
eft fî froidi que deux-Européens de l’équipage de
M. Cook y ont péri au milieu de l’été.
On voit par ces détails, qu’il fait fort froid dans
la Terre de Feu : on fait d’ailleurs que l’on trouve
des glaces en quelques endroits des mers aultrales,
dès le47e. degré. Nous avons déjà remarqué qu’en
général l’hémifphère'auftral'eft plus froid que le
boréal, parce que le foleil y fait un peu moins de
féjour, & aufli parce que cet hémifphère auftral
renferme beaucoup plus d’eau que de terre. Quoi
qu’il en foie, ces hommes de la Terre de Feu, où
l ’on prétend que le froid eft fi grand, & où ils vivent
plus miférablement qu’en aucun lieu du monde
, n’ont pas cependant perdu les dimenfions du
corps ; <k comme ils n’ont d’autres vpifîns que les
Patugons, lefquels font les plus grands de tous les
hommes connus, on doit préfumer que le froid du
continent auftral n’a pas été bien apprécié, puif-
que fes impreflions fur l’efpèce humaine n’y font
_ pas bien marquées.
Nous avons vu que, par des obfervations faites
dans la Nouvelle-Zemble, qui eft de vingt degrés
plus voifine du pôle arctique que la Terre de Feu
h e j’eft de l’antarctique, ce n’eft pas la rigueur du
froid, mais l’humidité mal-faine des brouillards qui
fait périr les hommes. 11 en doit être de même,
& à plus forte raifon ^ dans les terres environnées
des mers auftrales, où la brume règne dans toutes
les faifons, & rend l’air encore plus mal-fain que
le froid : cela paroît prouvé Tailleurs par la différence
des vêtemens. Les Lappons, les Groënlan-
dois, les Samojèdes & tous les hommes des contrées
vraiment froides à l’excès , fe couvrent tout
je corps de fourrures, tandis que les habitans de
la Terre de Feu & des environs du détroit de Ma- .
-gellan vont prefque nus, & avec un fimple manteau
fur les épaules. Le froid n’y eft donc pas auffi
grand que dans les-terres arétiques; mais i’humi-
dité de l’air doit y être plus grande , & c’eft probablement
cette humidité froide, cependant a un
certain point, qui a fait périr, même en été , les
deux Européens dont parle M. Cook. ( Voye^
A ustral (Hémifphère),)
ANTÉDILUVIENNE (Époque).
. ANT1 DILUVIENS ( Phyficiens & naturatifies)
A la fuite de ces deux articles je m’occuperai du
déluge & des déluges fous les rapports qu’ils indiquent,
c’eft-à-dire, d’abord de la conftitution du:
Globe dans les âges qu’on a cru pouvoir fixer à
ces cataftrophes, enfuite fur les différentes opinions
pour & contre le déluge. Dans toutes ces dif-
euftions j'expoferai les faits, fans adopter les diffé-
- rentes conféquences qu’on en a tirées.
La première confidération qui m’occupera en
faifant mention des traditions, judaïques, c’eft de
modifier les inftruèHons différentes que les légifla-
teurs finies prophètes des lfraélites leur ont données
, en leur répétant une infinité de fois que
Dieu, Fauteur & le principe de toutes chofes,
avoit créé le Monde de rien. C’eft d’après ces inf-
trudions que le Juif croyoit que le Liban , que la
montagne de Sion, & que toutes les montagnes
de l’Arabie Pétrée avoient été faites de rien dans
l’état où il les voyoit; qu’il en étoit de même des
vallées, des rochers, des cavernes, des ruiffeaux,
des fleuves & des mers. En adoptant un grand
, nombre de ces traditions, il faut bien écarter les
erreurs dont lTfraélite groffier s’étoit rempli l’ef-
prit} & ne favons-nous pas que c’eft parce que le
iens littéral des tems & des faits a toujours fixé fon
imagination, qu’il a été le plus ignorant, comme
le plus malheureux & le plus criminel de tous les
peuples du monde ? C’eft d’après ces vues que nous
allons difeuter ce qui concerne le déluge.
Pour que tous les faits que l’analyfe de nos con-
tinens nous a offerts euflent été les effets d’un féul
déluge, il auroit fallu que ce déluge eût duré des
fîècles entiers pour avoir eu le tems de démolir
dés terrains folides, de les réduire en pierrailles,
en fables, en vafes, & d’en compofer d’autres
avec ces matériaux, de les pétrifier & de les rendre
folides dans le fein de fes eaux pour les attaquer
enfuite, les'décompofer une fécondé fois,
en conftruire de nouveaux lits pour les détruire
encore une troifième fois, &c.
Tout bon efprit qui réfléchit fur la méthode
lente & uniforme dont agit la nature, jugera que
i cane de démolitions & de conftruélions fucceifi-
ves, quoique pouvant être de cette manière l’effet
; d’un même déluge continu, ont dû être également
l’ouvrage d’un grand nombre de fiècles j ce qui
furpalfe de beaucoup l’idée que l’on a eue en tout
tems du déluge de Noé, qui, n’ayant duré que
quelques mois, n’a pu opérer feul toutes-les merveilles
que nous obfervons de tous côtés.
Avant qu’on eût multiplié à ce fujet les recherches
& les obfervations, on ne croyoit pas avoir
de témoins plus authentiques du déluge, que les
- coquilles foffiles & les poiffons pétrifiés qui fe
trouvent àu milieu de nos continens en-fi grande
abondance;.mais,à la fin cette preuve eft devenue
la plus mauvaife de t gui tes les preuves» car routes
ces productions marines, pour avoir trop prouvé
dans un certain tems, ne prouvent plus rien,aujourd’hui
en faveur du déluge, & s’obftiner avec
entêtement & lans raifon à en faire l’unique preuve
de la vérité du récit de Moyfe, c’eft lui faire le
plus grand tort poffible.
Ces dépouilles des coquillages de la mer ne nous
parient que du long féjour qu’elles ont fait dans nos
contrées fous les eaux qui les couvroient, comme
les mers préfentes féjournent dans le baflin de l’Océan.
Cette vérité inconteftable a produit deinos
jours l’opinion de ceux qui regardent le déluge
coi-nme un rhiraçje, dont il-n’y a pas d’au tres preuves
dans la nature, que Je;récit de la Bible, & je
ferois a fiez porté à me ranger de cet avis, depuis
que j'ai recueilli les faits de ce genre que noirs
offre
N
offre la furface du globe. Il eft vrai que le déluge, '
quoiqu’arrivé par une volonté fpéciale & expreffe
de,Dieu, a dû s’exécuter par le concours de plu-
fieurs a gens naturels , qui auroient laiffé partout
les traces des défordres qui l’ont produit. C’eft
ainfi que les environs de Sodome & de Gomorrhe
portent les marques des feux qui les ont confumés
autrefois. Mais je ne crois pas que les efearpemens ;
-de nos Vallées de nos montagnes foient de vrais
monumens du déluge, puifqu’ils continuent à s’opérer
lous nos yeux, au milieu des continens fecs
& fans, inondations.
. Le déluge, tel qu’on le raconte, n’a été qu’une
grande inondation bornée au terme d’une faifon,
& caufêë par une violente éruption des fources
hors du fein de la terre, par la chute de pluies
abondantes & continuelles, & par le débordement
de tous les fleuves de nos continens. Or, une inondation
de cette nature a dû laver les contrées qui
ont reçu toutes ces eaux, les balayer, même les
déchirer , comme elles font à tous les lieux qui
s’oppofent à leurs marches. Cependant on ne peut
pas dire que ces ravages aient eu lieu autrement
que dans les commencemens de l’inondation : tout
étant également couvert par les eaux , elles n’ont
pu rien creufer. On- ne peut pas non plus nous
perfuader que ces eaux aient entraîné beaucoup
de matériaux dans les plaines baffes & au fond
des mers, dès que l’inondation s’eft élevée à un
certain point.
On ne peut en aucune façon prétendre non
qûus que les poiffons foient parvenus fur les montagnes
lorfque la mer a reflué fur nos continens,
i°. parce qu’on les trouve à une profondeur trop
confidérable fous nos terrains,, dont le déluge n’a-
■ voit pas affez altéré la fuperficie pour en détruire
tous les arbres & toutes les plantes.
2°. Parce qu’il eft impoffible de fe méprendre
Fur les différens fens d’où venoient les eaux qui
ont déchiré nos terrains. Toutes les traces de leur
marche nous indiquent bien qu’elles fortoient des
contrées les plus élevées, & qu’elles defeendoierit
vers les mers; mais ces phénomènes appartiennent
à nos continens fecs & aétuels, & rien ne nous
apprend qu’ils foient dus au déluge. Il n’ y a point
de lieux qui prouvent ces vérités plus fenfible-
ment que le confluent des rivières. Lorfque deux
vallées fe.réunifient, comme, par exemple, celle
de la Loire & celle du Cher, on voit toujours où
fe termine le confluent. C ’eft une montagne couverte
de terres du haut en bas, & dont le pied
s’alonge par une pente douce & infenfible du côté
d’aval. Or, fi les eaux de la mer, au tems du déluge,
euffent reflué dans les vallées de la Touraine
pour inonder une partie de la France, il eft
vifible que la croupe de montagne qui eft auprès
de Mont-Louis^ étant directement oppofée au reflux
de la mer, & vis-à-vis de lui dans la même
pofîtion qu’eft une pile dé pont qui reçoit à l’a-
■ mont le choc & la chute des eaux & des glaces
Géograpfiie-Pkyfique. Tome IL
qui l’attaquent, auroit été extrêmement efcar-
pée, car fa réfiftance & fon oppofition directe auroient
obligé les eaux à fe divifer en cet endroit
pour refluer en deux canaux féparés , d’un côté-
dans la Loire, & de l’autre dans le Cher. En con-
féquence, les confluens de toutes les rivières du
monde ne devroient ainfi préfenter que des efearpemens
, comme toutes les piles de nos ponts ne
préfentent à l’amont que desaflifes efearpées. C ’eft
ce qui ne s’ôbferve cependant en aucun lieu, tous
les confluens étant au contraire fort alongés du
côté d’aval, & toujours fertiles même fut les hauteurs.
On ne pourra donc plus fuppofer à l’avenir que
les mers ont généralement reflué dans les terres ,
& que c’eft en faifant ufage de leurs propres forces
, que les poiffons & les coquillages ont pu remonter
dans nos continens , malgré les obftacles
qu’ils rencontroient ; car dans une irruption des
fleuvés, telle que les eaux débordées dévoient en
bien des lieux couvrir des provinces entières , les
êtres marins, qui étoient expofés à y être tranf-
portés, n’étoient plus animés. De plus, les amas
s’en feroient faits avec une confufîon qu’il feroit
aifé de remarquer. On voit au contraire que chaque
contrée renferme des coquillages particuliers ;
qu’ils font rangés lits par lits avec une régularité
& une uniformité furprenantes, & toujours remplis
de la même matière qui domine dans les contrées
où on les trouve. Dans les pays de craie, ils
font* remplis de craie ; dans ceux de fable on n’y
trouve que du fable. Enfin, ces coquillages n’y
ont point remonté eux-mêmes en faifant ufage
de leurs forces, parce que l’on rencontre partout
des amas purs & fimples de femences & d’embryons
de coquilles , & des efpèces qui ne fe
déplacent jamais, qui vivent & meurent où elles
font nées , c’eft-à-dire, fur 1rs rochers & dans les
rochers mêmes, & dansles pierres où on les trouve
préfentement, telles que les dails & furrout les
coraux, les madrépores Srles autres pôlipiers de
toute efpèce.
Ferai-jé le déshonneur à mon fiècle de réfuter
deux autres opinions fur les coquilles foffiles', qui
ont été reçues en leur tems, & qui peuvent encore
avoir quelques fe&ateurs Tune, que ces coquilles
font des jeux de la nature ; l’autre , qu'elles,
font les reftes de la table des délicats des fiècles
paffes. Je ne réfuterai pas même le fyftème ab-
furde de Woodward, qui, d’après d’excellentes
obfervations , n en. a tiré que dés conféquences
aufli déraifonnables dans leur genre , que le font
les deux opinions burlefques dans le leur. Je:crois
même que ces idées n’ont été reçues dans les der^
niers tems que parce que ,-pour ne point admettre
l’ancien état de nos continens fous les mers, état
que tous ces phénomènes prouvent d’une manière
fi éclatante, mais qui fembknt détruire,des éta-
bliffemens religieux , on ne pouvoit prendre d’autre
parti que de forcir des bornes de la raifon & de
O o o o