
cru devoir adopter dans leurs differentes expéditions.
Les galiotes des chaffeurs font conftruites
a Okhotsk ou a JSfei^ehnî - Kamtchatka. Le gouvernement
, voulant encourager le commerce des pelleteries
3 a donné des ordres aux commandans de
ces deux villes 3 pour qu’ils favorifaffent ‘ autant
qu’ils le peuvent les aventuriers qui entreprennent
ces expéditions. Les objets qu’on fauve des bâ-
time'ris de' tranfport qui font naufrage affez fou-
vent , fervent ordinairement à former les équi-
ages des galiotes des chaffeurs 5 ce qui diminue
eaucoùp les frais d’armement : quant aux matelots
3 ils conviennent de recevoir une certaine
part dans les profits. O11 doit3 d’après cela, prendre
une idée de ce qui concerne les vaiffeaux & les
équipages.
La cargaifon eft compofée d environ cinq cents
livresde tabac> d’ un quintal de grains de verroterie^
d’ une douzaine de haches, de quelques couteaux de
mauvaife qualité, d’un nombre immenfe de pièges
pour prendre les renards, de beaucoup de faumon
féché & falé ; d’ ure petite provifion de jambons,
de beurre , avec quelques fa es de riz & de farine
de froment qu’on diftribue aux gens de l’équipage
les dimanches & les jours de fêtes , car on ne les
accoutume pas à manger du pain tous les jours. On
leur fournit en même tems des carabines , de la ;
poudre & des balles pour leurs diflFérens befoins. j
Etant ainfi équipés , les chaffeurs mettoient eo-i
mer 3 & , dès qu’ ils arrivoieni dans une île- des
Aléoutes 3 il avaient coutume de prendre un certain
nombre de femmes & d’hommes pour leur
fervir d’otages. A préfent ils s’emparent des villages
3 & après avoir halé leur galiote fur la plage,
ils diliribuent les pièges aux infulaires , pour qu’ ils
puifïent prendre des renards 5 enfuîte ils envoient
des gens de divers côté s , les uns pour chercher
des bois de chauffage, & les autres pour pêcher
& chaffer les animaux marins. Quelques chaffeurs
ne fe contentent pas des fecours qu’ ils trouvent
dans certaines îles 5 ils paffent dans les îles vote
fines , & exigent les plus grands travaux de la part
des infulaires , qu’ils chargent de ce que leurs expéditions
ont de plus pénible , pendant qu’ils fe
livrent à l’indolence 5 ils diftribuent aux femmes
une petite quantité de ce qu’ils appellent les articles
de commerce, afin de s’affurer de leur attachement
j & les hommes font quelquefois récompensés
d’une pénibfe journée de travail par
une feuille de tabac.
Depuis que Schelikofa formé un établiffement
à Kadiak, aucun autre aventurier n’a ofé faire d’expédition
à l’eft des îles Schoumagin. Il efl à croire
que le navire de YOukhanin fera le dernier bâtiment
qui tentera une expédition dans les îles Aléoutes ,
pour en rapporter des pelleteries : il eft probable
qu’il n’y a guère trouvé que des renards qui, à la
vérité 3 y font encore fi communs, que, quand jl
fait froid , ils entrent la nuit par troupes dans les
villages- pour ÿ trouver quelque proie.
Si l’on formoit par la fuite le projet d’obtenir
du gouvernement ruffe un privilège exclufif pour
faire le commerce des îles aléoutiannes , & qu’on
l’obtînt 3 on ne pourroit s’y livrer que dans le cas
où 3 la rareté des pelleteries augmentant, lefuccès
des expéditions rendroic nécèffaire une augmentation
de capitaux pour découvrir de nouvelles
fources de commerce, & alors il eft à préfumer
que les dire&eurs des nouvelles compagnies fe-
1 oient forcés d’envoyer leurs navires fur les côtes
du continent de l’Amérique j & fi ces longues
traites ne donnoient pas des profits proportionnés
aux frais qu’elles occafionneroient, on ne peut
douter qu’ ils n’abandonnaffent entièrement leurs
fpéculations pour jouir tranquillement des avantages
qu’ils auroient obtenus des premières.. D’ après
ces confidérations , on peut prévoir que les
habitans des îles aléoutiannes feront rendus à leuE
état naturel, duquel les opérations du commerce
des Ruffes les ont fi étrangement écartés.
ALÉOUTIANNES 3 Aléoutes ou A leu-
ti ânes 3 fuite d’ îles qui font à l’eft de la prefqu’île
de Kamtzchatka, & qui forment une chaîne entre
l’Afie & l’Amérique. Ces îles méritent de notre
part la plus grande attention, tant par leur pofi-
tion relative, que par leur conftitution phyfique:
Outre cela, comme nous les avons connues fous
deux époques*différentes j nous croyons devoir en
parler en deux articles féparés, qui comprendront
des détails différens : ils nous paroiffent trop in-
téreffans pour être réunis, & pour ne pas attendre
de nouvelles expéditions maritimes, qui mettront
la vérité dans tout fon jour.
ALEUTIANES. Ce s îles nous font préfentées
d’abord fous la forme d’un croiffant, & comme
partagées en trois groupes; celui des Aleudanes,
puis les Andréanoffskies , enfin les îles du Renard.
Nous mettrons à la tête des Aleudanes les îles
'de Béring & de Mednoi ou de Cuivre, ainfi que
deux autres peu confidérables : ces dernières font
â environ cent cinquante verftes à l’eft de l ’embouchure
de la riviere de Kamtzchatka. Celle de
Béring eft à la latitude de cinquante-cinq degrés,
C ’eft H que le grand navigateur de ce nom fit
naufrage en novembre 1741, au retour de fes découvertes
en Amérique, & périt après avoir effuye
les plus cruelles infortunes. La plus grande partie1
de fon équipage mourut du feorbut. Le naturalifte
Steîler, un de ceux qui furvécurent, gagna le
Kamtzchatka au mois d’a-oût 1742, dans un petit
vaiffeau conftruit des débris du navire naufragé.
L’ile de Béring a environ foixante-dix ou quatre-
vingts verftes de longueur : elle confifte en hautes
montagnes de granit, hériffées de rochers & dé
pics, & qui, vers les promontoires, fe changent
en pierres calcaires. Toutes jes vallées font dirigées
du nord au fuel. Les amas de fables, formés
par les eaux de la mer dans leur plus grande élévatlon
, les bois flottés & les fquetettes d’animaux
marins, fe trouvent à une grande di fiance du riv
age, & à trente braflës de hauteur perpendiculaire
au défit» du niveau a&uei de l’Océan dans
lès grandes marées : ce font des monutnens & des
‘preuves vifîbles des violentes inondations prod
u its dans ces nre-î s p.?r quelques arcerdens, dont
• irons ne connoiffonsni testantes météoriques ni les
époques. Si l’on ajoute à cel^ le travail desplutes
& l’effet ptvi'ffant des gelées, qui font éclater &
tomber‘les roch rs de là côte, & précipiter chaque
fennéè' de grandes tmffes de pierres dans la
mer, on aura une idée des à gens qui changent
fans ceffe la forme de l’île. On peut aifément fe
' perftiader que les autres îles font dans le même cas.
fl eft donc très-probable que ces îles ont grar
duellenrent diminué, & que pat conféquent la
communication a été anciennement plus facile,
d’un continent à l’autre, avant que les deftruc-
tions opérées par la fuite des fïècles, les ravages
•des feux fouterrains'& d’autres cataftrophes aient,
"par des progrès plus o ù moins rapides, diminué
i'étendue & peut-être le nombre des îles qui forment
la chaîne dont nous allons parier. On ne
peut douter enfin que les côtés de l ’Afie iraient
‘éprouvé de même de' grands -ch an genre ns, fi l’on
en juge par les traces vifîbles des divers éboule-
rnens que produit chaque jour l’aétion des flots,
fait dans les marées ordinaires, foit dans les ouragans
que ramène fréquemment l’hiver de ces
contrées.
L Jî!e Béring offroit, dans le terns de fa découverte
, de nombreux troupeaux de loutres de mer
qui difparurent en mars. Le veau marin ou’rfin
lèur fuccéd'a en auftî grand nombre, niais il quitta
cette terre à la fin d‘e mai. Le veau marin lion,
le grand veau marin & le manad y-étoiènt abon-
dans, & fourniffoient à la nourriture des malheu- i
feux naufragés pendant leur féjour dans l ’île. Ils j
y virent aufiî des troupeaux de renards arlîiques3 \
qui complètent la lifte de. tous les quadrupèdes
qui fréquent oient cette île. On y remarqua auflî
tous les oifeaux qui habitent les rochers du Kamtz-
chatka , &r les mêmes efpèces de poi fions qui remontent
dans les rivières de cette péninfule. Les
marées s’élèvent ici de fept à huit pieds, & te
fond de la mer, le long des côtes, offre des rochers
qui correspondent, tant par leur natore que
par leur forme, avec lés promontoires de riîle.
Enfin on Voit, dans la note buvante, le petit
nombre de plantes qui lui font propres , &: qu’ on
tria pas retrouvées au Kamtzchatka. Ces plantes,
avec quelques fautes rampans; forment la totalité
des végétaux qui ont été découverts dans l’île
Béring.
Ctrmpanula.-Gm>e l . Sibér. La campanule.
Leontodon taraxacunt. Dent de li'Ori Ou pifferilit.
Hieracium murotam. Herbe à Tépervier, des
mors.
Tanacvum vulgare. La tanafftevhlgaire.-
Gnapliali’um dioicum. L’herbe blanche.
Séneciô. Gmel. Sibér. Le féneçon.
Arnica montana. Bétoine des montagnes.
Mîd n o i ou île de Cuivre eft un peu au fnd-êft
de la précédente. Une grande quantité de cuivre
natif fe trouve dans un fehifte firüé au pied d’une
rangée de montagnes calcaires qui regardent l’eft ,
& peut fe recueillir en grandes maffes, que certains
naturalises ont cru avoir été fondues pat
Jes feux fouterrains > car cette île eft pleine de
monticules qui offrent à leuts fommets les formes
de cratères encore ouverts. On ne peut guère
douter que cette terre n’air effuyé plufieurs fe-
couffes de rremblemens de terre, qui m’aient contribué
à rifoler de plus en plus du continent &
des autres îles vorfines.
Parmi tes bois flottés qu’on ramaffe For les côtes
de certe île , on a difiingue des troncs de camphriers
& d’autres bois odorrféreus, que les natu-
raliftes attribuent aux'conransde l’Océan, qui ont
leur origine fur tes rivages du Japon. C ’eft ainfi
que dans une feule île on voit , furvant qu’on
peut être irtftruit, les monumens de plùneurs
agetis que la nature met en a^ion le long des
côtes orientales de I’Afie.
Aleutianes. Le groupe des îles Aleudanes
eft fitué dans la courbure du croiffant qtti occupe
à peu près le milieu du canal ouvert entre l’Afîe
& l’Amérique , latitudecinquante-deux degrés
trente fécondés, & â la diftance d?environ deux
cents verftes de Y île de cuivre. On n’y a reconnu
jufqu’ à préfent que les trois îles dA tto h , de
Schemija & de Semitchi. La première parott plus
grande que l’ îie Béring; mais elle lui reffemble
ainfi que les deux autres, & quant aux différens
matériaux qui les 'conflittient, & quant à leur
forme. Attah paroît être l’île que Béring nomma
le Mont-Saint-Jean. Ce s trois îles font habitées
par une nation qui parle un langage différent de
celui des peuples afiatiques du nord : elle paroît
être une émigration ou une colonie venue d’Amérique,
car elle parle un dialeéte de ce continent.
Ces'îles' furent découvertes en 1745, par Michel
NovodtJih'of} natif de Tobolsk, qui fit un voyage
aux frais d’une fociécé de marchands, pour la recherche
des pelleteries, le grand objet de ces navigations,
& des découvertes qui fe font dans
■ cette mer. Ce voyage fut marqué par d’ horribles
barbaries exercées fur tes pauvres habitans rie ces
îles. Il devoit y avoir à cette époque, ■ & quelque
tems après, de nombreux troupeaux d’animaux
marins. On cite à cette occàftèn des aventuriers,
qui tranfportèrent de ces îles-à Kamtzchatka les
peaux de dix-huit cent Foixantë-douze loutres de
nier, parmi lefqueïles il y avoit neuf cent quarante
femelles & fept cent quinze petits. Un autre
parti tua, fur une petite île adjacente à ces trois
premières, fept cents pères *ou mères de ces mêmes