
gulier, c’eft que dans les années fèches, lorfque
les fources tariffent, elles éprouvent leur intermittence
au même tems que les puits voifins, & que
l’eau revient en même tems dans les puits & dans
les fources. Cette économie de la nature dans la
diftribution des eaux pluviales aux différentes couches
de la terre qui font propres à les raffembler
& à les contenir, mérite d'être fuivie dans plusieurs
autres provinces, 8c Y Artois eft celle qui
nous offre à ce fujet les phénomènes les plus éton-
nans. 11 paroît que , dans les cantons de XArtois
dont nous venons de parler , l'eau pluviale a la
même facilité d'atteindre les réfervoirs des puits,
ue ceux des fources ; cependant je dois dire que,
ans ces mêmes cantons, il y a des fources qui ne
tariffent pas, quoiqu'elles foient voifines de celles
qui tariffent; mais alors, fuivant la règle générale,
celles qui ne tarifTent pas font à' un niveau plus
profond, & il eft probable qu'il en eft de même
des puits qui font plus profonds.
Pour expliquer tous ces phénomènes & beaucoup
d’autres femblables qui fe trouvent en Artois,
il faut fuppofer des diftributions fîngulières, tant
dans les couches qui abforbent les eaux & s'en
laiffent pénétrer, que dans celtes qui les raffem-
blent. ( V o y e% encore les articles Aire &Boya-
v al, où Ion voit des détails aufTi curieux qu’é-
tonnans fur la diftribution des eaux intérieures
dans les parties voifines de la furface de la terre,
ainfi que fur leur circulatiort. )
ARUDY, ville du département des Baffes-Py-
renéès. Il y a tout près une ancienne carrière de
marbre, nommée la Carrière d'E/palunga. Elle eft
fituée fur le gave d’Ofleau.
ARVE,rivière du département du Léman. Elle
a fa fource dans une vallée de glace près du col
Ferer. La dire&ion de fon cours eft vers le fud ;
elle paffe à N.otrç-Dame-Coutamière, à la Bonneville
, puis vers l ’eft à Clufes, à Magjand , à
Saint-Martin, & fe perd au pied du Mont-Blanc.
Son cours eft affez irrégulier. Refferrée entre
d'énormes rochers, on la voit fe preffer, fe précipiter
pour arriver dans le fein de la vallée qu'elle
arrofe , embellit & ravage tour-à-tour i puis on
traverfe des vignobles qui contraftent avec les
afpeéts des monts revêtus de noirs fapins, auxquels
fuccèdent des vergers fîtués fur des pentes
rapides. Ceft là qu’on voit un fentier qui conduit
à Y Arve & au Pont des Chèvres, ainfi nommé parce
qu’il n’eft compofé que de deux planches, & que
fouvent il n’y a que des chèvres qui ofent s’y ha-
farder, car le paffage eft vraiment effrayant lorfque
la rivière eft enflée par la fonte des neiges.
Ar v e , autre rivière du même département,
canton de Chamouni, qui fe jette dans le Rhône
à un quart de lieue au deffous de Genève. Elle
préfente des phénomènes dont nous allons donner
ici les principaux détails, tous propres à intéreffer
les phyficiens-naturaliftes.
L’Arve a fa fource fur le coi de Balme, à l’extrémité
nord-eft de la vallée de Chamouni, mais cen’eft
qu’un fimple filet d’eau. Ses vraies fources font
les torrens qui fortent des glaciers du Tour, d’Ar-
gentière, des Bois, des Beffons , & en général
des divers glaciers qui couvrent la face fepten-
trionale de la chaîne du Mont - Blanc : ainfi les
eaux qui fervent à alimenter VArve, même dans
les tems fecs, font des eaux de neiges & de glaces
fondues.
U Arve coule d’abord au nord-oueft, defcend
au fud, reçoit enfuite la Verouze, tourne à l’oueft,
paffe à Clufes, reçoit, à deux lieues de là & au
pied du môle, la Giffre, qui a fa fource dans le
glacier du Buet , puis arrofe la Bonneville, au
deffous de laquelle cette rivière fe trouve groflie
par la Borne > & après avoir ferpenté dans une
plaine au fud-oueft de Genève, elle fe jette dans
le Rhône, au deffous du lac Léman.
Après avoir expofé fuccinétement la marche des
eaux de Y Arve , il me refte à faire copnoître d’abord
les phénomènes qu’eUe offre dans fon cours,
relativement au volume de fes eaux & à leur température
, phénomènes qui méritent l’attention
des phyficiens-naturaliftes.
Lorfqu’au retour de la vifite des glaciers de
Chamouni,, je parcourons les environs de Genève ,
je me plaifois à voir ferpenter Y Arve dans la plaine
de Plein-Palais ; & comme elle me préfencoit des
eaux que lui fourniffoit, comme je l’ai dit , la
fonte des neiges & des glaces, j’y remarquai ,
dans fon volume 8c fa température, toutes les cir-
çonftançes qui dévoient fe montrer naturellement
en conféquence des différens états de fes fources.
J’avois vu la température des eaux de Y Arve à un
degré ou un degré 8c demi au de (Tus du terme de
la glace, au débouché du glacier des Bois ; & en
fuivant fon cours, à me fuie que je m’éloignois de
Chamouni, j’avois reconnu qu’elle fe réchauffoit
par degrés fuivis& fenfi blés, jufqu’à ce qu’elle eût
atteint à peu près la température de l'air. Il réfulta
de ces effets de l ’air, que l’eau de Y Arve, parvenue
près de Genève, fe refroidiffoit dans la nuit, & fe
réchauffoit à mefure que le foleil s’élevoit fur l’horizon.
Ainfi, au mois d'août, à la pointe du jour ,
dans un tems fec, les eaux de YA-rve étoient à la
température de onze à douze degrés ; mais elles
fe refroidiffoient enfuite jufqu’à neuf & dix heures
. du matin, & elles fe fixoient à neuf & dix degrés,
enfuite elles fe réchauffoient jufqu’à dix heures du
foir, tems où leur température n’éprouvoit plus de
changement, après quoi cette eau courante fe refroidiffoit
de nouveau.
Cette marche naturelle de la chaleur dans les
eaux de Y Arve fembjoit attendre fon explication
d’un autre phénomène parallèle à ce premier, 8c
qui me parut dépendre de l’abondance 8r de la
hauteur des eaux de Y Arve, plus grandes le matin
que le foir, de telle forte que fes efpèces de crues
fuiVoient, en raifon inverfe, les progrès de leur
température. Les eaux fe refroidiffoient donc à
mefure que leur hauteur augmentoit, & elles fe
réchauffoient à proportion de leur diminution de
volume : ainfi le maximum de leur crûe 8c de leur
élévation, comme il eft aifé de le penfer, corref-
pondoit au minimum de leur température, comme
le maximum de leur chaleur fuivoit conftamment
le minimum de leur hauteur.
Quand on fait, comme je l’ai déjà'remarqué
ci-deffus, que la plus granae partie des eaux de
Y Arve eft le produit de la fonte des neiges & des
glaces, laquelle eft plus abondante pendant le jour
que pendant la nuit ; que ces eaux parcourent dix-
huit à vingt lieues avant d’arriver à Genève , on
comprend aifément que la plus grande hauteur des
eaux de Y Arve aux environs de Genève doit s’ob*
fervet feulement le lendemain matin du jour où
la fonte s’eft opérée, parce que l’eau, fortant des
glaciers, emploie tout ce tems pour fon tranfport.
Ainfi lorfque la plus grande fraîcheur coïncide
avec fa plus grande hauteur, c’eft parce qu’elle eft
produite par une fonte plus abondante de neiges 1
& de glaces, qui augmente la vireffe des eaux de
la rivière & diminue l’influence des caufes réchauffantes,
qui éprouvent aufli une diminution
par l’augmentation de la quantité de ces eaux.
Enfin, ces eaux cheminant pendant la nuit &
confervant leur fraîcheur, tandis que leur minimum
s’écoule pendant le jour, il doit en réfulter
alors de plus grandes variations à la fuite de toutes
ces circonftances, qu’un obfervateur attentif faifit
fort aifément^ 8c qui n’ont pu m’échspper.
A tous c.es, éclairciffemens fur la marche & la
température des eaux de Y Arve, qui font auflï in-
conteftablement celles de tous les ruiffeaux & rivières
qui fortent des glaciers, mais qui ne font
pas aufli favorablement expofés à la vue des ob-
fervateurs phyficiens., il me refte à joindre l'ex-
pofition raifonnée d’un autre phéqomene très-
important quant à fes effets, relativement au lac
de Genève, 8c dont je m’attachai à comparer les
différens réfultats, 8c à rapprocher les circonftances
que l’état des lieux me rappeloit avec
avantage, & je le fis avec l’intérét que m’avoir
infpiré depuis long-tems une note de Ca-
faubon fur un paffage de Strabon , qui concerne
Je lac Léman, 8c furtout l’état du Rhône, dans
lequel fe jette Y Arve après fa fortie du lac. Voici
l€ paffage de Strabon : Rhodanus magno deftuit im-
Pdu , qui etiam ubi magnum lacum exit alveum
fuum ad multa ftadia confpicuum exhiber. J’ajoute
ici la note de Cafaubon : on verra qu’après avoir
parlé du prétendu courant du Rhône dans fa tra-
verfée du lac , imaginé par les Anciens, il ajoute :
De Rhodano Lemani lacas accola, hoc negant ejfc
verum : ego certè , cum diligenter id obfervaverim ,
vidi rem non ejfe tam miram. Je penfe de même que
Cafaubon au fujet de la fable rapportée par Ammien
Marcellin, 8c je paffe au phénomène inté-
reffant que j'ai annoncé ci-deffus. «J’ai vu, dit-il,
*» avec la plus grande admiration ce que m’a pré-
*» fente le cours de Y Arve. Cette rivière fe réunit
9S au Rhône à deux cents pas environ après qu’il
»» eft forti du lac, 8c fon courant eft fi violent &
« fi rapide, qu’il parcourt un grand trajet dans le
» lit du Rhône avant demêler fes eaux avec celles
» du fleuve J « ce qu’on peut remarquer d’autant
plus aifément, que fes eaux fales fe diftinguent
des eaux claires & limpides du Rhône. Les eaux
courantes de ces deux fleuves font, comme on
voit, renfermées dans le même canal fans fe mêler
pendant un affez long trajet.
Mais voici une autre circonftance bien plus remarquable
encore, qui eft la fuite de la réunion
de Y Arve au Rhône. Il arrive affez fouvent que
Y Arve , dans le tems de certaines fontes des glaces
& des neiges fort abondantes , éprouve des
crûes fi confidérables, qu’il fufpend le cours du
Rhône, qui pour lors eft obligé de remonter dans
le lac. En i ^72, l ’on obferva, non fans un grand
étonnement, que les moulins de Genève, construits
fur le Rhône , entre le lac & l’embouchure
de Y Arve, furent forcés par le cours de Y Arve &
du Rhône réunis, & qui remontèrent dans le lac
de fe mouvoir en fens contraire pendant plu-
fieurs heures. On a remarqué même que Y Arve ,
dans fes crues, arrachoit les légumes dans les jar-
• dins de Plein-Palais, & les entraînoit dans le lac
jufqu’à Cologny, où l’on voyoit flotter les choux
& les autres têtes de légumes , difperfésle long
des bords inférieurs du lac, voifîns de la ville de
Genève. Cafaubon, note fur Strabon :
Equidem hoc magis miratus fum quod in. Arva:
ip/â obfervavi. Is eft fluvius qui Rhodanum ingreditur
CC.circiter pafus emenfum poftqukm è lacu Genevenft
ex Ht. Tanta autem ejus fiuvii vehemer.tia tantaque
rapiditas, ut Rhodani alveum ingrefus y multos fiuat
pafus antequam ei mifceatur. Quin non raro contigit
ut nivibus liquèfatlis auftus ille ftuvialus Rhodani
curfum impediat qui tum cogitur ad lacum regredi. Il
maximâ cum omnium admiratione contigit famofo>
anno IJ72 , adeo ut molendina Genevenftum Rhodano
inter lacum & Arva confluentem impoftta hora-
rum aliquot/patio movertntur ac molerent.
J’appuie ces détails par ceux que j’ai trouvés
dans de Thou. Thuanus , lib. 49 ,. ad finem.
Apud nos Rhodanus in tantum excrevit, ut Guil-
loteriam Lugduni fuburbium , cum ponds impofiti
parte penè fubruerit. Nec longe à Genevâ ubi Rhodanus
lacum Lemanum praterlabitur ad anguftias
quas Clufuras vocant, aquarum vi ex vicino monte
Tevulfâ in fluvium fubjeftum mole , ita obftruclus eft
alveus ut accidente Arva perenni fluxu régurgitant
aqua retrà ferretur & flupendbus curtttis moletrina-
rum rota piftrinarios lapides adverfo ftiuninz torque-
rent. *