
Dans les pays où les montagnes font moins é!e-
vées & lès terrains moins folides , les four ces fartent
ordinairement du fond de cotes circulaires
ou d'entonnoirs , qui forment le commencement
des vallées.
La fource de la Marne- fart ainfî d’ un demi-
cercle taillé à pic. On voit aifément fur les lieux ,
que" ce font les eaux de cette fource, peut-être
plus abondantes, qui ont creufé cet entonnoir,
en d/truifant & emportant ce qui les gênoit davantage
dans leur fortie. En confidérant la coupe
des lits de pierres qui fe montrent à découvert
aux deux extrémités & dans le contour du cul-
de-fac, on ne peut difconvenir que, malgré l’intervalle
qui les Tépare , ils n’ aient été autrefois
continus d’un bord à l ’autre, 6c que le vide qui
s’y trouve n’ait été rempli de matériaux tous
femblables à-ceux de ce fyftème de couches, &
pofés de la même manière 6c dans le même ordre.
Le travail de cette fource a produit une excavation
qui peut avoir quelques centaines de toifes
d ’ouverture; mais il faut confidérer a la fois les
trois principales fources de la Marne3 c ’eft-à-dire,
la Marne proprement dite , la Bonelle & le Petit-
Lié. ( Voye\ la planche de l’Atlas, où ce golfe
intérèffant eft figuré.)
On voit d’abord que chacune en particulier eft
logée dans un petit golfe , & qu’enfemble elles
en forment un autre plus grand, d’une liéue de
profondeur, fur trois de largeur ; ce qui fait faire
une finuofité au fommet général en cet endroit.
L ’ infpè&ion de ces trois vallées fait de même
eonnoître qu’elle.s ont été creufées par ces fources,
& que les maffifs qui les rempliffoient, ainfî
que ceux qui les recouvroient, ont été détruits
& émportés par les eaux des fources combinées
avec celles des pluies. On apperçoit de tous côtés
les démolitions bien fenfibles, qui ne peuvent
être attribuées qu’à l’aéfion infatigable des eaux.
On ne peut fe diffimuler que ce long promontoire,
à l’extrémité duquel la ville de Langres eft fîtuée,
n’ait été autrefois contigu avec les terrains de
Breuvonne, de Poigney, de Noidant-le-Torcheux,
de'Molandon , &c. C ’eft ainfî qu’une" feule opération
de la nature, bien examinée, bien appréc
ié e , nous donne, par une conféquence incon-
teftable , la falution de plufîeurs autres femblables
& très^étendues. On peut, par exemple, juger de
même de l’origine des plus grands golfes, & des
autres finuofités qui:fe remarquent dans la ligne
de direction des fommets de l’Europe & des
autres parties du Monde. Chaque fource qui en
fort s’ eft creufé un entonnoir ; puis les ruiffeaux
voifins,qui débouchent de la même ligne, en ont
creufé de plus fenfibles : de même la tête des
rivières a formé , par la réunion des ruiffeaux,
des golfes d’une plus grande profondeur, & enfin
les fleuves en ont fait qui embraffent des baflins
confidérables & proportionnels à la ma fie des
eaux qu’ils verfent.
C ’eft ainfî que-la nature eft partout la même,
& qu'elle agit dans tous les te ms : on voit qu’elle
a opéré les' effets à la recherche defquels nous
fommes occupés depuis plufîeurs années, & plus
ou moins grands, fuivant que fes agens ont été
plus ou moins puiffans.
Si nous defeendons de ces fommets pour fuivre
les démolitions, les approfondiffemens qui ont eu
lieu à une certaine diltance, nous trouverons que
l’ouvrage des eaux mérite la plus grande attention.
Ainfî l’efpace qui règne entre les fommets qui
côtoient la Saône 6c ceux du Mont-Jura, l’ efpace
renfermé dans ceux qui enveloppent une grande
partie de la Suiffe, doivent être regardés chacun
comme offrant de ces grands baffins qui ont été
ouverts & creufés, l’un par le Doubs & la Sàone ,
l’autre par l’Aar, le Rhin & les autres rivières
du revers feptentrional de la Suiffe. Par une fuite
de ce travail, les terrains qui réunifioient tous
ces fommets, & ceux même qui les dominoient,
ont été affouillés & emportés. Tous ces monts
ifalés, tous ces pics inacceffibles, qui font en fi
grand nombre le long de ces deux vaftes vallées,
doivent être regardés comme les témoins de tous
les terrains qui ont été démolis par les eaux courantes.
Ces rnafïès errantes, ces pierres perdues qu’ on
a rencontrées fur leurs plus hauts fommets, font
vifiblement des fragmens & des reftes de terrains
i fupérieurs, & qui ont franchi des intervalles de
plain-pied pour arriver aux lieux où ils fe trouvent
aépofés 5 mais ce qui nous étonne, c’eft que
ces intervalles de plain-pied ont difparu : outre
cela, des fommets plats très-élevés font couverts
de plufîeurs amas de cailloux roulés.
Dans la partie du fommet général de la France ,
qui paffe auprès de Langres, on voit beaucoup de
ces pâins-de-fucre ifalés , de ces îles terreftres,
fitués à droite & à gauche de la ligne, ou bien à
peu de diftance, ou enfin fur la ligné même. Si
on les examine tous en particulier, on recon-
noîtra que ce ne font que les reftes de terrains
contigus qui n’exiftent plus dans leur èntier : il
y en a furtout de Tort remarquables autour des
fources de la Meufe, vers Clermont-, vers Mon-
tigny-le-Roi, qui eft fitué en partie fur un monticule
efearpé , encore adhérent au continent pat-
une langue de terre de quelques toifes. On voit
une de ces îles terrefires à Andillÿ, laquelle eft un
point du fommet général ; on en voit vers l’À-
mance , aux fources dé la Vingeannè , auprès
d’Heuilly-Coton, du Pallier, de Chaffigtïy, de
Montfaujeon.
Comme en cette contrée le fommet général eft
fort bas, ces pics n’ont pas une élévation qui
excède quarante toifes ; mais ils font plus élevés
vers les fources de la Tille 6ç de la Seine, car de
là on continue de remonter le long de la même
ligne , fait vers les Vofges & le Jura, fait vers les
montagnes du Morvan & du Clermontois. Alors
on les voit infenfiblement s’élever autant au deffus
du maffîf, que le maffîf eft élevé au deffus du
niveau de la mer, 6c peu à peu on voit ces buttes
ilolées devenir très-hautes, & former enfin des
pics prefqu’inacceflibles. Leur pofition à l ’égard
des fommets qu’ils fuivent ou qu’ils côtoient, &
toute pareille à celle des buttes du plateaiï de
Langres, nous doit faire juger que leur origine ne
peut être différente de celle de ces buttes. Quelque
élevés, quelqu’ifolés 6c quelqu’efcarpés qu’ils fe
trouvent ailleurs, ils ne peuvent être confidérés
que comme les reftes de terrains fupérieurs, &c formant
autrefois des plates-formes contiguës, qui
ont difparu, comme on v o it , en partie.
Il n’eft pas difficile non plus de faire voir comment
ces îles terre(îres fe. font formées, augrnen-
. tées 6c multipliées, par l’aclion des eaux courantes
, dans les premiers tems, & avant que les
vallées approfondies à un certain point euffent
offert aux anciens, torrens des.lits fixes 6c déterminés.
C ’eft là où des courans vagues: ont laiffé
de légères ondes & des éfearpemens peu fenfi-
lïles, commè la figure première de la planche i l le
fait v oir : c’eft là que des vallons peu diftinéts
ont été tracés. Ces vallons font devenus enfuite
vallées, ayant beaucoup plus de profondeur (fig. 2),
ainfî de. fuite. Ces vallons , qui dans les comtnen-
; cemens étoient fort écartés les uns des autres, fe
font réunis par la fucceflion des démolitions, &
• dès-lors il a commencé à en réfulter des dos-
d’ânes, des plates- formes ifolées (fig. 4 ) , qui
cependant pouvoient offrir des plaines fort étendues
dans les premiers tems.
Dans d’autres tems ces plates-formes fe font
tellement rétrécies par l’approfondiffement des
ravines, que chacune de ces éminences n’a plus ■
formé que des pics, ifalé s , fans aucune plateforme
(fig. y ) ; en farte que leur grand nombre
a terrifie généralement la cime des fommets généraux,
& les principales branches des fommets
du fécond ordre. Il n’eft queftion ici que des premières
eaux courantes torrentielles : ce n’eft qu’à
des époques poftérieures que les fources s’y font
jointes, lorfque ies vallées ont été creufées au
deffous du niveau des couches fur lefquelles les
eaux qui pénétroient dans le fein de la terre fe
trouvent raffemblées. Aucun de ces pics ne renferme
de ces fortes de couches qui tiennent les
eaux des fources.
Au refte, les lieux élevés ne paroiffent fi dégradés
que parce qu’ ils font depuis plus long-
tems expofés à la deftruétion ; 6c leurs débris ne
fe font culbutés des uns fur les autres, qu’à me-
fure que les agens deftruèteurs les ont attaqués
6c démolis.
Les inégalités qui fe trouvent dans la direction
des fommets particuliers ou du fécond ordre &
dans les environs de leurs pics & de leurs buttes
ifolées, fo n t, comme :on le fent aifément, les
effets des eaux courantes que pouvoient fournir
les fources & les pluies des lieux fupérieurs ; mais
il eft furtout une caufe des défordres qu’on remarque
fur la ligne de leur direction, & par laquelle
cette direction a été fpuvent changée &
altérée ; c’eft le choc des eaux torrentielles qui
defeendoient du fommet général, & qui fe font
portées fur Jes fommets particuliers, 6c les ont
démolis plus ou moins, fuivant la force de leur
cours & de leur chute, avant d’arriver dans des
baffins inférieurs.
Pour retrouver toutes les traces de la marche
de ces eaux impétueufes, qui font defeendues du
haut de nos fommets vers les mers, on ne fauroit
trop bien fe repréfenter les moindres effets des
eaux courantes. Comme leur marche eft toujours
la même lorfque les circonftançes fe trouvent pareilles,
il eft aifé d’en reconnoître partout les effets,
quelque petits qu’ ils foient, furtout lorfqu’entre
les grands & les petits réfultats il y a une gradation
facile à fuivre.
A n ecd otes fu r les effets-des eaux courantes.
Toute eau qui court en certaine maffe ,. brife &
.efearpe ce qui lui eft oppofé. L’eau du moindre
petit ruiffeau ou de la ravine qui chemine & fer-
pente fur des fables ou des terres mobiles, ou fur
une plaine qui a une certaine pente , fait en proportion
tout ce que des torrens confidérables ont
opéré fur les terrains qu’ils ont parcourus. Dans
fes détours, le côté que le ruiffeau abandonne s’a-
longe ; les terres, les vafes ,, les fables les plus légers
y viennent chercher un abri, & il en refaite
un plan incliné. Dans le côté oppofé contre lequel
le courant fe porte & fe précipite » il fe forme des
cavités , des efearpemens, par la deftrusftion & la
démolition des bords, qui font reculés en même
raifon que le plan incliné fe prolonge. S’ il rencontre
, dans fa marche , des terrains lé gers , il
s’ y met au large & écarte fes rivages. Si au contraire
il traverfe des terres fortes ou des maffifs
pierreux, fan lit devient plus étroit ; ce n eft plus
qu’ un filet d’eau qui fe proportionne, quant à fa
largeur, aux obftacles ou aux facilités qu’ il rencontre.
Les eaux courantes & torrentielles d’un
plus grand volume ont fait la même chofe fuivant
la nature des contrées qu’ elles ont parcourues.
Tantôt nous voyons nos vallées , qui font leurs
anciens lits , s’élargir, puis fe rétrécir , & nous
les trouvons fouvent moins grandes & moins larges
qu’à quarante ou cinquante lieues de leur origine ,
preuve confiante que l'excavation & la fouille de
ces vallées font bien poftérieures à la conftruétion
& à l’induration de la mafie des continens au milieu
defquels l’eau a fait ce travail. Nous voyons
quelquefois ces vallées quitter brufquement leur
direction, defeendre vers le midi, puis fedétourner
infenfiblement vers le nord, courir à l’e ft,.& c .;
; ce qui prouve encore que les eaux courantes ont
! trouvé des obfiacies anciens & puiffans, qui ne