
‘de ce qu'il leur eft difficile de conferver leur exiÀ
tence, à caufe de la rareté des provifions > ils Tentent
d’aillîurs que leur petit nombre les expofe à
l ’oppreflion. On ne connoît pas encore la langue
de ces peuples ni leurs coutumes, par où l’on peut
feulement conje&urer l’origine des- nations qui ne
confervent point de monumens.
Il n’eft point inutile de donner ici quelques
Idées fur la formation des îles baffes > elles font
Ijées par des récifs de corail, & fembîent avoir
été produites pav des animaux reffemblans aux
polypesj qui forment les lithophytes. Ces animalcules
élèvent peu à peu leur habitation de deffus
une bafe imperceptible, qui s'étend de plus en
plus. A mefure que la firuéture s’élève davantage,
ils emploient pour matériaux une efpèce de chaux,
mêlée de fubftances animales. Les naturalises qui
ont examiné fur les lieux ces productions admirables,
ont vu de ces larges ftruéturesà tous les degrés
de leur conftruCtion. Près de l’île de la Tortue
il y a , à peu de milles de diftance, & au def-
Tous de Cette terre, un large récif circulaire d’une
étendue confidérable, fur lequel la mer brife partout.
Aucune de ces parties n’e ft au deffus de l’eau :
dans les autres, les parties élevées-font liées par
des récifs , dont quelques-uns font fecs a la marée
baffe, & d’autres toujours fous l’eau. Les parties
é'evées font d’un fol léger, noirâtre, formé de
‘-végétaux pourris & de fiente d’oileaux-de mer,
& communément couvert de cocotiers & d'autres
arbriffeaux, & d’iin petit nombre de plantes anti-
•fcorbutiques j lés pari ics baffes n’ ont que quelques
arbriffeaux & les plantes dont on vient de par-
-ler : plufieurs, qui fe trouvent encore plus baSj
.font lavées par la mer & la marée haute. Toutes
ces îles font réunies, & elles renferment au milieu
line lagune pleine d’excellens poiffons. Quelquefois
il y a une ouverture qui-admet un bateau
ou une pirogue dans le récif > mais on n a jamais
-apperçu- un goulet affez grand pour admettre un
vaiffeau. * - - 1 ' , a, .
: Le ré c if, premier fondement des îles balles,
• eft forme pat-les animaux qui habitent les lithophytes
i ils. éonftruifent leurs habitations à peu de
diftance de la furface de la mer. Des coquillages,
des algues, dit fable, de petits morceaux de corail
& d’autres chofes s’amoncèlent peu à peu au
Commet de ces-rochers de corail, qui enfin fe
■ montrent au deffus de l’eau. Ce dépôt s’accumulé
jufqïi’ à ce qu'un oifeati ou les vagues y portent
■ des graines déplantés, qui croîffent fur la cote
de la mer : leur végétation commence alors. Ces
-végétaux , en fe pourriffant annuellement, repro-
dujfent des femences & créent peu à peu un terreau,
qui s’augmente à chaque'fai Ton par le mélange
du fable. LJne autre vague y porte une noix
de c o c o , qui conferve long-tems fa puiffance végétative
dans les flots, & qui croît d’autant plus
vite fur cette efpèce de fo l, que toutes les terres
lui font également bonnes : c’ eft par ce moyen
que les îles baffes ont pu fe couvrir de cocotiers.
Les animalcules qui bâtiffent ces récifs ont bé-
foin de mettre leurs habitations à l’abri de l ’im-
pétuolïté des vents . & de la fureur des vagues i
mais comme, en dedans des tropiques, le vent
foufle communément du même rtmib, l’ inftinét ne
les porte qu’à travailler de cette manière le bane-,
en dedans duquel eft une lagune. Ils conftruifent
des bancs très-étroits de rochers de corail, pour
affurer dans leur milieu une place calme & abritée.
««Cette théorie, dit le lavant M. Forfter, eft
la plus probable de celles qu’on pe ut donner fur
l’origine des îles bajfes du tropique dans la mer du
Sud. » 11 reftera toujours à favoir ce qui forrnoit
autrefois la première bafe du récif fur lequel s’eft
établi le travail des animaux & celui des végétaux.
, À VERN E, chez les Anciens, fe difoit de certains
lacs, grottes & autres endroits dont /l’air
étoit contagieux, & les vapeurs malfaifantes &
infeéfées. On les appeloit aufli méphites.
On dit que les averties font fréquens en Hongrie
; ce que l ’on attribue au grand nombre de fes
mines. ( Voye% M in e & M i n é r a l . ) La grorte du
Chien en Italie eft célèbre, (f^oye^ G r o t t e ,
E x h a l a i s o n , &c. )
Le plus fameux avertie étoit un lac proche de
Baies, dans la Campanie. Les Italiens modernes
l’ ont appelé Pago di Tripergola.
Les Anciens aifent que les vapeurs qu’ il exhale,
font fi pernicieufes, que les oifeaux ne peuvent
-le paffer en volant, & qu’ils y tombent morts.
Cette circonftance,.jointe à la grande profondeur
du lac , fit imaginer aux Anciens que c’étoit une
entrée de l’enfer ; c’eft pourquoi Virgile y fait ds.f-
cendre Enée par cet endroit.
«c Proche de Baies, dit Strabon, eft le golfe de
Lucrin, où eft Je lac de Y Avertie : c’étoit là que
les Anciens croyoient qu'Ulyffe ayoît, fuivant
Homère, converfé avec les morts, & confulté
les mânes de Tiréfias. Là étoit l’oracle confacré
aux ombres, qu’Ulyffe alla voir & confulter fur
Ion retour. L‘Avertie eft un lac obfcur & profond,
dont l’entrée eft fort étroite du côté de la baie 5
il eft entouré de rochers pendans en précipice, 8ç
n eft accefflble qu'aux navires fans voile : ces ruchers
étoient autrefois couverts d’un bois impénétrable,
dont la profonde obfcurité imprimoit
une horreur fuperftitieufe, & l’on croyoit que
; c’étoit le féjour des Cimmériens, nation qui vi-
voit en de perpétuelles ténèbres. »
Avant que de faire voile vers cet endroit horrible
, on facrifioit aux dieux infernaux pour fe
les rendre propices. Au dedans étoit une fontaine
d’eau pure, qui fe déchargeoit dans la tuer : on
-n’en buvoit jamais, parce que l'on s’écoit perfuadé
que ç’étoir un écoulement du Styx. En quelqu'en-
üroit proche de cette fontaine etoit l’oracle. Les
eaux
eaux chaudes, qui font communes dans ce pays ,
faifoient penfer aux habitans qu’ elles fortoient du
Çhlégéton.
Averne (Lac). Le lac Avertie, qui eft près de
Monte-Nuovo, environ mille quatre cents toifes
au nord de Baies, eft une efpèce de baftïn qui a
près de cinq cents toifes de diamètre, & environné
de collines qui lui dérobent prefque l’afpeét du
foleil. On voit rarement des oifeaux d’eau fur ce
la c, tandis que tes autres lacs des environs en font
couverts en hiver. Près de là commence une caverne
extrêmement fombre, dont les avenues
font étroites & efcarpéesj mais cette grotte pa-
roît avoir été , dans le principe, l’iffue d'un chemin
fo.uterram, taillé pour aller de Cumes au lac
Avertie, & dont on voit l’entrée du côté de la
ville de Cumes. On eft obligé, en entrant dans
cette caverne, & pendant les quinze premiers
pas, de fe tenir courbé i enfuite on y marche debout
& fans crainte , la grotte devenant très-
haute j elle eft moins large que la partie de cette
grotte qu’on voit à Cumes : ce qu’elle a de commun
avec e lle , c’eft qu’elle eft creufée dans la
pouzzolane. Il n’eft pas poffible d’y pénétrer plus
de cent cinquante pas, à caufe des terres écroulées
qui la bouchent. Dans une des chambres de
ce fouterrain fingulier on trouve, à la hauteur
d’un pied & demi, une eau tiède ,* dans une fécondé
chambre il y a un regard d’eau tiède. Lorsqu'on
y jette une pierre, on l ’entend rouler fort
long-tems.
Les étuves de Tritola font environ lîx cents
toifes au midi du lac Avertie. Pour montrer aux
voyageurs la Angularité de ces étuves, les payons
vont jufqu’au fond d ’une grotte longue &
étroite chercher une eau prefque bouillante ; la
chaleur de ces fouterrains eft fi grande, qu’au bout
de dix pas on eft pour ainfi dire fuffoaue, 6c il faut
de l’habitude & de la force pour aller plus loin.
Les payfans y vont avec facilité, mais ils font
prefque nus, & ils en reviennent au bout de deux
minutes tout couverts de fueur, le vifagè aufli
enflammé que s’ils avoient été dans un four. Lorsqu’on
baiffe la tête fort près de terre, on a moins
de peine à refpirer, parce que la vapeur chaude
occupe toujours le plus haut de l’étuve , & que
l’air froid arrive par la partie inférieure. D'ailleurs,
il n’y a aucun danger à redouter dans ces
étuves. On fait qu’on peut s’accoutumer à Soutenir
dans un four une chaleur égale à celie de l’eau
bouillante, fans aucun accident.
Il y a dans ces étuves lîx efpèces de rues , qui
ont fix pieds de haut & trois pieds & demi de
large : il faut y aller avec précaution, à caufe des
gouffres où l’on pourroit tomber. Il y a une de
ces rues qui a deux cent vingt-quatre pieds de
long, & qui defcend aufli bas que le niveau de la
mer} elle eft fort gliffante. Au commencement
de l’été on envoie de tous les environs les malades
Géographie-Phyfique, Tome II,
qui ont befoin de fuer. Le nom de Tritola, que
porte cette é tuve, vient du mot Frittola, parce
qu’on y frotte les malades pour exciter encore
mieux la fueur : la fièvre tierce fe guérit dans ces
etuves. Le'fable même du rivage, & celui que
I on ramaffe au fond de l ’eau, fert dans la médecine.
Quoique i’eau foit froide & entretienne U
fraîcheur du fable qu’elle touche, il fuffit de pé-'.
nétrer dans ce fable à deux travers de doigt pour
trouver un terrain brûlant, où il eft impoffible de
tenir la main. Au deffous de c.ette étuve il y a
une grande falie v oû té e , d’où il fort plufieurs
fources.
Cette côte & tous les environs du golfe de
Pouzol font remplis de fontaines minérales, dont ;
les Anciens ont parlé. On tire de cette côte une
pierre à bâtir, qui eft un tuf formé par des matières
de volcans ou une pouzzolane qui a pris de
la confiftance, dans laquelle on apperçoit encore
les veftiges de matières brûlées.
Un peu au midi de Tritola ou des bains de Néron
, on trouve encore trois grands relies d’anciens
temples ou de bains, en forme de rotondes,
qui fe voient près du rivage, à fix cents toifes au
nord de Baies j ils font en partie enterrés & inon-
: dés par les eaux des marécages.
AVERNO (Lago d’ ). Quelques naturaliftes
nous affurent que le lac à.’Avertie a fucçédé au cratère
d'un ancien volcan , & ils nous donnent pour
preuve de leur prétention, l’état des montagnes
qui environnent fon bafliri, & qui font toutes volcaniques,
ainfi que les fources chaudes de la grotte
de la Sibylle, qui eft fituée fur les bords les plus
ténébreux de ce lac.'
Virgile & d’autres anciens écrivains nous apprennent
que les oifeaux qui voloient au deffus
périffoient î ce qui n’arrive plus aujourd’hui. En
conféquence ces mêmes naturaliftes, qui croient
que le lac d’Avertie occupe la place d’un ancien
cratère, prétendent que le tems où les oifeaux
périffoient, étant plus rapproché de celui de l’é ruption
, les exhalaifons du lac étoient plus meurtrières
qu’elles ne le font aujourd’hui : on préfume
même qu’el'es le font encore un peu, car tous les
lacs voifins de celui d‘Avertie font toujours garnis
d’oiféaux aquatiques en hiver, tandis qu’ on n’en
voit prefque point fur le lac d’Avertie. C e lac avoic
autrefois communication avec la mer j mais à la
fuite de l’éruption de 1518, qui forma le Monte-
Nu ovo, cette communication fut détruite.
| Nous terminerons ces détails fur le lac à?Avertit
en faifant obferver que les circonftances citées ci-
deffus, d’après quelques obfervateurs, pour prouver
que le baflin du lac d3Avertie étoit un cratère,
font très-équivoques & nullement certaines, encore
moins qu’il foit Yabyme d'un ancien volcan
écroulé, que l’eau a rempli, comme le dit Ferber ,
onzième Lettre. Je dirai à l’article des Lacs vol-
çanique s , qu’aucun de çes amas d’eau ne réfide
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