
neu fes, eft encore îê pays lè plus fertile du mondé.
Tous les hommes qui cultivent la terre méritent
ici la reconnoiflance de leurs concitoyens comme
partout ailleurs : ils font laborieux j ils entendent
parfaitement la méthode de diftribuer les eaux,
& de donner à la terre brûlante qu’ils habitent,
toute la fertilité dont elle eft fufceptible; ils font
dans l’Inde ce qu’ils feront partout, les plus honnêtes
& les plus vertueux- des hommes lorfqu’ils
-ne font pas opprimés par le gouvernement.
II, Considérations fur les b ajjins intérieurs de l* A fie.
Nous connoiffons à un certain point les vaftes
plaines de fable dont quelques baflins intérieurs
ae\ AJîe Com couverts,.& même nous trouvons
figurées fur les cartes, comme en Afrique, les
eaux courantes qui s’y perdent, & débouchent
enfuite par des vallées latérales qui font au-delà
des bords de ces baflins. J'e puis indiquer à ce fu-
.jet le plateau de la Tartarie, que nous avons fait
figurer dans notre Atlas. Il y a grande apparence
que les eaux de l’ancienne mer ont difparu de ces
contrées,par l ’ouverture latérale de cès grandes
vallées qui y ont leur origine, qui font très-nom-
breufes-, & qui renferment les fleuves de l'Afie
les plus confiaérables.
LtvAJîl d’ailleurs a plufieurs de ces grands baflins
qui font couverts de terres, & qui offrent des
plaines immenfes ou fe trouvent d’excellens pâturages.
Comme ces vaftes contrées ne préfentent
aucun veftige de deftruélion , aucun efcarpement
formé par les eaux courantes, & , ce qui en eft
une fuite, n’ont point de débouché vers aucune
mer, il y a grande apparence que les eaux n’en
ont difparu qu’infenfiblcment & par une longue
fuccefïion de tems. Au reftë, nous n’avons aucunes
obCrvations fur les circonftances primitives
qui ont concouru à la formation de ces plaines &
au deflëchement qui a pu fuccéder à leur inondation
enfin, à Pétât où elles fe trouvent aujourd’hui
, c’eft à-dire, àd’immenfes contrées, fertiles,
unies, fans aucun de-ces traits qui cara&érifent
les autres contrées de la terre, où' l’écoulement
des eaux a dû s’opérer fur des pentes alongées qui
aboutiffent à quelque mer : il- y en a même où fe
trouvent quelques foi blés traces d’écoulemens
fouterrains, dont j ’ai indiquera plus grande partie
à l’article Absorbant , & j’y renvoie dans la
vue de faire connoître une des circonftances qui
ont concouru particuliérement à l’écoulement des
eaux en Afie.
Ainfi l’on peut bien croire que, dans certaines
parties de ce continent, parfemées de baflins * les
eaux s’en feront écoulées par des communications
fouterraines, au moyen defquelles les eaux des
baflins les plus élevés fe font réunies à-celles des
baflins inférieurs, & fe font écoulées enfuite à
travers le fein de la terre. On doit bien penfer que
les baflins qui pouvoient exifter au fond de la mer,
comme le fol y étoit perméable aux eaux qui ref-
toient après l'écoulement des parties fuperieures
de l’Océan, s’ét oient déjà évacués. C’eft fans
doute à quelques-unes de ces anciennes opérations
de la nature que nous devons les lacs qui
exiftent encore en Afie, & ceux qu’on fait y avoir
exifté, quoiqu’ils n’y foient plus.
Je paffe maintenant aux baflins qui fé trouvent
diftribués fur les limites de ce continent, & qui
fe font defféchés par un écoulement fuperficieb,
attendu que les obflacles à cet écoulement, étant
peu confidérables, pouvoient être détruits par les
eaux qui fe précipitoient dans l’Océan. .
Toutes ces diverfes opérations de la nature ,
qui ont accompagné 8c fuivi la retraite de la mer
fur le continent de Y Afie, ne peuvent guère être
confédérées comme ayant contribué beaucoup à
l’approfondifleinent des vallées que nous obfer-
vons à la furface de la terre, furtout lorfque toutes
les circonftances de la formation des vallées
nous prouvent inconteftablemunt que ce travail
eft dû à la feule attion des eaux pluviales 8c courantes.
Car comment imaginer que , dans des terrains
récemment fortis des eaux, il fe foit offert des rochers
tranchés net, 8c tous lés bords efcarpés de
nos vallées par la retraite des eaux ? On doit distinguer
ici deux ordres de maflifs, fur lefqufts les
eaux ont pu agir dans cette circonftance } les maf-
fifs graniteux 8c fchifteux, qui ont dû fervir de
bafe aux derniers dépôts foufmarins : ces deux
fortes de maflifs ont pu réfifter à l’aétion des eaux
de la mer qui abandonnoit le continent de l’Afie.,
& qui ont pu s’efcarper ou même qui l’étoient de
manière que les eaux ont fuivi dans plufieurs golfes
les anciens lits des fleuves, & un certain frayé
qui exiftoit lors de l’invafion de la mer, & qu’elles
n’ont fait qu’augmenter, élargir 8c approfondir
nos anciennes vallées ; qu’elles les ont aufli alongées,
en réunifiant à un feul cours les vallées de
différens baflins par l’enlèvement des matériaux
les plus mobiles. Mais, je le répète, en vain vou-
droit-on fé borner à ce feul écoulement. On ne
peut fe diflimuler qu’il convient d’avoir recours
à la marche plus ou moins abondante, . plus ou
moins confiante des eaux pluviales qui ont fuccédé
aux eaux de l’Océan, & qui ont-, ou élargi d’anciennes
vallées, ou creufe de bouveaux lits »des
fleuves.
Il me refte à faire connoître ici-deux nouvelles
vues fur le continent de Y Afie 3 lefquelles m’ont
toujours frappé, & m’ont paru d’une dépendance
très-intéreffante, tant de fa conftitution intérieure ,
que de la forme extérieure de fes côtes 8c de leur
pofition.
III. Confidération.
Nous ne connoiffons guère ceux des habitans
qui occupent les centres de nos grands continens;,
tels que l’Afrique & Y Afie : aufli toutes ces nations
font-elles fauvages & barbares. Il eût été à defirer j
pour toutes ces contrées, que quelque bras de
mer eût pu autrefois y pénétrer, 8c que cet im-
menfé baflin, par exemple, qui renferme toutes
lès contrées centrales dé Y Afie, eût été rompu
tout-à-fair, & qu'il s’y fût formé une Méditerranée
femblable à celle qui s’ëft formée en occident :
alors les nations de l’Arménie auroient commercé
avec la Chine} -celles de i’indoftan, avec la Sibérie
, fur les promontoires, les îles & les grandes
■faillies qui auroient arrêté toutes les grandes nations
vagabondes qui habitent ce continent, & de
ce commerce mutuel il feroit réfulté pour toutes
lès avantages qu’elles n’ont point, 8c que nous
n’avons acquis que par ce moyen en Europe.
Le coup d’oeil de la terre n’en auroit pas été
moins admirable. Alors le globe entier n’auroit
montré qu'une ville commerçante, & l’on n’auroit
point vu de ces contrées du monde, qui ne font
point de ce monde-ci cependant, où tout ce qui
fe paffe, demeure inconnu 8c inutile, femblables
en cela à ces enceintes de monaftèresqui le trouvent
dans toutes nos villes confidérables , dont le
terrain eft confacré à rétrécir Je refte de Ja terre,
& à diminuer le nombre de fes concitoyens. Je dis
concitoyens, & non habitans, parce qu’il ne fuffic
pas, pour le bonheur du monde, qu’il y ait des
habitans, mais qu’il faut encore que ces habitans
foient entr’eux tous réciproquement liés, utiles
& même néceffaires : c’eft ce qu’exprime le mot
de concitoyen , titre honorable pour ceux qui ont
'lè bonheur de le porter , & qui ne convient point,
comme l'on voit ici, ni aux Tartares de Y Afie, ni
aux peuples ignorés de l ’Afrique, ni aux fauvages
deT Amérique, ni aux moines de l’Europe.
Au refte, la rupture des baflins qui n’ont point ;
été fubmergés par les mers a rendu un allez grand
fexvice à tous les continent: c’eft d’avoir mis les
nations en poffeflion d’un grand nombre de terrains
fertiles, qui n’»voient été auparavant que
très-marécageux. Les plus riches contrées de la
Chine, le Cachemir, la Méfopotamie, l’Egypte, j
•les meilleures contrées de l’Allemagne 8c de la :
France, dé l’Efpagne 8c de l’Italie , ne pouvoient
être alors les domaines des peuples que nous y
connoiffons depuis tant de fiècles, & c’eft vflible-
ment là une des raifons qui retenoient auparavant
chaque nation dans fon territoire. Far un- contrafte
fingulier, alors que ces nations n’étoient féparées,
que par des barrières étroites & multipliées, elles j
ne commerçoient point entr’elles > & dès que la,
nature a forméTes mers, & n’a plus laiflé qu'e.
quelques barrières d’une largeur extrême, elles
ront prefque toutes ofé les franchir.
A s ie SEPTENTRIONALE (Géographie-Phyfique).
A l’eft de la Peczora commence au nord le continent
de Y Afie 3 qui dans cette partie a les limites
les plus marquées 8c les plus énergiquement déterminées,
C’eft ici que paroît la fameufe chaîne
| Uralfienne, qui commence vifiblément près de la
ville de Kungur3 dans le gouvernement de Cafan,
latitude 57 degrés 20 minutes. On peut-ia fuivre
bien loin dans le fud , ou elle-fe montre par intervalles}
mais-avant il convient d’en déterminer
une des-branches principales, qui fe prolongé au
nord, fe termine en face du détroit de W.aygatSi.
& qui fe relève de nouveau dans l’ile de la Nouvelle
Zemble. Les Ruffes appellent encore cette
chaîne Semennoi Poias ou Ceinture du Monde , parce
qu’on avoircru qu’elle embraffoit le globe entier,
Cetoit, chez les Anciens, les monts Riphées,
portion du globe, maudite par la nature, 8c pion-'
gée dans de profondes ténèbres, dont la feule
partie méridionale leur étoit connue, & encore
fi imparfaitement, qu’on en a écrit des fables fans-’
nombre.
Sur les rivagesde Y Afie 3-au-delà de ces monts
Riphées, & fous le pô‘e qu’habitent Les premiers
Hyperboréens, le foleil ne luit pas pour eux chaque
jour 5 ils le voient paroïtre pour la première
fois-à l’équinoxe du printems, & fe coucher pour
la dernière à l’équinoxe d’automne. Ainfi leur joue
dure fix mois, 8c leur nuit fix autres mois , J ans
aucune interruption que la foible lumière de la
lune. Leur fol eft une terre féconde. Obfervateurs
exacts de la juftice , ils vivent, & plus long-tems,,
& plus heureux qu’aucun des aucres mortels. Je
fuppnme tous les faits exagérés qu’on nous en
raconte.
Ce n’eft qu’avec la même défiance que je re*
cueille ce que les Modernes nous en difent'. ljlrani-
Ides y qui traverfa ces montagnes dans .fon ambaf-
fade en Chine, affure qu’elles ont cinq mille toifes
de hauteur : d’autres foutiennent quelles font couvertes
d’une neige éternelle. Ce dernier fait peut
être vrai quant aux parties qui font fituées le plus
au nord} mais Tans les parties qui fervent de paf-
fages aux voyageurs, ces maffes font entièrement
dégagées de neige pendant trois ou quatre mois
de l ’année;
Les hauteurs d’une partie de cette chaîne ont
été déterminées par l’aobé; de Chappe , qui affure
que la montagne Kiria, près de Solikamskaia 3 latitude
60 degrés, n’excède pas quatre cem foixante-
onze toifes au deffus du niveau de la mer, ou deux
cent quatre-vingt-fix toifes au deffus du fol qui
lui fert de bafe} mais, fuivant Gmelin , la montagne
Panda eft beaucoup plus haute , s’élève à
fept cent cinquante-deux toifes au deffus du même
niveau.
De Pétersbourg; à cette chaîne eft une vafte
plaide , mêlée de collines ou plateaux femblables
à des îles au milieu de l'Océan, Le côté oriental
defeend graduellement, & pénètre dans les bois
& les marais de la Sibérie, fur un plan incliné iiri-
menfe, qui fe porte vers la mer Galciale & s’y
termine. Cette difpofition générale !du terrain eft
atteftée par le cours de toutes Es grandes rivières
qui prennent leur fource dans les montagnes,.