
la terre habitable eft au même niveau , fans faire
attention à la profondeur immenfe à laquelle la
mer fe trouve au deffous d’eux. Mais, d’un autre
cô té , ceux qui n'ont pas vu ces cimes énormes,
ne peuvent pas fe figurer la difformité de cette
partie du monde qui s’élève ainfi, & fe prolonge,
au deffus du plan régulier de la circonférence, à
plufieurs centaines de lieues fur autant de largeur.
Nous avons déjà dit ailleurs que , dans cette
partie élevé e, la furface de la terre eft entrecoupée
par de vaftes profondeurs qu’on y appelle
Q-:cbradas : ce font des efpèces de vallées que
biffent entr’elles les chaînes de montagnes, &
même les plaines, qui font féparées les unes des
autres. Ces intervalles ont quelquefois deux lieues
& plus de largeur, & plus ils ont de profondeur,
plus ils fe rétréciffent. Le fond fert de 1:t aux eaux
qui y coulent, & qui en occupent affez fouvènt
le milieu. Ces eaux fuivent d’ailleurs les détours
des bords latéraux j elles continuent leur cours
entre les montagnes, & arrivent enfin dans la
partie baffe du terrain, d’où elles fe rendent à la
mer. On peut voir le détail de leur marche dans
notre Hydrographie de l'Amérique méridionale. On y
remarquera aifément que les maffes d’eau que forment
ces rivières réunies ont peu de profondeur
dans cette partie baffe, & ne femblent être répandues
qu’à la furface du fol; On y verra également
que , plus les Cordilliéres & Tes Andes font
élevées, plus les Quebradas ont de profondeur.
Les ouvertures par lefquelles les eaux fe déchargent
dans la partie baffe commencent à s’élargir,
& continuent à le faire à mefure qu’elles gagnent
les plaines baffes ; c’eft ce qu’on appelle les vallées
3 qu’on diftingue des parties hautes habitées
où font les Quebradas , par la dénomination de
Sierra ou chaînes dentelées par les coupures, &c.
( Hoyei M o n t a g n e s , C o r d i l l i é r e s , A n g a -
r a e z , Q u e b r a d a s . )
ANDORIA ( Lac d’ ). Lago Salfo. Ce lac eft
dans la Capitanate, province du royaume de Naples
, entre les rivières Candolaro & Coropello,
proche-]es côtes du golfe de Venife & la ville de
Manfredonia. Il n’e’ft pas étonnant que l ’eau de
ce lac foit falée, car fon baflin eft dans le voifinage
de la mer.
ANDUJAR. C ’eft aux environs de cet endroit,
fitué dans le baffin du Guadalquivir, qu’ on trouve'
abondamment cette argile blanche avec laquelle
on fabrique, en Efpagne , les petits vafes qui ferv
en t, dans une grande partie dé ce royaume, à
conferver l’eau fraîche en été. Dans d’autres contrées
de l’Andaloufie fe rencontrent des amas
cl’une argile rouge, dont on fait à peu près le
même ufage, & l’on en fabrique des vafes que
l’on appelle bucaros. Ces deux fortes de vafes font
minces, p o r e u x l if fe s , & à demi cuits. Nous
avons déjà vu qu’en y mettant de l’eau, ils repàn-
doient une odeur affez femblable à celle de la
terre fèche lorfqu’ il pleut en été > que l’eau filtroit
à travers le corps de ces vafes , & les confervoit
, toujours humides. Nous ajouterons ici que cette
j eau, paffant en même terras à un certain état de
vaporifation, fe dépouilloit de la chaleur qu elle
contenoit, laquelle fe combinoit avec l’air, &
que de là il en réfultoit un certain froid autour
des vafes ,■ qui rafràîchiffoit l ’eau dans leur intérieur.
( Voye\ l'article ALCARAZAS. )
Les bucaros qu’on tire de l’Inde font compofes
d’une terre plus fine, & répandent une odeur plus
fuave. Nous connoiflîons ces vafes évaporatoires
de l’ Inde, de T Afrique, de l’ Egypte avant que
quelques perfonnes inftruites nous aient fait con-
noître, en dernier lieu , les bucaros & les cruches
d’Ëfpagne, & de la réunion de toutes ces con-
noîffances il en eft réfulté l’ introduCtion des mé--
mes moyens en France. L’induftrie ayant tout fait
dans cette partie, nous attendons maintenant que
la mode en établiffe l’ ufage.
ANDUSE. Je commence par remarquer ici;
qu’une certaine chaîne de montagnes, laquelle
paffe au deffus d’ Alais à Andufe & à Saint-ITippo-
lyte, mérite l’obfervation des naturaliftes par fes
. interruptions & par fes brèches, qui ne fe trouvent
précisément qu’à la rencontre d’une rivière ou
' d’un ruiffeau, & dont les eaux ont beaucoup de
pente , parce qu’elles defcendent de plateaux fort
élevés : plus on examine ces interruptions , plus
on les trouve.dignes d’attention. Il eft en effet allez
fingulier que, dans un pays-tel que celui des C é-
vennes , où les montagnes offrent des pentes fort
. confidérables, on n’ en trouve point q u i, par la
réunion de leurs vallons , forment un baflin con-
fidérable & fans iffue, ou qui n’aient qu’ une iflue
pour recevoir les eaux d une rivière, en forte que
les eaux ne puiffent s’échapper autrement qu’en
s’élevant jufqu’au bord du baflin , pour déborder
par - deffus après y avoir formé un lac confidér!
râblé. Au lieu de ces irrégularités, les plus grandes
rivières ont partout un écoulement libre par une
pente fu iv ie p lu s ou moins grande, félon que le
terrain eft plus*ou moins au deffus du niveau de
la mer. Lbrfque le cours en eft traverfé par une
chaîne de montagnes ou de rochers , la chaîne eft
'à coup fur interrompue dans cet endroit fi la rivière
n’a pu fe détourner commodément fur les
côtés. Cette difpofition générale, paroît être la
fuite des pentes primiti ves-de la furface de la terre ,
& de la marche des eaux qui ont fuivi régulièrement
ces pentes : c’ eft en conféquence de ces cir-
conftances, que les rochers ont été percés par
l’effort’des eaux des rivières , parce que ces eaux
ont entamé ces rochers en commençant par la partie
fupérieure. On ne peut pas fuppofer ici que ,
pour faciliter cette coupure des rochers, la rnaffe
des montagnes ait été autrefois molle, parce que
ces ruptures font beaucoup poftérieures à cet ancien
état. Nos continens n’étoient pas mous lorf-
que les eaux courantes ont culbuté dans les Cé-
vennes tant de rochers qui s’y trouvent ifolés ,
& par fuite la chaîne qui paffe à Andufe, laquelle
a été coupée par la riviere qui la traverfe aujourd’hui.
Les preuves en font très-aifées à faifîr, car
la chaîne de rochers eft coupée jufque dans fes
fondemens, de la largeur précifément du lit de la
rivière, & de celle que lui ont permis de prendre
jufque-là deux coteaux qui bordent la rivière dans
fon courant, &" qui fe terminent à la chaîne. D’ailleurs,
elle a laiffé départ & d’autre deux rochers
de marbre d’ une hauteur à peu près égale, favoir,
de vingt-cinq à trente toifes, efcarpés fi également,
qu’ils font taillés prefque partout- à plomb , &
forment ainfi un paffage affez étroit à laTivière.
Il eft vifible ici que fi ces rochers de marbre
euffent.été mous au tems de la coupure, ce paffage
auroit été bien plus large, & ne fêroit point
efcarpé comme il l’ eft des deux côtés j & fi certaines
circonltances favorables s’étoient rencontrées
, les deux côtés tiendroient encore l’un à
l’autre par léfqmmet , & feroient une arche fur
la rivière, comme on le voit dans une chaîne de
rochers que traverfe la rivière d’Ardèche en Vi- .
varais, au lieu nommé le Pont-de-VArc.
Quelle folidité ne falloit-il donc pas qu’euffent
les bancs de la terre, pour refter ainfi fufpendus
après avoir été rompus par le pied ? On peut même
dire que ces digues de rochers qui traverfent encore
nos chaînes & nos vallées en certains lieux,
& du haut desquelles les eaux fe précipitent avec
b ruit, font de même les bafes de rochers emportés
comme ceux d’Andufe, avec cette différence
qu’au deffous des premiers, la rivière d’Ardèche
avoic fans doute une pente rapide, & emportoit le
terrain inférieur, qui étoit moins folide : c'eft ainfi
qu’avec le tems, & après coup, fe font formées les
cataractes & les chutes d’eau.
Au relie, on peut croire que c’eft à ce même
travail des eaux courantes que font dus les cailloux
& les fables de toute éfpèce que nous trouvons
dans le lit de nos rivières. 11 n’y a pas de
doute que la fource des cailloux & des galets arrondis
de nos rivières ne foit due au travail des
eaux de la mer, qui ont remonté dans ces baflins,
dont elles ont fait autant d t golfes. C ’ eft ainfi qu’ ont
été formés des cailloutages parfaitement fembla-
bles à ces premiers , dont tout un canton des environs
, nommé Bréfis, eft rempli, & qui com-
pofent une fuite de coteaux fort élevés au deffus
du niveau du Gardon ou de la rivière qui traverfe
le pays. Ces cailloux & les-galets de Bréfis font de
même nature que ceux du Gardon ; ils font ufés &
arrondis de la même manière. En faut-il davantage
pour être fondé à croire que le terroir de Bréfis ,
quTqu’élevé qu’il foit aujourd’h u i, quelque place
qu’il occupe , tire fon origine de la vallée du Gardon
ou d’une rivière qui trav-eïfoit ce mêmebaffin
? D ’ailleurs, on trouve dans cette même contrée
& à un niveau plus bas, un puits profond
d’où l’on a tiré de ces mêmes galets > & quoique
l’on ait de la peine à croire que la rivière fe foit
portée de ce côté, & à une fi grande profondeur,
cependant les différentes matières qu'on en tire ,
confirment dans l’opinion que ce terroir appartenait.
à un golfe, où la mer a pénétré & a contribué
à rouler tous ces galers. Tout le monde peut juger
aufli par-Jà que les cuves des vallées de ce canton
ont été autrefois bien plus profondes qu’elles
ne font, & que néanmoins le niveau des eaux at-
teignoix en même tems au fommet des coteaux,
preuves authentiques de l’abondance des eaux
courantes , foit qu’elles vînffent de l ’intérieur des
terres,' ou qu’elies aient été fournies par la mer
qui a remonté dans la vallée du Gardon. ( V'oye^
A x a i s ,. G a r d o n . ) Au refte,q>our que ces eaux
aient atteint ces points extrêmes , il fuffit de dif-
tinguer les différentes époques où leur cours &
leur travail ont pu avoir lieu.
A N E , animal connu par plufieurs bonnes qualités
& quelques défauts : il y a des ânes de différentes
couleurs. U âne fe plaît dans les pays
chauds tels que l’Arabie, l’Egypte & la Grèce.
On a beaucoup vanté 1 es ânes d'Arcadie : cet animal
paroît originaire d’Arabie, & avoir paffé d’Arabie
en Egypte, d’Egypte en Grèce, de Grèce en Ital
i e , d’ Italie en France, enfuite en Angleterre,
. en Allemagne & en Suède. Ces animaux font en
effet d’autant moins forts & d'autant plus petits ,
que les climats des pays où ils ont été tranfporrés
font plus froids. La race des ânes d’Arabie eft la
plus belle qu’ il y ait, &r la mieux entretenue.
Dans tous les pays méridionaux, on trouve affez
communément des ânes fauvages ( que l’on nomme
onagres ). Il y a beaucoup d'ânes fauvages dans les
déferts de Libye & de Numidie, où ils vivent en
fociété : ils vont par .troupes pâturer & boire. On
n’a pas trouvé d'ânes en Amérique , quoique le
climat, furtout celui de l’Amérique méridionale,
leur convienne autant qu’ un autre. Les ânes que
les Efpagnols y ont tranfportés d’Europe, fe-font
beaucoup multipliés dans les forêts , où l’on voit
actuellement des troupes d'ânes fauvages que l’on
prend dans des pièges comme les chevaux.
On voit aufli des onagres ou ânes fauvages dans
la Tartarie méridionale, la P erfe, la Sy r ie , les
îles de l’Archipel, dans toute la Mauritanie, &
même dans toute l’Afie mineure. Les onagres ne
diffèrent des ânes domeftiques que par les effets de
l’indépendance & de la liberté : les onagres, très-
nombreux dans les déferts de la Tartarie, vont annuellement
en troupeaux dans les déferts montagneux
, à l’ eft & au nord du lac A ral, où ils paffent
l’é té , & s’attroupent en automne par centaines &
meme par millièrs, pour retourner vers l’Inde ,
dans l’efpérance d y trouver un afyle contre l’hi-
1 ver j & cette émigration a lieu dans les montagnes
X x x z