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craignit que pendant Ton abfence , fes fujets ne
initient Jacob , fon frère , fur le trône ; il le fit
étrangler, 8c introduit ou confirma, par cet
exemple , l’ufage de cette précaution dénaturée.
Chalcondyle dit que cet ufage étoit déjà établi
parmi les princes de fa nation.
Quoi qu’il en foit, la rapidité de fes conquêtes
le fit furnommer X E c la ir . En 1391, 1392 8c 1393,
il enleva aux chrétiens la Bulgarie, la Macédoine,
la Theflalie ; fes fuccès en Ane ne furent ni moins
prompts ni moins considérables. La terreur de
ion nom fe répandit par-tout & ne fit que lui
fufciter plus d’ennemis. En Europe , l’empereur
des Grecs, Manuel Paléologue , 8c le roi de Hongrie
, Sigifmond, qui fut depuis empereur d’Oc-
çident, firent une ligue , & proposèrent une croi-
fade.contre Baja% et. La France fe joignit à eux,
& Jean , comte de Nevers , qui fut depuis le
cruel duc de Bourgogne Jean-, leur mena un fe-
cours de deux mille gentilshommes d’élite. B a ja ç e t
vint à leur rencontre & gagna fur eux, en 1396,
la bataille de Nicopolis en Bulgarie. Il alla enfuite 1
mettre le fiège devant Conftantinople , qui ne
de voit tomber fous la puiflance des Turcs que
vers le milieu du fiècle fuivant, & qui ne devoit
céder qu’à Mahomet II. Le maréchal de Bouci-
çaut eut l’honneur d’en faire lever le fiège à B a -
, à qui les princes Afiatiques avoient de leur
côté fiifcité un nouvel ennemi, plus redoutable
que tous les autres ; c’ell le célèbre Tamerlan ,
roi desTartares. B a ja ^ e t , enivré de fes fuccès,ne
comprit pas d’abord combien cet autre conquérant
méritoit d’être ménagé ; il reçut avec mépris une
ambaflade que Tamerlan lui avoit envoyée ; il
fallut en venir aux mains, & B a ja ^ e t perdit la
bataille, près d’Angouri ou Ancyre , en 1402.
Muftapfea, fon fils aîné , fut tué dans la bataille,
jB a ja ç e t fut fait prifonnier. Il parut devant fon
vainqueur la confufion fur le vifage & la rage
dans l’âme ; on dit , que Tamerlan lui demanda
comment il l’auroit traité s’il l’avoit vaincu ; ( c’é-
toit en quelque forte le rendre maître de fon fort)
& que Bajaçet, emporté par fa fureur & mettant
une grandeur féroce à braver .fon ennemi jufques
dans fon triomphe, lui répondit : Je t’auroïs enfermé
dans une cage de fer. C ’étoit prononcer fon arrêt,
êc cet arrêt fut exécuté contre Bajaçet. Suivant divers
auteurs que Racine a fuivis, la femme de cet
empereur tomba aufli entre les mains de Tamerlan
& fut traitée en captive, & c’eft depuis ce
temps que les empereurs des Turcs ont rarement
voulu fe marier.
Oui, je fais que depuis qu'un de vos empereurs ,
Baja^et, d'un barbare éprouvant les fureurs ,
Vit au char du vainqueur fon époufe enchaînée ,
Et par toute l'Afie à fa fuite traînée ,
Pe l’honneur Ottoman fes fuccefieurs jaloux,
Ont daigné rarement prendre le nom d'époux»
B A I
On dit que Baja^et fe caffa la tête de défefi
poir contre les barreaux de fa cage en 1403.
Cette avanture de Bajaçet & #de Tamerlan a
beaucoup de reflemblance avec celle de Valérien 8c
de Sapor, 8c peut-être les'circonftances ont-elles été
bien altérées dans l’une & dans l’autre hiftoire. M.
Petis de la Croix,qui fe fonde furies auteurs arabes 8c
perfans, prétend que Bajaçct mourut d’apoplexie
dans le camp de Tamerlan, 8c il n’eft pas trop
vraifemblable non plus, que Sapor ait eu la lâche
barbarie de faire écorcher vif 1111 empereur fon
prifonnier, après s’être fervi de fon corps comme
d’un marche-pied pour monter à cheval. La févé-
rité de Tamerlan à l’égard de Bajaçetj eft plus
motivée par la réponfe de celui-ci à la quefiion
de Tamerlan ; mais il n’eft guère vraifemblable
que Bajaçet ait fait cette réponfe à une quefiion
qui lui ouvroit une voie de falut; il eût plutôt
répondu comme Porus à Alexandre, en roi.
Au refie, ce Tamerlan n’étoit pas fi barbare.'
Avant de marcher contre Bajaçet i il lui avoit envoyé
une ambaflade, avec des propositions de paix.
La queftion qu’il lui fit après 1 avoir vaincu 8c
l’avoir fait prifonnier , paroifloit tendre à le rendre
l’arbitre de fon fort, 8c il ne manquoit point de
philofophie, s’il efi vrai que plaifantant fur ce
qu’il étoit boiteux 8c fon ennemi borgne , il ait dit :
Qu'eft-ce donc que ces grands empires de la terre qui
paffent f i facilement d’un borgne à un boiteux ?
BAIF. (Lazare 8c Jean-Antoine) (Hiß. mod.\
; Les commencemens en tout genre font fi intérêt
fans, que ce nom de B a ïf a une forte de célé*
brité ; c’eft un mauvais poète , mais c’eft uii
dés pères de notre poéfie il étoit contem*
porain, ami 'Sc compagnon d’études de Ronfard ;
il eut à-peu-près les mêmes défauts avec moins
de talent : il voulut introduire dans les vers frân-
çois la mefure des vers grecs 8c latins , tentative
plufieurs fois hafardée fans fuccès. Il devroit être
plus connu pour avoir été le premier qui ait établi
à Paris une efpèce d’académie de mufique ; fes
concerts parurent une nouveauté fi heureufe 8c Si
intéreflante , que Charles IX êc Henri III fe fai-
foient un plaifir d’y aflifler. B aïf avoit vraifembla*
blement apporté cet art d’Italie, où il étoit né à
Venife pendant l’affibaSTade de Lazare Baïf, fön
père , confeiller au parlement, puis maître des requêtes
8c pourvu de plufieurs abbayes. Lazare étoit
aufli un homme de lettres, c’étoit fur-tout un fa-
vant : nous avons de lui deux doéles traités ; l’un
De re veftiaiiâ, 8c l’autre De re navali. François I ,
félon fon ufage d’employer par préférence des gens
de lettres dans les affaires, l’envoya ambaflàdeur
à Venife en 13.3 0. Jean-Antoine , dont nous venons
de parler , y naquit en 1532; il if étoit que
fils naturel de Lazare. Celui-ci était d’une famille
noble. Lazare mourut en 1343 , Jçan-Antoine en
i 59d‘-
* BAILLET, ( Adrien) ( Hiß. litt. mod. ) favant
vertueux-, né le 13 juin-1049 & la Neuville ^ village
B A I
lage près de Beauvais, fut élevé par ides Cordeliers ]
dont le couvent étoit voifin de ce village. Il prit
chez eux le goût de la retraite qu’il*porta depuis
dans le monde : il fut tenté de fuivre à la Trappe
un frère qui s’étoitjetté dans cette folitude auf-
tère ; on crut que fes connoiflances 8c fes talens
pourroient être utiles, 8c les fuperieurs ecclèfiaf-
tiques ( car il étoit engagé dans les ordres) opposèrent
en lui à ce goût de retraite, le goût non
moins dominant de l’étude, 8c le defir de fervir
l’églife ; il fut vicaire d’une petite paroifîe, après
avoir été régent d’une petite clafîe ; il eut encore
quelques autres emplois dont aucun ne le mettoit
à fà place ; enfin le favant Godefroy Hermant,
chanoine de l’églife de Beauvais , dont par recon-
noiflance il a écrit la vie , prefenta Baillet a M.
le préfident de Lamoignon, qui lui confia ce qu il
avoit de plus cher au monde , fes fils à élévér,fa
bibliothèque à enrichir ; dès-lors la deftinee de
Baillet fut fixée ; il paflà vingt-fix ans enfermé dans
cette bibliothèque , uniquement occupé de fes devoirs
, ne vivant que pour fon élève 8c pour fes
livres, folitaireau milieu du monde, fobre 8c frugal
au fein de l’abondance , fe prêtant à la Société
fans en prendre les moeurs, fans en connoitre la
diflipation. Quoique Baillet vivant toujours éloigné
des hommes, n’excitât point leurs paflions, 8c qu’ils
n’excitaflênfpoint les fiennes, la perfécution alla le
chercher jufques dans fa retraite ; il fut dénoncé a la
Sorbonne 8c à l’archevêque comme ennemi de la fu-
perfiition. Il l’étoit en effet, 8c q’étoit par amour
pour la religion ; à la fagacité de Bayle, à fa har-
diefle, fans fa témérité , il joignoit les lumières 8c
la piété des Tillemonts 8c des Fleuris ; il ignora
les difpofitions , les intrigues qui avoient préfidé à
ces mouvemens fecrets ; il plaignit l’erreur 8c le
faux, zèle 8c ne voulut pas voir l’envie cachée fous
ce mafque.
On prétend que les Jéfuites le perfécutèrent
même dans fon bienfaiteur, qu’ils ne purent pardonner
à un magiftrat élevé chez eux, d’avoir
donné fon fils à élever .à un homme tel que Baillet,
& qu’ils eurent aflez de crédit pour l’empêcher de
parvenir à la première préfidence comme fon
père.
Baillet fit pour l’érudition ce que Defcartes avoit
fait pour la philofophie, il la purgea de préjugés
& d’erreurs ; & plus réfervé que Defcartes ,. il
n’eut pas l’inconféquence de bâtir des fyftêmes
chimériques, après avoir détruit les chimères 8c
décrié les fyftêmes ; il appliqua aux recherches
hiftoriques ces deux grands principes de toute philofophie
8c de toute critique, le doute 8c l’examen;
il adopta la règle de ne regarder comme
certain que ce qui efi évident ou démontré ; il
fixa les bornes du vrai & du vrai-femblable, de
la fçience 8c de l’opinion ; il apprit à diftinguer ce
qu’on fait, de ce qu’on croit, 8c ce qu’on peut croire,
de ce qu’on doit feulement préfumer; il apprit à
ne rien admettre, à ne rien rejetter fans motif,
Hiftoire. Tom, I , Deuxième Part, •
B A I J 2 1
à pefer les témoignages, à calculer les dégrés d’au
torité ; il écarta les fables 8c le merveilleux ; i
ofa difeuter ces miracles trop multipliés par la fu
perftition , peut-être aufli trop légèrement nié
par l’incrédulité ; il marcha d’un pas ferme 8c sû
entre ces deux écueils, 8c ce qui peut prouve
qu’il fut obferver un jufte milieu, c’eft que fon
Siècle le taxa de hardiefle, 8c que le nôtre le ta-
xeroit de timidité.
Le plus vafte monument d’érudition 8c le plus
beau monument de critique qui nous foit refié de
Baillet, c’eft fon livre des vies des Saints avec tous
les traités qui accompagnent 8c complettent l’ouvrage.
Cette entreprife deinandoit autant de courage
qu’elle exigeoit de travail. Le titre feul étoit
un préjugé contre le livre. Tant de fables accumulées
dans tant de légendaires 8c d’agiographes,
avoient décrié ce genre aux yeux mêmes des
perfonnes plus pieufes que favantes ; il s’agifloit
de tenter une réforme ,qu’on jugeoit alors impof-
fible. Toutes les fources étoient pour le moins
fufpeéles ; les aéles des anciens martyrs, fidèlement
dreffés par 1 les premiers chrétiens , perdus
pour la plupart fous la perfécution de Dioclétien ,
avoient-été ou fabriqués de nouveau dans des
temps plus paifibles, ou étrangement falfifiés, foit
par le faux zèle de quelques catholiques, foit par
la mauvaife foi des hérétiques qui vouloient au-
torifer leurs erreurs du grand nom des premiers
fidèles 8c des premiers martyrs. Les moines , pour
accréditer leurs reliquesmultiplièrent lés faints
8c les miracles; de jeunes ©rateurs, pour s’exercer
à l’éloquence, compofoient des vies des faints , qui
n’avoient aucun fondement dans l’hiftoire, 8c que
peut-être ils n’avoient pas deflein de donner pour
véritables; mais qui, confondues par le temps avec
les autres légendes , ont trompé les agiographes
modernes. L’abus de ces amplifications facrées fut
même hpnoré d’une théorie particulière ; des rhéteurs
enfeignèrent l’art de drefler des aéles dçs
martyrs 8c de fabriquer des vies des faints, fe.lcxii
les règles de la vraifemblance. Ceux de ees auteurs
qui avoient peu d’imagination , fe çontentoient
d’adapter à un faint qu’ils célébroient ou qu’ils
créoient, les particularités connues de la vie d’un autre
faint, fource encore très-féconde de faints 8c de
miracles. Il s’agiflbit de fouiller cette mine, ingrate
êc ftérile, à force d’abondance ; il s’agifîoit de re -
cueillir le peu de vrai caché fous cet amas d’erreurs
8c de fables. Voilà ce que Baillet entreprit
8c ce. qu’il exécuta. Il répandit un jour nouveau
fur rhiftoire de l’églife. On trouve, foit dans fon
difeours préliminaire , chef-d’oeuvre d’érudition ,
foit dans le corps de fon ouvrage , l’hiftoire de
’ tous les ufages eccléfiaftiques relatifs au culte dçs
faints 8c à la célébration des fêtes, depuis l’origine
de ces ufages, jufqu’à leur dernier état ; on
1 y voit les modifications fucceflives qu’ils ont
éprouvées, 8c les caufes de ces modifications ; les
contçftations qu’ils ont fait naître , les diverfçç
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