
montagnes plufieurs torrens (vad i) q u i, après *
avoir arrofé & fertilifé une partie des plaines , !
vont fe perdre dans les fab’es , ou fe déchargent J
dans la mer lorfque les montagnes où ils prennent
leurs fources n'en font,pas éloignées, ou que les
torrens font confidérables. Quant à ce qui peut
concerner les vallées où l'eau-des pluies fe raf-
fernble, & d’où elle s'évapore faute d'écoulement,
il y en a beaucoup moins qu'on ne l'a fuppofë.
La chaîne de montagnes qui traverfe toute Y A-
rabie du fùd au nord, s'abailfe lî fenliblement vers
le golfe de ce nom, depuis le mont Sinaï jufqu’à
Tor, & depuis Sana , vers l’oueft, jufqu'à Te-
hama , où l'eau qui fe raffemble entre les rochers
& dans les vallées, & qui n'a pas d’abord un certain
écoulement, fe fait bientôt un chemin, tant
à la furface de la terre , que fous les fables.
On peut y obferver fouvent des ruiffeaux qui
coulent dans des vallées profondes, & li ces ruiffeaux
rencontrent l'eau de quelques fources qui
feules fe perdent dans les fables, auflitôt après
cette réunion, tout prend un cours apparent &
fuivi jufqu'à la mer : outre cela d'ailleurs, après
de fortes pluies, l'eau fe précipite des montagnes
qui dominent les vallées dont je viens de parler,
& pour lors tous les canaux fouterrains ne pouvant
fuffire à l'écoulement des nouvelles eaux
ajoutées aux anciennes, c'eft alors que, tant que
les effets des inondations durent, il s'établit une
eau courante bien fui v ie , & fans aucune interruption
, depuis les fources jufqu’aux fables du Tekama,
On voit des lacs de fel près de Bafra & à’ Haleb :
ce font autant de chaînes de montagnes qui entourent
les badins des lacs, & qui empêchent l ’écoulement
des eaux. On foutient l'eau jufqu'à une
certaine hauteur, & c'eft pour lors à la feule évaporation
qu’on doit le fel qui fe forme fur les bords
des lacs. La vallée de fel près de Bafra n'étant pas
éloignée de l'Euphrate, pourroit être labourée fi
l'on en faifoit écouler les eaux dans ce fleuve, &
que le terroir valût la peine de la cultures mais à
préfent cette terre, en reftant inculte, rend un
très-bon fe l, excellent pour la cuifine, & même
en fi grande quantité, que les vaifleaux du Bengale
le chargent en retour pour left.
Climat.
Le climat diffère en Arabie fuivant la différente
fituation des lieux qui compofent cette prefqu'île.
Dans les montagnes de Y Yemen or\ a une faifon
réglée de pluies, laquelle dure depuis la mi-juin
jufqu’à la fin de feptembre : ainfi elles arrivent
lorfque les chaleurs font les plus fortes, que les
pluies font le plus de bien à la terre, & qu’elles
font le plus agréables aux habitans. Pendant les
deux premiers mois elles tombent le plus abondamment,
& diminuent peu à peu. Dans cette
faifon des pluies, le cieleft quelquefois couvert
«de nuages vingt-quatre heures de fuite : le refte
;de l’année fe pafle fans que, pendant des mois en-
| tiers, on voie le moindre nuage, & l’on a fou-
vent, dans le Tekama, des jours entiers où le citl
eft ferein pendant qu’ il pleut prefque journellement
dans les montagnes voifines.
On parle encore d’une pluie de printems dans
Y Yemen 3 laquelle tombe dans (e mois de Ni fan ,
mais qui ne dure pas : plus elle eft forte, plus la
moiffon eft riche.
La faifon des pluies règne à Maskat & dans les
montagnes orientales de l 'Arabie, à peu près depuis
le 20 novembre jufqu’au 20 février. Dans
Y Oman la même faifon dure depuis le 20 février
jufqu’au 20 avril : les tems les plus chauds fe déclarent
depuis le 20 avril jufqu’au 20 feptembre.
La chaleur diffère beaucoup dans les diverfes
contrées de Y Arabie, & quelquefois au même degré
de latitude ; car pendant qu'elle eft infuppor-
table dans le Tekama, où il pleut rarement, elle
eft très-modérée daus lés montagnes voifines, non-
feulement parce que les nuages qui traverfent le
golfe Arabique & le Tekama, vont fe réfoudre en
pluies fur les montagnes froides & élevées, mais
aufli parce que le terrain eft plus éle vé , & par
conféquent jouit d’un air moins épais.
Un thermomètre de Fahrenheit n’a pas monté
au deffus de 85 degrés à Sana3 dans Y Yemen 3 depuis
le 18 jufqu’au 24 juillet ; mais dans le Tekama
il s’eft toujours maintenu au 98e. degré, depuis le
6 jufqu’au 21 août. On éprouve d’ailleurs dans
cette contrée un calme prefque continuel , qui
rend la chaleur plus fenfible, A Sana il gèle durant
les nuits d’hiver, pendant qu'au mois de janvier
le thermomètre s’élève , à VObeia3 jufqu’au
86e. degré, qui indique la plus grande chaleur
dans les pays les plus feptentrionaux de l'Europe.
Les habitans de Y Yemen vivent donc comme s'ils
appartenoient à des climats différens : aufli trouve-
t-on dans cette province , & dans un éfpace très-
peu étendu, différentes fortes de fruits & efpèces
d'animaux que l’on ne raflembleroit ailleurs qu'en
les tirant de pays fort éloignés.
Le vent produit aufli des effets divers dansJes
villes Y Arabie, félon la nature & la fituation des
contrées voifines : le vent du couchant, qui vient
de la mer, eft humide à Haleb, comme celui d'eft,
qui parcourt le défert, eft fec. Les vents de fud-
eft ou vents de la mer amènent ordinairement un
air nébuleux dans 1 île de Karek & à Bafra; ils y
font même fi chargés de vapeurs, que les meubles
en font mouillés en plein a ir , & elles fe fèchent
promptement quand le vent tourne au nord-oueft.
D ailleurs, les vents humides de fud-eft amènent
ordinairement un calme parfait dans l’île de Karek
& à Bafra pendant les plus grandes chaleurs : aufli
y eft-on accablé par des fiiéurs exceflîves. Le vent
-fec du nord-oueft n'y eft pas fuivi de ces incommodités,
parce qu'il procure un certain mouvement
dans l'air j il femble cependant être plus
chaud pendant les mois d’é té , car il échauffé tous
les corps félidés, comme bois ou fer, quoiqu’ils
foient à l’ombre, comme s'ils étoient expofés au
féleil î l’eau même fe chauffe dans les vaf.s de
verre & de métal. Au contraire, l’eau mife en
plein air dans des gorgelets3 qifi font des cruches
d’une argile non cuite, fe rafraîchit bien plus par
le nord-oueft que par le fud-eft-, & en général 1 eau,
expo.fée à l’ air dans des cruches de grès non ver-
niffées, devient plus fraîche & plus agréable à
boire : les Européens mêmes, dans certaines contrées
de l ’Orient, ne boivent que des eaux rafraîchies
dans des gorge lets ou bardaks.
Comme, pendant le folffice d’é te , le foleil eft
prefque vertical au deffus de Y Arabie, on y éprouve
en général une fi grande chaleur en juillet & en
août, que perfonne ne fe met en route depuis onze
heures du matin jufqu’à trois heures après midi.
Ordinairement les Arabes emploient ce tems à
dormir dans un fouterrain , où le vent vient d’en
haut par un tube pour faire circuler l’air. Ceci fe
pratique aufli à Karek, à Bagdad, &c. Les-Arabes
nomment ce tems des grandes chaleurs, fam ou
fafmiirn, comme nous nommons les nôtres canicule.
C ’eft dans le défert, entre Bafra3 Bagdad3Haleb
& la Mecque, qu’on parle le plus du vent mortel, '
qu’on nomme aufli fam ou famum : il n’eft pas non
plus inconnu dans quelques endroits de la Perfe,
des Indes & même de l’ Efpagne, où il n’ eft à
craindre que dans les plus grandes chaleurs de
l’été ; il vient toujours du côté du grand défert :
il foufle à la Mecque de l’eft > à Bagdad de l'oueft }
à Bafra du nord-oueft, & à Surate du nord. Le
plus chaud des vents qui féuflent à Kahirà, tra- ;
verfe le défert de Libye, & vient par conféquent
du fjud-oueft.
Les Arabes reconnoiflent le famum mortel à l’odeur
de foufre. Comme ce vent n’a pas de force ,
près de terre , les Arabes fe couchent ventre a
terre quand ils fentent l'approché de ce vent,
même de loin.
On fait que les hommes & les. animaux étouffent
par ce vent mortel, de la même manière que
par le vent chaud & brûlant ordinaire. Il arrive
quelquefois que pendant une chaleur excefiive
vient un foufle d’air encore plus brûlant j alors
les hommes & les animaux , aéjà fort accablés &
affoiblis , ne peuvent réfifter à cette augmentation
de chaleur , & perdent tout-à-fait la refpi-
ration. Quand quelqu'un eft étouffé par ce vent,
le fang lui fort quelquefois par le nez & par les
oreilles. On a obfervé que ceux qui étoient moins
accablés & fatigués, y étoient moins expofés que
les autres.
La rofée eft quelquefois fort abondante dans
les pays chauds & fur les terres arides ; elle eft fi
forte fur la côte de Perfe & dans l’île de Karek
pendant les nuits de juillet, que les couvertures
des lits en font mouillées le matin. Bafra étant
affez loin de la m e r , on y xa moins de rofée avec
le même vent. Comme en été il fait exceflivement
chiud fur la côte orientale du golfe de Perfe, &
qu’on n'y trouve pas que la rofée y foit malfai-
fante, on y dort communément en plein air. L'air
eft fi pur à Merdin , qu’on y couche prefque toujours
à l’air fur les terraffes des maifons, depuis la
mi-mai jufqu’en octobre. Il y a cependant des endroits
où cette manière de coucher eft très-perni-
cieufe : on ne la fuit point à Bafra même dans les
plus fortes chaleurs , quoiqu'il n'y tombe pas tant
de rofée que dans l’île de Karek.
Mines & pierres.
On crôyoit autrefois que, dans ce qu'on nomme
Y Arabie heureufe , il y avoit une grande difette de
fer > cependant il y a encore aujourd’hui des mines
de fer qui font exploitées dans le diftriét de
Saade ; & comme on croit qu’ il y a des pierres
d'aimant dans le département de Kufma, on a lieu
de foupçonner qu'il y a là , comme ailleurs dans
1‘ Yemen, abondance de fer ; car les mines de Saade
ne fuffifent pas pour en fournir à tout l'Yemen.
D ’ailleurs, ce fer eft moins bon que celui qui y
vient de Danemarck par l’Egypte ou par les Indes
orientales.
Il y a un fi grand nombre de mines de plomb
dans Y Oman 3 & elles font fi riches, qu'on en exporte
beaucoup de Mafcat.
U Arabie n’eft pas non plus totalement dépourvue
de pierres précieufes. On trouve des oiîyx dans
la province de Y Yemen r on en voit beaucoup
i dan > le trajet de Taas au mont Sumara , de même
que la pierre akik, qu’on tire principalement de la
moutagne-Hirran, près la ville d’Amar. On trouve
fouvent des pierres fort reflemblantes à F akik ou
à la cornaline parmi celles de Cambayc, qu'on
nomme pierres de Mokka.
Il n’y a pas d’émeraudes en Arabie, mais on voit
le mont à\i*des Emeraudes fur la côte d’Egypte,
quand on fait par. mer la route de Suez à Dsjidda.
Je finirai par indiquer ici les différens gîtes où
l’on a obfervé les bafaltes prifmatiques ; ce qui,
félon moi , annonce autant de contrées volcaniques,
au fujet defquelles nous n’avons cependant
que ces preuves, les autres produits du feu n’ayant
pas été décrits par Niebuhr.
Niebuhr nous indique en Arabie, trop fuccinc-
tement peut-être, des bafaltes volcaniques bien
caradlérifés par leurs formes prifmatiques. Il en a
obfervé fur les limites du-Tenama en plufieurs endroits,
entre Beft-al-fakih, Hadsjar & Hadie j ce qui
me paroït faire connoître de certaines fuites de
courans.
D ’abord il remarqua, page 263, dans un cimetière,
des pierres pentagones d’ environ huit
pouces de diamètre , & de quatre à cinq pieds
de longueur. Ces pierres étoient fi régulières,
qu’ il crut que c'étoit le travail des hommes qui
[ leur avoit donné ces formes j mais il fut bientôt