
deric, affez fage polir fentir le befoin d’ètre éclairé
des confeils d’un auffi grand miniftre. Il rentra dans
l’exercice de fes emplois, & fut décoré du titre de
comte, qui étoit attaché à certains emplois, &qui
étoit anéanti lorfqu’on en étoit dépouillé. Ce nom,
depuis Conftantin, offroit les mêmes idées que
celui de miniftre ; & chez les Goths, les plus grands
fêigneurs étoient diftingués par cette dénomination.
Après avoir confacré les plus beaux jours de
la vie aux foins de l’empire, il fe retira dans un
jnonaftère de la Calabre pour travailler à l’oeuvre
de fon fidut. Il y jouit de cette aifance voluptueufe
qui infpire bientôt le dédain ou l’oubli de ces plai-
iirs tumultueux que l’on goûte dans le fàfte des
cours. Des réfervoirs peuplés de poiffons lui pro-
curoient les amufemens de la pêche ; des fontaines,
des lacs & des rivières lui fourniffoient des bains
lalutaires ; & lorfqu’il avoit goûté ces plailirs in-
nocens, Ion efprit trouvoit des alimens dans une
bibliothèque nombreufe & choifie. Ce fut dans cette
retraite qu’il compofa fes Commentaires fur les
Pfeaumes & fes lnflitutions des divines Ecritures,
pour fervir de règle à fes moines dans leurs études.
Il prefcrivit aux folitaires qui n’avoient point de
goût pour les lettres, de tranfcrire des livres qui
traitement de l’agriculture &dujardinage.On a encore
de lui une chronique & des traités philofophiques :
ion ouvrage le plus eftimé eft fon traité de Pâme;
le ftyle en eft fimple. Quoique les anciens écrivains
jproiffent ignorer le temps de la mort & l’âge des
trois CaJJîodores, l’auteur du nouveau Diêlionnaire
hifiorique allure que le dernier mourut en 562 , âgé
de plus de quatre-vingt - trois ans. Le marquis de
Maffei fit imprimer, en 1721,1m de fes ouvrages,qui
n’avoit point encore vu le jour, il eft intitulé Caf
fiodori complexiones in aêla, epiflolas apojlolorum &
Apocaïipfim.
Je crois pouvoir inférer dans cet article quelques
traits qui caraâérifent Héliodore, qui étoit delà
famille des CaJJiodores. Il fuffit de tranfcrire l’éloge
qu’en fait, dans une de fes lettres, Théodoric, roi
des Goths , qui l’avoit eu pouf compagnon dans fon
enfance. Sa famille eft, dit-il, connue dans tout
l’Orient par fon mérite, qui eft fon bien héréditaire.
.Nous l’avons vu pendant dix-huit ans exercer
dans cet empire la charge de préfet du prétoire,
avec un défintéréffement qiai caraéférifë tous les
CaJJioddres qui ont brillé fuccefîivement dans le
fénat de Rome, & dans celui de Conftantinople.
Eft-il une nobleffe plus pure que cèlle qui a illuftré
l’un & l ’autre empire*? Héliodore a vécu dans
l’Orient avec toute la fplendeur d’un premier ma-
giftrat, & toute la modération d’un fimple particulier.
Quoiqu’il fût fupérieur à tous par la naiffance,
il favoit defeendre de fon rang pour fe rapprocher
de fes fubalternes ; fa fimplicité modefte lui ga-
gnoit tous les coeurs, & prévenoit l’envie ; de forte
que ceux qui n’étoient pas dépendons de fes ordres ,
lui devenoient fournis par la reconnoiffance des
bienfaits qu’il répandoit fur eux. Il étoit fi riche,
qu’il entretenoît plus de chevaux que fon prince ;
mais l’envie lui pardonnoit fo-n opulence, parce qu’il
favoit en ufer. Sa libéralité fut une vertu héréditaire
, il donna à la poftérité les exemples qu’il avoit
reçus de fes ancêtres; & i l remontoit tous les ans
la cavalerie des Goths à fes propres frais. ( T -N . Y
C A S S I U S , (C aïus Cassius Longinus)
(Hiß. Rom. ) c’efi celui qui fut nommé avec Brutus
fon ami, le dernier romain. Il devoit la vie à Céfar
& la lui ôta. Antoine dit même, dans la Mort de
Céfar, que ce di&ateur avoit confervé deux fois la
vie à Cafjîus. Ce fut Cafßus qui pour préparer la
perte de Céfar, dans lequel il ne voyoit que le
deftru&eur de la liberté romaine, anima Brutus par
ces billets qu’il fit trouver au pied de la ftatue ou
de Pompée ou de l’ancien Brutus, & qui lui reprochoient
fon inaâion & fon fommeil. Un des
conjurés ne trouvant point de place pour frapper
Céfar , parce que tous vouloient le frapper à la
fois, frappe, dit Caffius, frappe le tyran , fut-ce à
travers mon corps !
A la bataille de Philippes, Cajßus défait par Antoine
, tandis que Brutus rèmportoit une vi&oire
complette fur Oélave, crut les affaires de fon parti
défefpérées, & fe tua ou fe fit tuer par un de fes
affranchis, ce fut l’an 42 avant J. C.
Velleïus Paterculus faifant le parallèle de Brutus
& de Caffius, dit que le premier étoit-plus homme
de bien, & le fécond plus grand capitaine, qu’on
devoit préférer d’avoir Brutus pour ami & craindre
davantage d’avoir Cafßus pour ennemi. Fuit dux
Caffius melior quantb vir Brutus ; èquibus B rutum
amicum habere malles, inimicum magis timeres Caf-
fium : in altero major vis , in altero virtus. Vell.
Paterc. hift. lib. 2 , cap. 72.
Environ quatre fiècles & demi auparavant, &
dès les commencemens de la république, un autre
Cajßus ( Spurius Çaffius Vifcellinùs ) vainqueur des
Sabins, trois fois conful, deux fois triomphateur,
une fois général de la cavalerie, âccüfè d’afpirer à
la royauté, fut précipité du roc Tarpeïen.
Horace, dans la dixième fatyre du livre 1 , parle
d’un Cajßus Parmenfis, de Parme ou d’Etrurie ,
écrivain fécond,
Etrufcl
Quale fuit Cafjt rapido Jèrventius amni
Ingenium j capjis quemfama eft effe 3 librifque
Anibuftum propriis»
Ce Cajßus Parmenfis fut du nombre de ceuy-qui
confpirèrent contre Céfar ; après la mort de BrutuS
& de Caffius, il fuivit le parti du jeune Pompée,
puis celui d’Antoine; il fut toute fa vie ennemi
déclaré d’Augufte, qu’il affuroit être petit-fils d’un
boulanger. Après la mort d’Antoine il alla chercher
un afyle dans Athènes ; Augufte Py fit tuer par
Varus, qui Payant trouvé dans fon cabinet au milieu
de les livres & de fes écrits, en fit un bûcher
für lequel il jetta fon corps pour ]e brûler,
L’ode fixième du cinquième livre d’Horace éfl
faite contre un Cassius Severus, orateur & accusateur
célèbre. Ses accufations réulfiffoient mal, les
accufés étoient toujours renvoyés abfous. C’eft ce
■ qui donna lieu à un bon mot ou calembourg d’Au-
gufte. Ce prince faifoit conftruire un Forum, & fe
plaignoit des longueurs de l’architefte qui ne l’aclie-
voit pas. V ülem y difoit-il, forum etiam meum a c c it-
ftjfet Caffius. On voit bien que Caffius na pas accuje
mon forum. Pourquoi ? — J am abfolutum ejfet. Il
feroït abfous , c’eft-à-dire achevé ; le mot latin ayant
les deux fens d’abfoudre & d'achever.
•j Cassius Avidius, célèbre capitaine romain, qui
vivoit du temps de Marc-Aurèle, & qui ayant été
falué empereur en Syrie, fut tué au bout de trois
mois par trahifon, fa tête fut envoyée à Marc-
Aurèle, Pan de J. C. 175.
Cassius Scceva, foldat de Céfar, diftingué par
fa valeur, qui obtint plus d’une fois.des éloges &
■ des récompenfes de ce général.
Cassius. V e y e ç Dion.
C A S T A L IO N , (Sébastien) (Hiß. mod.)
Voye%_ Calvin. Le vrai nom de Caflalion etoitCha-
teillon. Né en 1515 , mort en 1563. On a de lui
divers ouvrages théologiques & polémiques. -
CASTEL, ( Louis-Bettrand) ( Hiß. litt.mod. )
Le père Caflel, jéfuite. On a donné en 1763 un
petit livre intitulé : Efprit, faillies & fingularitès du
p'ere Caßel. Ce titre eft analogue au génie du père
Caßel. L’éditeur donne ün abrégé de la vie de ce
jéfuite, laquelle fe réduit aux liâifons qu’il a eues
avec M. de Fontenelle, le P. de Tournemine,M.
l’abbé de Saint-Pierre & M. le préfident de Mori-
tefquieu. Quant aqrefle, le P. Cdflel naquit à Montpellier
le 11 novembre 1688 , entra chez les jéfuites
le 16 oéfobre 1703 , vint à Paris vers la fin de 1720,
& y mourut le 11 janvier 1757. Il étoit de la fo-
ciété royale de Londres, de l’académie de Bordeaux
& de celle de Rouen. On connoît fon traité de la
pefantéür, fa mathématique univerfelle, fon ingé-
nieufe invention du clavecin oculaire, fes divers
écrits fiir ou contre le Newtonianifine, &c. Il travailla
long-temps aü journal de Trévoux, où on
compte trente-huit morceaux de lui , parmi lefquels
on difiingue fur-tout les anaiyfes de la Théodicée de
Leibnits. On trouve auffi vingt-deux lettres ou dif-
fertations du même auteur dans le Mercure.
L’éditeur de l’efprit dii P. Caßel convient que ce
jéfuite étoit fbuvent dominé par l’imagination ; que
tout philofophe géomètre qu’il vouloit être ( &
qu’il étoit, félon l’editeur ) » il a de temps en temps
a» paffé la ligne que lui traçoit la géométrie, tant
» pour le fond des chofes que pour la manière de
y les dire «. Mais il foutient que quand le P. Caflel
a pu retenir fous les loix de la raifön cette puifrance
d ’imaginer qui étoit en lui dans le dégré le plus
éminent, il n’a dit que du vrai, v> & ce qui eft
a très-digne de remarque , ajoute-t-il, il l’a dit du
® %rie le plus attrayant & le plus convenable «.
Pour attrayant, le ftyle du P. Caflel l’eft prefque
toujours.
Pour convenable, il ne l’eft prefque jamais.
Q uoi, par exemple, de moins convenable que
ce ftyle?
• » Le péché d’Adam n’eft venu que de ce qu’E ve ,
« formée pour vivre en fociété avec Adam feul,
» entra en fociété de railbnnement, de philofophie
” & de théologie avec les bêtes, avec la plus mé-
» chante de toutes, avec le ferpent. Le ferpent
» étoit le démon fans doute, & n’en étoit pas moins
» bête pour cela , aux yeux d’Eve au moins, qui
” en fut pourtant la bête ce jour-là : tant les bêtes
» peuvent déniaifer les hommes !
Y a-t-il encore'bien de la convenance dans toutes
les parties de cette énumération des avantages de
la fociété ?
n Elle nous donne des tailleurs qui nous habil-
» lent, des cordonniers qui nous chauffent , des
» marchands de toutes fortes, des médecins, des
y hôpitaux, des prêtres qui nous baptifent, nous
» prêchent, nous abfolvent, nous enterrent, 6c
» nous- mènent en paradis comme par la main
Sous la plume d’un autre écrivain que le P. Caflel,
ce dernier trait n’auroit-il pas l’air d’une ironie in-,
décente & irréligieufe ?
En général le ftyle du P. Caflel eft v if, franc ,*
naturel, naïf même: il n’eft jamais tourné, jamais
arrangé, il s’élance du coeur avec tranfport, il
conferve toute l’énergie du fentiment. C ’en le langage
, ce font fouvent les idées d’une femme d’ef-
prit, qui fait fentir , peindre & ne fait pas écrire.'
Le P. Caflel ri’écrit point, il répand fon ame, il
lajffe couler fans méthode & fans réferve les tor-
rens de fon imagination. Sa véhémence, fon incor-
re&ion, fes négligences font piquantes, pittoref*
ques, quelquefois baffes & voifmes du burlefque :
il amüfe, il entraîne, il fait rire, il touche, &tout
cela fouvent dans le même moment. Il a du moins ,
comme M. de Marivaux, dont il eft d’ailleurs très-
différent , l’avantage d’être plus original, plus lui-
même d’avoir une phyfionomiede génie plus marquée
, plus cara&érifée, que le commun même
des bons écrivains. lie ß fou, difoît M. de Fonte-
nelle, & c'efl dommage, mais je l'aime encore mieux
original & un peu fou , que s'il étoit fage fans être
original.
Le P. Caflel penfe beaucoup & fouvent très-bien.
» Une découverte, dit-il, eft un microfcope qui
v rend vifibles mille objets qu’on avoit fous les
» yeux, & qu’on croit avoir toujours vus , parce
’> qu’on voit nettement qu’on les avoit fous les
» yeux«.
« Dans toute nouveauté, dit-il encore, de quel-
» que efpèce qu’elle puiffe être , il y a toujours la
» partie du mal entendu & celle de l’imagination ,
” qui tiennent long-temps en échec les plus utiles
» inventions. Il n’y a que la religion où les nou-
» veautés foient pofitivemèm mauvaifes , & tout
i » le monde y court »,
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