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On a voulu nier absolument l ’exiftence de ces
angles > parce qu’on ne les avoit pas rencontrés en
comparant la grande chaîne de montagnes qui répare
le canton de Berne du Valais d’un côté , 8c
les Alpes qui féparent le Valais de la Savoie de
l’autre, lefquelles montagnes fervent de limites au
cours dü'Rhône; mais on n’a pas vu que, quand
même ces angles alternatifs auroient exillé, le
travail poltérieur des eaux qui débouchent affez
abondamment par les rivières 8c les ruifleaux latéraux
, auroient défiguré ces formes ; on n’ a pas vu
non plus que ces angles alternatifs ne s’ébauchent
pas, ou fe détruifent &difparoiffent dans les grandes
vallées creufées, fort larges, & approfondies
par les eaux torrentielles.
On cite auffi le fameux vallon qui eft fur le mont
Saint-Gothard, comme contredifant cette forme
à3angles correfpondans , ainfi que les difpofitions de
la plus grande partie, des montagnes qui forment
fon groupe 5 mais il eft facile de voir que les contours
extérieurs de ces mafifes différentes font le
r'éfultat de plufieurs agens qui fe.contrarient quant
à leurs effets. Cômmènt, fur un point aufti élevé ,
où les eaux courantes n’ont point de marche déterminée,
où les glaces & les neiges l’ arrêtent ou
h modifient pendant la plus grande pairie de l’année,
peut-on nier qu’un effet qui exige d’autres
circonftances n’a pas lieu?
On cite encore le vallon de Scholenen, qui a
plus de huit lieues de longueur, & dans lequel'!a
ReuflTcoule du fommet du Saint-Gothard jufqu’au
lac de. Lucerne , & qui offre à peine quelques
exemples d3angles correfpondans ; mais on n’a pas
vu qu’ une eau torrentielle comme celle de laReuff
dans ce trajet, laquéîle entraîne tous les matériaux
qu’elle détache des bords de fon canal, ne peut
éprouver les détours qui concourent à la formation
des angles correfpondans.
D’ailleurs, tous les nombreux vallons qu’on
traverfe en parcourant le Grindelv/ald, le pays
d’Hafli-&' autres circonvoifins, n’annoncent pas
ces mêmes formes par de femblables raifons. Ceci
•prouve que ceux qui nous ont publié cette lo i ,
ceux qui ont prétendu en faire ufage, ne connoif-
fôient pas les circonftances que je viens d’indiquer,
& que la nature mettoit en ufage pour or-
ganifer , fous ces formes correfpondantes, les
bords des vallées. Si l ’on eût obfervé cë beau travail
de la nature au lieu de le contredire, au lieu
de l’admettre partout, on auroît découvert ces
circonftances comme je l’ai fait, & o n en auroit
prefcrit les limites de manière à jeter du jour fur
cette partie intéreffante de l’approfondiffement de
nos vallées. Je feus plus que jamais q u e , pour
donner une théorie générale de cet approfondir-’
fement, il faut connoîcre 8c diftinguer toutes les
caufes 8c toutes les circonftances qui peuvent concourir.
à diriger & à modifier la .marche des eaux
cornâmes, principal agent dé l’approfoRdiffemenE
des vallées de tous les-ordres.
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On voit par les détails dans lefquels nous fom-
mes entrés en donnant précédemment le précis
de la doctrine de M. de Buffon, que ce grand
naturalifte, dans l’expofition du travail des cou-
rans de la mer, diftingue deux époques allez peu
liées enfemble : la première, dans laquelle il veut
nous perfuader que les eaux du flux & reflux ont
formé les dépôts fuivis de matériaux , dirigés de
manière qu’il en eft refaite la compolïtion de collines
8c de montagnes ifolées, entre lefquelles
maffes les courans ont réfervé des vides femblables
à nos vallées ; ce qu’ il eft allez difficile de concevoir.
D’après ces premières fuppofitions, le même
phyficièn imagine que, dans la fécondé époque, ces
vides, comme les ëminences-qui en formoient les
bords 3 ont pris des difpofitions affez régulières
pour qu’il fe foit établi des courans qui auront
continué d’organifer laftruéfcure.de ces vide s 8c
leurs limites, comme les bords de nos vallées :
d’où il eft réfalté un canal dont les angles auront
été alternativement oppofés. C’ t ft ainfi que, fai-
vant M. de Buffon, nos vallées 8c les lmuofités
correfpondantes de leurs boi>s ont été préparées
au fond de la mer par la nacu-.e, qui les d-jftinoit
à 1a circulation de l’eau des pluies après la retraire
i de la mer ; en un mot, après que le fond de la mer
feroit devenu un continent fec & entièrement
découvert. M. de Buffon finit par confidérer toutes
ces hypothèfes comme formant un corps de
preuvesauffi complet qu’ on puiffe en avoir cffphy-
fique, 8c foitrniffant une théorie'appuyée fur ce
qu'il veut bien nous donner pour des faits qu’il
regarde comme indépendans de toute hypothèfe,
fi l’on a le courage d’y croire comme il a cru à la
généralité de la loi de Bourguet, fans l’avoir vérifiée
8c contrôlée, comme plufieurs naturaliftes
l’ont fait.
Dans le tems des fortes inondations on peut
s’ affurer que les grandes rivières, en dépofant les
débris de pierres de toutes fortes, & de fàbk-s
qu’elles charient fur le Tond de leur li t , s’en écartent
pour fe porter du côté du bord efearpé. C ’eft
ainfi qu’elles élargiffe.nt leur l i t , comme je l’ai
déjà d it, en creufant l‘angle rentrant : ce font là
les deux circônflances qui peuvent nous faire con-
noître les caufes des configurations des bords de
nos vallées, dont nous pouvons fuivre tous les
progrès fans croire au travail des courans de la
mer , comme ayant ébauché toutes cès opérations.
On fe feroit une grande iilufion fi l ’on plaçoic
les angles correfpondans fur les bords des divers
baffins de l’Océan. Nous croyons qu’on ne peut
faire aucun fond fur l=s confidérations vagues de
certains écrivains à-ce fuj-et ; car comment prouver
que la pointe avancée d’un côté à la Chine ou
au Japon | ait pu agir affez puiffamment fur l’eau
| de la mer du fud pour avoir produit un enfoncement
correfpondaht fur les côtes du Chili ? -
i Je l'ai déjà dit : ce feroit fe faire iilufion que
d’imaginer
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d’imaginer ces angles correfpondans dlftnbüés régu- §
fièrement fur les bords d’une large vallée, comme I
celle du Rhin en Al face. Ce n’eft pas que les grarv 1
des vallées n’aient ofcille ; mais- ces ofcillations t
ont''difpa.ru par plufieurs circonftances. Les eaux
torrentielles n’ont point ofcillé comme celles qui,
ayant leur cours fur une pénte_affez peu confidé-
rable , 8c q u i, dépofant beaucoup de matériaux,
éprouvent en conséquence des détours fréquens |
qui occafionnent de grandes ofcillations. Nous favoris
que les eaux courantes perdent de leur vitefle
à mefure que la pente de leur lit s’adoucit 8c qvCijr
s’élargit j c’eft alors qu’ elles dépofent les fables,
les débris dé pierres qu’ elles avoîent entraînés,
dans leur grande force, des parties Tupérieures de
leur canal. Je puis faire une application de ces circonftances
à la Seine lorfqu’elle a atteint les environs
dë Paris.
Dans plufieurs cas les agens defini,Ôteurs des
bords de nos vallées ont défiguré leurs formes primitives
: ainfi je crois qu’ il eft intérellant, dans
l’examen des effets de toutes les eaux courantes , .
de teconnoître ces diverfes délimitions lorfqu’el-
les ont eu lieu.
Il y a des ofcillations fort étendues, 8c qui font
•la fuite de fort longs dépôts : dès-lors les angles
faillans font des plans, inclinés , couverts d'une
grande quantité de débris , lefquels ont contribué
à rejeter les eaux courantes contre les. bords ef-
■ carpes oppofés ; ce qui eft fort rejnarquable>;
L’examen que j’ai fait depuis plufieurs années
des angles correfpondans' de nos vallées, m a fait
connoître que ces formes pou voient être défignées
d’ une manière plus fimple & plus lumineufé, fous
deux rapports très-faciles à faifir ; je veux dire
d’abord fous celui de plans inclinés 3 8c enjuite
fous celui de Bords efcdrpes, les plans' inclinés indiquant
les produits des dépôts que l’eau courante
fait à mefure qu’elle s’écarte de fa direction primitive
pour fe porter contre le pied du bord ef-
càrpéy 8c les bords ' efcarpés t la fuite du travail de
la.même eau, qui élargit fon lit & déplacé fon canal
en détruifant ce.bord. Lorfqu’ on parcourt les ;
vallées pour en étudier les bords, ces formes fe
diftinguerit mieux & fe faififfent plus facilement
fous ces dénominations, que fous celles èt angles
faillans & rentrons : auffi j’en fais ufage très-fréquemment
dans les articles de ce Dictionnaire, où
il eft queftion du travail des eaux courantes dans
nos vallées. .
Je reviens aux difficultés que j’ ai oppofées au
travail des courans de la mer, tel qu’ fha été imaginé
par M. de Buffon, & j’ajoute que ce prétendu
travail, opéré par une maffe d’eau qui combloit
bord à bord les vallées fôufmarines que parcou-
roient lés courans, ne peut- en aucune forte être
comparé à celui que les eaux courantes de nos
■ rivières & de nos fleuves exécutent fous nos yeux>
Géograpkie-P kyfiÿue. Tome II.
A N G 5g5
car, i°-, comme nous l’avons d it , ces eaux courantes
ont des bords déterminés, 8c c’eft avec cès
bords que s’opèrent dé grandes parties du travail
que nous énvifageons ici ; i°. ces mêmes eaux
courantes ont eu une marche fucceffive depuis les
bords fupérieurs de nos vallées,'jufqu’au rond de
cuve ou aux plaines fluviales où ils l’ont terminée;
3°. enfin, on ne peut pas imaginer qu’il ait pu fe
former fous les eaux de la mer des débris qui aient
occâfionné des rempliffages & des ofcillations
comme dans nos vallées, &c. ( Ÿ’oye^ les mois
V a l lé e s , Plans inclinés, Bords e s c a r p é s ,
O scillation Si)
ANGLE de confluence. J’appelle ainfi l’angle
fous lequel deux rivières fe joignent ou affluent.
Dans l’examen que j’ai, fait de la marche des
eaux courantes à la fur fa ce de la terre dans les dif-
férens pays que j ’ai obfervés , j’ ai reconnu que cet
angle varioit comme les pentes des terrains au
milieu defquels les rivières ou les fleuves fe reu-
nifloient. Ainfi j’ ai vu que , lorfqus les pentes
étoient confié érable s , les angles de confluence
étoient aigus, 8c qu'au contraire ils étoient droits
ou obtus Iprfque lés. liyières affiu,oient au milieu
des larges plaines d’un pays plat, 8c qui n’avoit de
pente que.ee qu'il fallo.it pour favorifer à un certain
point l’écoulement des eaux courantes. On
fent bien que, daris ces circonftances, les angles,
des rivières latérales font affujettis aux mêmes lois,
qui font très-confiantes.. Je me propofe au refte
a indiquer en détail dès exemples de ces dift ri butions
des divers canaux des eaux courantes, à l’article
C onfluence , auquel je-renvoie, ainfi qu'à
celui d’A ffluence , où il.a déjà, été queftion de,
quelques particularités de ce phénomène; 8c de.
cette découverte.1
ANGLETERRE ; royaume renfermé dans la
plus grande ..île de l’Europe. J’aurois beaucoup de
détails à préfenter fur cet E ta t, relativement à
' fes établiltemens politiques ; mais j’ ai ,dû me borner
à fa conftitution. phyfique. Je m'occuperai
donc.d’abord de fon climat, & de la température
des faifons qui s’ offrent fucceffivement dans. le
cercle annuel ; enfuite je parcourrai les différentes
côtes de cette île , fuivant qu’elles fe préfentent
fur les rivages de la Manche, ae la mer du Nord .
& de la mer d’Allemagne ; puis , en rentrant dans
l’intérieur des terres, j;in,diqlierai les. rivières &
les montagnes, comme offrant les principaux traits
de la phylionomie de cette île. Si le géo'graphè;
ne les décrivoit pas avec foin, il ns pourront donner
fon tableau comme celui d’un grand pays5, qui
intéreffe la géographie-phyfique.
T. Du climat de VAngleterre.
, Le climat de la Grande-Bretagne eft peut-être
f f f f