelligence
, & ce qui ne doit pas trop nous enorgueillir.
Lorfqu’ils virent les différens articles des manufactures
d’Europe, ils témoignèrent leur fur-
prife avec un mélange de joie & d’ intérêt, où l’on
appercevoit les réflexions humiliantes qu’ils iai-
fqjent fui l ’imperfcCtion de leurs ouvrages. Dans
toutes les ocoafions ils parurent pénétrés du fen-
timent de leur infériorité. Cette manière de fe
rendre juftice eft d’autant plus eftimable, que chacun
connoït l ’orgueil déplacé du Japonois civilité
ou du fauvage Groënlaraois.
On obServe avec plaifir les foins & la tendrefie
des mères pour leurs enfans, & avec quel empref-
fement les hommes les aident dans ces attentions
aimables : ils font donc à cet egard bien fupérieurs
aux peuplades groflîères, qui regardent l'es femmes
& les enfans .comme des chofes plus néceflfaires
que defirables ou dignes de foins.
L’art de nager leur eft très-familierj f s fendent
l’onde avec une vigueur, une legéreté & une habileté
extraordinaires : la caufe la plus légère les
détermine à abandonner leurs pirogues ; ils plongent
par-deflbûs, & ils fe rendent fur d’autres
embarcations très-éloignées. On voit fouvent des
femmes qui portent des enfans à la mamelle , fte
jeter au milieu des flots lorfque le reflac eft fi fort
qu’elles ne peuvent atteindre le rivage fur leurs
pirogues, & traverfer unefpace de mer effrayant,
fans faire de mal à leurs nourriffons.
Tous les ouvrages mécaniques de cette peuplade
annoncent une grâce & line adreffe peu
communes. Leur principale manufacture eft celle
d’étoffes ÿ ils tirent leurs étoffes du morus papy ri-
fera. Le tiflfu de l’étoffe, quoique plus épais, eft
inférieur à celui des étoffes des îles de la Société
ou des îles des Amis j mais les infulaires d’Atooi
développent une fupériorité de goût dans l'application
des couleurs & des peintures., & ils en
varient les deflins avec, une richeffe d’imagination
furprenante. En voyant un certain nombre de pièces
de ces étoffes, on fuppoferoit qu’ils ont pris
leurs modèles dans une boutique remplie des plus
jolies toiles de la Chine & de l’Europe j ils ont
d’ailleurs des deflins qui leur font particuliers.
Outre les étoffes bigarrées, ils en ont de toutes
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blanches, & d’autres d’une feule couleur : celles-
ci font d’un brun-foncé ou d’un bleu-clair.
Ils fabriquent une multitude de nattes charmantes.
Leurs inftrumens, leurs vafes, leurs ar-
înes, préfentent une perfection de travail qui
étonne un ouvrier d Europe, avec toutes fes
connoiffances dans l ’art du deftin, & la multitude
& la commodité de fes inftrumens, ne pourroit
Sûrement rien faire de plus élégant ou de mieux
poli. ( Foyeç San dw ich -( lie s ) .)
ATRABOLOS. Cette ville de la Syrie a pris la
place de 1 ancienne Tripoli. La campagne qui
I environne , préfente des jardins remplis de tontes
fortes de fruits j elle eft arrofée de divers ruif-
feaux qui defeendent du Liban. Lorfque le tems
eft calme, on apperçoit fur le bord de la mer, &
dans la mer même, plufieurs fources d’eau douce
excellente. Diverfes circonftances bien examinées
autorifent à croire que ces fources ont leur origine
ou leur réfervoir commun dans une grotte
qui eft à une lieue à l’e ft, car cette grotte eft remarquable
par des amas d’eau, qui, après avoir concouru
a fon excavation, fe perdent dans la grotte
même. Effectivement, les grottes qui abforbent
les eaux courantes des ruiflfcaux ou des rivières
accompagnent toujours à quelque diftance les
fources ou les fontaines abondantes, comme je
l’ai remarqué dans d’autres articles.
ATTERRISSEMENS. Ce font des dépôts de
terre ou de fable qui fe font par degrés le long
des rivages de la mer ou fur les bords du lit des
fleuves , & particuliérement à leur embouchure.
II y a deux fortes àl atterrijfemens : les i#»:s dont les
matériaux font apportés & dépofés par les eaux
courantes des fleuves j les autres refoulés par les
flots & les vagues de la mer contre les terres. La
maflTe des atterrijfemens s’élève & devient d’autant
plus confidérable, qu’on approche davantage de
l ’embouchure des fleuves, parce que la mer, retardant
la vitefie de l’eau, tavorife ces dépôts.
Les dépôts que la mer fait fur fes bords font
formés des matières queles fleuves voiturent dans
fon baffin, & que les courans portent le long de
ces bords. Ces dépôts s’accumulent tellement,
qu’ ils deviennent de fortes digues, infurmonta-
bles aux flots de la mer. De tout tems le Rhône
a porté dans la mer de quoi former des atterrijfe-
mens très-étendus fur les côtes de Languedoc : le
Danube tend journellement à combler le Pont-
Euxin dans tous les environs de fon embouchure.
Chez les Anciens, le Delta, ainfi nommé à caufe
de fa figure triangulaire, a toujours été regardé
comme un atterrijfement du N i l, favorifé par la
mer. De grandes parties de la Hollande paroiftent
être l ’ouvrage de la Meufe & du Rhin. R-en eft
de même de la grande île fituée à l’entrée du
fleuve Amour, dans la mer orientale de la Tar-
tarie chinoife. La campagne de Fer rare paroît due
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aux atterrijfemens du Pô des riv’ères du Modé-
nois & du Bolonois : Venife & Ls îles qui l'entourent
, paroiftent tenir leur fol des atterrijfe-
mens du Pô & de l’Adige. ( Voyez BuFFON &
T erre. )
Je pourrois en dire autant de plufieurs contrées
de l ’Amérique, qui font formées par 1-s fleuves.
On verra par la fuite , que la bafe du Miftiflipi,
comme d’une grande partie des côtes de laGuiane,
font dues aux dépôts de l’Amazone & des fleuves
des environs de Cayenne ; qu’enfin plufieurs Deltas
de l’ Indoftan fe prolongent tous les jours aux,
embouchures du Sinde, du Gange & du Buram-
potter.
Confédérations générales fur les atterrijfemens des
côtes de la Méditerranée dans le golfe de Lyon.
De toutes les côtes de la Méditerranée, celle
qui a le plus fouvent changé de face eft' cette partie
littorale du golfe de Lyon qui s'étend du nord
au fud, depuis l’embouchure du Rhône jufqu’à la
naiflance des Pyrénées. C ’eft là que, fur une étendue
de côtes très-confidérable, & fur des plages
aftez houleufes, on ne trouve aujourd’hui qu’ un
Seul abri propre à recevoir des navires un peu
forts.
Sur cette même c ô té , au quatrième fiècle,
Narbone, au rapport de Sulpice-Sévère, étoit
un port commode, & Sidoine Apollinaire la félicite
d’être une habitation faine & agréable. Aujourd’hui
Narbone eft loin d’être un port de mer,
8>c malheurèufement encore plus éloignée d’être
une habitation falubre.
Sur cette même c ô te , les'chroniques du treizième
fiècle nous représentent la mer comme baignant
les murs d’Aigues-Mortes, & cette placé
pourvue d’un beau port, où faint Louis s’ embarqua
pour la TerrerSainte. Aujourd’hui la mer eft
à deux lieues d’Aigues-Mortes.
La caufe de cette grande variation dans l’état
& l’afpeCt dé cette côte eft dans la quantité de fables
& de vafes que le Rhône entraîne & dépofe
à fon embouchure, & que la vague courte & dure
de la Méditerranée tient dans un mouvement continuel.
Aucun fleuve ne produit ces effets d’une manière
plus remarquable que le Rhône, q u i, coulant
fur une pente très-rapide, & dans une direcr
tion fort droite, depuis Lyon jufqu’à fon embouchure,
porte fans obftacle jufqu’à la Méditerranée
tout ce qu’ il charie dans fon lit. Une fois arrivés
à la mer, ces fables, ces graviers, ces débris des
montagnes, à mefure que le courant perd de fa
force , produisent, le long de la côte, des bancs,
des atterrijfemens, des plages qui changent & dénaturent
tous les fonds & tous les mouillages.
La côte de Provence, fituée à gauche de l ’embouchure
du Rhône, n’éprouve pas à beaucoup
près ces inconvéniens à pareil degré : la caufe de