
ont eu avèc les anciens Romains ; mais nous devons
dire qu’ils les lurpaffèrent dafts les parties des
fciences qu’ils ont fu propager parmi ces peuples.
Nous devons aux Arabes les chiffres 1 , 2 , 3 , 4 ,
5 , 6 , 7 , 8 , 9 , & les principes du calcul arithmétique}
l'algèbre, les almanachs, plufieurs obfer-
vations aftronomiques, & beaucoup de découvertes
chimiques.
ARABIE, région del’Afie, qui occupe une très-
grande prefqu’î l e } elle a une étendue de presque
quatre cents lieues d’orient en occident, 8c
cinq cents du midi au feptentrion. Les géographes
en ont alongé ou refferré les limites félon les tems
où ils écrivoient : quelquefois ils ont compris fous
ce nom les contrées voifines qui pouvoient être
affervies à quelques tribus arabes, 8c quelquefois
ils en ont détaché des cantons qui fe trouvoient
fournis à des puilfances étrangères.
Les Arabes , quoique peuples très-anciens, ont
été long-tems dans une efpèce d'oubli des nations.
Les defcriptions qui nous ont été données par les
écrivains qui n’avoient jamais pénétré dans ce pays
fingulier, font, ou fauffes, ou du moins très-fuf-
peéles.
Cette prefqu’ île eft bornée à l’orient par le
golfe Perfique & la baie d’Ormus, au couchant ,
par la Mer-Rouge,Tifthme de Suez, la Paleftine
8c une partie de la Syrie ; au midi, par le détroit ;
de Babel-Mandel 8c l’Océan indien; au nord, par
l’ Irak proprement dit 8c le Diarbeck. On lui donne
■ le nom de Péninfule, parce qu’ elle eft concentrée
•entre l’ Euphrate 8c la Méditerranée. Les révolutions
des tems n’ont point changé fon nom primitif.
Dès les premiers fiècles elle fut connue fous
le nom d’Arab. Ptolomée eft le premier qui ait distingué
cette région en Arabie heureufe, en Arabie
pétrie 8c en Arabie déferte. Les géographes arabes
, mieux inftruits de la lïtuation de leur pays,
le partagent en cinq provinces, qui s’éténdent
depuis Ailak ou Ca/fum fur la Mer-Rouge, juf-
qu'à la mer des Indes.- Cette divifion eft d’autant,
plus naturelle, qu’elle eft fondée fur les différens
genres de vie de fes habitans, dont les uns, errans
dans leurs déferts, ne s’arrêtent que dans les endroits
où ils trouvent des eaux pour leurs befoins,
! plus bas de toute Y Arabie, on y rencontre une
quantité de fources, richefte précieufe pour un
pays aride 8c defleché. En fortant de cette province
on entre dans le Najed, pays élevé, qui n’ offre que
des rochers 8c des délerts, d’où la difette des eaux
éloigne les hommes & les animaux, excepté dans
certains cantons favorifés, où l’ombre des montagnes
& des pâturages pour leurs troupeaux ; ils n’ont
d’autres logemens que leurs tentes, & toute leur
richefte confifte dans leur bétail & leurs armes.
D ’autres fe réunifient dans les villes , qui ne font
que ’ d’ ignobles bourgades , formées d’un affenV- j
blage de tentes ou de maifons de cannes 8c de ro-1
féaux. Ces fimulacres de villes font fort drftaiis le s .
uns dés autres, parce que la terre, rebelle-à la ’
culture, lie pourroit fournir affez de produirions;
pour la fubfiftance d’une multitude ràffèmblée. 1
La province de Tehama s’éreHd ifur tout lenôrd
de cette péhinfule : jufqu’à Eleafoririy trouvé ni
'villes ni hameaux, & c ’eft ce qui lui a fait donner-
le nom de grdtid défert j mais comme le fol eft le
garantit des ardeurs du foleil. En s’ avançant
à l’oueft fud-oueft on trouve YHegias, autrepays
difgracié parla nature, où la terre deftechée ne
fournit ni eaux , ni fruits, ni moiflons } mais la
crédulité fuperftitieufe y fait germer l’abondance,
8c cette province, condamnée par la nature a la
ftériüté , eft devenue la plus riche & la,plus fortunée
de Y Arabie} elle fut connue dès les premiers
tems fous le nom de la Madianite ou de Y Arabie
pétrie. C ’ eft aux villes de la Mecque 8c de Médine
qu’elle doit fon opulence 8c fa célébrité : l’une
s’honore d’avoir donné naiffance à Mahomet, 8c
. l’autre fe glorifie de lui avoir fervi d’afyle : c’eft
encore là qu’ on voit }es montagnes d’Horeb & de
Sinaï. C ’eft par ces titres qu’une province qui
n’offre que des fables 8c des rochers, établit fa
prééminence.
L’ Orude, qui.eft la quatrième partie de cette
divifion, s’étend depuis le Najed jufqu’à la terre
d’ Oman. Les habitans, agreftes 8c fauvages, font
plongés dans la barbarie des premiers tems ; ils
jouiflent en communauté de toutes les productions
de la nature, qui n’eft pas à un certain point
libérale pour eux. L’ignorance où ils font des commodités
de la v ie , leur fait regarder leur pays
comme la contrée la plus délicieufe de la terre.
Quoiqu’on pêche les perles fur leur côtes, quoique
leur fol foit parfemé de poudre d’ o r , ils font
fans attachement pour ces *richeffes d’opinion ,
qu’ ils abandonnent à la recherche des étrangers,
plus à plaindre qu’eux.
La province d’Yemen, plus connue fous le nom
dé Arabie heureufe, eft la plus féconde 8c la plus
étendue. Ce pays , fi vanté par la verdure de fes
arbres, par la pureté de l’air qu'on y refpire, par
l’excellence de fes fruits, par l’abondance variée
de fes produirions, -n’offre plus aujourd’hui le
fpeitacle de fon antique opulence. On a peine à
comprendre comment on a pu donner le nom
d’Heureufe à une contrée où la plus grande partie
du fol refte fans culture, & qui, deftechée par des
chaleurs brûlantes, ne trouve d'habitans que dans
des lieux où les montagnes prêtent le fecours de
'leur ombre. On pourroit donc préfumer que les
choies dé-luxe qu’elle produit, 8c dont les peuples
policés fe font fait un befoin, ont donné lieu
de croire que, partout où l’on trouvoit des fupet“
fluités, on jouiffoit d'un néceffaire abondant j de
même-que le vulgaire s’imagine que les 1 eux les
-plus fortunés font ceux qui produifent l’o r , lès
perles Scies diamans. Cètte province , beaucoup
moins-féconde que l'Egypte & la Syrie, ne paroït
ayoir ufurpé le nom d’Heureufe que par compa.-
rai fon avec les contrées ftériles qui l'environnent.
, , . ,,,
On voit par ces détails, que Y Arabie a trop d e-
tendue pour que les produirions de chaque province
aient quelqu’ analogie : on n’y trouve plus
cet or, ces pierres précieufes, ces épiceries, donc
la fource eft épuifée. Ces richeffes paroiftent définitivement
avoir été autant de produirions des
Indes 8c des côtes d’Afrique , où les Egyptiens
alloient les chercher pour les répandre chez les
nations d’Occident} & comme il étoit de leur intérêt
de cacher la fource où ils puifoient, ils ont
préféré de faire croire qu’ils commerçoient en
Arabie, où l’on ne pouvoit pénétrer fans expoler
fa vie dans les fables 8c la pouftière des déferts. Il
eft vrai cependant que les Européens qui ont tra-
verfé les mers, en ont rapporté le café, qui eft
devenu un befoin pour les peuples policés, & qui
eft un bien réel pour le pays qui le produit de la
première qualité.
La principale richefte de Y Arabie confifte dans
les troupeaux, 8c furtout dans les efpeces qui
n’exigent que des herbes fucculentes. La vache y
donne peu de lait, & la chair du boeuf, qui comme
elle fe plaît dans de gras pâturages, y eft inlï-
pide & fans fuc. Le veau gras étoit un mets rare
& recherché , qu’on réfervoit pour les.feftins de
l’hofpitalité. Le mouton 8c le chameau décoroient
les tables les plus délicates.
Il fai-loi t que Y Arabie , malgré un fol peu productif,
fût furchargée de troupeaux , puifqu elle
en faifoit un grand objet de commerce avec fes
voifins. Chacun fait que, dans tous les climats
brulans, il fe fait une plus grande confommation
de fruits que de viandes.
Le bétail n’étoit pas l’uniquericheffe de Y Arabie
, car on a beaucoup vanté l’excellence de fes
dattes, la fuavité de fes parfums, le goût délicieux
de fes fruits, la beauté de fon ébène, & c . Toute
l’antiquité dépofe que les Tyriens y puifoient ces
monceaux d’o r , qu’ ils étaloient comme-fig ne de
leur puiffance : c’étoit, dit-on, dans ces provinces
que fe trouvoit ce précieux métal dont les habitans
décoroient leurs meubles. En ouvrant les entrailles
de la terre, ils en tiroient des morceaux
d’or de la gro,fleur d’une noix.
Cette péninfule eft infeftée de toutes les bêtes
féroces-, qui préfèrent aux terres humides les fables,
brûlans 8c les montagnes arides : elles éta-
bliffent leur demeure dans les cavernes des montagnes
, dans les fentes des rochers ou dans des
tanières qu’ elles fe creufent elles-mê nés ; mais
fi les lions, les tigres , les hyènes, les panthères
& les léopards exercent avec impunité leurs ravages
dans les déferts , on trouve dans les mêmes
montagnes d’autres animaux q u i, quoiqu’ aufli fe»-
roces, produifent de grands avantages pour le
commerce : tels font les chats mufqués:, les civettes
, la belette odorante , la genette 8c, plufieurs
autres que l’éducation dépouilla de leurs inclinations
féroces, 8c que l’habitude accoutuma à la
vie domeftique. Ces animaux portent auprès des
parties de la génération un fac dans lequel fe filtre
une humeur odorante, dont on fait des pommades
8c des parfums fort recherchés : les Anciens., qui
en connoiffoient la vertu ftimulante, en compo-
foient des filtres. Les peuples de l’Orient ufent
encore de cet artifice pour fuppléer à la fage économie
de la nature, trop avare au gré de leurs de-
firs immodérés. Les Hollandais excellent, di(t-on,
dans la compofition de ces pommades, 8c on les
croit plus arrives & plus vivifiantes que celles de
i Y Arabie 8c des Indes, qu’on altère par le mélange
des drogues odorantes. £ , ,
Quoique le fol de Y Arabie ne foit en general
que chargé de fables , il eft cependant certains
cantons privilégiés, où des fources abondantes
arrofent des terrains imprégnés de fels qui n'ont
befoin que d’être amollis par l’hilmidité pour produire
de riches moiflons. Tout l ’art du cultivateur
fe borne à bien préparer la terre pour recevoir
les fels, qui ont befoin du fecours de l’eau pour
donner au fol un aliment convenable à la femence
qui lui a été confiée. Les déferts couverts de fables
n'ont pas la même reffource : les eaux, concentrées
dans les entrailles de la terre, ne peuvent
s’élever à fa furface, & lui communiquer ces vapeurs
vivifiantes q u i,en féjournant à la fuperficie
du fo l, s’ infinuenc pour en favorifer la fécondité.
Ainfî, tandis que certains cantons font rafraîchis
par des pluies abondantes, d’autres languiffent
dansTaridité : ces inégalités d’ effets n’ont d’ autre
caufe que la difpofition dés eaux.
Telles font les premières confidérations que
nous avons tirées des auteurs anciens fur la confti-
tution phyfique de Y Arabie. Nous allons reprendre
maintenant les mêmes objets , éclairés par les recherches
des voyageurs modernes, fans craindre
les doubles emplois, parce que nous nous attacherons
à des développemens nouveaux, qui établiront
définitivement ce que nous devons penfer
fur ce pays fingulier.
A r a b ie . Cette prefqu'île eft bornée à l’oueft
par le golfe d’Arabie ou la Mer-Rouge } au midi
8c au levant par l’Océan indien, & au nord-eft par
le golfe Perfique. Une ligne droite, tirée du golfe
Perfique , pourra marquer les limites de Y Arabie
au nord 5 mais aujourd’ hui on peut y comprendre
le défert de Syrie 8c la Paleftine, comme faifant
partie de ce pays , lequel s’étend vers le nord jufqu’à
l’Euphrate 8c la Syrie, & au nord-oueft vers
•d’Egypte 8c l’ifthme de Suez.
L’ Arabie en conféquence renferme plufieurs
grandes contrées, telles que YYemen3 YHadra-
mant, Y Oman , le Lachfa , le Nedsjed , Y Hedf-
jas y bc. Dans l’étendue de ces provinces il y a
des lieux élevés & fertiles } mais la,plupart des
plaines, comme elles manquent d’eau , font ftériles.
Dans la faifon des pluies il fe forme dans les