
Molina d'Aragon eft vers le fud-eft. Cette capitale
eft fituée fur une montagne où le froid règne
pendant neuf mois de l'année. Les rochers ,
tout autour de Molina, font de marbre blanc 8c
de marbre couleur de chair, partie en blocs 8c
partie en couches : plufieurs coteaux ont à leurs
fommets, de cette même efpèce de marbre. Au
deffous font des pierres à plâtre, rouges, cendrées
& blanches, & à leurs pieds il y a des pierres rondes
par couches, & liées enfemble avec du ciment
quartzeux ou fabloneux. En beaucoup d'endroits
les bancs de marbre repofent fur des couches de
pierres à plâtre, & fous celles-ci on trouve des
bancs de grès, mêlés de quartz. M. Bov/les croit
ue la terre cultivée dans ces cantons eft un gypfe
égénéré en pierre calcaire : on trouve auflî dans
les couches, des criftaux calcaires fpathiques, à
fix faces.
Dans les environs font deux mines de fer : l ’une
gît dans la partie calcaire de la montagne. Le fer
que l’on en tire , eft fi mou que l'on peut le forger
à froid. On defcend dans cette mine par une
rampe bien dirigée : l'autre mine, qui elt à une
lieue de la première, eft abondante, mais le fer
en eft aigre 8c caftant j elle fe trouve dans un rocher
de jafpe mêlé de quartz.
On voit aufii aux environs de Molina, 8c dans
quelques autres endroits d’Efpagne , un grès falin
qui le trouve tantôt par blocs ou rognons, &
tantôt par couches. On rencontre entre les montagnes
dont il eft queftion i c i , des maifons qui
font bâties de ce grès falin, 8c que les chevaux 8c
les mulets lèchent avec un certain plaifir.
La rivière qui pifle à Molina a creufé un ravin
de plus de cent trente pieds de profondeur verticale,
entre deux rochers. On apperçoit, en con-
fidérant avec foin les bords de ce ravin, que la
pierre, en fe décompofant fuivant le fyftème de
M. Bowles, a contribué elle-même à l'approfon-
diflement de cette coupure.
En partant de Molina, à deux lieues nord-
oueft, on trouve un coteau appelé la PLatille, où
il y a une mine de cuivre qui renferme de belle
malachite & des criftaux différemment colorés par
cette chaux de cuivre.
Derrière un moulin peu éloigné de Molina, il
y a un petit coteau compofé de rochers calcaires
remplis de pétrifications. On y trouve différentes
fortes de térébratules ou anomies, des coeurs de
boeufs, des huîtres de différentes efpèces 8c des
bélemnites.
A quelque diftance on voit des dendntes , dans
des couches de pierres calcaires d’un grain ferré ,
inclinées à l’horizon, & réparées entr’elles par
des fentes verticales.
Enfin, à un quart de lieue de Molina, il y a une
fontaine dont les eaux exhalent une forte odeur
de foie de foufre. On dit qu'elle eft de la même
.nature que celles de Coterêts en France. A trois
lieues dô Molina, il y a une fontaine d’eau fà’réèv
La chaîne de montagnes, qui fe prolonge du
nord au fudau detfous de Molina, fe défîgne plus
particuliérement par le nom de Sierra de Cuenca. A
quatre lieues de diftance eft la lagune de Unna, où
il y a un îlot flottant qui change continuellement
de place. Il eft couvert d’herbes 8c d'arbriffeaux.
A côté eft le puits tfAyrou, qui eft d'une extrême
profondeur. Il y a auflî des eaux thermales. Enfin,
dans cette portion de montagnes on trouve différentes
fortes de pétrifications, 8c furtout une très-
grande quantité de cornes d’ammon, qui ne peuvent
y avoir été dépofees que par l'ancienne mer.
On y voit auflî des preuves du féjour de l’Océan
dans certaines parties de l'Efpagne, féjour qui a
e u , ainfi qu'en France, différens intervalles &
diverfes reprifes.
Il me refte à parler de quelques endroits particuliers,
d’abord d'Albarazin, enfuite de Concud.
Albarazin eft placé fur un des terrains les plus
élevés de l’Efpagne. La ville eft entre deux grandes
roches calcaires , fendues de toutes parts 8c\ en
tous fens, de manière que les plus gros morceaux
ont tout au plus deux pieds dans leurs plus grandes
dimenfions. En conféquence il s'en détache fuc-
ceflîvement quelques parties, qui tombent 8c fe
réduifent en terre végétale. Auprès de cesNdeux
roches il y en a une autre dont la bafe 8c le fom-
’’met font aflis en couches horizontales & bien
folides. Au fommet de h montagne on trouve de
belle pierre à plâtre, jafpée de roux, de jaune 8c
de blaire.
En fortant d’Albarazin du côté de l’e ft, on
trouve des montagnes de grès difpofés par couches,
& qui ont des fentes femblables à celles des
rochers précédens. On y rencontre auflî une maffe
d'ardoife pyriieufe ; enfin plus loin, des mines de
fer de différentes qualités-.
Toutes ces montagnes font couvertes de romarin,
de labdanum, de genévriers, de cèdres fort
grands, &c.
Concud eft à cinq lieues environ vers l'eft d’Al-
barazin. Ce Village eft placé fur une colline com-
pofée d'un rocher calcaire, devenu aujourd’hui
une pierre fort dure , mais confervant toutes les
apparences de fon premier état. A peu de diflance
au nord eft une autre colline , dont le fommet
offre un rocher calcaire gris, plus dur en certains
endroits que dans d’autres ,& difpofé par couchés
de deux à trois pieds d'épaiffeur. Il eft rempli de
coquilles fluviatiles, telles que des limaçons, des
buccins, qui ont confervé leur état primitif &
calcaire.
Mais ce qui doit étonner beaucoup , c'eft que,
dans le centre même de ces rochers, on trouve
des os de boeu f, des dents de cheval & d'âne, &
différens os d’autres animaux domeftiques. Il y a
même des os de cuiffes-d'hommes & de femmes
mêlés avec ceux dont:ort vient de parler'. La plupart
de ces os font remplis d’une fubftance crif-
talline & fpathique. Au refte, tous ces objets font
mêlés confiffémenf, puifqu’en un feul endroit font
réunies jufqu’à fix ou huit jambes, 8c fans aucune
apparence de fquelettes entiers, quoique l’ on croie
dans le pays, qu'il en a été découvert. Plufieurs de
ces os 8c de ces coquilles fe trouvent empâtés
dans des pierres fort dures 8c même fufceptibles
de poli.
Dans cette grande quantité d’ os bien confervés
& blancs, on n’a pu remarquer le moindre indicé'
de rapport des uns avec les autres dans cet im-
mênfe charnier : il eft probable que ces os fe font
féparés de leurs fquelettes par les mêmes accidens
qui les ont enfevelis dans la fubftance calcaire, &
qu’ils ont flotté dans la vafe à laquelle lés pierres
.ont fuccédé. Il y a de ces os qui fe trouvent à la
furface de la maffe montueufe, dans une ferre fort
dure, pendant que d'autres font très-avant dans le
centre. En rendant compte de l'état de ces os
d’après Bowles, nous defirons fort qu'un anato-
mifte 8c phyfiologifte, comme Cuvier , décide les
efpèces d'animaux auxquels ces es ont appartenu.
Trevel e ft v e r s le fu d -e ft , dans un b e au v a llon
c u ltiv é 8c a r ro fé par le Guadalaviar, d on t les e au x
cou len t len t em e n t à tra v e r s la pla in e q u 'il a fo r mée
lu i-m êm e . Se s e au x o n t fa it de grands ra v a ges
, & en fo n t to u s les jo u rs de c e c ô t é . O n t ro u v e
au pied d e c e s c o te a u x les fragm ens d es g ran d e s
pierres d o n t ils é to ie n t c o u ro n n é s . L e s e a u x , en
minant les te rr e s qu i les fo u t e n o ie n t , y o n t cau fé
ces deftrucfioBS 8c c e s dc-placemens.
La côte d'Efpagne court du nord-oueft au fud-
oueft, depuis le cap de Creus jufqu'à l’embouchure
de l'Ebre. Avant:d'arriver à cette embouchure,
on fe trouve refferré entre les montagnes
8c la mer. Ce paffage fe nomme le Col-de-Bala-
giter.
On voit là que l'Ebre a formé de grands atter-
riffemens dans fon embouchure , que la- force du
courant du fleuve a diftribué heureufement de
droite & de gauche ; ce qui a confervé la liberté
du lit jufque fort avant dans la mer.
Des montagnes calcaires s'avancent du nord-
ouefl, 8c bordent d’alTcz près le rivage de la mer.
L*efpace s’élargit & préfente le beau b a (fin où
coulent le Guadalaviar 8c le Xucar. ( Voye* les
articles de ces fleuves & ceux des royaumes de
Valence 8c de la Catalogne , où l'on achèvera de
faire connoître cette contrée, l'une des plus inte-
reffantes de l ’Efpagne. )
ARA L , grand lac d’A fîe , dans la Tartane indépendante
, à l’orient de la mer Cafpienne. Il a
environ trente milles d'Allemagne du fud au nord,
8c quinze de l'eft; à l'oueft. Il reçoit deux grands
fleuves, Fancien Taxanes 8c l'ancien Oxus. Ses-
eaux font falées comme celles de la mer Çaf-
pienne , & les poi(Tons qu'on y trouve , font des
rùêmes efpèces que ceux de cette mer. Les peuples
qui habitent fes bords pratiquent près dii
rivage de larges- canaux peu profondsdans lefquels
ils font couler les eaux du lac pour en tirer
le fel par le moyen de l’évaporation que le foleii
y produit en peu de tems. On n'a pas encore déterminé
par où ce lac verfe fon trop plein dans la
mer Cafpienne ; mai-s on affûte qu’ il en fort des*
rivières qui ont leur embouchure dans cette mer.-
ÀRALLNOU. C ’eft un grand la g d ’eau falée,
dans la contrée d’Arall, qui fait partie du pays de
Kovarefme , province montueufe, fabloneufe &
généralement flérile , mais ayant en plufieurs endroits
des pâturages excellens pour les troupeaux.
Ce lac |qui fépare le pays d'Aral! des provinces
orientales de Kovarefme, eft un des plus grajads
lacs de l’Afie feptentrionale. 11 a plus de trente
milles ou quarante lieues en longueur du nord au
fud , 8c environ la moitié en largeur de l’eft à
l’oueft. Ses eaux font extrêmement falées. Il reçoit
toutes les eaux de la rivière de S ir, celles de Ke-
fell & d'autres rivières moins importantes. C e pendant
il ne s’élève point au délais de fes rives*
ordinaires, 8c l’on ne connoît point de canal apparent
par où fes eaux puiffent s’écouler.
Les Karakalpacks, qui occupent le bord fepten-
trional du lac Ara.ll, conduifenc .en été .fes eaux ,
par le moyen de certaines rigoles, dans les plaines
fabloneufes d’alentour j & l'eau venant à s'évaporer
peu à peu par la chaleur du foleii, laiffe à la
fin toute la furface'de ces plaines couvertes d’ une
croûte d'un beau fel criftallifé, où chacun va-,
prendre fa provifion de l'année pour les befoins
de fon ménage.
ARARA T ( Mont') r montagne d’Afie , dans
l ’Arménie. Cette montagne eft remarquable part
ce que nous en apprend M. de Tournefort dans
fon Vo'yage au Levant. Il trouva dans les plaines
au bas de YArarat les plantes ordinaires de l’Arménie.
En s'élevant au pied de la montagne, il
reconnut une partie de celles qui font propres à.
l’Italie. Après avoir monté à une certaine hauteur1
il vit celles des environs de Paris. Plus,haut, celles
de la Suède , & enfin auprès des neiges qui cou-
vroient le fommet de YArarat, fe préfentèrent à
lui les plantes des Alpes, de la Suiffe & de la Lap-
ponie. Après cês détails propres à intéreffer les-
botaniftes, nous allons présenter ceux qui peuvent
nous décider fur h conftitution phylîque de la,
maffe montueufe de YArarat:
De Corvirap on découvre diftin&ement les deux
fommets du mont Ararat. Le p e tit, qui eft le plus
pointu, n’étoit pas couvert ne neiges le 9 août
mais le 14 il en étoit chargé. Lorfqu'on eft parvenu
au pied de ces deux fommets ,o n y trouve des
fables mouvans, qui rendent très-pénible la marche
des voyageurs qui tenceroient d'efcalader les-
précipices. Cette montagne offre outre cela un
dès plus triftes &: des ? 1 us défagréabîës afpeéts
qu’on puiffe voir. On n'y trouve ni arbres ni ar-
briffeaux. Tout, ce terrain mouvant dont nous avoua.