
élevés au deffüs du niveau de la mer. On en re-
connoît, comme nous l'avons d it, le bord primit
if par la falure qui paroît fur lu i, comme elle a
fait reconnoître celui du lacus rubrehfis des environs
de Narbone, 8c ceux des rivières d'Aude,
d’O rb , de Lebron, d'Eraut, du Vidourle 8c du
Viftre. C'eft par le même moyen qu'on découvre
encore que la mer avançoit dans les terres , dans
un tems dont rien ne nous apprend l'époque, 8c
même jufqu'aux environs de la ville de Beaucaire,
& qu'elle formoit àinfi une anle corifidérable dans
le finus, major3 que les Anciens reconnoifloient au
milieu du golfe de Lyon.
Le Rhône fe débouchoit donc à la mer dans ces
tems reculés, aux environs de Beaucaire, au lieu
qu'à préfent l'embouchure de fon plus grand bras
en eft éloignée de dix lieues. Il n'y a voit donc pas
de lit de ce fleuve fur cette longueur : d'où l’on
peut conclure qu'il forma fon lit , & qu'il le prolongea
fucceffivement au moyen de fes dépôts,
comme il continue de le faire. La grande partie
de cette anfe, qui eft à la gauche du fleuve, à
"compter depuis Beaucaire, en allant vers Saint-
Rèmi en Provdnce, embraife la plaine de la Crau3
qui fe terminé vers l'étang, qu'on n'appelle aufli
la mer de Martigues que parce que cette rivière
fe jette dans l’étang de Ealaves, 8c de là dans la
mer par le Grau, qui porte le même nom j elle
n’a formé encore que des atterrijfemèns qui font
entre deux eaux dans cet étang 8c dans les autres
jufqu'à Cette. Le Grau étoit autrefois la fource
& la caufe de l’extenfion du commerce de Montpellier.
L’ étang de Maguelonne, que les Sarralïns
fréquentoient beaucoup, 8c le Grau de Fronti-
'gnan ", y concoùroient aufli j mais iis font tous
trois comblés par les fables que le courant de l’eft
ych a r ie , 8c par une partie de ceux du L e » , qui
paflent à fon grau.
Les dépôts de cette rivière dans tous ces étangs,
où les eaux font ftagnantes parce qu’elles n'ont
prefque plus de débouché, occafionnent, comme
on v o it , la corruption de- ces eaux : la ir en eft
inféété, 8c 3 porté par les exhalaifons qui s’élèvent
d eléar luTacé, il produit des maladies fâ-
cheufës parmi les habitans de plufieurs bourgs 8c
Villages voifins. Il y auroit cependant des moyens
de tirer parti des vaftes atterriffemens que produit
chaque jour la rivière de Lez 5 atterriffemens qui
feroient d'une grande fertilité fi l ’on s'occupoit à
enlever la falure des parties de ces atterriffemens,
qui les rend infertiles. Tous les autres auerriffe-
mens de la côte né font pas fufceptibles de ces
avantages 5 mais ceux qui peuvent plus aifément
participer à ces améliorations, font ceux^que forme
le Rhône & ceux qui font le long du canal de
Narbone, depuis GruilTan jufqu’à la Nouvelle.
Les moins favori les fofit ceux dont on ne pourra
pas tirer un bon parti pour 1* labourage, qu'en
farfant enlever la falure de" k manière'que je l'ai j
expliqué ailleurs.
C e n’eft que depuis un certain térns que la rivière
de Vidourle ne fe débouche pas dans l’étang
de Mauguio : avant ce changement cet étang s’at-
terriffoic confidérablement par les dépôts qu’elle
y portoit.j elle diminuoit aufli la ftagnation de fes
eaux en fe mêlant avec elles, & fe débouchant
dans la mer par fon grau. 11 réfulte de ce changement,
qu’il s’élève de l'étang de Manguio des exhalaifons
plusinfeéles à préfent, qu’tlles ne l’é-
toient auparavant.
La rivière de Viftre fe jette dans les mêmes
étangs que celle du Vidourle : toutes deux réunifient
des dépôts qui font très-fertiles, en laif-
lant, comme les autres rivières du golfè, des terrains
fur lefquels la falure fe montre & fait reconnaître
l'ancien bord de la mer, tant vers la ville
de Marfillargues, que le Vidourle traverfe, que
vers le village de Caylar, où paffe le Viftre.
Nous avons déjà parlé d’Aigues-Mortes, mais
nous croyons devoir revenir à cet endroit, éloigné
de plus d’une lieue de la mer, 8c entouré de
fables, de petits cailloux & de coquilles, exactement
les'-mêmes que ceux de la plage. ( yoye%
Plage. ) On voit à côté de cette ville une efpèce
de chauifée alignée d’ un tiers de lieue, _qu’on a
prife pour un ancien chemin fait de main d homme,
& qu’ on a nommé la Pataqui'ere. Les petits
cailloux ou galets font appelés patards3 pgrailufion
à une petite monnoie.
Quant à la différence de groffeur dans les cailloux,
elle pourroit être attribuée au prolongement
du lit du Rhône & des autres rivières qui fe
jettent dans la Méditerranée. ( V"oye\ Mémoire far
les variolites , Journal de Phyfique , tome JZXVïlI,
p a g . 360. )
En partant de l’embouchure des fleuves , les
amas de fables ont ordinairement deux mouve-
mens , celui qui les écarte de cette embouchure
en les portant fur la droite ou la gauche, parallèlement
à la cô te , & celui qui lçs tire du baflîn
de la mer pour les étendre fur la plage.
En conféquence de ces deux mouv.emens , les
atterriffemens qui fe forment le long des côtes de
la mer font d’abord fous forme de bancs parallèles
à la c ô te , 8c ces bancs ont d’autant plus d’étendue,
font d’autant plus voifins de la cô te , que
l'un ou l'autre mouvement a plus ou moins d’avantage
en conféqiience de la conftitution primitive
de la côte : ces bancs, d’abord cachés fous
l’ eau par des additions fucceflîves & rétrécies 3
s’élèvent de manière à former une plage totalement
découverte , qui fe trouve réunie à la côte
ou bien féparée d’elle par des amas d’eau connus
fous le nom de lagunes ou (Pétangs.
Pour peu qu'on ait parcouru les côtes fujètes à
ces atterriffemens , on a vii partout que ce font des
additions 8c des prolongemens faits au terrain
naturel & primitif xEs anciennes côtes, 8c formés
par les amas de terres 8c de fables que les flots de
la mer y ont accumulés, & qu’ ils y accumulent
encore.
encore. Une preuve que ces matériaux font apportés
par les eaux des fleuves & des rivières qui
font à la proximité, c’eft qu'il n'y a point: de pareils
atterriffemens lorfqu’il n’y a pas de ces embouchures.
C'eft ainfi que fe préfentent effeélivement les
atterriffemens formés le long des côtes du Languedoc
, depuis l ’embouchure du Rhône jufqu’aux
Pyrénées.
Toutes les terres depuis Beaucaire jufqu’ à la
mer, dans l’efpace de huit à dix lieues , font des
crémens ou atterriffemens formés par les dépôts
des matériaux que le Rhône a entraînés dans fes
crues & fes débordemens.
Ces crémens diffèrent entr'eux par des carac-
tèrès affez marqués, les uns étant doux 8c fertiles,
8 c les autres étant falés & ftédies.
Les atterriffemens doux fe reconnoiffent 'aifément
au deflus de Beaucaire, 8cmême depuis Beaucaire
jufqu’à la mer, dans les endroits qu’on appeliez1/**
du Rhône. 1
Quant aux atterriffemens falés, on les diftingue
de même à leur ftérilité & à l’amertume du fol. Il
convient maintenant d'expofer, dans un détail
fufflfant, les circonftances qui ont concouru aux
differens états où fe trouvent ces deux forces Pat-
terriffemens.
•Le fol des atterriffemens qui environnent la ville
de Beaucaire n'eft élevé que de fix pieds au deflus
du niveau de la.mer, fuivant la détermination qui
en a été faite par des opérations géodéfiques,
très-fûres & crès-exaétes ; 8c d’ailleurs, on s'eft af-
furéque l'épaiflcur de ces crémens avoit plus de
quinze pieds d’épaifleurs ce qu’on a reconnu avec
pfécifion par la fouille des puits qu’on a creufés
dans leur maflif : d’où il fuit que le fond de Yat-
terriffement eft au moins de neuf pieds plus bas que
la mer, & par conféquent que la mer a pu s’étendre
autrefois jufque-là, dans le tems ou ces atterriffemens
n’étoient pas formés.
Cette conféquence eft encore confirmée avec la
dernière évidence par l’état de falurë où fe trouvent
les atterriffemens, qui n’ont pu acquérir cette
•qualité que parce qu’ils ont été formés dans l'eau
même de la mer, où les fubftances lrmoneufes ont
pu s'imprégner des principes falins 8c autres qu'y
a laifles l’eau de la mer qui les baignoit.
Ainfi, à une certaine époque, l'efpace compris
depuis Beaucaire jufqu’à la mer étoit un petit
g olfe , danslequel le Rhône fe déchargeoit > 8c
comme cette rivière a toujours dépofé dans fes
crûes 8c fes débordemens. beaucoup de limon , ce
.golfe occupé par la mer a été comblé d’aut?nt p’us
facilement par les limons du Rhône, que le refoulement
des eaux de la mer en favorifoit davantage
la précipitation & la diftribution uniforme. Mais
comme ces dépôts n'ont pu fe faire que peu à peu
,8c fucceffivement, il n’ eft pas étonnant que ces |
terres, en fé.précipitant fort lentement 8c par le- j
diménsTprt minces , fe foient chargées des pria- 1
Géographie-Phyjïque. Tome II.
cipes falins & bitumineux que renferment les
eaux de la mer.
Qu’on fe repréfente le Rhône débordé , 8c voî-
turant dans ce golfe une quantité d ’eau imm.nfe.
Il eft évident que le courant adtif n’occupoit que
le milieu de cet efpàce, & que les eaux du débordement
s’étendoient à droite 8c à gauche , fe mê-
loient avec l’eau de la mer, 8c .dépofoient tous
les principes terreux dont elles étoient chargées,
c’eft-à-dire, les fables & les limons, avec cette
circonftance que les graviers,, & enfui te les fables,
fe dépofoient dès les premiers momens du
ralentiflement du mouvement de l’eau j ils étoient
précipités dans les parties les plus voifines du cou^
rarrt de la rivière. Les parties terreufes ayant be-
foin d’un plus long tems & d’ un plus grand repos
pour fe dépofer, l'eau qui s’en trôuvoit chargée
pouvoit fe porter à uné certaine diftance de Beaucaire
à l ’ eft & à l’oueft'avant de gagner le fond du
golfe , 8c de cette manière les endroits les plus
éloignés du cours du Rhône ne recevoient qu'up
très-petit dépôt d’un limon fin 8c délié, 8c c’eft
à toutes ces circonftances que font dus les marais,
dont Je fol eft fi bas, pendant que les bords dû
Rhône font beaucoup plus élevés.
On a'une preuve de cette marche qu’ont fui vie
les eaux du Rhône dans la diftribution des matièr
tes dont elles étoient chargées, & qu'elles ont
voiturées dans le golfe , en examinant la nature
8c la difpofition de ces deux fortes de.terrains j
c a r , outre que celui des bords du Rhône èft,
comme nous l’avons dic^ le plus élevé, on y trouve
aufli des graviers plus gros , 8c une grande quantité
de fable : au contraire le terrain des,marais
eft beaucoup moins élevé , 8c compofé de maté^
riaux plus fins, & la plupart terreux.
- Si nous fuivons maintenant les côtes du Languedoc
, nous y trouverons des dépôts formés
d'après le même fyftème , foit par les mêmes ma^-
tériaux que le Rhône a voiturés 8c voiture encore
dans la mer, foit par de femblables convois que
font les rivières qui s’y jettent également dans les
différentes parties de la côte.
Pour expofer ces phénomènes avec ordre., il
faut divifer ces côtes en deux parties, l’une occidentale,
depuis le cap de Creux jufqu’ à Agde j
8c l’autre orientale,depuis Agde jufqu’au Rhône.
Dans la première il n’eft pas arrivé de grands
changemens. Si l’on çonfidère cette côte d’ une
vue générale, le promontoire aphrodifien, connu
maintenant fous le nom de Cap de Creux, s’ayance
encore dans la mer, de même que du tems de Stra-
bon s l’étang 8c la fontaine de Saifes font à la même
diftance de la mer que du tems de Pompon ius
Mêla} Colioure , en latin Cauçoliberis, eft fur
le bord de la mer, de même qu'au feptième fiè-
c le , où l'on a commencé à parler de cette ville5
le port de Vendres, Portus Penens} eft encore
un port de mer comme il l’ étoit du tems de Pom-
ponius Mêla > enfin , là ville déNarbone eft eucore
P p p p p