
Pape fans népotifme »
Auteur fans vanité ;
En un mot, homme , que ni l’efprit > ni le pouvoir n’ont ru
-.gâter ; |
Le fils d’un miniftre favori,
Qui n'a jamais fait la cour à aucun prince ;
Ni révéré aucun eccléfiaftique ,
Offre, dans un pays proteftant, libr^ ,
Cet encens mérité ,
Au meilleur des pontifes romains«
Il y a deux papes Benoit XIII, l’u n , qui eft
'dans la fucceflion légitime de Rome , étoit de la
inaifon des Urfins : il fut fait pape le 29 mai 1724,
& mourut le 21 février 1730.
L’autre n’appartient qu’à la fucceflion d’A vignon
, dans le temps du grand fchifme d’occident,
8c n’eft regardé que comme un antipape ; il fe
nommoit Pierre de Lune ; il étoit Efpagnel ; après
la mort de Clément V I I , compétiteur d’Urbain
•VI, & auteur du Schifne d’occident , il fut élu en
1394 par les cardinaux d’Avignon, qui, étant en
France & fous la proteâion de Charles V I , auraient
bien dû au moins élire un François ; ils
auraient dû plutôt n’élire perfonne, & ne point
donner de fuccelfeur à Clément VII , puifque
Charles VI , qui vouloit ''éteindre le fchifme, le
leur avoit défendu ; ils fe contentèrent de tirer
de Pierre de LuHe la promeffe de fe démettre de
la papauté, fi cette démiflion étoit jugée nécef-
faire pour mettre fin au fchifme ; elle fut jugée
néceffaire, & Benoît ne fe démit point ; il amufa
long-temps Charles VI & les autres princes chrétiens
, qui avoient adhéré à la fucceflion d’A vignon
; la forbonne, l’univerfité de Paris, tout le
clergé de France ; à la fin tout le monde l’abandonna
, Charles V I le fit enfermer , les- conciles
de Pife 8c de Confiance le déclarèrent fchifma-
tiquè , 8c le déposèrent de la papauté ; il fut en
horreur à toute la chrétienté. Le célèbre Gerfon
avoit dit depuis long-temps, qu’ il n’y avoit qu’une
éclipfe DE CETTE LUNE F AT J LE qui put rendre la
paix à l’églife. Un mathurin françois prêchant en
public, poufloit le zèle contre cet antipape , juf-
qu’à dire qu’il aimerait mieux baifer le derrière,
de la vieille la plus fale, que le vifage de Pierre
de Lune ; quod anum fordidijjimcz Oma^ar'uz ofculari
mallet quant os Pétri de Lunâ. Benoît s’étant fauvé
de fa prifon 8c retiré dans une petite ville du
royaume de Valence , nommée Panifcola, feül
contre l’églife entière, y rendit avec ufure à
tous fes ennemis leurs excommunications 8c
leurs anathèmes. Il mourut en 1424 dans fon
obfiination , à l’âge de quatre-vingt dix ans; 8cs’il
étoit compté parmi les papes légitimes , il démentirait
lè mot qu’on dit aux papes à leur inftalla-
tion : Non videbïs annos Pétri, il y avoit trente
ans qu’il étoit élu. En mourant il engagea deux
feuls cardinaux qui lui refioient attachés, à lui
donner un fuccefleur; au lieu de nommer un d’en*
tr’eux , ils élurent un Arragonnois, chanoine de
Barcelone, nommé.Gilles Mugnos , qui voulut fe
croire pape légitime , 8c qui prit le nom de Clément
V I I I , porté dans la fuite par un vrai pape ,
du nom d’Aldobrandin , élu le 30 Janvier 1^92.
Benoit eft encore le nom de plufieurs favans qui
méritent qu’on en faffe mention.
19. ( Jean-Baptifle ) mathématicien du quinzième
fiècle , natif de Florence. C ’eft lui, félon M. de
Thou , qui a rétabli la Gnomonique en europe.
20. Jean , curé des Innocens à Paris, auteur de
la Bible, dite de BenediEli, c’eft-à-dire , de notes
fur la bible, qui ont été plufieurs fois réimprimées,
né en 1483 , mort en 1573.
30. René, curé de Saint - Euftache , confeffeur
de Marie Stuart, reijie de France 8c d’Ecoffe ,
puis de Henri IV , à la converfion duquel il avoit,
dit-on, contribué, nommé à l’évêché deT ro y e s ,
ne put obtenir de bulles, à caufe d’une tradudion
de la Bible, qu’il avoit publiée en 1566, que la
forbonne avoit cenfurée en 156 7, 8c que le pape
Grégoire XIII avoit condamnée en 1575. -On lui
trouvoit de la reffemblance avec celle de Genève.
On a de René Benoît quelques autres ouvrages
de piété , aujourd’hui peu connus , mort en
1608. .
40. Elle 9 françois réfugié , miniftre réformé ,
auteur d’une hiftoire volumineufe de l’édit de Nantes,
& de quelques autres ouvrages de parti , né
en 1640, mort en 1728.
5°. Le père Benoît , favant maronite , né en
Phénicie en 1663 , inftruit à Rome dans le collège
des maronites , 8c enfuite député de l’églife des
maronites- d’Antioche auprès du pape. Il le fit jé-
fuite à quarante-quatre ans. Ce fut lui qui apprit
au cardinal Quirini les langues orientales, mort
en 1742.
BENSERADE, ( I sa a c d e ") {H if . litt. mod.)
étoit né dans la religion proteftante, comme fon
nom de baptême, tiré de l’ancien teftàment, le
fait connoître ; mais il n’y fut pas élevé , fon
père s’étant fait catholique peu de temps après la
naiflance d’Ifaac. Lorfque celui-ci fut confirmé à
fept ou huit ans, l’évéque" lui demanda s’il ne
vouloit pas changer fon nom juif pour un nom
chrétien : Volontiers , dit-il, pourvu qu’on me donne
du retour. Eh ! bien, dit l’évêque , laiffons - lui'fon
nom y j ’ai un prejfentiment qu’il le rendra illuftre.
Il paraît que Benferade fe piquoit de naiflance; il
en eft parlé dans le difcours de réception de M.
Pavillon, fon fuccefleur, à l’académie françoife,
8c dans un difcours de l’abbé Tallemant qui fert
de préface aux oeuvres de Benferade. 11 paraît qu’il
fe donnoit une origine maurefque, en prétendant
que fon nom de Benferade étoit une corruption de
celui d’Abencerage. Il parloit d’un de fes ancêtres
chambellan de Louis X I I , gouverneur du château
de Milan, tué en 1512 au fiège de Ravenne. Ce-
B E N
pendant on dît dans le Mcnagiana, qu’il étoît fils
d’un procureur de Gifors, 8c il n’en: pas démontré
que le Mcnagiana ait tort. Il étoit parent des
Vignacourt 8c des la Porte, par fa mère , qui étoit
une la Porte. Benferade fe trouvoit par elle appartenir
au cardinal de Richelieu, qui, moitié pour
cette parenté, quoique conteftée , moitié par le
cas qu’il faifoit de fes talens, lui avoit donné une
penfion. A la mort du cardinal, il lui fit cette
épitaphe burlefque:
Cy-gît, oui, g!c par la mort-bleiÿ
Le cardinal de Richelieu :
Ec ce qui caufe mon ennui,
Ma penfion avec que lui.
ï l fe trompoit ; l’intention de la famille étoit de
lui continuer cette penfion en faveur de la parenté
prétendue ; mais madame la duchefle d’Aiguillon
crut devoir punir l’indécence de cette plaisanterie
fur la mort d’un bienfaiteur par le retranchement
de cette penfion ; le cardinal Mazarin , & dans la
fuite Louis XIV l’en dédommagèrent magnifiquement
, & Benferade fut un bel efprit fort riche. Il
dut fa réputation & fes fuccès aux vers qu’il fit
pour les perfonnes de la cour qui danfoient dans
tes ballets du roi ; il confondoit d’une manière infénieufe,
& dont il étoit l’inventeur, le caraâère
l les actions de ces perfonnes, avec le caraâère
& les aâions des perfonnages qu’elles repréfen-
toient. » Rien de plus admirable, dit Perrault,
w que la finefle des louanges qu’il donne à ces
»» perfonnes-, fans s’adreffer à elles. Le coup porte
py fur le peribnnage & le contre-coup fur laper-
p> fonne : ce qui donne un double plaifir en don-
9) nant à entendre deux chofes à la fois, qui,
#» belles féparément, deviennent encore plus belles,
t> étant jointes enfemble «.
Tels font, par exemple , ces vers pour Louis XIY
repréfentant Apollon. M. de Voltaire les a rapportés
»dans le fiècle de Louis XIV:
Je doute qu’on le prenne avec vous fur le tou
De Daphné, ni de Phaëton ,
Lui trop ambitieux ^ elle trop inhumaine«
Il n’eft point là de piège oti vous puifficz donner ;
Le moyen de s'imaginer
Qu’une femme vous fuie , & qu’un homme vous mène.
Tels font encore ces vers pour le duc de Saint-
îAignan, repréfentant Guidon le Sauvage :
Les combats que j’ai faits en l’ifle dangereufe ,
Quand dp tant de guerriers je demeurai vainqueur ,
Suivis d’une épreuve amoureufe
.Oat fignalé ma force aufli bien que mon coeur..',.
Seul contre dix guerriers, feul contre dix pucclles,
C’eft avoir fùr les bras deux étranges querelles.
. Qui'fort à fon honneur de ce double combat ,
p o ix être, çc me femble , un tçrriblç fpldai.
B E N y p j
( Voyez à l’article Beauvillier enfans de ce duc de Saint-Aignan, &le cneolmui bdrees d aef-s, faflins dont il triompha feul. )
Benferade eut encore beaucoup de réputation
pour les bons mots 8ç les reparties promptes 8c
plaifantes. On en a retenu plufieurs.
» Il y eu t, dit M. de Fontenelle, une contef-
» tation- de généralité entre M. Racine & M. l’abbé
». de Lavau , à qui ferait le fervice de, M. Cor-
» neille, parce qu’il paroiflbit incertain fous le
» direâorat duquel il étoit mort. ( Corneille étoit
mort pendant la nuit, d’un trimeftre à l’autre.)
» La chofe ayant été remife au jugement de la
» compagnie, M. l’abbé de Lavau l’emporta, 8c
» M. de Benferade dit à M. Racine : Si quelqu’un
» pouvoit prétendre à enterrer M. Corneille , c’étoit
» vous ; vous ne l’ave^pas fa it ».
Un homme de la cour étoit foupçonné d’imppiP
fance , & Benferade l’en avoit fouvent raillé ; cet
homme lui dit un jour d’un air triomphant : Eh l
bien , monfeur s malgré toutes vos mauvaifes plaifan-
teries , voilà ma femme accouchée. ‘— Monjîeur, lui
répondit Benferade , vous change£ l’état de la quef-
tïon y on n’a jamais rien reproché à madame votre
femme.
Voye^-vous cet homme, difoit Benferade en parlant
d’un homme taciturne, il ne dit rien , mais il
n’enpenfe pas plus.
Une perfonne qui avoit la voix belle, mais'
l’haleine forte, ayant chanté devant lu i, iî dit que
les fons étoient les plus beaux du inonde , mais
que l’air ne valait rien.
Il venoit de dilputer avec un évêque nommé au
cardinalat, 8c qui reçut la barette peu de temps
apres : J'étois bien fou , dit - i l , de difputer contre
un homme qui avoit la tête f i près du bonnet.
Le plus mauvais de ces mots, 8c trop indigne de
tous les autres , eft celui qu’il dit prefqu’en mourant
: fon médecin lui ayant ordonné une poule
bouillie, pourquoi.du bouilli, dit-il, quand je fuis
frit? Voilà à quoi on s’expofe, quand on feconfiv
titue difeur de bons mots.
Un jour, étant à l’opéra dans la loge de Moniteur
, Madame lui demanda quelle différence il y
avoit entreles dryades & les hamadryades ? il n’en
favoit rien , & ne voulut pas relier court. La même,
dit-il, qu’entre un évêque & un archevêque. Le mot
réuflit beaucoup, 8c un homme de la cour pré-
fentant à Madame un jeune eccléfiaftique pour lequel
il vouloit Tintéreffer , lui dit : Voilà de quoi
faire une dryade & une hamadryade , quand votre,
alteffe voudra l’entreprendre.
On connoît la fameufe difimte des Uranins ou
| Uraniens 8c des Jobelins , au lu jet du fonnet $ Uranie
de Voiture, 8c du fonnet de Job de Benferade.
Le foyer de la querelle étoit à l’hôtel de Condé ;
M. le prince de Conti jugea en faveur de Job, en
difant :
L’un eft plus grand , plus achevé ,
1. Mais je voudrais avoir fait l’autre.
Ff f f 4
III
i-S