
de r o i gnon font aufli multipliées que celles du
Doubs.
: Dans la planche de Mont-Louis, n°. 20, plusieurs
rivières coupent à angle droit des chaînes
de montagnes en arêtes alongées; ce qui revient
aux phénomènes de la Virginie. Ainfi la rivière
d'Aude coupe, entre Saint-Martin & Belbianes,
deux chaînes bien fuivies aux deux côtés de fon
lit. La rivière de Boulfane coupe une arête fort
étroite au détroit de Saint-Paul, & la rivière de
Vadouble coupe de même,,entre Pafiols & Vin-
gram, une chaîne fort longue ; enfin, la rivière de
Mont-Louis, au deflus d 'Olette, divife en deux
ma fies des arêtes très-élevées.
On pourroitajouter à cela, i° . des ruiffeaux
qui ont coupé viliblement des arêtes d'une moindre
étendue , & dont les détroits font moins profonds.
20. Des détroits ouverts entre deux parties
à'arêtes continuées dans la même dire&ion, &
qui n'ont aucun ruiffeau. Voilà les trois circonf-
tances que nous offre cette planche.
L'examen de ces deux circonftances doit conduire
à rétabliflement des caufes que la nature a
mifes en jeu lorfqu’elle a travaillé plus en grand,
comme dans le cas des trois grandes rivières ci-
defîus, & dans la Virginie.
; Comment les arêtes le font-elles formées primitivement
? Comment ont-elles été coupées en fe
formant ? Voilà ce qu'il faut décider.
On voit feulement que la nature a réuni plus de
cirçonftances dans les derniers , cas , que dans les
premiers; mais dans tous les cas il a toujours été
r.écefiaire que l’eau courante ait pu franchir la
hauteur des arêtes ou des maflifs dans lefquels les
arêtes ont été.réfervées comme elles font. On ne
peut croire qu’à un niveau inférieur au fommet
des arêtes, les eaux fe foient amaffées contre leur
flanc , & qu'elles aient ainfi ouvert les gorges &
les- détroits qui les coupent. Comment conçoit-
on que des eaux tranquilles & fédentaires aient
détruit des murs aufli élevés & aufiî félidés, fi
tout a été découpé en commençant à la fuperfiçie
plate ? Et maintenant, que la fuperfiçie eft pleine
d'inégalkés ,-ces excavations continuent comme
elles ont commencé, l'eau rongeant & démolif-
fant les maffes qu'elle atteint, & autour defquelles
elle peut circuler.
D'ailleurs, il eft .aifé de voir qu'avant la liberté
de la circulation des eaux courantes, il n'y a pas
eu d'arêtes détachées, ' & que ces effets font la
fuite de l'approfondiffement des vallées latérales
qui ont fait reffortir ces arêtes, & ont rendu ces
maffes faillantes à la furface de la terre.
En fuppofant que Y arête d’Andufe n'ait pas été
interrompue autrefois par la brèche qu'occupe
aujourd'hui la rivière , on ne peut pas croire
qu'elle ait pu forcer une telle barrière autrement
que nous l'avons expliqué ci-deffus.
En vain fuppoferoit-on que cette barrière a été
emportée lorfquë la matière du rocher étoit encore
mofle j & que les fucs pétrifians dont elle a
été pénétrée depuis, n'en avoient pas fait une
ma fie ioli.de; que c'étoit dans cet intervalle de
tçnis que l'eau de la rivière ariê.tée a pu la détremper,.
& la rendre par-là plus propre à être
éboulée & renverfée.
11 fuffic de confidérer la chaîne des rochers coupée
j nique dans fes fonde mens à Andufe, & pré-
ciiement de la largeur du lit de la rivière , pour
être convaincu qu'elle a été emportée petit à
petit dans l’état de confiftance où font les matières
, car fans cela les faces de la coupure ne ie-
roient pas efearpées comme elles le font, à pic
également des deux côtés : c'eft partout le même
rocher, le même grain, la même couleur, la même
difpofition des blocs & des bancs, le même arrangement,
la même épaifleur. O r , comment cette
organifation auroit-elle fubfifté fi l'ouverture étoit
faite dans une malfe peu folide, molle, où l'eau,
par fes efforts, auroit caufé un défordre plus ou
moins étendu en conféquence de cet état de mol-
leflè, & auroittout confondu? Je vais plus loin,
& je foutiens que fi les rochers avoient été dans
cet état de mollefle fuppofé au Pont de, L'Arc , il ne
fubfifteroir pas.comme on le voit fur la rivière d'Ar-
dêche, où les, bancs fe font foutenus, & forment
une voûte prefqu'auffi folide que celle d’un pont.
Dans les environs de ces brèches on rencontre
une partie des débris immenfes qui remplilioient
exa&ement ces vides: ce font des blocs de rochers
folides, difperfés dans les plaines & entraînés par
les eaux.
La rivière d'Andufe a une grande pente jufqu'à
la chaîne qu'elle a coupée ainfi par degrés, comme
toutes les autres parties de fa vallée, en commençant
par le fommet-On voit qu-ejle a pu l'atteindre
dans les premiers tems, &: que des-pentes favorables
ont conduit à ce niveau élevé lès premières
eaux courantes de la rivière : outre cela,-
cette rivière fe trouve bordée jufqu'à' la même
chaîne, à droite & à gauche, par une fuite de
collines élevées, &: adoffées de part & d'autre :
la chaîne n'eft pas également foutenue par-derrière.
Enfin, le courant fe porte directement contre
le flanc de la chaîne, & c'eft contre cet obfta*
cle qu'a dû fe diriger fa plus grande aCtion.
Cette aélion n'auroit pu avoir lieu dans le cas
où l'on admettroit que la chaîne.auroit bouché le
cours des eaux, & l’auroit fufpendu ; car l'effort
des eaux.qu'on eft obligé d'admettre pour ouvrir
la brèche eft une fuite de leur maffe & de leur
viteffe , qui n'ont d'effet que.dans des eaux courantes,
libres, & dont la marche n'eft pas fufpen-
due, car le poids feul de l'eau n’a pas été fuffifant
pour culbuter la chaîne, encore moins la détremper
vers le fommet. Tout ce que l'on peut admettre
, c'eft que les eaux, dans la fuite de ce
travail, ont pu fe frayer des routes fouterraines,
des paffages étroits qui ont pu s’élargir, & qui
ont occafionné l'écroulement de certaines parties,
mais toujours dans la fuppofitîon du cours de la ■;
rivière non interrompu.
Dans le fond de la brèche on remarque la^bafe
du rocher enlevé, comme elle fubfiftoit-avant
l'ouverture qui en a été faite. Je la regarde non-
feulement comme un témoignage de la continuité :
de la chaîne en cet endroit, mais encore comme
un témoin qu ira arque que le lit de la rivière eft
aujourd'hui le dernier banc épargné, comme ch a- ■
cun des bancs fupérieurs. l’a été fucceffiyement :
pendant l'excavation de la brèche. On voit ce lit
à découvert, parce que la pente continue des eaux
a produit & produit encore, dans les eaux courantes
de la rivière, une affez grande viteffepour
empêcher les fables de s'arrêter fur ce lit &
couvrir.
Çe que je yiens.de dire peut s'appliquer à toutes
les interruptions des chaînes de montagnes qui
donnent paffage à une rivière : on pourroit même
dire que les digues qui fubfiftent encore en partie,
qui traverfent les lits des rivières, & qui forment
même des fauîts & des cataraéles d’où les eaux fe
précipitent avec bruit, font la bafe d'un rocher
emporté de même que le rocher d'Andufe, avec
cette différence qu'au niveau des digues le rocher
s’eft trouvé durci à un tel point, qu'il a ceffé peu
à peu de donner prife à l'eau, laquelle n'a pu
continuer fon travail en même raifon, tant dans
les brèches qu'au deffus & au deffous, où le terrain
étoit moins dur & plus aifé. à détruire par
l'a&ion des eaux courantes. ( Voye£ l'article A n-
DüSE, où je développe la théorie des coupures
des montagnes par les rivières..)
L’examen de ces coupures & des réfultats qui
peuvent conftater les circonftances dont le concours
a formé ces ouvertures, mérite de nous occuper
avec toute l'attention qu’exigent ces formes
fingulières.
Je vais donc parcourir toutes celles que peuvent
m’ offrir le Jura, les Pyrénées, la Provence,
& même les environs de Paris. C'eft un champ
affez vafte pour établir un principe général lorsque
toutes les circonftances de ces opérations de
la nature auront été reconnues & analyféès.
Il paroît d'abord que quelques-unes de ces coupures
ont été faites fans qu'il fe trouve au milieu
d’elles, ou même aux environs, des eaux courantes
a la fuperfiçie du terrain & au fond de ces
coupures j mais,' malgré cet état des chofes, on
ne peut fe diffimuler que les eaux courantes n’y
aient lai fie les empreintes de leur aétion, comme
bords efearpés & plans inclinés.
Dans la planche de Befançon & de Nozeroy , il
y a des points de partage où l’on voit des eaux
vagues & fans fuite, des eaux qui fe perdent, des
eaux raffemblées dans des lacs & fans débouché
apparent ; mais il eft vraifemblable que ces eaux
fe ^réunifient à celles des vallons fecs & fermés,
& qu’elles vont groflir le réfervoir des belles fources
qui fe trouvent aux pieds des pentes de ces-
points de partage. Elles font l’origine de rivières
confidérables , qui ont enfuite un cours réglé.
Après avoir fuivi ces points de partage & fait
l'examen de la différente diftribution de ces eaux
& de la forme des vallons à ces différens points ,•
je fuis convaincu que tous ces points de partage
comparés offroient partout les variétés les plus
curieufes relativement aux effets des eaux courantes,
& furtout aux vallées,c’eft-à-dire, à leurs
lits de circulation apparente, & à leurs routes intérieures
& cachées.
Je trouve d'abord, dans la planche de Befançon,
Y arête de Y Armont > qui, de la Chaife, fe prolonge
jufqu'à Chàteleu, & après une interruption fort
confidérâble en face de la Brévine, fe continue
jufqu'au bas de Cerneux , prefque vis-à-vis la
Chaux-du-Milieu. Ces deux coupures n'ont pas
d'eau ; mais ceci n’eft pas étonnant dans une contrée
qui les abforbe en plufieurs endroits.
A côté de cette première arête s'en trouvent
trois autres parallèles, qui offrent de femblables'
coupures, que j ’attribue aux mêmes circonftances
indiquées ci-deffus.
Si l’on fe porte vers l’angle nord eft de la même
planche, on rencontre le mont Pouilleret, arête
coupée au Cul-des-Roches par un ruiffeau qui fe
perd préciférhent à cette ouverture. ■
A côté viennent trois arêtes de la Grand-Combe,
qui font terminées par le Doubs, lequel fe joue
au milieu de ces arêtes comme dans la planche de
Vefoul.
| Dans la planche de Nozeroy font les arêtes de
Noir-Mont} au nombre de trois. Outre cela, au
milieu de la planche, on peut en fuivre une autre
parallèle au cours de YOrbe^ & plus à l'eft la
combe du Jura. ( Voyeç C o m b e , dénomination
qui me paroît très-propre à défigner les arêtes qui
courent dans les contrées abforbantes des Jura^
tant de la Franche-Comté que du Dauphiné. )
Maniéré particulière dont s'eft opérée la coupure des
arêtes.
Il y a une autre manière dont les fleuves ont pu
ouvrir les brèches qui ont coupé les chaînes de
montagnes , comme nous le voyons en Virginie.
C'eft par une excavation fouterraine, à la fuite de
laquelle s'eft opéré un éboulement des parties fu-
périeures au canal fouterrain. Cette manière doit
être beaucoup plus rare que'la première, qui eft
la plus commune; c e lle , en un m o t, dont les
preuves & les veftiges fe manifeftent partout.
Dans ce fécond cas il doit s'être opéré un grand
défordre aux environs de la brèche, fuivant le$
progrès, l'étendue & les fuites de l’éboulement.
On eft tenté de croire que les brèches des montagnes
de Virginie ont été ainfi ouvertes fi l'on
fuit la defeription qu'a donnée de quelques-unes
M. Jeffeifon, dans fes notes fur la Virginie. U