
douze livres de poudre qu’on employoît pour 1
chaque coup , on pourront n’en employer que
huit fans en diminuer l ’effet. On écrivit contre
fon fyftême; mais foit que ce fyftême fut jufte
ou non , M. de Bélidor méritoit des récompenfes
pour avoir été utile ou pour avoir voulu l’être;
il fut puni ; on lui chercha des crimes , on jugea
qu’un fimple particulier n’avoit pas dû s’adreffer
directement au cardinal miniftre, qu’il auroit dû
faire paffer fes avis par tous les, dégrés de jurif-
diétion & de hiérarchie qui pouvoient les empêcher
d’être fuivis : en un mot, les nombreux ennemis
de l’économie triomphèrent & lui firent
perdre fa place.
Les étrangers voulurent profiter de la faute qu’on
faifoit en France ; M. de Bélidor fut incorruptible
& fidèle à fa patrie.
Dans la guerre de 1741 , il fervit en Bavière &
en Bohême ; il fut fait prifonnier à Lintz avec la
garnifon.
En 1744 il fuivit M. le prince de Conti en Italie.
La démolition de Démont fut fon ouvrage.
Les voûtes & les fouterreins fervirent -de fourneaux
, & la terreur que cette deftruétion imprévue
infpira pour lors, fervit encore en 1746 à réduire
Charleroy par un ftratagême. M. de Bélidor
avoit encore fuivi M. le prince de Conti en
Flandre. Dès les premiers jours du fiège il fit
connoiffance avec un curé du voifinage qui avoit
toute fa famille dans la place ; il parut s’attacher
à lui & prendre intérêt à fon fort. La confiance
's’établit ; M. de Bélidor avertit ce curé qu’on fe
difpofoit à traiter Charleroy comme on avoit traité
Démont, en employant à cette opération, ou plutôt
à cette deftruétion, les carrières de charbon
de terre qui s’étendent en effet jufques fous la ville.
Le curé avertit fes parens, ceux-ci leurs amis;
bientôt le fecret fut public comme on l’avoit déliré.
M. le prince de Conti, pour féconder ce ftra-
tagême & augmenter l’allarme, fit marcher vers
les bouches des carrières , des chariots couverts
qu’on crut chargés de poudre. La ville fe rendit;
les habitans, faifis d’effroi, ayanf forcé le gouverneur
à capituler.
Le reffe de la fortune de M. Ae Bélidor fut l’ouvrage
de M. le maréchal de Belle-Ifle, qui avoit
toujours rendu juftice aux taiens 8c aux fervices
de cet habile ingénieur , & qui étoit devenu fon
ami, parce qu’il avoit été le témoin de fon intelligence
8c de fon zèle,.
M. de Bélidor venoit d’être nommé profeffeurà
la Fère , & n’avoit encore que vingt - huit ans ,
lorfqu’il publia fon nouveau Cours de mathématiques
à Fufâge de F artillerie & du génie, qui fut adopté
dans toutes les écoles d’artillerie. Les additions
qu’on trouve dans l’édition de 1757 font de M.
Mauduit, profeffeur royal de mathématiques ,
membre de l’académie d’architechire , ami de M.
de Bélidor.
En 1728 parut l’ouvrage de M. de Bélidor , intitulé
: La Science des ingénieurs. Deux ans après ^
il publia le Bombardier français.
En 17 3 7 , il donna la .première partie de fon
ArchiteElure hydraulique ; la lecoRde a paru en 1750-;
la troifième en 1-753.
M. de Bélidor avoit perdu fa mère à trois mois , &
fon père à cinq ans. M. de Fofliébourg , officier
d’artillerie , fon parrain & ami de fon père, avoit
pris foin de fon enfance ; M. de Bélidor ne l’oublia
jamais, & quand il eut une fortune à offrir à
Mademoifelle de Fofliébourg , fille de fon. bienfaiteur
, il l’époufa en 1759. Il eft mort le 8 feptembre
1768.
BÉLISAIRE, ( Hiß. modF) général illuftre du
foible empereur Juflinien, eût luffi feul à rétablir
l’empire Romain dans toute fa grandeur & toute fa
puiflance, fi la jaloufie de fon maître n’eût arrêté
le cours de fes exploits. Un grand prince fait rendre
utile un grand homme , un prince foible hait &
craint un fujet qui le fert trop bien. La gloire de
Bélifaire fut la caufe de fes malheurs, & fa difgrace
eft aufli connue que fes victoires.
Il fit la guerre avec éclat & avec fuccès dans les
trois parties du monde. En Afie il vainquit Cofroès «,
dit le Grande roi de Perfie , & fon prédéceffeur Ca-
badès ou Kobad. En Afrique, il détruifitla monarchie
des Vandales, fit prifonnier leur roi Gilimer ,
& l’emmena en triomphe à Conftantinople. En Italie
, il ébranla, jufques dans fes fondemens, la monarchie
des Goths ; il parcourut l’Italie avec la rapidité
d’un torrent : il paroît en Sicile, il foumet
Catane, Syracufe , Palerme ; court à Naples, le
prend ; paffe à Rome, & en envoyé les clefs à l’empereur;
bat Vitigès, l’afliége dans Ravenne, le fait
prifonnier, & le mène .aufli à Conftantinople ; il
repouffe les Huns qui avoient fait une irruption dans
l’empire : par-tout habile, par-tout heureux, rem-
pliffant l’univers de fa gloire, chef adoré d’une armée
viétorieufe, qui ne connoiffoit que lui, & qui
n’eftimoit ni n’aimoit l’empereur, il eût pu fe faire
roi d’Italie, On affure que les peuples lui en offrirent
la couronne & qu’il la refufa. On lui fit un crime
d’avoir pû l’accepter, & fa gloire çaufa fa difgrace.
Cette difgrace paroît certaine ; mais ce qu’on raconte
de l’excès où elle fut portée , n’eft pas fans
incertitude. Quelques hiftoriens prétendent qu’elle
ne dura qu’un an, que Bélifaire fut rétabli dans fes
emplois & fes .honneurs, & mourut à Conftantinople
dans toute fa grandeur & toute fa gloire. L’opinion
qui paroît avoir prévalu, peut-être parce
qu’elle offre un tableau plus frappant de la fragilité
des grandeurs & de la puiffance, & un plus beau
contrafte de gloire & d’infortune, d’élévation &
d’ahaiffement, c’eft que Bélifaire- eut les yeux crevés
, & tomba dans un tel excès de misère, qu’il
mendioit fon pain dans les rues de Conflantinople,
en difant : Donne^.Faumône au pauvre Bélifaire, à
qui F envie a crevé les yeux ; d’autres le font encore
plus malheureux, en ajoutant à la perte de fes dignités
& de fes biens, à la perte de la lumière, celle
B E L
de la liberté. On dit qu’on montre encore à Conftantinople,
fur lé bord de la mer, une tour qu’on
appelle la tour de Bélifaire, 8c qu’on prétend avoir
été fa prifon, d’où .il invitoit, dit-on., les paffans, à "
mettre une obole dans, un petit fac attaché au bout
d’une corde. Sa difgrace eft de 561, il mourut en
565*. Le cours de fes exploits & ae fa gloire , remplit
environ trente ans depuis 530, jufqu’en 560.
M. Marmontel a encore ajouté à la réputation de
ce grand homme, par fon roman moral & philo-
fophique de Bélifaire.
BELLARMIN, (Robert) (Hifl.lit. mod.') jéfuite,
puis cardinal, controverfifte fameux, le plus ardent
& le plus favant de tous les défenfeurs des opinions
ultramontaines.il put par-là plaire aux papes ;
mais il déplut tellement à tous les fouverains, qu’il
ne put jamais être canonifé, malgré tout le crédit
de la fociété des jéfuites, & malgré tous les eftprts
qu’ils firent à diverfes reprifes, fous les papes Innocent
XII, Clément IX & Benoît X IV p o u r procurer
cet honneur à la mémoire de Bellarmin. La
canonifation du cardinal Bellarmin, ouvrage difficile
! a dit M.. le Beau ; le traité Ae Bellarmin) de
F Autorité temporelle du pape, contre Barclay, a été
flétri par le parlement de Paris en 1610 . & en 1761.
Son ouvrage le plus confidérable eft fon corps de
-Controverfes, dont la meilleure édition eft celle de
Prague, 1721 , 4 vol. in-folio.
Ses autres ouvrages ont été recueillis & publiés
à Cologne, en 1619, en 3 vol. aufli in-folio.
Confidéré comme auteur , fes ouvrages font décriés
dans l’efprit des François,. & de tout citoyen
de tout état, par les préjugés ultramontains, &
aux yeux des fa vans de ce fiècle, par' le défaut de
critique ; mais de fon temps c’étoit un favant redoutable
aux proteftans, & eftimé d’eux.
Confidéré dans fes qualités perfonnelles, c’étoit
un eccléfiaftique régulier & vertueux ; le pape
Clément VIII lui ayant donné l’archevêché de Ca-
poué en 1601, il s’étoit livré à tous les devoirs de
î’épifeopat o rnais le pape Paul V , fucceffeûr de Clément
, ayant témoigné le défir de le retenir auprès
de fa perfonne , pour l’employer aux affaires de l’é-
glife, Bellarmin rèmit fon archevêché, fe livra entièrement
aux affaires, & ne les quitta que pour le
retirer dans la maifon des jéfuites,- où il mourut,
en 1621. Il étoit né en 1542 , à Monte-Pulciano; il
étoit entré dans l’ordre des jéfuites à l’âge de 18
ans, & avoit été fait cardinal en- 1599. Sa v ie ,
écrite en Italien, par un auteur nommé Jacques Fu-
ligati, a été traduite en françois, & a paru en 162c,
in-S°.
BELLAY, ( d u ). (Hifî. de Fr. ) ce nom, d’une
très-ancienne maifon de la province d’Anjou, a produit
beaucoup de défenfeurs utiles à l’état; entre autres
Hugues V I I , tué avec Bertrand, fon fécond fils,
à la bataille d’Azincourt ; Jean I I , fils ainé de ce
Hugues, tué à la bataille de Crevant ; Pierre, troi-
fiéme fils, tué à la bataille deVerneuil; mais c’eft
fùr. - tout du temps de. François I , que tous les ^
B E L j %
du Bellay furent illuftres, & donnèrent le plus grand
éclat à leur maifon. en joignant les taiens de la littérature
à ceux de la guerre & de la négociation.
On peut dire de Martin & de Guillaume du Bellay-
Langey, auteurs de mémoires qui rempliffent tout
le règne de François I,
François, vous favez vaincre 8c chanter vos conquêtes.
S’ils ont rendu de grands fervices, ils ont fû le?
faire valoir ; mais l’hiftôi,re du temps leur eft favorable,
Si confirme leurs récits. C ’eft une belle chofe'
que la vigilance & le mélange de prudenee & d’ac^
tivité avec lequel Martin du Bellay, en 1542, garantit
Turin des entreprifes des ennemis. Guillaume-
de Langey paroît encore lui être fùpérieur par fes-
négociations délicates & périlleufes, en Angleterre,
en Efpagne , en Allemagne, dans un' temps où le
droit des gens étoit fi peu refpeété T que le duc de
Milan faifoit trancher la tête à un amBaffadeiir françois
, 8c que le marquis du Guaft en faifoit affaf-
finer deux, comme Langey fut l’en convaincre T
malgré toutes fes dénégations ; l’hiftoire' vante en
mille ©ccafions, ainfi que fes mémoires , fon courage
, fon activité, fon intelligence dans les affaires r
fa profonde connoiffance des intérêts des princes ,
fon art d’être préfent, pour ainfi dire, à tous lé?
confeils 8c à tous les événemens, par des efpioiis
bien payés & fidèles, jufqu’à favoir,dit Brantôme,-
« les plus privés fecrets de l’empereur & de fes gé--
» néraux, voire de tous les princes de l’europe,,
j> dont l’on s’étonnoit fort, & Ton penfbit qu’il eût
jj- un efprit familier qui le fervît en cela . .. . . ^
jj En quoi j’ai oui conter à M. le cardinal du Bellay
jj fon frère, qui étoit un autre maître homme en
j> tout, quelque prélat qu’il fu t , que bien fouvent
jj mondit fieur de Langey, étant en Piémont, man--
jj doit & envoyoit au roi avertiffement de ce qub
jj fe faifoit ou devoit faire vers la Picardie ou la-
jj Flandre ; fi que le roi qui en étoit voifin 8c plus
jj près n’en favoit rien ; 8c puis après , en venant à
jj favoir le vrai, s’ébahiffoit, comment il pouvoit
jj découvrir ces fecrets. jj Langey avoit d’ailleurs-
un caractère infinuant & obligeant , qui lui avoit
fait des amis utiles dans toutes les cours où il avoit
négocié ; il avoit tous les taiens de l’homme de
guerre & de l’homme d’état. Avec quel zèle défin-
téreffé, généreux, n’employa-t-il pas tous ces. ta--
lens, tous fes -amis, tout fôn bien, tout fon être
au fervice du roi & de la patrie ! L’honneur de les:
fervir lui parut mériter les plus grands faerifices.-
Lorfqu’il prit poffeffion du gouvernement de Piémont,
foible récompenfe dé fes fervices, on le vit
nourrir à fes dépens & fur foii crédit, toute cette
province, que les guerres avoient ruinée.- Martin
du Bellay ) fon frère & fon héritier, paya à un feul
homme jufqu’à cent mille francs de cette glorieufe-
dette, contractée pour le bien de l’état, & rendit-.
avec joie à Langey le noble témoignage qu’/7 na
lui ckalloit de la dèpenfe moyennant quil f i t fervice
à fon pririce