
Divion avoua fou crime ; 'tous ceux qui avoient
«il part à cette fourberie, prétendirent avoir cédé
aux promeffes, aux menaces, aux bienfaits , &
en effet quel autre motifauroient-ils pu avoir?
t Une particularité affez étrange de ce procès,
c eft qu on força le confeffeur dû comte d'Artois
de rendre témoignage contre lui. Des doâeurs &
<les jurifconfultes décidèrent que ce confeffeur
pouvoit & devoit tout reveler , & pour achever de
le déterminer, l’evêque de Paris le menaça de la-
queftion.
II.ne tint pas à Philippe de Valois que fon beau-
frere ne s épargnât Finfamie de fon arrêt. Avant
de laiffer agir la juftice| il follicita par fa franchife
la confiance de Robert, il l’avertit que fes titres
étoient faux, qu’il en avoit la preuve ; il le conjura
de renoncer à fa prétention : Robert pouffa l’in-
iolence jufqu a le défier indirectement. Valois,
après un premier mouvement de colère, dévora
•cette infulte, le plaignit, l’avertit encore, le fit
avertir par tous fes amis, & ne l ’abandonna qu’à
J extrémité ; on s’étonna de la patience que témoigna
dans cette affaire ce roi impétueux ; on s’étonna
de l’endurciffement du comte d’^rroi*. La
preuve du faux eut tout l’éclat qui pouvoit la*rendre
humiliante pour ce prince. La Divion avoua
tout devant lui, en préfence du roi & des juges;
elle recommença l’opération à leurs yeux , pour
montrer comment elle l’avoit faite. Le comte d’^r-
iois ne fe rendit point eneore.
. Enfin, comme il étoit temps de prononcer, le
procureur du roi ( on appelloit ainfi alors .le procureur
général ) demanda publiquement au comte
d’Artois s’il prétendoit encore fe fervir de ces tir
très ? Robert embarraffé de cette queftion préfi
x é , fortit pour délibérer avec fon confeil ; il
rentra peu de temps après dans la falle , & déclara
qu’il renonçoit à ces titres, qui alors furent lacérée
folemnellement en fa préfence, & en apparence
de fon confentement ; mais, dès qu’il fut éloigné
de la cour, il changea de langage.
Il ne faut pas diffimuler une obje&ion affez forte
que M. Villaret fait très-bien valoir. Outre une
foule de témoins pris parmi des gens de pratique
& parmi des gens du peuple, il y avoiî un autre-
ordre de témoins,* que leurs noms , leur rang'
leur âge même fembloiênt mettre aiï-deffus du
foupçon. C ’étoient de vieux chevaliers ou écuyers
qui dépofoient d’un fait comme l’ayant feulement
entendu dire. On trouve parmi eux des Mailiy,
& dès de Fienne. Leur âgé eft de 63 , 65, 70 ,
75 r 8° ans.; ils déclarent avoir oui dire, quarante
ou cinquante ans auparavant, que Robert I I avoit
cédé à Philippe , fon f ils , la propriété du comté d’A rtois
, pour lui & pour fes hoirs. u Ces témoins, dit
” M. Villaret, ne font point rappellés dans le juge-
” ment, leur témoignage ne parôît avoir aucune
» liaifon avec l’impofture de la Divion ; la Divion
ne les accufa ni dans .le cours du procès ni à1
» la mort ; Qn ne procéda point contr’eux », Parmi i
ces témoins il y a un Pierre de Machaus, qui avoit
été chargé par le roi Louis - le - Hutin, d’arrêter
Enguerrand de Marigny, & qui, le jour du fup-
plice de ce miniftre , fut envoyé à Montfaucon ,
pour l’interroger fur l’affaire de VArtois.; il rapporte
la réponfe d’Enguerrand , il marque le .temps
& le lieu où elle a été faite , il nomme les per-
fonnes^ préfentes à cette réponfe, & cette réponfe
eft qu en effet .Robert I I avoit donné le comté
d'Artois à Philippe fon fils , père de Robert, &
que l’évêque d'Artois eft en état de le certifier &
d’en rapporter les preuves. Que penfer après cela
de cette affaire ? Les titres véritables de Robert
d Artois avoient-ils difparu par une manoeuvre concertée
entre Mahaud, l’évêque d’Arras fon miniftre
Enguerrand de Marigny. ? Etoit-ce pour
remplacer ces titres véritables qu’il en avoit produit
dé fuppofés, comme, un homme qui oppoferoit une
quittance fauffe à un billet faux, & qui , par ce
cercle dimpoftures rentreroit dans la juftice & .la
vérité ? Obfervons cependant que la dépofition de
Pierre de Machaus pourroit bien être dans le cas
de ne rien prouver, précifément parce qu’elle
prouveroit trop ; que la conformité parfaite de
cette dépofition avec l’impofture de Robert 8 Artois
& de la Divion, les rapports marqués de cette
même dépofition avec la fauffe lettre de! l’évêque
d’Arras, font des circonftànces bien fufpeftes. Nous
■ avons remarqué que la lettre de l’évêque d’Arras
ne défignoit celui qui avoit jetté.au feu l’expédition
gardée en France, que fous le titre .d’un de nos
grands feigneurs. On avoit réfervé vraifemblable-
î ment à la dépofition de Pierre de Machaus de
I nommer ce grand feigneur, & la connivence eft
j au moins très-probable. Ces confédérations paroiff
J avoir échappé à M. Villaret. Ajoutons que fi
i Phiftoire âvoit pu nous inftruire des liaifons de ce
| témoin avec Robert d’Artois , ou avec fon parti a
cette dépofition nous furprendroife peut-être moins ;
ajoutons encore que le roi dont il parle (Louis
Hutin, ) étoit mort, que Marigny étoit mort, que 1 eveque d Arras étoit mort, que les autres témoins
1 qu’il cite, étoient peut-être morts au temps de la
dépofition dont il s’agit, ce qui acheveroit de là
rendre très-fufpefte.
La dame de Divion fut brûlée vive avec une
de fes complices, (arrêt du 6 oâobre 1331.) Une
telle rigueur peut étonner aujourd’hui, elle tenolt
à d’anciennes erreurs ; on n’avoit pas cru autre»
fois, qu’il fût poflible fans magie de contrefaire
des fceaux & des écritures. Ce fut la forcière qu’on
brûla en brûlant la. fauffaire. Elle expliquoit à la
vérité fon opération d’une manière naturelle ; mais
Jes préjugés qui fervoient de loix alors, rapportaient
à .,1a magie cette efpèce de crime. Aufli voyons-
nous que fes complices mêmes lui difoient qu’elle
f feroit arfe, qu’on la devoit ardoir.
Le comte 8 Artois, aufti coupable que la Divion,
puifqu’il avoit coatmandé & payé ce crime , ne fut
que banni du royaume, (arrêt du 19 mars 1332.)
Cettê différence dans la peine peut Venir aufti de
la différence de rang.
Obfervons cependant que les conclufions du
procureur du roi étoient à mort ; & , attendu l ’ab-
fence, au banniffement ; ce qui fembleroit prouver
qu’alors On ne condamûoit point à mort par contumace,
foit qu’On jugeât injufte de condamner
un homme à mort fans l’avoir entendu , foit qu’on
jugeât ridicule de rendre un arrêt fans pouvoir le
faire exécuter.
Robert d’Artois, réduit,au défefpoir, s’abandonna
aux fuperftitions les plu«, abfurdes & les plus criminelles
; également crédule & méchant, il fe
perfuada que des billets écrits d’une certaine encre
moitié ronge, moitié noire, auroient la vertu
d’affoupir ceux qui les liroient, au point qu’ils
pourroient être enlevés tout endormis & fans s’en
appercevoir. Il efpéra fe rendre maître par ce
moyen de tous fes ennemis. Plus atroce encore
dans fes ridicules projets de vengeance, ileffaya,
dit - on , d’affafliner, puis d’envoûter le roi, la reine,
8c leur fils aîné.
Il n’avoit pas attendu fon arrêt de banniffement
pour s’expatrier, il erra pendant quelques années
en diverfes provinces des Pays-Bas, d’où le roi,
par fon crédit, le força fouvent de fortir , puis en
Provence , où le roi voulut le faire.arrêter, vraisemblablement
parce que Robert travailloit partout
à lui fufciter des ennemis.
Enfin, Robert d’Artois alla porter fa honte &
Souffler fa rage à la cour d’Angleterre; il confirma
Edouard III dans la réfolution de réclamer le trône
de la France ; il s’offrit à. fervir cette injuftice,
dans l’efpérance de fe venger , & de chaffer de
l'Artois fon compétiteur, le duc de Bourgogne,
qui avoit époufé la petite fille de Mahaud. Philippe
de Valois écrivit affez inutilement au roi*
d’Angleterre & au fénéchai dé Gafcogne , pour
demander qu’on renvoyât Robert d’Artois en
France , fous bonne & fure garde, il n’obtint pas
même une réponfe. Alors Robert fut déclaré ennemi
du roi & de l’État. ( Lettres du 7 mtfs
13\ r - ) \
Sâ femme, quoique foeur de Philippe de Valois,
fut enfermée au château de Chi’non. Outre qu’elle
avoit partagé les crimes de fon mari, elle cher-
choit à exciter des troubles pour le fervir. Robert,
depuis fon banniffement, s’était hafardé à faire un
voyage fecret en France pour la voir, & prendre
des mefures avec elle.
Leurs enfans, innocens , furent enfermés à Nemours
, puis à Andely ; pour fervir d’otages.
Robert d’y^rioixafliégea Saint-Omer, il fut obligé
de lever le fiège, après avoir été battu fous les
murs de la ville , le 26 Juillet'1-340. Il* alla enfuite
fervir en Bretagne contre la France.. Afliégé dans
Vannes , il eft bleffé à un affaut; Vannes eft pris,
Robert fe fauve par une poterne & fe retire à
Hennebon , d’où les bleffures l’obligent de paffer
en Angleterre pour être à portée des fecours ; il
ftiôiiflit dans le" trajet, ou à fori arrivée à Londres
; (1342) il mourut chargé de là haine des
François oc peu regretté des Anglois , qu’il avoit
engagés dans une guerre funefte à tous les partis;
exemple déplorable des crimes & des malheurs où
peuvent entraîner l’ambitiori & la vengeance ! Si
ce prince, dépouillé de l’héritage de fes pères par
une loi rigoureufe , peut-être injufte , peut-être
mal appliquée, eût eu affez de grandeur pour fou-
tenir fon fort & fervir fa patrie , la France l’eût
plaint , admiré, récompenfé fans doute. Le roi
avoit plus d’un moyen de dédommager fon beau-
frère , & il avbit commencé à le dédommager.
Robert, par fon crime 8c par fa révolte, combla
lui-même fa difgrace. Iffu de tant de rois, fils ,-
petit-fils, arrière-petit-fils de héros'morts pour
la patrie , Robert à!Artois mourut en combattant
contr’elle avec la valeur de fes pères, & laiffa une-
mémoire infâme.
Ses enfans expièrent fes crimes & furent dignes
de leurs ayeux. Philippe & Artois, comte d’Eu ,
fon petit-fils 9 fut connétable de France fous Charles
V I , il fut fait prifonnier à la bataille de Nioopolis
en 1396, 8c mourut dans Ja Natolie , toujours
prifonnier, le 15 juin 1397.
Son fils Charles fut pris à la bataille d’Azincourt
en 1415 & conduit en Angleterre, où il refta prifonnier
jufqu’en 143 8. Charlçs VII le fit pair de
France en 1458, Louis X I , gouverneur de Paris
en 1465. Il mourut fans enfans le 25 juillet 1472 ,
& en lui finit la branche d'Artois.
Le comté d’Artois étoit refté à la maifon do
Bourgogne, qui s’éteignit en 1361 ; il fut poffédè
aufti par la fécondé maifon de Bourgogne, &
paffa par elle à la maifon d’Autriche , mais toujours
à la charge de l’hommage envers la France ;
l’époque de 1529 apporta un changement à ce
dernier article ; François I , par le traité de Cam-
bray, fut obligé de renoncer à toute fouverain été
fur la Flandre & fur Y Artois, & de céder à l’empereur
Charles-Quint, tous fes droits fur Tournay
& fur Arras.
Les événemens de la grande guerre de 1635,'
terminée en 1659 feulement, & fur-tout les traités
des Pyrénées ( 7 novembre 1659, ) & de Ni-
mègue , ( 17 feptembre 1-678, ) nous rendirent
Y Artois, qui depuis ce temps eft refté à la France
& qui fert actuellement de titre à un frère du
roi.
ARTORIUS, (Hiß. ancienne, ) chevalier romain,
dont Jofèphe rapporte l’avanture dans le
fixième livre de la guerre des Juifs, chap. 19 ; au
fiège de Jérufalem , il s’étoit engagé incorifidéré-
ment dans le haut d’un des portiques du temple ,
lorfqu’on y mit le feu ; il alloit être enveloppé
par les flammes, & n’avoit aucun moyen d’y échapper
, lorfqu’il s’avifa de crier à Lucius fon ami &
fon compagnon d’armes , qui étoit en bas & à
l’abri du danger, qu’il alloit fe jetter, & que fi
Lucius vouloit le recevoir daus fes' bras, il le fai-
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