
bords du fleuve de Saint-Laurent avec les terres
adjacentes , 8c qu’enfin ils fe portent vers l’oueft*
Voilà donc unefource très-probable de population.
Les Chçpewhians, au contraire, 8c les nom-
breufes tribus qui parlent leur langue, occupent
tout l’efpace entre le pays des Kriftinaux Sc celui
des ' Efquimaux, s'étendant derrière la côte des
naturels de l'Océan pacifique, au 52e. degré de
latitude feptentrionale, fur la rivière de Colombia.
Leur marche eft de l'oueft à l'eft, 8c, d'après leurs
propres traditions, ils viennent de la Sibérie. Ceci
rentre, comtiie on v o it, dans notre premier moyen
de population. Ce qui confirme leurs traditions,
c'en qu'ils ont confervé dans leurs moeurs & dans
leur manière de fe vêtir, beaucoup de conformité
avec les peuples qui fe trouvent aujourd’hui fur
les côtes de l'Afîe.
Quant aux autres habitans de la côte de la Mer
pacifique, no,us favons qu'ils font ftatîonnaires.
Mais les Nadovaff ou Affmibouels, auffi bien que
lès tribus qui habitent les plaines qu’on trouve à
la- foürce dés rivières qui naiffent dans ces contrées
, viennent de l'oueft & s'étendent au nord-
oueft.
D'après ces différentes dire&ions, il paroîtque
nous avons à peu près les traces différentes des
routes qu'ont fuivies les premiers peuplés qui font
venus occuper l’Amérique feptentrionale : je dis
a peu près, parce que nous njjvons qu’ une con-
noiflance très-imparfaite de cés contrées & de
leurs habitans. Mais comme le gouvernement des ;
Etats-Unis y a ordonné des recherches précifes
qui ont pour objet tout ce qui doit nous intéref- :
fe r , nous croyons que nous pourrons tirer de leurs
rëfultats des éclairciffemens particuliers fur le :
fujet qui nous occupe.
Américains. On a beaucoup écrit fur les peuples
qui habitent l'intérieur du nouveau continent:
on a même fait des fÿftëmes fur la conftitntion
phyfîque de ces peuples. Nous allons tâcher de
faire connoître ce qui concerne les différentes nations
qui occupent les contrées de l'Amérique les
plus remarquables & les mieux connues , pour
qu'on pufffe en prendre une idée générale plus
complète.
Quelques auteurs ont prétendu & avancé que
les Américains, quoique légers & agiles à la cotir-
fe , étoient deftitués de force; qu'ils fuccomboient
fous le moindre fardeau ; que lcrur ccmftittition
flegmatique étoit'caufe qu'ris n'avoient pas de
barbé, & que leur tempérament froid étoit la
caufe qu'ils étoient chauves ; que les mêmes hommes
qui n'ont pas de barbe ont, comme les femmes
, de longues chevelures, 8c qu'aucun Américain
n’avoft les cheveux crépus 8c 11e grifonnoit
jamais. D’après ces faits & d'autres auffi peu avérés,
ces auteurs en oht conclu que tous les Américains
étoient un peuple dégradé, tant pour le
corps que pour l'efprit. I
Cependant on ne peut pas fe dîffimuler que les
Caraïbes, les Iroquois, les Hurons, les habitans
de la Floride , du Mexique, du Pérou 8c des provinces
différentes de l'Amérique feptentrionale
ne foient des hommes nerveux, robuftes, fort
courageux, 8c même fe comportant avec beaucoup
plus d’intrépidité que l’infériorité de leurs armes
à celles des Européens ne fembloit le permettre.
11 eft vrai que, dans quelques contrées de l ’Amérique
méridionale, furtout dans les parties baffes
du continent, telles que la Guiane, l’Amazone,
les terres baffes de l’ifthme de Panama, les naturels
du pays paroiffent moins robuftes que les
Européens qu'on y a tranfportés; mais c'eft par
des caufes locales 8c particulières. A Carthagènë
les habitans, foit Indiens , foît étrangers, vivent
pour ainfi dire dans un bain chaud pendant fix
mois de l’é té ; une tranfpiratiori trop foi te leur
donne une couleur pâle 8c livide ; leurs mouve-
mens fe reffentent d'un climat qui relâche les
fibres : on s'en apperçoit même par les paroles
qui forcent de leur bouche à voix baffe 8c par
intervalles longs 8c fréquens. Dans la partie de
l'Amérique fituée le long des bords de l’Amazone
8c du Napo, les femmes ne font pas fécondes ,
8c leur ftérilité augmente lorfqu’on les fait changer
de climat : elles fe font néanmoins avorter
affez fouvent. Les hommes font fdibles 8c fé
baignent trop fréquemment pour pouvoir acquérir
des forces. Le climat d'ailleurs n'eft pas fain , 8c
les maladies coutagieufes y font fréquentes. Mais
on doit confidérer ces effets comme des exceptions
ou pour mieux dire des différences communes
aux deux continens ; car dans l’ancien le*
hommes des montagnes 8c des contrées élevées
font fenfiblement plus forts que les habitans des
côtes 8c des autres terres baffes. En général tous
les habitans de l'Amérique feptentrionale 8c ceux
des terres élevées dans la partie méridionale ,
telles que le nouveau Mexique, le Pérou, le
C hili, 'étoient des hommes peut-être moins agif-
fans., mais auffi robuftes que les Européens. Nous
favons, par un témoignage refpeétable, qu’en
vingt-huit ans la population de Philadelphîe, fauS
fecours étrangers, a été doublée. Dans un pays
où les Européens multiplient fi promptement,0$
la vie des naturels du pays eft plus longue qu'âiî-
leurs, il n'eft guère poffible que les hommes dégénèrent.
On n’a trouvé que des hommes forts 8c robuftes
en Canada 8c dans toutes les autres contrées dé
1'Amériqae feptentrionale. Tous les Voyageurs
font d'aCcord là-deffus. Les Californiens, qui ont
été découverts les derniers, font bien faits 8c
robuftes : ils font plus bafanés que les Mexicaii si
quoique fous un climat plus tempéré; mais cette
différence provient, comme nous l'avons fait voir
ailleurs, ae ce que les côtes de la Californife
font plus baffes que les parties montagneufes du
Mexique, où les habitais ont d'ailleurs toutes
les commodités de la v i e , qui manquent aux
Californiens.
Au nord de la prefqu’île de Californie s’étendent
de vaftes terres découvertes par Drake en
1578, auxquelles il a donné le nom de Nouvelle-
Albion , 8c au-delà de ces terres découvertes par
Drake le trouvent, dans le même continent,
d'autres terres vues par Martin d'Aguilar en 1603.
Enfin cette longue lifière de côtes a été reconnue
en plufieurs endroits, depuis le40e. degré de latitude
, jufqu'au-delà du 6 j e. , c ’eft-à-dire , à la
même hauteur que les terres de Kamtzchatka, par
les capitaines Tfchirikov/ & Beering. Nous en
avons parlé dans d’autres articles de ce Dictionnaire
, d’après le dernier voyage du capitaine
'Coock. Il paroît, d’après ces différens voyageurs,
que les habitans de la partie de l’Amérique la plus
voifine de Kamtzchatka font auffi fauvages que les
.Koriaques 8c les Tfchutskis : leur ftatifre eft avantageuse;
ils ont les épaules larges 8c rondes, les
cheveux longs 8c noirs, les yeux noirs, les lèvres
greffes, la barbe foible 8c le cou court. Leurs
culottes 8c leurs bottes, qu’ils font de peaux de
veau marin, 8c leurs chapeaux faits de plantes
pliées en forme de parafais, reffembient beaucoup
a ceux des Kamtzchadales. Ils vivent, comme eux,
dé poiffons, de veaux marins 8c d’herbes douces
qu'ils préparent en même tems ; ils font fécher
l’écorce tendre du peuplier 8c du pin, qui leur
.fert de nourriture dans les cas de nécefiïté. Cette
même nourriture eft connue, non - feulement à
Kamtzchatka, mais auffi dans la Sibérie 8c la Ruf-
lie, jufqu'à Viatka,; mais les liqueurs fpiritueufes
8c le tabac ne font point connus dans cette partie
nord-oueft de l'Amérique. Voici encore les autres
caractères de reffemblance qui fe trouvent entre
les Kamtzchadales 8c les Américains. D’abord ces
deux fartes de peuples fe reffembient, i° . par la
figure; 20. ils mangent de l'herbe douce de la
même manière les uns que les autres; chofe qu’on
n’a pas remarquée ailleurs; 30. ils fe fervent de la
même machine de bois pour allumer le feu ; 40. ils
fe fervent de haches faites de pierres ou d’os;
leurs habits 8c leurs chapeaux ne diffèrent
aucunement; 6°. ils teignent les uns 8c les autres
Jes peaux avec la décoétion d'aulne; 70. ils portent
pour armes un arc 8c des flèches ; 8°. les
Américains le fervent de canots faits de peaux
qui,comme ceux des Koriaques 8c des Tfchutskis,
ont quatorze pieds de longueur : les peaux font
de chiens marins ; elles font teintes en rouge. Ils
fe fervent d'une feule rame, avec laquelle ils vont
contre les vents contraires. Leurs canots font fi
légers, qu'ils les tranfportent d’une feule main.
■ 9°. Quand les Américains voient aborder fur leurs
.côtes des gens qu'ils ne connoiffent pas, ils rament
vers eux : cet ufage eft auffi pratiqué par les
habitans des îles Kuriles.
Tels font les détails que nous ont fqurnis les
Ruffes fur les Américains de la côte occidentale
de ce continent ; mais M. Coock nous les a fait
connoître d une manière encore plus intéreffante,
8c nous fuivrons cet habile observateur dans ce
qu'il nous refte à dire fur les habitans de l'Amérique
feptentrionale.
A mérique. Ses montagnes 8c fes rivières.Nous
ne nous occuperons, dans cet article, que de con-
fidérations générales fur le Nouveau-Monde ,
d’abord des rivières de l’Amérique feptentrionale,
8c enfuite de fes montagnes.
L'Oregon ou la grande rivière de l’oueft, celle
de Bourbon ou du porc Nelfon, qui tombe dans
la baie d’Hudfon ; celle de Saint-Laurent , qui
coule à l’e ft, 8c le Miffiffipi, qui fe verfe dans le
golfe du Mexique, on t, à ce qu'on préteud, leurs
Sources fur un plateau qui n'a pas trente milles
d’étendue : l'efpace intermédiaire doit être la plus
haute terre de i'Amérique feptentrionale,d’où fe
prolongent des plans inclines jufqu'aux embouchures
de toutes ces rivières. On aplacécettehaute
terre à la latitude de 47 degrés, 8c à 9.8 degrés
de longitude , en partant du méridien de Londres,
entre un lac d’où coule l’Oregon, 8c un autre lac
nommé le Lac de VOurs blanc t d’où fort le Mit-'
fiflipi.
Cette terre haute fait partie des montagnes
brillantes qui appartiennent à la vafte chaîne qui
traverfe tout le continent de l'Amérique.: on peut
bien en placer le commencement à la terre de Feu.
Les montagnes des environs du détroit de Magellan
s'élèvent à une grande hauteur d'abor.d , en-
fuite elles forment, au travers des royaumes du
Chili 8c du Pérou, une chaîne continue qui fe
maintient dans le voifinage de La mer du Sud Fin,
plufieurs endroits leurs fommetsfant les plus élevés
qu’on connoiffe à la furface de la terre : il n’y en
a pas moins de douze, qui ont depuis deux mille
quatre cents, jufqu’au-delà de trois mille toifes au
deflus du niveau de la mer. La plupart de ces
montagnes font des volcans, ou aàuellcment enflammés,
ou anciennement éteints; 8c l’on doit
dire que ces hauteurs font un peu exagérées à la
faite des éruptions des volcans : mais indépendamment
de c e la , la bafe de ces piçs eft fort élevée
& forme une ch ine d’ une hauteur très-con-
fidéiable. Sur le côté.oriental de cette longue
chaîne eft une plaine d’une vafte étendue en longueur
8c en largeur. Plufieurs rivières, 8c furtout
celle des Amazones, raffemblent U s eaux de cette
plaine, 8c, parcourant enfuite l’ intervalle des plans
inclinés qui la fépatent d’un autre fyftème de
plaines qui bordent le rivage de la mer, elle arrive
au Pongo ,• enfuite elle coule fur un terrain plat,
revêtu de forêts jufqu’ à fan embouchure, où elle
reflemble à une mer qui communique à l’Océan
atlantique.
Dans l’hémifphère feptentrional, les Andes, qui
font le prolongement Sc la dégradation de la Cor-
dillière du P é ro u , traverfent l ’ftlhme étroit de
A n 2