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rallèles ou prefque parallèles à l’horizon. Il arrive
affez Couvent * furtout dans les régions montueufes,
que l’inclinailon des bancs eft quelquefois en Cens
contraire de l’inclinaifon de la furface ; & j’ai ob-
fervé i même en'certains endroits du Dauphiné*
que les affiles d’ un efcarpement très-roide & fort
élevé , au lieu de pencher vers le lit de la rivière
qui l’avoit formé* verfoit du côté oppofé à la vallée*
& qu’alors, en envifageant le prolongement
de ces affiles tranchées * on voyoit leurs bancs le.
diriger par-deffus les fommers les plus élevés des
montagnes voifines.
Les carrières d'ardoife & les mines de charbon
de terre annoncent * plus que toutes les autres
mines * les dérangemens qui font furvenus à plu-
fieurs reprifes dans les parties folides du globe.
C ’ eft là finguliérement où les couches n ont jamais
conlèrvé leur difpofition primitive : toujours for-1
tement inclinées* elles ont pour loi générale c e ,
•qui n’eft qu’une exception dans tous les autres
maffifs de la terre. Àinfi , ce qui mérite dlêcrë ;
conlidéré lorfqu’on examine les phénomènes intérieurs
qui diftinguent ces contrées de toutes les
autres , c’eft, i°. que les inégalités fuperficiêlies
y font les mêmes que partout ailleurs , car on y
voit des vallées* des efcarpemens très-marqués &.
fort fuivis , & même des angles cdrrefpôndans *
dont l’énfemble n’a aucun rapport avec laconftitu-
tion & la conftru&ion intérieures 5 ce qui prouve
que les difpofitions intérieures font d’une époque ;
totalement différente de celle des eaux courantes, !
auxquelles font dues les inégalités de la fuperficie ;
20. que daris le tems où la plupart des couches ont
perdu leur pofition naturelle & primitive * elles
dévoient être fermes & folides * fans quoi les matières
dont elles étoient compofées, fe feroient
mêlées & confondues comme fe mêlent les vafes :
on ne verroit'plus le parallélifme parfait ^ la dif-
tinétion nette & précife des feuillets d’ardoife *
& les fra&ures considérables qu’on rencontre dans
ces mines & carrières; ce qui nous autorife à conclure
qu'avant l’2ffaiffement de ces contrées , les
couches étoient reliées lou;g-tems dans une lîtua-
tion horizontale & dans un état fixe & tranquille ,
à la faveur defquels elles dévoient avoir acquis
une grande ccnfîftance bien folide lorsde leur dérangement
5 y°. c’eft qu en analyfant la matière
de ces couches , on reconnoît qu’elles renferment
une multitude de débris de produirions marines ,
terreftres, fluviales , végétales & animales : d’où
il fuit que les ardoifes & les charbons de terre
, doivent leur origine & leur conftvuélion à des ac-
cidens communs & généraux qui ont change une
difpofition de la terre * &ç.
- Non-feulement tous les maffifs qu’on peut parcourir
à la furface du globe* pris en.détail * annoncent
ainfi une fucceffion de changemens fort
variés j m'ais encore par l’examen qu’ on peut faire
de même des pierres & autres fubftances qui font
renfermées dans les couches que 1 ancien fejour
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de la mer a contînmes * on y recônnoît que l’an-
cienné terre qui a précédé la moyenne, n’étoit
ni plus fimple ni moins compofée dans les fubftances
dont elle étoit formée ; car fi nous analysons
, par exemple* les différentes variétés des
marbres * nous y trouverons, parmi les matériaux
qui les conftituent* des cailloux brifés & une
multitude de fragmens de pierres noyées dans un
ciment qui n’en a fait qu’un tôut. Or * il n’y a pas
de doute que puifque la compofition de ces marbres
( qui forment la fubftance de plufieurs grandes
contrées ) eft due à la deftruéfton de terrains
plus anciens * que toutes l.es pièces détachées dont
ils nous offrent, la réunion, n’aient été chacune
auparavant les parties d’ un tout, de meme nature
qu’elles* c’eft-à-dire * des anciens tèrrains qui
n’exiftent plus.
Si nous examinons même à préfent chacun de
ces fragmens de pierres .féparément* le jugement
que nous en porterons * fera le jugement du tout *
dont il n’eft refté que ces fragmens. Si nous voyons
que ce font des pierres veinées, qui ont suffi des
bandes fuivies & des teintes de couleurs variées *
nous voyons qu’elles font les-réfultats de dépôts
fucceffifs de certaines fubftances & de vafes j enfin
* nous y voyons les mêmes principes que dans,
les pierres d’un ordre de conftrutlions plus récentes.
Tout y eft placé avec la même apparence de
fucceffion, & la nature de chaque fragment de
pierre brifée eft auffi étrangère au tout, Sc auffi
indépendante du tout, que ces fragmens eux-
mêmes font étrangers au banc de marbre où ils fe
trouvent compris avec beaucoup d’autres. Ces
bancs S o n t donc pu être conflruits ailleurs que
dans l’eau & par l’eau. Mais l’analyfe de la partie
étant auffi l’analyfe de la malfe totale qui ne fub-
-lifte plus * les terrains autrefois entiers dont ces
fragmens ont fait partie, ont dû leur conftru&ion
au travail des eaux.. Ils n’ont donc pas toujours
fait partie de nos continens découverts * & il y a
eu un tems où par rapport à d’ autres continens ,
ils ont été ce que les lits dès baffins de nos mers
font par.rapport à nous. Je le répète : toutes ces
pierres détachées dépofent d’une manière invincible*
qu’ elles font les parties d’un tout de même
nature qu’elles, & nous apprennent qu’avant l’accident
qui les en a arrachées * ce tout fubfiftoit en
entier* & que ce tout lui-même ne devoit fa conl-
truélion & fa compofition qu’à la dellruétion & à
la démolition de matières préexiftantes à fa formation.
Les anciens continens n’étoient donc point
fimples. : , .
Je pourrois peut-être prouver cette vérité importante
par des monumens raffemblés plus en
grand d’après l’examen des bancs de nos divers
continens * & lurtout comme je l’ai dit de ceux
que je crois devoir ranger parmi ceux de la
moyenne terre. C ’ eft un fait inconteftabîe, que les
couches les plus profondes font plus anciennement
conftruites que les bancs fupérieurs > & que pat
par conféquent dans les bancs inférieurs ont été
dépofés les produits des démolitions des bancs
occupant la fuperficie des anciens continens, &
que aans nos bancs voifins de la fuperficie ont été
aiftribuées les parties démolies des bancs inférieurs
des anciens continens, dont la deftru&ion a pu fe
continuer. On peut préfumer que les matériaux
du milieu de nos continens ont occupé les couches
du milieu des anciens; car la conftruêlion
des couches & des bancs s'étant opérée fucceffi-
vement, les matériaux des anciens continens qui
ont pu fe mêler avec les prodiguions marines,
n’ ont pu s’y dépofer que fucceffivement * & cette
dépofition n’a pu avoir lieu dans un autre ordre
pour les parties occupant le milieu * que pour les
parties occupant les extrémités. Je dois dire que
la variété des fubftances que l’on peut voir dans
les différens bancs accumulés les uns fur les autres*
lorfque l’ on fait obferver dans ces vues*
doit faire connoître la grande variété qui régnoit
dans les anciens continens entre toutes les parties
inférieures* fupérieures & moyennes; car ces
continens n’écoient formés que d’un affemblage
de bancs de toute nature, & chaque banc lyétoit
lui-même que l’affemblage fortuit de molécules
de différentes matières. _
C ’eft encore une grande préfomption, que ces'
continens étoient* dans leur conftru&ion Semblables
aux nôtres, lorfqu’on y apperçoit les débris
des produirions animales & végétales * fem-
blables à celles de nos continens. Ils avoient donc
les mêmes difpofitions intérieures & extérieures,
même température * & c . Concluons donc enfin
qu’ils n’étoient pas fimples, & qu’ils avoient été
l'ouvragé de l ’eau* qui* en les conftruilant, en
avoit démoli, d’autres, & changé encore par-là
les anciennes difpofitions de la furface du globe.
Enfin, les fragmens de pierres détachées, dont
les marbres font formés * font affez fouvent des
débris d’autres marbres encore compofés * & dont
toutes les pièces foutiendroient une autre analyfe
& annoncer oient des époques plus anciennes. Le
marbre, dit le Père Cartel ( Traité de la Pefariteur,
liv. 1 y f e f t . I ) * eft le fruit de mille générations
fucceffives.
Et rien ne va encore mieux le prouver que
l’obfetvation du rocher d*Amenla * dont j’ai publié
les réfultats à cet article & à celui dCAlais.
La fixième chaîne de montagnes, voifine de cette
ville * n’eft pas compofée de bancs pofés les uns
fur les autres* mais d’un amas de rochers & de
pierres calcaires dont les affemblages font^très-
confidérables , & au deffous defquels règne un
banc régulier de pierre morte * où il ne paroît
aucun veftige de coquilles foffiles. Les quartiers
de rochers qui couvrent cette bafe* ne font compofés
que de fragmens de pierres de différens
g’rains & de couleurs variées. Chaque fragment
eft ufé & arrondi * & leur affemblage eft noyé
dans une terre rouffeâtre, où fe voit auffi une
Géographie-Pkyjiquc. Tome II»
grande quantité de coquillages foffiles , étrangers
à nos climats, non diftribués par couches comme
ailleurs* mais confondus & mêlés à des amas
d’Amenla* ufés & même arrondis comme eux.
Dans cette chaîne * le terrain porte toutes les
marques d’ un bouleverfement femblable au boule
ver fement que doivent opérer les bords de la
mer, dont les flots ont confondu les pierres avec
les coquillages qu’on trouve indifféremment dans
toute l’épaiffeur du rocher de la chaîne* & dans
les endroits les plus profonds où ces matières ont
été dépofées après que les flots les ont roulees
& polies.
D’après ces indices * il me femble qu’ on peut
conclure* i ° . que la pétrification des morceaux
arrondis du rocher & Amenla & des coquilles qui
s’y trouvent mêlées , eft de beaucoup antérieure
à la pétrification du ciment qui les lie ; 2°. que
tous ces matériaux font étrangers à l’emplacement
qu’ils occupent; 30. que les pierres d’Amenla fe
font arrondies en roulant les unes fur les autres
avant d’avoir été dépofées & accumulées fous la
forme de rocher. D’ailleurs* comme dans la caf-
fure d’ un bloc d'Amenla on diftingue les veines
blanches d’ un fuc pierreux* qui traverfent un feui
de ces fragmens* & qui fe terminent nettement à
fes bords & ne s’étendent pas au-delà dans le ciment
qui les lie , & qui n’eft réuni en aucun endroit
( ce qui eft commun à tous les marbres brèche)
* cela prouve que la pétrification de ces cailloux
& du ciment qui les lie * h’a pas été opérée
dans un même lieu ni dans un même tems ;• mais
que les pierres d’ Amenla y aujourd’hui arrondies
& probablement anguleufes autrefois, font des
morceaux détachés d’une plus grande maffe. D’ailleurs
* les veines blanches fpathiques dans les cailloux
ifolés montrent affez fenfiblement qu’ ils ont
fait partie d’un autre rocher* & qu’ils n’ont pas
toujours été ifolés. Ceux qui font accoutumés
à voir les pierres & leurs différentes'compofi-
tions, fendront la force des preuves de tous ces
faits.
, Le marbre n’ eft pas la feule matière dont l ’ana-
lyfe conduife à une autre analyfe. Dans les carrières
de nos pierres, ordinaires on trouve des'
fragmens & même des blocs ifolés de différens
grains & de .conftru&ions particulières* des morceaux
de fables* des cailloux, des fibx rompus,
déplacés & refoudés * lefquels annoncent qu’ils ne
font plus dans la fituation primitive où ils ont été
formés. Ces morceaux égarés font fouvent remplis
d’une matière étrangère à celle qui leur fert
d’enveloppe ; enfin * l’on ne peut trouver rien
dans la nature/qui ne puiffe fouffrir une analyfe
plus ou moins fuivie. Cependant nous dirons ici
qu’au-delà de deux ou trois révolutions, nous ne
pouvons plus diftinguer la fucceffion des opérations,
& qu’ alors tomes les matières fe fouftraient
par la petipeffe des éiémens * par leur altération
& par la multiplicité de leurs fubdiviftons* à une