
D ’autres écrivains ont penfé qu’un tremblement
terre étoit furvenu & avoir creufé le vallon
<ie Tempé; ce qui avoit donné un cours libre aux
eaux du Pénée. J’ai peine à croire aux tremble-
mens de terre lorfqu’on les cite pour opérer les
formes régulières de la fuperficie du globe. Le
vallon de Tempé a été creufé par les eaux courantes
comme tous les autres vallons du monde ,
& dès-lors je ne‘ puis plus admettre d’agens extraordinaires.
Effectivement, n’eft-il pas plus raifonnable de
penfer que le Pénée a été fujet à de grandes inondations,
& que ce font ces inondations qui ont
donné lieu à la tradition du prétendu déluge , car
il eft probable que ces déluges ont eu plutôt leurs
origines dans l’ intérieur des terres, que dans l’Océan.
Il eft d’ailleurs vifible qu’en tout tems il y
a eu de très-grands mouvemens dans les eaux courantes
, qui étoient entraînées à la mer par les
pentes naturelles des terrains, au lieu qu’on ne
peut pas fuppofer de femblables forces qui portent
les eaux de l’Océan contre les bords des
continens pour y opérer de larges & prof ndes
ouvertures. Tout ce que nous trouvons d’ailleurs
en Theffalie, nous conduit à croire aux opérations
ordinaires des eaux courantes que nous avons
expofées ailleurs, 8c nous autorife à écarter les
hypothèfes des auteurs anciens y recueillies & accueillies
par nos antiquaires, dont les recherches
annoncent une grande érudition & nullement la
marche qu’on doit fuiv.e lorfqu’on prétend découvrir
les grands faits inconteftables de Thiftoire
de la Terre.
Je pourrois ajouter à toutes ces raifons celles
que j’ ai cfu devoir expofer dans la difcuffion fur
l ’ouverture prétendue fubite du Bofphore de
'Thrace & de celui des Dardanelles, par lefquels
'motifs j’ai cru pouvoir réduire ces événemens à
TaCtion générale des eaux courantes dans l’appro-
fondiffement des vallées, malgré les affermons contraires
des hiftoriens qui ont attribué cette ouverture
à une invafion fubite des eaux de la Méritoire
8c de la mer de Marmara dans l’Archipel.
En examinant tous ces événemens , je n’v ai vu
que le rendez-vous des eaux di l’ intérieur des
terres qui fe font portées dans les différens baffins
où elles étoient contenues naturellement, & qui
s ’y font portées par des vallées qu’elles fe font
creufées fucceflîvement. Il a bien pu fe faire que
~ees eaux aient été plus abondantes à certaines
époques que dans d’autres, & qu’on ait confondu
les inondations qui font des événemens fubits,
avec l’approfondiffement des canaux étroits, qui
n’a pu s’opérer qu’avec le tems.
Pour bien mettre à leur place les notes ou même
les récits des anciens hiftoriens qui concernent lés
opérations de la nature , il faudroit en faire un
dépouillement exaél:, rapprocher les crrconftances
qui fèroient indiquées dans ces récits, en les Comparant
foigneufemear avec l’état aCtuel des chofes.
Tonrnefort étoit fi peu éloigné d’adopter cette
voie de découvrir la vérité , qu’il fe plaint de ce
que Pline n’avoit pas tenu compte de ce que plu-
neurs écrivains avoient recueilli fur les traditions
des peuples voifins de la Grèce. D’un autre côté
cependant, on doit approuver cette diferétion de
la part d’un écrivain qui paffe pour n’ avoir pas mis
un grand choix dans les partages qu’ il a copiés des
auteurs anciens que nous n’avons plus.
Je vais plus loin encore. Depuis que nous avons
appris à reconnoître les plus anciennes opérations
de la nature par l’étude des réfultats que nous
retrouvons fur les lieux, il me femble que les
obfervateurs ont un bon moyen d’apprécier au
jufte les écrivains anciens, car il leur fuffit d’en
appeler à la nature elle-même, i l eft vifible qu’ils
ne peuvent nous en impofer d’une manière définitive,
pour peu que les vertiges des 'anciennes
opérations exiftent encore. Effectivement, ces vef-
tiges, quoiqu’altërés à un certain point depuis une
longue fuite de fiècles, font toujours des témoins
dont on peut tirer des conféquences très-fortes
contre le merveilleux qui a féduit tant d’écrivains
de l ’antiquité > & même plufieurs de nos jours.
(F'oyei les articles MERVEILLEUX, TRADITIONS*
T h e s sa l ie , Bo s ph o r e , D éluges.)
Je le répète: il y auroit un travail à faire fur
les récits des diftérens auteurs anciens qui font
mention de quelque-point de l’hiftoire naturelle de
la Terre j ce feroit d’en extraire les faits avec une
grande précifion, de fuivre l’emploi que les
dernes, guidés par la feule lumière d’une érudition
vague , en ont hafardé 5 enfin, de détruire
^toutes les hypothèfes 8c toutes les affertions faüf-
fes par la comparaifon des détails que l’obferva-
tion peut établir fur les objets qui peuvent cor-
refpondre aux premiers faits.
Il eft aifé dé voir que l’obfervation de la nature
eft la feule reffource que nous ayons pour re&ifier
les Anciens 8c leurs aveugles copiftes. Les affér-
tions les plus fingulières n’ont été employées
comme matériaux dans les fyftèmes modernes *
que parce qu’on n’a pas eu le courage de les détruire
: cependant des recherches faciles les au-
roient fait difparoître, & ces vieilles erreurs n’ au-
roient pas réfifté à la moindre attaque.
Voyez notre Notice fur Sénèque * premier volume
, où fe trouvent quelques effais de ce
travail.
ANCONE. Ancône -eft une ville agréable ,rom-
pofée de vingt mille âmes, fituée fur Une côte
riante 8c fertile, dont la pente eft tournée du
côté de la mer. C ’eft une ville très-gaie 8c très-
commerçante avec le plus beau port de la côte-
d’ Italie fur’cette mer.
Les papes n’ont rien négligé pour y attirer le
commerce de la mer Adriatique r c’eft un port
franc & bien entretenu. On ’y a fait'un nouveau
môle ou braccio y qui affure le port du côté1 du
nord ; il a cent quatre-vingts toiles de long : on y
a joint un petit fort & un fanal à l'extrémité du
môle, t e port a cinq cents toifes du nord au fud ;
mais , malgré tout cela a le commerce A’Ancône a
peu d'aélivité, i
Ancône elï bâtie de briques & d’une pierre
blanche tirée du Monte - Conero, qu’on appelle
aufli Monte-d’Ancona, à trois lieues de la v ille ,
du côté de Lorette i mais comme cette pierre eft
tendre & s’éclate à l’air, on fait venir aufli une
pierre de Dalmatie, plus dure, qui reffemble beaucoup.
au marbre, fi ce n'eft qu’elle n’en a pas le
brillant.
Le commerce de cette ville Cènfifte furtout en .
blé & en chan-yre , qu’on exporte au loin pour
cordages & voiles de.navires; en foufre des environs
de Cefene , en poiflons & en faïence :
telles font les produirions furabondantes de la
Romagne.
On en tire encore.de la c ire , du coton, des
bois de teinture 8c des bois de couftruCtion. L’on
y. conftruit de petites.’barques ; l ’on y fait du
fucre, du favon, des bas de foie & de la cire..
Le commerce d’entrepôt eft foible , & plus
encore celui de confommation,. le pays fe, fuffi-
fant.prefqu’à luî-même. L ’on y pêche d’exceliens
poiflons , tels que le rombo, le fanpietro, le cala-
maro: on eftime beaucoup le ballero, efpèce de
daib ou pholadê qui s’établit dans les pierres du
rivage 5 on lui trouve un goût excellent. Ce coquillage
a une propriété phofphorique.
I Le chemin qui conduit à cette ville eft extrêmement
agréable. ; On , remarque fur toute cette
côte, une très-grande quantité de .ruiffeaux. 8c de
rivières qui defeendent de la partie orientale de
l ’Apennin.
belles cafcateîles à Pe/lo. Ce q u ’il y a de fingulier
& de remarquable, c’eft que le village eft fi tue
fur un maffif de ftalaCtites. C ’eft dans un de ces
maffifs très-épais que fe trouve la grotte de Fo~
ligno. Ce rempliffage a recouvert 8c élevé le fond
du vallon , à l’ extrémité duquel font les^ pape ter
ries de Foligno , que j’ ai vifitées avec intérêt.
Au-delà du village, en s’élevant toujours fur
les croupes de l’Apennin, on fuit le vallon 8c la
rivière Topino , dont l’eau eft fort claire, quoiqu'elle
Les habitans ôîAncône, 8c furtout les femmes,
paflent pour, être d’une plus jolie figure que dans
le refte7 de l ’Italie : on diroit que e’eft une race
différente & cela continué aux environs.
A ncôeIe ( Marche xi’ ) ,fcontrée d’Italie^ com-
prife entre l’ Apennin 8c la mer Adriatique. Pour
faire connoître ce pays quant au fol 8c aux formes
du terrain ,. qui ont fait furtout l'objet de mes
lecherehes en Italie, je les préfenterai ici telles
que je les ai obfervëes en.partant àeFoligno, qui
£e trouve à l’oueft de l’Apennin,, 8c,en parcourant
le revers oriental de cette chaîne, jufqu’ à Ancône
8c Sinigaglia..
t De Foligno-on continue à- s’élever fur des pentes
de terrains cultivées, dont le «fond eft compafé
de débris de pierres. On y vo it des vignes, des
oliviers 8c d’autres productions dé bonne qualité, j
On rencontre enfuiteda;continuation des mêmes I
pentes nues & dégarnies, de terres. C e font des. I
pierres calcaires à grain fini, infiltrées, qui forment j
une. grande partie, du noyau de d’Apennin dans
cette partie. Plus loin s’ouv-re un vallon fort ap- {
profond!, où coule une rivière dont le lit offre de *
forme ces dépôts de ftalaCtites dont nous
avons parlé , & l'on parvient ainfi à Cafe-Nuove,
où l’ on parcourt un vallon fe c , comblé de dépôts
torrentiels immenfes ; ce qui me donna lieu de
remarquer que les-agens qui avoient creufé ces
vallons, étoient dans des circonftances différentes
de celles où fe trouvent ceux qui les reinpliffent
maintenant.
C ’ eft furtout à cette hauteur que les débris da
l’Apennin fe précipitent de tous côtés le long des
pentes rapides, 8c vont s’accumuler dans le fond
des vallons, dont l’approfondirtement paroît être
d’une date fort ancienne. .Il y a même des amas de
débris qui forment des adoflemens prolongés dans
les anciennes ravines, 8c qui s’y établiffent à demeure.
Là on reconnoît aifément que la fonte des
neiges, plus ou moins abondantes., ainfi que les
pluies, contribuent à ces doubles opérations, c ’eft-
à-dire, à des deftru&ions d’ un c ô té , 8c aux dépôts
qui en, font la fuite de l’autre. Je dois indiquer à
cette occafion les environs de Colle-Fiorito, où
l ’on s’élève fur des croupes fort efearpées pem
dant trois ou quatre milles, après quoi l’on fe
trouve fur une efpèce de plaine au milieu des
cimes de l’Apennin y 8c renfermant le baffîn d’ un
lac : fa digue eft formée par l’accumulation d’ une
grande quantité de matériaux qui occupent les
débouchés des e,a.uxtde.cette contrée. Toute cette
plate-forme a pour enceintes des croupes entamées
au milieu des dépôts de neiges , q u i, dans
cette contrée, ont décompoféles pierres 8c formé
à la fuite de grands amas de terres, produits de ces.
décompofitions : aufti la plaine eft- elle couverte
d’une multitude de débris de toute nature 8c de
toutes formes.
Il m’a paru que le lac occupoit ledit d’un ancien
glacier, 8c, que les débouchés qui font tous our
verts, fiiï des vallons très- profonds, font la fuite
du travail des■ neiges qui fe: fondoient à des épo--
qu.es reculé#^.? outre ceîa , lés ourlets de terres
qui font l'office* de digues, m’ ont paru avoir, été
ainfi accumulés par les glaces de ces glaciers, qui
eheminoient à mefure que celles des parties intérieures
8c élevées. les pouffoient vers ces dé-
bou-dhés..
: On voit un peu , plus loin un fécond lac , .dont
la formation eft. aqj& yifiblem^nt. la fuite de cii>
eonftances. à peUi prèsXemblables. Ses eaux vont
baigner les parties baffes de l’emplacement d’un
village adofféicontre que croupe de l’Apennin^pe*a
T t r i .... .